Lettre de la justice administrative n° 55

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À la Une de la Lettre de la justice administrative n° 55 : l'ouverture du cycle de conférences sur le sport au Conseil d'État

Retrouvez également toute l'actualité de la justice administrative, son action à l'international et en juridictions ainsi que les temps forts de son activité, passés et à venir.

> La Lettre de la justice administrative n° 55 (pdf)

CONTENTIEUX 

Procédure

Le Conseil d’État précise la finalité et la portée des exigences formelles de présentation d’une requête par voie électronique que le requérant doit respecter, à peine d’irrecevabilité s’il ne donne pas suite à l’invitation à régulariser adressée par la juridiction.
CE, Section, 5 octobre 2018, n° 418233, A.
 
Les requérants ont formé une demande tendant à l’annulation d’un arrêté du préfet de la région d’Ile-de-France autorisant l’exploitation de parcelles agricoles situées sur les territoires de plusieurs communes. Leur requête a été successivement rejetée par le tribunal administratif et la cour administrative d’appel comme manifestement irrecevable en l'absence de régularisation de la présentation des pièces jointes au moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 du code de justice administrative (CJA), dénommée Télérecours, au motif que ces pièces n'avaient pas été répertoriées par un signet les désignant conformément à l’inventaire qu’ils avaient dressé.
Saisi en tant que juge de cassation, le Conseil d’État rappelle tout d’abord que les dispositions du CJA organisant la transmission par voie électronique de la requête et des pièces jointes ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure. Elles concourent à ce titre à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Aussi, l’inventaire prévu aux articles R. 411-3, R. 411-4, R. 412-1 et R. 412-2 doit s'entendre comme une présentation exhaustive des pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite. Chaque pièce doit ainsi être désignée dans l'application Télérecours au moins par le numéro d'ordre qui lui est attribué par l'inventaire détaillé.
En l’espèce, les requérants ont transmis un dossier comprenant des pièces jointes, accompagné d’un inventaire détaillé comprenant la numérotation par ordre croissant des pièces, leur désignation explicite ainsi qu’un fichier unique global répertoriant les pièces par signets. Ils ont toutefois omis d’attribuer aux pièces un libellé. Les requérants ont été destinataires d’une invitation à régulariser leur dossier, étant précisé qu'en cas de transmission des pièces regroupées en un seul fichier informatique, ce fichier devait comporter des signets identifiant les pièces telles qu'elles étaient nommées dans l'inventaire.
Le Conseil d’État déduit de ce que chacun des signets figurant au sein du fichier unique global était intitulé d'après le numéro d'ordre affecté par l'inventaire détaillé à la pièce qu'il répertoriait que la demande des requérants devait être considérée comme recevable.

> Consultez la décision n° 418233

Accords internationaux

Le Conseil d’État précise que si le juge administratif doit appliquer un texte international en tenant compte des réserves l’accompagnant après s’être assuré qu’elles ont fait l’objet des mêmes mesures de publicité que ce texte, il ne lui appartient pas d’apprécier la validité de ces réserves, qui définissent la portée de l’engagement que l’État a entendu souscrire et ne sont pas détachables de la conduite des relations internationales.
CE, Assemblée, 12 octobre 2018, SARL Super Coiffeur, n° 408567, A.
 
Dans cette affaire, le Conseil d’État est saisi d’un pourvoi en cassation tendant à l’annulation d’une décision par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la société requérante des sommes au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail ainsi qu’au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).
Ces contributions avaient été mises à la charge de la requérante, à la suite d'un contrôle effectué par des agents de la police nationale dans le salon de coiffure qu’elle exploitait, ayant conduit à constater qu’y travaillaient  deux étrangers, démunis de titre de séjour et d'autorisation de travail.
En premier lieu, le Conseil d’État juge que les contributions en cause visent à sanctionner les faits d’emploi d’un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l’autorisant à exercer une activité salariée, sans qu’un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Il précise toutefois que de telles contributions ne sauraient être infligées lorsque tout à la fois, d'une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, l’employeur a vérifié l’existence du titre autorisant l’étranger à exercer une activité salariée en France auprès de l’administration et que, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité.
Le Conseil d’État précise ensuite l’office du juge administratif confronté à un traité ou à un accord ayant fait l’objet de réserves de la part de la France. S’il lui incombe, dans cette hypothèse, après s’être assuré que celles-ci ont fait l’objet des mêmes mesures de publicité que ce traité ou cet accord, de faire application du texte international en tenant compte de ces réserves, il ne lui appartient pas, en revanche, d’apprécier leur validité. Il applique ensuite cette règle de principe à la réserve accompagnant l’article 4 paragraphe 1 du protocole n°7 à la Convention EDH prévoyant le principe non bis in idem, qui autorise le prononcé de sanctions administratives parallèlement aux décisions définitives prononcées par le juge répressif pour les infractions relevant de la matière pénale.

