À l’occasion de la parution du bilan d’activité 2019, le vice-président du Conseil d’État, Bruno Lasserre, est revenu devant la presse sur l’année écoulée et a tiré de premiers enseignements de la crise sanitaire. Santé, environnement, économie, justice, numérique, travail, vie publique... sont autant de sujets au centre des préoccupations des Français et qui ont mobilisé l’institution ces derniers mois. À travers ses trois missions (juger l’action de l’administration, donner des avis indépendants au Gouvernement et au Parlement, éclairer le débat public par ses études), le Conseil d’État poursuit les mêmes objectifs : préserver l’État de droit, améliorer la gouvernance publique et défendre l’intérêt général.
Durant l’année écoulée, le Conseil d’État a poursuivi son ouverture en permettant à tout citoyen de saisir la justice administrative en quelques clics via le site Télérecours citoyens, 7 jours sur 7, et même durant la crise sanitaire. L’année a également vu l’élargissement du champ des décisions de l’administration pouvant être contestées devant le juge administratif. Au-delà des décisions formalisées et contraignantes, les citoyens peuvent désormais contester de simples avis, recommandations, mises en garde voire des communications, si ceux-ci ont un effet notable sur leurs droits ou leur situation1. Le Conseil d’État a développé en outre son dialogue avec les parlementaires, mais aussi avec le monde de la recherche, les étudiants, les décideurs publics, les représentants du secteur privé ou du monde associatif dans le cadre de ses colloques et de ses études.
Des décisions de justice qui ont consolidé l’État de droit
En 2019, le Conseil d’État a rendu d’importantes décisions qui ont contribué à consolider l’État de droit, dans une recherche constante du meilleur équilibre entre intérêts publics et droits et libertés fondamentaux.
Parmi les 10 320 litiges qu’il a tranchés, il a notamment reconnu la possibilité pour des citoyens d’obtenir réparation auprès de l’État s’ils avaient subi des dommages à cause d’une loi déclarée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel après son entrée en vigueur. Le Conseil d’État a également fixé les conditions du droit au déréférencement sur internet – ou « droit à l’oubli » –en tenant compte de l’arbitrage nécessaire à réaliser entre le droit au respect de la vie privée et le droit du public à l’information. Le Conseil d’État s’est aussi prononcé une dernière fois sur le cas de Vincent Lambert en jugeant que la procédure collégiale de décision d’arrêt des soins suivie par le CHU de Reims était valide et que le médecin en charge du patient n’avait commis aucune illégalité en estimant que le maintien en vie du patient dans ce cas précis, témoignait d’une obstination déraisonnable au sens de la loi Léonetti.
Un droit de meilleure qualité par des avis indépendants au Gouvernement et au Parlement
En 2019, le Conseil d’État a rendu d’importants avis qui ont permis d’accroître la sécurité juridique des projets de textes du Gouvernement et du Parlement et la qualité du droit. Parmi les 1 090 avis qu’il a rendus, il s’est ainsi notamment prononcé sur les projets de loi constitutionnelle, organique et ordinaire pour un renouveau de la vie démocratique, en cherchant à concilier l’impératif de respect des droits et libertés garantis par la Constitution avec l’extension proposée du champ des référendum et référendum d’initiative partagée. Sur le projet de loi de transformation de la fonction publique, il a veillé à ce que la réforme ne remette pas en cause les grands principes qui gouvernent la fonction publique et, dans le même temps, invité le gouvernement à compléter son étude d’impact pour mieux appréhender les effets des mesures proposées. Dans son avis sur le projet de loi bioéthique, il a cherché à préserver le juste équilibre de tous les intérêts en présence, en proposant par exemple qu’un donneur de gamètes puisse revenir sur son refus initial de divulguer son identité à l’enfant qui en est issu, afin de concilier au mieux les droits du donneur et ceux de l’enfant, tout en ne décourageant pas le don.
Deux études pour améliorer les politiques publiques
En 2019, le Conseil d’État s’est à nouveau attaché à améliorer l’efficacité des politiques publiques en associant expertise et pragmatisme, par le biais de deux études qui ont fait date.
L’étude annuelle 2019 du Conseil d’État dédiée au sport a ainsi formulé 21 recommandations pour une politique publique plus volontaire et ambitieuse, à mener par les pouvoirs publics en lien étroit avec le tissu associatif qui structure le mouvement sportif. Elle a identifié trois leviers prioritaires : rassembler les acteurs publics et associatifs, démocratiser l’accès au sport et réguler son économie.
Le Conseil d’État a également dressé le bilan de près de vingt ans de pratique des expérimentations par l’État, les collectivités territoriales et leurs opérateurs, et constaté que nombre d’entre elles n’avaient pas suivi une méthodologie propre à assurer la fiabilité de leurs résultats. C’est pourquoi le Conseil d’Etat a proposé un guide de bonnes pratiques de l’expérimentation tout en formulant des propositions au Gouvernement pour favoriser leur développement, notamment la modification de la loi organique de 2003 pour le cas des collectivités territoriales.
Le Conseil d’État durant la crise sanitaire
Durant la crise sanitaire, le Conseil d’État s’est mobilisé pour assurer, sans interruption, l’accès au juge pour les citoyens qui souhaitaient contester les décisions de l’administration, mais également pour rendre en urgence des avis juridiques sur les projets de texte du Gouvernement.
Le Conseil d’État a ainsi été saisi de 230 recours en référé pour contester des mesures liées à la lutte contre le covid-19, soit 4 fois plus que le nombre de référés reçus en premier ressort l’an passé sur la même période.
Le Conseil d’État a également été saisi pour rendre 232 avis sur des projets de texte du Gouvernement en lien avec la crise sanitaire, dont 31 projets de lois, 69 projets d’ordonnances et 115 projets de décrets réglementaires (soit près de 2 fois plus de projets de lois et 3 fois plus d’ordonnances que l’an passé sur la même période).
1 Décision Mme Le Pen, Assemblée du contentieux, 19 juillet 2019
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