Le Conseil d’État reconnaît la possibilité d’engager la responsabilité de l’État du fait de lois inconstitutionnelles, sous certaines conditions

Décision de justice
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Par une décision rendue aujourd’hui, le Conseil d’État juge qu’une personne peut obtenir réparation des préjudices qu’elle a subis du fait de l’application d’une loi déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

> Lire les décisions n°425981425983 et 428162

Depuis 20071, le Conseil d’État juge qu’il est possible d’engager la responsabilité de l’État pour obtenir réparation des dommages subis du fait de l’application d’une loi contraire aux engagements internationaux – et notamment européens – de la France.

Il n’avait en revanche, jusqu’ici, jamais tranché la question s’agissant d’une loi contraire à la Constitution. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, en effet, une loi déjà entrée en vigueur peut être abrogée par le Conseil constitutionnel si celui-ci juge qu’elle méconnaît la Constitution. C’est la procédure de la « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC). Lorsqu’une loi est ainsi « abrogée », elle n’a plus d’effet à partir du jour de son abrogation, déterminé par le Conseil constitutionnel.

Dans sa formation de jugement la plus solennelle, l’Assemblée du contentieux, le Conseil d’État admet aujourd’hui que la responsabilité de l’État peut en principe être engagée en raison d’une loi déclarée contraire à la Constitution. Il juge ainsi que si des personnes ont subi des dommages (pertes financières, préjudices de toutes sortes, etc.) directement du fait de l’application de cette loi avant son abrogation, elles pourront en obtenir réparation en saisissant le juge administratif.

La responsabilité de l’État est en principe ouverte, sous plusieurs conditions

Le Conseil d’État précise les conditions nécessaires pour qu’une telle demande de réparation puisse aboutir :

  • elle est possible dans les limites fixées par la décision du Conseil constitutionnel, qui tire de la Constitution le pouvoir de préciser les effets dans le temps de la déclaration d’inconstitutionnalité d’une loi et peut donc toujours décider de fermer ou de restreindre la voie à toute demande d’indemnisation ;

  • les dommages subis doivent trouver leur cause directe dans l’application de la loi inconstitutionnelle ;

  • la demande doit être faite dans les quatre années suivant la date à laquelle les dommages subis peuvent être connus dans toute leur étendue, sans que la décision du Conseil constitutionnel rouvre ce délai (règle de prescription quadriennale qui peut être opposée au demandeur par l’administration).

Dans le cas qui lui était soumis et qui concernait des dispositions législatives relatives à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel en 2013, le Conseil d’État estime qu’il n’existe pas de lien direct de causalité entre l’inconstitutionnalité de ces dispositions et le préjudice subi par les demandeurs, en l’occurrence deux entreprises et un salarié. Il rejette par conséquent leur demande d’indemnisation.




1 Décision de l’Assemblée du contentieux du Conseil d’État du 8 février 2007, n° 279522, publiée au Recueil.