> Consultez la décision n° 408567

Redevance pour service rendu

Le Conseil d’État précise qu’une redevance pour service rendu peut être légalement établie à la condition, d’une part, que les opérations qu’elle est appelée à financer ne relèvent pas de missions qui incombent par nature à l’État et, d’autre part, qu’elle trouve sa contrepartie directe dans une prestation rendue au bénéfice propre d’usagers déterminés.
CE, 28 novembre 2018, SNCF Réseau, n° 413839, A.
 
Dans cette affaire, le Conseil d’État est saisi d’un pourvoi en cassation introduit par SNCF Réseau, établissement public à caractère industriel et commercial, dans le cadre d’un litige l’opposant à une société au sujet de dispositions des documents de références « Horaires de service » pour les années 2012, 2013 et 2014 relatives à la redevance de sûreté sur le site du faisceau du tunnel de Calais-Fréthun. La société avait obtenu, en appel, l’annulation des dispositions contestées et du refus d’abrogation ainsi que le remboursement des sommes versées au titre de la redevance litigieuse.
Dans le cadre de la mise en œuvre des mesures relatives aux contrôles frontaliers et à la sûreté de la liaison fixe transmanche prévue par le traité entre la France, le Royaume-Uni et l’Irlande du Nord, l'établissement public Réseau ferré de France a, à partir de l'horaire de service pour 2012, proposé aux entreprises ferroviaires de marchandises circulant sur le site du faisceau du tunnel de Calais-Fréthun, une prestation dite « de sûreté », assortie d’une « redevance pour prestation complémentaire » et comprenant la détection de personnes non autorisées à bord des trains, la surveillance par le poste de vidéosurveillance ainsi que le gardiennage de la rame après contrôle et jusqu'au départ du train.
Sur la question de l’exonération du paiement de la redevance de sûreté et de la constitution des avoirs correspondant aux factures émises, le Conseil précise que ces points ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative.
En revanche sur le point traitant de la question des documents de référence « Horaire de service », le Conseil d’État estime qu’étant donné que la redevance en litige finance une prestation de contrôle, de surveillance et de gardiennage des trains de marchandises stationnés sur le site du faisceau du tunnel de Calais-Fréthun, comprenant notamment la détection de la présence éventuelle de personnes non autorisées à bord des trains, la redevance en question ne finance pas d’opérations relevant directement de missions incombant à l’État et trouve sa contrepartie directe dans une prestation rendue au bénéfice propre des entreprises qui veulent faire circuler des trains de marchandises dans le tunnel sous la Manche. Dès lors, le Conseil d’État conclut que la prestation de sûreté litigieuse pouvait faire l'objet d'une redevance pour service rendu.

> Consultez la décision n°413839

Implications de la loi « asile et immigration » du 10 septembre 2018 sur la procédure devant la CNDA

Les innovations procédurales devant la CNDA résultant de la loi « asile et immigration » du 10 septembre 2018 concernent les délais de demande d’aide juridictionnelle, la contestation des modalités d’interprétariat devant l’OFPRA, l’extension de la compétence du juge unique et la vidéo-audience.
 
