Passage en diffusion gratuite de LCI et Paris Première

Décision de justice
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Le Conseil d’État annule pour un motif de procédure les décisions du CSA refusant le passage en diffusion gratuite de LCI et Paris Première.

> Lire la décision LCI (CE, 17 juin 2015, n°384826)

> Lire la décision Paris Première (CE, 17 juin 2015, n°385474)

L’essentiel :

  • Par deux décisions du 29 juillet 2014, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) avait refusé d’accorder à LCI et Paris Première les agréments qu’elles sollicitaient en vue de passer de la TNT payante à la TNT gratuite.

  • Le Conseil d’État annule ces deux décisions pour un motif de procédure : leurs études d’impact n’ont été publiées qu’en même temps qu’elles, alors que la loi prévoit une publication de ces études avant que le CSA ne prenne ses décisions.

  • Le CSA devra se prononcer à nouveau sur les demandes de LCI et Paris Première.

  • Le Conseil d’État précise à cette occasion que la procédure d’agrément spécifique pour les opérateurs de TNT payante désirant passer en diffusion gratuite ne méconnaît pas le droit de l’Union européenne, mais qu’il appartient au CSA d’examiner au cas par cas si le recours à cette procédure , qui ne peut être utilisée que pour répondre à un besoin d’intérêt général,   est ou non justifié.

Les faits et la procédure :

La société « La Chaîne Info » (LCI) et la société « Paris Première » avaient demandé au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) un agrément en vue de passer d’une diffusion payante à une diffusion gratuite. Ces demandes étaient présentées dans le cadre de la procédure spécifique par laquelle des opérateurs déjà présents sur la TNT payante peuvent demander à passer en diffusion gratuite, par dérogation à la procédure de droit commun qui prévoit que l’attribution d’une fréquence de TNT gratuite est faite après appel à candidatures (procédure « ouverte »).

Par deux décisions du 29 juillet 2014, le CSA a refusé de leur accorder les agréments qu’elles sollicitaient, au motif que cette modification risquerait de fragiliser et d’entrainer la fermeture d’autres chaines déjà présentes sur la TNT gratuite, portant ainsi atteinte au pluralisme des médias audiovisuels

LCI, d’une part, Paris Première et M6 (groupe auquel appartient Paris Première), d’autre part, ont demandé au Conseil d’État d’annuler ces décisions.

En parallèle de sa demande d’annulation, LCI avait saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une demande de suspension de la décision la concernant. Le juge des référés avait rejeté cette demande par une ordonnance du 23 octobre 2014 : il avait estimé que LCI n’était pas dans une situation d’urgence qui justifierait que la décision du CSA soit suspendue en attendant que le Conseil d’État se prononce définitivement sur sa légalité, au vu d’une instruction complète.

La décision du Conseil d’État :

Le Conseil d’État a tout d’abord examiné la compatibilité avec le droit de l’Union européenne des dispositions législatives qui organisent la procédure d’agrément spécifique pour les opérateurs de TNT payante désirant passer en diffusion gratuite (quatrième alinéa de l’article 42-3 de la loi n° 86-1067du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, créé par la loi du 15 novembre 2013). En effet, certains opérateurs de TNT étaient intervenus devant le Conseil d’Etat pour défendre les décisions du CSA et soutenaient que cette procédure était contraire à la directive « Autorisations » (directive 2002/20/CE du 7 mars 2002) et à la directive « Concurrence » (directive 2002/77/CE du 16 septembre 2002) : selon eux, le CSA devait, de toute façon, refuser les agréments sollicités par LCI et Paris Première, ne pouvant appliquer une loi contraire au droit de l’Union européenne.

Le Conseil d’État a réfuté cet argument. Il a souligné que la procédure spécifique d’agrément est objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, comme l’exige le droit de l’Union européenne. Il a ensuite rappelé que les directives imposent que le droit d’utiliser des fréquences de TNT ne peut normalement être accordé qu’à la suite de procédures ouvertes, c’est-à-dire avec appel à candidatures. Mais elles prévoient une dérogation, à titre exceptionnel : il est possible d’octroyer des fréquences sans recourir à une procédure ouverte lorsque cela est nécessaire pour atteindre un objectif d’intérêt général. Le Conseil d’Etat a donc jugé qu’il appartient au CSA, à chaque fois qu’il est saisi d’une demande d’agrément dans le cadre de la procédure spécifique, d’apprécier si l’impératif de pluralisme et l’intérêt du public justifient de recourir à cette procédure spécifique et si, en conséquence, l’on se situe bien dans le champ de la dérogation ouverte par les directives.

Le Conseil d’État en a conclu que les dispositions législatives qui organisent la procédure d’agrément spécifique pour les opérateurs de TNT payante désirant passer en diffusion gratuite ne sont pas contraires au droit de l’Union européenne. 

Le cadre juridique étant ainsi précisé, le Conseil d’État a examiné les décisions attaquées elles-mêmes. Il a relevé que les dispositions législatives organisant la procédure imposent au CSA de réaliser, préalablement à sa décision, une étude d’impact qui est rendue publique. Le législateur ayant ainsi voulu assurer la transparence de la procédure, l’étude d’impact doit être publiée avant que le CSA ne prenne sa décision, en temps utile pour que toutes les personnes intéressées puissent faire valoir leurs observations sur cette étude.

Or, en l’espèce, les deux études d’impact n’ont été publiées que le 29 juillet 2014, en même temps que les deux décisions du CSA. Ces deux décisions ont donc été adoptées à la suite d’une procédure irrégulière. Le Conseil d’État les annule pour ce motif.

Ses deux décisions étant annulées, le CSA devra se prononcer de nouveau sur les demandes de LCI et de Paris Première. Le Conseil d’État lui a d’ailleurs enjoint de statuer dans un délai de six mois sur la demande de Paris Première, cette dernière ayant présenté une demande en ce sens.

Pour procéder au nouvel examen des demandes de LCI et Paris Première, le CSA devra respecter ce qu’a jugé le Conseil d’État par ses deux décisions. Celles-ci  ne préjugent pas, toutefois, de l’issue du nouvel examen par le CSA.