Contrôles d’identité discriminatoires : la détermination d’une politique publique ne relève pas du juge administratif

Décision de justice
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Dans le cadre d’une action de groupe, plusieurs associations et ONG ont saisi le Conseil d'État afin de faire cesser la pratique des contrôles d’identité discriminatoires. Il ressort de l’instruction que la pratique de ce type de contrôles existe et ne se limite pas à des cas isolés. Si elle ne peut être considérée comme « systémique » ou « généralisée », cette pratique constitue néanmoins une discrimination pour les personnes ayant eu à subir un contrôle sur la base de caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée. Le Conseil d'État constate toutefois que les mesures demandées par les associations visent en réalité à une redéfinition générale des choix de politique publique en matière de recours aux contrôles d’identité à des fins de répression de la délinquance et de prévention des troubles à l’ordre public qui ne relèvent pas des pouvoirs du juge administratif. C’est pourquoi le Conseil d'État rejette le recours.

Le Conseil d'État a été saisi dans le cadre d’une action de groupe, par plusieurs associations et organisations non gouvernementales qui soutenaient que les contrôles d’identité ciblant les personnes présentant des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée constituent une pratique discriminatoire « systémique » ou « généralisée ». Elles demandaient au Conseil d’enjoindre à l’Etat de prendre les mesures pour y mettre fin. 

Le Conseil d'État, réuni en assemblée du Contentieux, regroupant 17 juges, observe que l’action de groupe portée devant lui vise à faire reconnaître qu’en ne prenant pas certaines mesures à la fois normatives et organisationnelles, l’Etat, qui est responsable de l’organisation du service public judiciaire, a créé les conditions pour que se développent de tels contrôles d’identité. 

Le Conseil d’Etat estime d’abord, sur la base de nombreux éléments et rapports, que la pratique de tels contrôles est établie, et que, sans revêtir un caractère « systémique » ou « généralisé » comme le soutiennent les associations requérantes, elle ne se cantonne pas à des cas individuels isolés.  Il en déduit que ces faits constituent une méconnaissance de l’interdiction de procéder à des contrôles discriminatoires. 

Cependant, les demandes des associations requérantes portent sur la prise de mesures, telles la modification du code de procédure pénale (art 78-2), la création d’un régime spécifique pour les mineurs et d’une autorité indépendante de contrôle, la mise en place d’un récépissé de contrôle et la rédaction systématique, après chaque opération de contrôle, d’un rapport qui serait transmis au procureur de la République, la redéfinition des rapports entre la police et la population et l’amélioration de la prise en compte des questions de discrimination dans la formation, ainsi que l’évaluation et le contrôle des agents, qui constituent une redéfinition générale de la politique des contrôle d’identité pour réprimer la délinquance et prévenir des troubles à l’ordre public. Or, il n’appartient pas au juge administratif de se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique ou de leur enjoindre de le faire.

C’est pourquoi le recours des associations est rejeté.

Décision n 454836, Amnesty International France et autres, du 11 octobre 2023

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