Le Conseil d’État se prononce sur la légalité d’un décret prononçant la dissolution de l’association « Envie de rêver » et des groupements « Jeunesses nationalistes révolutionnaires » et « Troisième voie ».
L’essentiel
Le Conseil d’État a jugé légales les dispositions du décret du 12 juillet 2013 portant dissolution des deux groupements de fait « Jeunesses nationalistes révolutionnaires » et « Troisième voie »
Il a par ailleurs annulé la dissolution, prononcée par ce même décret, de l’association « Envie de rêver »
Le décret avait été pris sur le fondement de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, qui permet notamment de dissoudre les associations ou groupements de fait présentant le caractère de milices privées ou provoquant à la haine ethnique ou raciale
Le Conseil d’État a estimé que « Jeunesses nationalistes révolutionnaires » et « Troisième voie » avaient, ensemble, le caractère d’une milice privée
Il a en revanche estimé que l’association « Envie de rêver » n’avait pas pour seule activité de permettre les activités illicites des deux groupements de fait, contrairement à ce qu’affirmait le décret pour justifier sa dissolution.
Les faits et la procédure
Le Conseil d’État était saisi d’une demande d’annulation du décret du 12 juillet 2013 portant dissolution de l’association « Envie de rêver » et des deux groupements de fait « Jeunesses nationalistes révolutionnaires » et « Troisième voie ».
Le décret a été pris en application l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Le 2° de cet article prévoit la dissolution d’associations ou groupements de fait qui présentent le caractère de groupes de combat ou de milices privées. Son 6° prévoit la même mesure pour les associations ou groupements qui soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit encouragent de tels comportements.
Le décret affirme que les groupements de fait « Troisième voie » et « Jeunesses nationalistes révolutionnaires » constituent des milices privées et provoquent à la haine, à la discrimination et à la violence dans des conditions justifiant leur dissolution.
Il affirme par ailleurs que l’association « Envie de rêver » n’a pour seule activité réelle que de permettre l’exercice des réunions de « Troisième Voie » et des « Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires » et se confond dans l’ensemble plus vaste de ces deux structures dont elle constitue un moyen matériel de l’activité illicite. Il en déduit que l’association présente les mêmes caractéristiques que les deux groupements et doit en tout état de cause être dissoute par voie de conséquence de leur dissolution.
La décision du Conseil d’État
Le Conseil d’État a, en premier lieu, jugé légale la dissolution des deux groupements de fait « Jeunesses nationalistes révolutionnaires » et « Troisième voie ».
Il a d’abord estimé que, contrairement à ce qu’affirme le décret, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que ces deux groupements auraient, ensemble ou séparément, provoqué à la haine, à la discrimination ou à la violence au sens du 6° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.
Mais il a ensuite jugé que les deux groupements de fait ont bien le caractère d’une milice privée au sens du 2° de l’article L. 212‑1 du code de la sécurité intérieure.
D’une part, le groupement « Jeunesses nationalistes révolutionnaires », organisation hiérarchisée, rassemblée autour de son chef avec comme devise : « Croire, combattre, obéir », dont les membres sont recrutés selon des critères d’aptitude physique pour mener des actions de force et procèdent à des rassemblements sur la voie publique en uniformes et en cortèges d’aspect martial, constitue une telle milice.
D’autre part, le groupement « Troisième voie » est étroitement imbriqué aux « Jeunesses nationalistes révolutionnaires » par son organisation, son fonctionnement et ses activités, à un point tel que les deux entités doivent être regardées comme formant ensemble une milice privée.
Le Conseil d’État, estimant que le Gouvernement aurait pris la même décision de dissolution des deux groupements s’il n’avait retenu que leur caractère de milice privée, en a déduit que cette dissolution est légale.
Le Conseil d’État a, en second lieu, annulé la dissolution de l’association « Envie de rêver ».
Il a affirmé que les dispositions de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure permettent effectivement de dissoudre des associations qui affichent publiquement un objet et des activités légaux, si elles ont par ailleurs des agissements qui contreviennent à l’ordre public.
Mais il a estimé que la circonstance que des membres ou dirigeants des milices « Troisième Voie » et des « Jeunesses nationalistes révolutionnaires » se réunissaient dans le local de l’association « Envie de rêver » et participaient à ses activités est insuffisante pour caractériser à elle seule une atteinte à l’ordre public par l’association.
Il a également estimé qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que, lors des différents événements organisés ou accueillis par l’association « Envie de rêver » dans ses locaux, celle-ci aurait provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence au sens du 6° de l’article L. 212-1, ou que la forme, l’organisation et les activités de cette association pourraient la faire regarder elle-même comme une milice privée au sens du 2° du même article.
CE, 30 juillet 2014, Association “Envie de rêver” et autres, Nos 370306,372180