Saisi par des personnalités du monde de la culture qui demandent la réouverture des cinémas, théâtres et salles de spectacles, le juge des référés du Conseil d’État estime que, en raison du niveau de contamination élevé et de l’augmentation de la prégnance des variants de la covid-19, leur fermeture n’est pas manifestement illégale.
Francis et René Lalanne, Jean-Luc Moreau, Jean-Marie Bigard, Manu et Gérard Lanvin ont demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre en urgence la fermeture des cinémas, théâtres et salles de spectacle imposée dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire afin que ces lieux puissent à nouveau accueillir du public.
La fermeture des salles culturelles, qui porte une atteinte grave aux libertés fondamentales, ne peut se justifier que dans un contexte sanitaire particulièrement dégradé1
Le juge des référés rappelle tout d’abord que la fermeture au public de ces établissements porte une atteinte grave aux libertés fondamentales, notamment la liberté de création artistique, la liberté d’accès aux œuvres culturelles et la liberté d’entreprendre. Seul le contexte sanitaire marqué par un niveau particulièrement élevé de diffusion du virus, susceptible de compromettre à court terme la prise en charge, notamment hospitalière, des personnes contaminées et des autres patients, peut justifier légalement une telle interdiction.
L’impact des mesures de lutte contre l’épidémie sur la santé mentale doit être prise en compte
Les requérants ont fait valoir les effets de ces mesures sur l’état psychologique de la population. Le juge des référés constate que la situation de crise sanitaire s’accompagne effectivement d’une augmentation significative des états anxieux et dépressifs. Les hausses les plus importantes sont observées chez les étudiants, les personnes sans activité professionnelle, les personnes déclarant vivre dans un logement surpeuplé et celles déclarant une situation financière très difficile.
La finalité des mesures prises par les autorités étant la préservation de la santé publique, le juge des référés estime, ainsi que les requérants le soutiennent, que leur impact sur la santé mentale et le bien-être de la population doit être aussi pris en compte.
Les variants du virus sont plus contagieux et de plus en plus présents sur le territoire
Toutefois, le juge des référés constate également qu’à la date de l’audience qu’il a tenue, les indicateurs de l’épidémie restent à un niveau très élevé, avec notamment un taux d’occupation des lits de réanimation qui ne cesse d’augmenter depuis décembre pour atteindre 67,1% au niveau national. La tension sur le système hospitalier, particulièrement forte dans certaines régions, a conduit l’administration à prendre localement des mesures plus restrictives.
Le juge des référés relève en outre, à la lumière notamment d’une étude de l’INSERM du 14 février 2021, que la circulation des variants du virus, beaucoup plus contagieux, augmente de manière très forte, en particulier le variant britannique qui devrait être la principale souche présente en France d’ici quelques semaines.
Ainsi, alors même que la fermeture des lieux culturels est susceptible d’avoir un effet négatif sur la santé mentale de la population, le juge des référés estime, au regard de la situation sanitaire toujours dégradée, que l’atteinte grave portée aux libertés fondamentales par cette mesure n’est pas manifestement illégale.
1Le juge des référés du Conseil d’État reprend le raisonnement qu’il a tenu lorsqu’il a été saisi de la question de la fermeture des salles culturelles le 23 décembre 2020 (ordonnance n°447698 et suivants)
Lire la décision en référé n°449692