1. Modification des délais de demande d’aide juridictionnelle et impact sur le délai de recours
La loi « asile et immigration » impose au demandeur d’asile entendant solliciter l’aide juridictionnelle devant la CNDA de déposer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de l’OFPRA. Une telle demande n’est plus interruptive du délai de recours mais simplement suspensive : une fois la décision du bureau d’aide juridictionnelle notifiée, le délai de recours ne recommence à courir que pour la durée restante, le délai entre la notification de la décision de l’OFPRA et l’introduction de la demande d’aide juridictionnelle étant décompté du délai total d’un mois. Ce délai restant ne saurait toutefois être inférieur à quinze jours.
2. Contestation des modalités d’interprétariat à l’OFPRA
La loi du 10 septembre 2018 codifie la jurisprudence Hamza (CE 22 juin 2017 n° 400366 B) en ce sens que la cour peut annuler une décision de l’OFPRA et lui renvoyer la demande lorsqu’elle estime que le requérant a été dans l’impossibilité de se faire comprendre lors de l’entretien, faute d’avoir pu bénéficier du concours d’un interprète dans la langue qu’il a indiquée dans sa demande d’asile ou dans une autre langue dont il a une connaissance suffisante. Le défaut d’interprétariat doit être imputable à l’office et le requérant ne peut s’en prévaloir que dans le délai de recours.
3. Extension de la compétence du juge unique
Relèveront désormais de la compétence de formations de jugement à juge unique les recours dirigés contre les décisions mettant fin au statut de réfugié en application de l’article L. 711-6 du CESEDA et cessant d’accorder le bénéfice de la protection subsidiaire sur le fondement de l’article L. 712-3, 1° et 3°, en ce que ces dernières dispositions renvoient à l’article L. 712-2, d) du même code (sont visées par l’ensemble de ces dispositions les personnes qui jouissent d’une protection internationale mais qui représentent une menace grave pour la sûreté de l’État ou pour la société).
4. La vidéo-audience
La loi du 10 septembre 2018 supprime l’obligation de recueillir le consentement de la personne concernée lorsque la CNDA envisage de recourir au procédé de la vidéo-audience. Des garanties procédurales sont toutefois introduites dans le CESEDA : outre une exigence de qualité de la transmission, le requérant doit être assuré de la confidentialité des échanges, la salle d’audience doit être ouverte au public, l’intégralité du dossier doit pouvoir être mis à disposition de l’intéressé, lequel doit enfin pouvoir être assisté d’un conseil, physiquement présent à ses côtés, et d’un interprète. En principe, ce dernier doit également se trouver auprès du requérant.

PUBLICATIONS

L'ordre public : Regards croisés du Conseil d'État et de la cour de cassation

Actes du colloque organisé par le Conseil d'État et la Cour de cassation, le 24 février 2017.

L’ordre public désigne d’abord un objectif de sécurité, de salubrité et de tranquillitépubliques que les diverses autorités publiques, législatives, judiciaires et administratives s’efforcent d’atteindre.
À l’occasion du colloque organisé par le Conseil d’État et la Cour de cassation, trois tables rondes ont examiné ces rapports et les évolutions récentes de la jurisprudence. La première table ronde a été consacrée aux nouveaux enjeux de l’ordre public et les pouvoirs de police. La deuxième table ronde a abordé l’émergence d’un ordre public européen. Enfin la troisième table ronde s’est penchée sur la question de l’existence et du contenu d’un ordre public économique et social.

Cet ouvrage propose une réflexion sur une notion fondamentale qui intéresse à la fois les individus, les entreprises et les États, et qui dépasse le simple cadre national.

> Retrouvez ici le dossier complet du colloque du 24 février 2017

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Jurisprudence du Conseil d'État 2016-2017

Cet ouvrage « Jurisprudence du Conseil d'État 2016-2017 » présente 50 synthèses des principales décisions rendues par les formations supérieures du jugement du Conseil d'État (assemblée, section et plénières fiscale), qui ont marqué la jurisprudence administrative au cours de ces deux dernières années. Il expose de façon pédagogique les enjeux sous-tendant chaque décision, resitue celle-ci dans les grands courants de la jurisprudence administrative et explicite la portée de la solution retenue. La Jurisprudence du Conseil d'État est un outil de travail indispensable pour les praticiens du droit administratif.

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Entretiens sur l'Europe Tome 2

Le cycle de conférences « Entretiens sur l’Europe » organisé par le Conseil d’État (section du rapport et des études) d’octobre 2015 à juin 2017 s’est proposé d’étudier l’avenir de l’Union européenne à la lumière des nombreux défis qu’elle doit affronter : défi économique, interrogations institutionnelles, crise migratoire, crise de confiance.

