Le Conseil d’État rejette le recours mettant en cause la régularité de la procédure de passation de la concession de transports urbains de personnes à Lille
L’Essentiel :
• La métropole européenne de Lille a lancé une procédure de publicité et de mise en concurrence en vue de l’attribution d’une concession pour l’exploitation du service public de transports urbains de personnes.
• Au cours des négociations avec deux sociétés candidates, une clef USB contenant des informations confidentielles sur la société Keolis a été transmise par erreur par la métropole à la société Transdev. Constatant cette erreur, la métropole a renoncé à recueillir les offres finales des deux sociétés et s’est engagée à prendre en considération, pour le choix du concessionnaire, l’état des offres à la date de la divulgation des informations, modifiant ainsi, en cours de route, le déroulement de la procédure tel qu’il avait été initialement prévu par le règlement de consultation.
• La société Transdev, estimant que la métropole avait ce faisant porté atteinte à l’égalité des candidats et aux obligations de transparence auxquelles est soumise la passation d’un contrat de concession, a engagé devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille un référé-précontractuel afin d’empêcher la signature du contrat.
• Par une ordonnance du 13 juillet 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
• Par la décision lue ce jour, le Conseil d’État rejette le pourvoi en cassation de la société Transdev contre cette ordonnance.
Les faits et la procédure :
Après avoir approuvé le principe d’une délégation de service public pour l’exploitation du service public des transports urbains de personnes sur le territoire métropolitain pour une durée de sept ans, à compter du 1er janvier 2018, le conseil métropolitain de la métropole européenne de Lille a organisé une procédure de publicité et de mise en concurrence afin de choisir un concessionnaire.
Fin janvier 2017, deux sociétés candidates, Keolis et Transdev, ont été admises à participer à la phase de négociation.
Ces négociations se sont achevées le 19 mai 2017 avec l’envoi par la métropole d’un courrier par lequel elle sollicitait des deux sociétés candidates la production de leurs offres finales pour le 12 juin 2017, courrier auquel était jointe une clé USB censée contenir les documents devant être produits avec les offres finales.
S’apercevant que la clé USB contenait un dossier de fichiers informatiques intitulé « Keolis », la société Transdev en a averti la métropole. Celle-ci a alors informé les deux sociétés, par des décisions des 2 et 7 juin 2017, qu’elle abandonnait sa demande de dépôt des offres finales et qu’elle procèderait au choix du délégataire sur la base des offres intermédiaires déposées le 18 avril 2017, complétées par les éléments fournis par les parties durant les négociations jusqu’au 19 mai 2017, date de divulgation à Transdev des informations confidentielles relatives à son concurrent Keolis.
Estimant qu’en modifiant en cours de procédure le règlement de la consultation, la métropole avait méconnu les principes de transparence et d’égalité de traitement des candidats, la société Transdev a saisi, avant la signature du contrat, le juge des référés du tribunal administratif de Lille d’un référé-précontractuel, pour faire annuler la procédure de passation.
Par une ordonnance du 13 juillet 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la société Transdev.
Cette société s’est pourvu en cassation contre cette ordonnance.
La décision de ce jour :
Par la décision de ce jour, le Conseil d’État rejette le pourvoi en cassation de la société Transdev.
Après avoir rappelé qu’en principe, l’autorité délégante ne peut modifier, en cours de route, les étapes essentielles de la procédure de négociation qu’elle a définies dans le règlement de la consultation, le Conseil d’État admet néanmoins la régularité de la procédure en cause, en relevant les circonstances très particulières de cette affaire.
Il indique tout d’abord que si la métropole a modifié en cours de route le déroulement de la procédure, cette décision n’a été prise que pour remédier à la transmission par erreur, à la société Transdev, de documents relatifs à la négociation avec la société Keolis.
Il précise ensuite que la divulgation à l’un des candidats de documents se rapportant à l’offre de son concurrent était de nature à nuire à la concurrence entre les opérateurs et, dans les circonstances de l’espèce, à porter irrémédiablement atteinte à l’égalité entre les candidats, dans le cadre de la procédure en cours mais aussi dans le cadre d’une nouvelle procédure dans l’hypothèse où la procédure de passation aurait dû être recommencée.
Il juge enfin qu’à la date où les documents concernant la société Keolis ont été divulgués par erreur à la société Transdev, retenue par la métropole pour figer l’état des offres, les négociations avaient donné lieu à de nombreux échanges entre la métropole et les candidats qui avaient disposé d’un délai suffisant, et strictement identique, pour présenter leurs offres : huit réunions, dont une séance de présentation de l’offre initiale aux élus et aux services de la métropole, trois réunions plénières de négociations et quatre journées d’ateliers thématiques, ainsi que de nombreux échanges écrits.
Dans ses conditions, le Conseil d’État confirme en cassation le rejet, par le juge des référés du tribunal administratif de Lille, du référé-précontractuel engagé par la société Transdev.
La procédure de référé-précontractuel
Le juge du référé précontractuel peut être saisi sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, avant même la conclusion du contrat, en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation de certains contrats administratifs, notamment les marchés publics et les concessions, d’une demande tendant à l’annulation de la procédure de passation du contrat. |