En application d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, le Conseil d’État annule les arrêtés du ministre de l’agriculture et de la pêche suspendant la cession et l’utilisation des semences de maïs OGM MON 810 et interdisant la mise en culture de ces variétés de semences
> Lire la décision Société Monsanto SAS et autres, n°s 313546 et autres
> Lire la décision Société Monsanto SAS et autres, n°312921
La société productrice de maïs génétiquement modifié MONSANTO et d’autres requérants attaquaient deux arrêtés du ministre de l’agriculture et de la pêche : celui du 7 décembre 2007, suspendant la cession et l’utilisation des semences de maïs génétiquement modifié MON 810 et celui du 7 février 2008, modifié par l’arrêté du 13 février 2008, interdisant la mise en culture de ces variétés de semences.
La CJUE a fixé les conditions de l’intervention des Etats.
En principe, les autorités de l’Union européenne sont seules compétentes pour prendre des mesures de suspension et d’interdiction. Par une décision du 28 décembre 2009, le Conseil d’État avait renvoyé à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) une question préjudicielle pour savoir dans quelles conditions un Etat membre de l’Union européenne pouvait être compétent pour prendre de telles mesures.
Par un arrêt du 8 septembre 2011, la CJUE a précisé le fondement de l’intervention des Etats membres. Ces derniers ne peuvent prendre des mesures de suspension ou d’interdiction provisoire de l’utilisation ou de la mise sur le marché d’OGM dont la demande de renouvellement d’autorisation est en cours d’examen en application de l’article 23 de la directive 2001/18/CE. En revanche, ils peuvent le faire sur le fondement de l’article 34 du règlement (CE) n°1829/2003. Et conformément à une jurisprudence constante de la CJUE, à partir du moment où un règlement procède à une harmonisation exhaustive des mesures nécessaires à assurer la protection de la santé humaine et la santé animale, c’est dans le cadre tracé par le règlement que les mesures de protection doivent être prises. Or, selon le règlement (CE) n°1829/2003, les Etats membres ne sont compétents pour prendre des mesures d’urgence que s’ils établissent, non seulement l’urgence, mais aussi l’existence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement.
Tirant les conséquences de l’arrêt de la CJUE, le Conseil d’État relève que le ministre de l’agriculture n’a pu justifier de sa compétence pour prendre les arrêtés, faute d’avoir apporté la preuve de l’existence d’un niveau de risque particulièrement élevé pour la santé ou l’environnement.
Le ministre en charge de l’agriculture avait justifié sa décision de suspension de la cession et de l’utilisation du maïs MON 810 par l’attente de l’avis du comité de préfiguration de la haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés. Il avait ensuite justifié sa décision d’interdiction de la mise en culture de ces variétés de semences par le contenu de cet avis. Cet avis relevait certains acquis scientifiques nouveaux relatifs aux OGM et dressait une liste de questions méritant, selon lui, d’être étudiées. Mais il se bornait à faire état « d’interrogations quant aux conséquences environnementales, sanitaires et économiques possibles de la culture et de la commercialisation de MON 810 ». En fondant exclusivement ses décisions sur l’attente de cet avis, puis sur ce document, le ministre n’a donc pas apporté la preuve, que lui imposait l’interprétation de la réglementation applicable donnée par la CJUE, de l’existence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement. Dans ces conditions, il n’était pas compétent pour prendre les arrêtés de suspension et d’interdiction attaqués sur le fondement de l’article 34 du règlement (CE) n°1829/2003.