Le présent « tome 2 » rassemble les six dernières conférences du cycle qui poursuivent le deuxième thème consacré aux politiques de l’Union en traitant respectivement de l’enseignement et de la recherche, du droit de la concurrence et de la place des services publics dans l’Union. Les trois dernières conférences abordent les questions de l’identité européenne, de la citoyenneté européenne ainsi que de l’influence européenne sur la scène internationale.

> Retrouvez ici le dossier complet du cycle de conférences Entretiens sur l'Europe

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Le droit social et la norme internationale

Le colloque du 14 octobre 2016 s’inscrit dans le cycle de conférences en droit social du Conseil d’État Il a mis en lumière, à travers quatre tables rondes, la façon dont les juges français et européens articulent les normes internes et internationales de droit social dans leurs jurisprudences respectives ;  ainsi que la manière dont se fabrique cette norme par les organisations internationales, telles que l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ou européennes. Il s’est intéressé au rapport entre les normes internationales et la flexibilité et a analysé la notion de mobilité dans le champ du social. Il s’est enfin attaché à éclairer des débats de fond : quelles réponses ce droit aux sources hybrides peut-il et doit-il apporter aux défis d’une flexibilité et d’une mobilité des individus ?

> Retrouvez ici le dossier complet du cycle de conférences Entretiens en droit social

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Droit comparé et territorialité du droit Tome 2

Le cycle de conférences Droit comparé et territorialité du droit organisé par le Conseil d’État (section du rapport et des études) de mai 2015 à janvier 2016 intitulé « Droit comparé et territorialité du droit » s’est proposé d’étudier les interactions entre la démarche comparatiste et le pluralisme normatif contemporain. Les deux thématiques - comparaison des droits et territorialité - connaissent, aujourd’hui, des évolutions profondes qui, bien que paradoxales, n’en sont pas moins susceptibles de relever de causes analogues.

Ce tome 2 rassemble  les six dernières conférences du cycle, qui en a compté douze. Deux conférences (7 et 9) ont abordé le renouvellement de la fabrique et des véhicules des normes à travers deux thèmes majeurs : le droit financier et de la régulation qui, a renouvelé la prise de décision au sein de l’Union européenne, et le droit fiscal analysé à travers les effets de l’imbrication des différents niveaux des normes françaises, européennes et internationales. La huitième conférence, consacrée au creuset normatif européen, a abordé le droit des étrangers et la façon dont les institutions européennes font face au phénomène migratoire. La dixième conférence a traité l’a-territorialité du droit à l’ère numérique. La onzième  conférence s’est interrogée sur la notion de souveraineté. La douzième et la dernière  conférence  a été consacrée aux droits fondamentaux dans les cadres français et européens. C’est au total, une réflexion éclairée sur l’avenir d’un droit confronté aux complexités de la globalisation, est présentée dans cet ouvrage.

> Retrouvez ici le dossier complet du cycle de conférences Droit comparé territorialité du droit

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Les entreprises publiques

Cet ouvrage rassemble les actes du colloque organisé par le Conseil d'État dans le cadre de cycle des Entretiens en droit public, le 10 juin 2016, sur le thème des entreprises publiques, définies comme l'ensemble des sociétés à participation publique. Quatre axes d'études ont été privilégiés pour rendre compte de la diversité des formes d'entreprises publiques nationales comme locales.

Le premier axe interroge le passage de l'État industriel à l'État actionnaire au regard des problématiques du secteur public. Le deuxième axe analyse les deux statuts juridiques traditionnels de l'entreprise publique nationale : les sociétés commerciales et les établissements publics industriels et commerciaux. Le troisième axe traite des convergences et des divergences des entreprises publiques locales avec les entreprises publiques nationales. Enfin, le quatrième axe s'intéresse à la difficulté actuelle pour les entreprises publiques de clarifier et de concilier les enjeux des multiples intérêts de l'État qui est à la fois stratège, client, organisateur, régulateur ou actionnaire.

> Retrouvez ici le dossier complet de la conférence du 10 juin 2016

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