Le juge des référés du Conseil d’État ordonne au maire de Fréjus d’autoriser, à titre provisoire, l’ouverture au public de la mosquée de Fréjus.
En 2011, l’association musulmane El Fath a obtenu un permis de construire pour l’édification d’une mosquée dans la commune de Fréjus. En 2014, le maire de Fréjus avait mis en demeure cette association d’interrompre les travaux mais le juge des référés du tribunal administratif de Toulon avait suspendu cette mise en demeure. L’association a ainsi pu achever les travaux de construction. Elle a alors sollicité du maire, notamment, l’autorisation d’ouverture du bâtiment (requise par les dispositions du code de la construction et de l’habitation relatives aux établissements recevant du public). En dépit de l’avis favorable de la sous-commission départementale de sécurité, le maire a rejeté cette demande le 5 août 2015, interdisant ainsi l’ouverture de la mosquée.
L’association El Fath a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon d’un « référé-liberté ». Cette procédure permet au juge administratif d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale, en cas d’urgence particulière et si l’administration porte à cette liberté une atteinte grave et manifestement illégale. Par une ordonnance du 17 septembre 2015, le juge des référés du tribunal administratif a relevé que le refus d’autoriser l’ouverture de la mosquée n’était fondé sur aucun motif légal et a suspendu la décision du 5 août 2015. Il a également enjoint au maire de réexaminer la demande d’autorisation d’ouverture de la mosquée dans un délai de quinze jours.
Le maire n’ayant pris aucune nouvelle décision sur cette demande d’autorisation, l’association musulmane El Fath et plusieurs fidèles ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon d’un nouveau « référé-liberté », en renouvelant leurs précédentes demandes. Par une ordonnance du 19 octobre 2015, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté ces demandes, estimant que la condition particulière d’urgence n’était pas remplie. L’association et les autres requérants ont alors formé un appel devant le juge des référés du Conseil d’État.
Dans l’ordonnance qu’il a rendue aujourd’hui, le juge des référés du Conseil d’État rappelle que les décisions rendues par un juge des référés sont des décisions de justice exécutoires et obligatoires : l’administration doit les respecter et corriger les vices des décisions administratives que le juge des référés a pris en considération.
En l’espèce, l’ordonnance du 17 septembre 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon n’a pas été contestée en appel et imposait au maire de Fréjus de réexaminer la demande d’autorisation d’ouverture de la mosquée. Par ailleurs, elle jugeait que le refus du maire d’autoriser l’ouverture de la mosquée ne pouvait légalement se fonder sur un motif de droit de l’urbanisme, puisqu’une décision sur l’ouverture d’un établissement recevant du public doit être fondée sur les règles propres à cette matière (prévues par le code de la construction et l’habitation) : le maire devait donc corriger ce vice. Le juge des référés du Conseil d’État estime, dans son ordonnance de ce jour, que le maire de Fréjus ne l’a pas fait et qu’est ainsi constituée une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte et à la liberté d’expression.
Par ailleurs, le juge des référés du Conseil d’État estime, contrairement au juge des référés du tribunal administratif, que la condition d’urgence particulière exigée par la procédure de « référé-liberté » est remplie. Il se fonde pour cela, non seulement sur le fait que les 650 personnes qui se réunissent chaque vendredi devant la mosquée de Fréjus ne disposent d’aucun lieu de culte adapté à moins de quinze kilomètres de cette commune, alors que par ailleurs la commune n’a donné aucune suite à la demande de l’association tendant à la mise à disposition d’une salle communale, mais aussi sur le contexte particulier de l’affaire, marqué par le refus persistant d’autoriser l’ouverture de ce lieu de culte en dépit de la décision de justice précédemment obtenue par les requérants.
Afin de mettre fin à l’atteinte grave et manifestement illégale constatée, le juge des référés du Conseil d’État ordonne donc au maire de Fréjus d’accorder à l’association musulmane El Fath, à titre provisoire, l’autorisation d’ouverture de la mosquée, dans un délai de huit jours et sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Le maire de Fréjus, qui doit provisoirement délivrer l’autorisation demandée, pourra seulement, en cas d’éléments nouveaux (par exemple, des décisions de justice ultérieures), demander au juge des référés de mettre fin à cette obligation s’il s’avère qu’ils sont de nature à remettre en cause le droit de l’association à ouvrir cette mosquée au public.