Le Conseil d’État confirme le rejet du compte de campagne du candidat tête de la liste ayant remporté les élections municipales d’Hayange (Moselle) mais juge qu’il peut conserver son mandat.
> Lire la décision (CE, 17 juin 2015, M. C n° 387197)
L’essentiel :
Le Conseil d’État constate que plusieurs dépenses engagées dans le cadre de la campagne de la liste arrivée en tête aux élections municipales de la commune d’Hayange (Moselle) ont été effectuées directement par des colistiers et non par le mandataire financier, ce qui est irrégulier.
Le Conseil d’État confirme donc le rejet du compte de campagne du candidat, ce qui le prive du remboursement par l’État d’une partie de ses frais de campagne.
En revanche et contrairement au tribunal administratif, le Conseil d’État estime que cette irrégularité ne justifie pas une sanction d’inéligibilité : le candidat tête de la liste en cause peut donc conserver son mandat.
Les faits et la procédure :
Le 6 octobre 2014, la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques a rejeté le compte du candidat tête de la liste ayant remporté les élections municipales de la commune d’Hayange (Moselle) et a, comme le prévoit la loi, saisi le tribunal administratif de Strasbourg.
Par un jugement du 19 décembre 2014, le tribunal administratif avait confirmé le rejet du compte de campagne et avait sanctionné ce candidat tête de liste d’une inéligibilité d’un an, entraînant sa démission d’office du mandat auquel il avait été élu. L’intéressé avait fait appel devant le Conseil d’État.
Le cadre juridique :
Le financement des campagnes électorales est encadré par la loi. En application de l’article L. 52-4 du code électoral, le candidat à une élection doit obligatoirement désigner un « mandataire financier ». Pendant l’année qui précède l’élection, c’est ce mandataire financier, et lui seul, qui recueille les fonds destinés au financement de la campagne et qui règle les dépenses auxquelles donne lieu la campagne. Cette règle est strictement appliquée et la jurisprudence du Conseil d’État a précisé que le règlement direct de menues dépenses par un candidat lui-même ne peut être toléré que si le montant de ces dépenses est faible par rapport au total des dépenses du candidat et négligeable par rapport au plafond de dépenses autorisées pour la campagne électorale.
Dans le cas inverse, le compte est rejeté et le candidat peut faire l’objet d’une sanction d’inéligibilité. Depuis avril 2011, la loi prévoit désormais que le juge de l’élection ne prononce une telle inéligibilité qu’ « en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ».
La décision du Conseil d’État :
Le Conseil d’État confirme que plusieurs dépenses engagées dans le cadre de la campagne électorale avaient été payées directement par des colistiers du candidat au lieu du mandataire financier : des frais postaux (75.40 euros), des galettes des rois (54.96 euros), d’autres produits alimentaires pour un banquet électoral (234 euros) ainsi que deux factures relatives à des frais de publication et d’impression (1010 et 565 euros). S’agissant de ces deux dernières factures, le paiement direct par un colistier avait fait l’objet d’une régularisation par le mandataire financier avant la fin de la campagne, mais le Conseil d’État estime que le paiement direct par un colistier avait tout de même constitué une irrégularité.
Le montant total des dépenses électorales n’ayant pas été acquitté par le mandataire financier s’élève ainsi à 14,22 % des dépenses du compte de campagne et 5.99% du plafond des dépenses. Le Conseil d’État estime que ce montant n’est ni faible par rapport aux dépenses totales du candidat, ni négligeable par rapport au plafond de dépense : il confirme donc que le compte de campagne doit être rejeté.
En revanche, le Conseil d’État relève que le paiement direct des dépenses de timbres et de produits alimentaires résultait non d’une volonté délibérée de contourner les règles de financement de la campagne, mais de négligences mineures. S’agissant des factures d’impression, l’irrégularité avait été régularisée avant le dépôt du compte. Enfin, le montant total de ces dépenses, s’il justifie le rejet du compte, est tout de même demeuré limité. Le Conseil d’État en déduit qu’il n’y a pas eu « manquement d’une particulière gravité » et qu’il n’y a donc pas lieu de prononcer une sanction d’inéligibilité.
Du fait du rejet de son compte de campagne, le candidat sera donc privé du remboursement par l’État d’une partie de ses frais de campagne, mais il conserve son mandat.