Le Conseil d’État annule l’extension aux publications hebdomadaires des mesures de soutien au pluralisme de la presse.
L’Essentiel :
Un décret du 6 novembre 2015 a modifié le décret du 12 mars 1986 qui définit les mesures de soutien au pluralisme de la presse. Le décret du 6 novembre 2015 a notamment étendu aux publications hebdomadaires les mesures de soutien existantes.
Une société éditrice d’une publication hebdomadaire a demandé au Conseil d’État d’annuler le décret du 6 novembre 2015.
Le Conseil d’État annule le décret uniquement dans la mesure où il étend aux publications hebdomadaires les mesures de soutien existantes. Il juge que cette extension constitue une aide d’État au sens du droit de l’Union européenne, et devait donc être préalablement notifiée à la Commission européenne pour qu’elle se prononce sur sa compatibilité avec le marché intérieur. Une telle notification n’ayant pas été faite, le décret a été adopté selon une procédure irrégulière.
Par un décret du 6 novembre 2015, le Gouvernement a modifié le décret du 12 mars 1986 instituant une aide aux publications nationales d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires. Le décret du 6 novembre 2015 a notamment étendu aux publications hebdomadaires les mesures de soutien à la presse résultant du décret de 1986.
Une société éditrice d’une publication hebdomadaire d’information politique et générale a demandé au Conseil d’État d’annuler le décret du 6 novembre 2015.
1. Le Conseil d’État juge tout d’abord que la société requérante ne justifie d’un intérêt pour demander l’annulation du décret que dans la mesure où il étend aux publications hebdomadaires les mesures de soutien résultant du décret de 1986. Pour saisir le juge administratif d’un recours en annulation, dit recours pour excès de pouvoir, un requérant doit en effet justifier d’un intérêt pour agir : l’acte qu’il conteste doit l’affecter de façon suffisamment directe et certaine. Si tel n’est pas le cas, sa requête est irrecevable : le juge peut la rejeter sans examiner l’argumentation qu’elle contient.
En l’espèce, la société requérante n’éditant que des publications trimestrielles, non concernées par le décret, et une publication hebdomadaire, le Conseil d’État juge qu’elle n’a un intérêt suffisant que pour contester la partie du décret relative aux publications hebdomadaires.
2. Le Conseil d’État annule ensuite cette partie du décret du 6 novembre 2015, qui étendait le régime de soutien aux publications hebdomadaires.
Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdit les aides d’État, sauf dérogation. Il prévoit que tout projet qui tend à créer ou modifier une aide doit être notifié à la Commission européenne. Celle-ci est seule chargée, sous le contrôle de la Cour de justice, d’examiner la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur, compte tenu des dérogations prévues par le traité. Il revient toutefois aux juges nationaux de sanctionner la méconnaissance de l’obligation de notification préalable de toute création ou modification d’une aide.
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, un dispositif a le caractère d’une aide d’Etat s’il constitue une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, s’il est susceptible d’affecter les échanges entre États membres, s’il accorde un avantage à ses bénéficiaires et s’il fausse ou menace de fausser la concurrence.
Par la décision de ce jour, le Conseil d’État juge que l’extension aux hebdomadaires du régime issu du décret de 1986 institue une aide d’Etat.
En effet :
l’aide prend la forme d’une subvention, et intervient donc au moyen de ressources d’État ;
l’aide, dont le montant dépend du nombre d’exemplaires vendus, accorde un avantage aux publications qui en bénéficient ;
l’aide est susceptible de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres car des magazines publiés dans d’autres États membres peuvent être en concurrence avec des publications françaises bénéficiant de subventions.
Or le Conseil d’État relève que le décret du 6 novembre 2015 n’a pas été préalablement notifié à la Commission européenne. Il juge par conséquent que ce décret a été pris selon une procédure irrégulière. Le Conseil d’État annule donc le décret dans la mesure où il étend aux hebdomadaires les mesures de soutien à la presse prévues par le décret du 12 mars 1986.