Le juge des référés du Conseil d'État, statuant à titre conservatoire dans le cadre d’une procédure d’urgence, suspend une partie des effets de la sanction disciplinaire de radiation des cadres dont M. Matelly a fait l’objet. Le Conseil d'État reste saisi de la requête au fond contre cette sanction.
M. Matelly, chef d’escadron de la gendarmerie nationale, a fait l’objet d’une procédure disciplinaire qui s’est conclue par sa radiation des cadres, c'est-à-dire sa révocation. Cette décision administrative est motivée par le fait que l’officier avait cosigné un article critiquant la politique gouvernementale de rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, publié sur un site internet d’information le 30 décembre 2008 et par sa participation, le lendemain, à une émission radiophonique portant sur le même thème, en méconnaissance de son devoir de réserve.
L’intéressé a demandé au Conseil d'État d’annuler le décret du 12 mars 2010 par lequel le Président de la République, agissant en tant qu’autorité investie du pouvoir disciplinaire, a prononcé cette sanction.
Dans un premier temps, M. Matelly avait introduit devant le Conseil d'État une demande de suspension de la sanction selon la procédure dite de « référé-liberté » prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Dans ce cadre, le juge des référés du Conseil d'État avait, le 30 mars 2010, rejeté cette demande. Il avait considéré que n’était pas constituée une situation d’urgence suffisamment caractérisée nécessitant une intervention du juge dans le délai de quarante-huit heures prescrit par ce texte, qui est seule de nature à permettre le recours au « référé-liberté ».
M. Matelly a alors introduit une nouvelle demande de suspension, cette fois selon la procédure dite de « référé-suspension » prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Il s’agit également d’une procédure d’urgence dans laquelle un juge unique statue de manière provisoire, dans l’attente du jugement de la requête au fond. Selon l’article L. 521-1, le juge peut suspendre la totalité ou certains seulement des effets de la décision contestée, si deux conditions sont remplies : il faut qu’existe à la fois une situation d’urgence, cette condition étant toutefois plus souple que dans le cadre du « référé-liberté », puisqu’il n’est pas exigé que la protection d’une liberté fondamentale rende nécessaire l’intervention du juge des référés dans les quarante-huit heures, et un doute sérieux sur la légalité de la décision administrative contestée.
Le juge des référés du Conseil d'État vient de faire partiellement droit à cette seconde demande de suspension de la sanction contestée par M. Matelly. Il juge d’abord que la condition d’urgence est remplie, en relevant à ce titre que la sanction a pour effet de priver l’intéressé de sa rémunération et de le contraindre à quitter son logement de fonction, sans que l’administration avance d’éléments contrebalançant l’importance de ces conséquences sur sa situation. Le juge estime ensuite que l’argumentation de M. Matelly fondée sur le caractère disproportionné, au regard des faits qui lui sont reprochés, de la sanction de radiation des cadres, la plus sévère susceptible d’être infligée à un militaire, crée un doute sérieux sur sa légalité.
Compte tenu de ces éléments, le juge, faisant usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, ordonne la suspension des effets les plus dommageables de la sanction infligée, à savoir la privation de rémunération et l’obligation de libérer le logement de fonction occupé. Pour le surplus, le décret contesté demeure donc applicable, en tant qu’il exclut M. Matelly du service.
Le Conseil d'État reste saisi de l’affaire au fond et devra se prononcer définitivement sur la légalité du décret contesté.
Juge des référés du Conseil d'État, 29 avril 2010, n° 338462