Les sujets de santé reflètent les évolutions de notre société. Au-delà des débats politiques ou éthiques, ils posent sans cesse de nouvelles questions de droit dont le Conseil d’État est saisi, comme garant de nos libertés. En 2022, le Conseil d’État a jugé plusieurs affaires relatives à des enjeux de santé : fin de vie, santé au travail, consommation de cannabis sans THC, aide d’urgence ou encore information sur les dispositifs médicaux.
Les enjeux soulevés par la question de la fin de vie nous interrogent toutes et tous. En 2022, le Conseil d’État est saisi en appel par la famille d’un patient dont les soins allaient être arrêtés : les médecins avaient décidé d’écarter les directives anticipées du patient estimant qu’elles n’étaient pas appropriées à la situation médicale particulière dans laquelle il se trouvait. Après confirmation du Conseil constitutionnel que les médecins peuvent écarter des directives « non conformes à la situation médicale », le Conseil d’État décide en novembre que la poursuite des traitements constituerait une obstination déraisonnable au vu de l’état d’abolition de conscience du patient et de l’absence de perspective thérapeutique.
En matière de santé, l’amiante est un sujet majeur : en France, au moins 61 300 personnes sont décédées entre 1955 et 2009 à cause de ce minéral qui était utilisé comme isolant. L’angoisse générée par le risque élevé de développer une pathologie grave et de voir son espérance de vie réduite à la suite d’une exposition à des poussières sur son lieu de travail donne droit à toute personne de demander à son employeur la réparation d’un préjudice d’anxiété. Pour mieux accompagner les personnes qui souhaitent obtenir réparation, le Conseil d’État précise en avril les modalités de ce droit à l’indemnisation. Il juge en mai que dix-sept marins devaient être indemnisés par le ministère des Armées pour ce préjudice d’anxiété.
Autre sujet de société : le cannabis à la teneur en tétrahydrocannabinol (THC) inférieure à 0,3 %, aussi appelé CBD. En 2022, le Conseil d’État se prononce à deux reprises sur la commercialisation de ces variétés « CBD ». Une première fois en janvier, le juge suspend en urgence l’interdiction de la vente des fleurs et des feuilles de CBD : pourquoi serait-elle interdite si la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation de ces variétés sont autorisées ? Une seconde fois en décembre, après une instruction sur le fond, le Conseil d’État confirme l’annulation. Sans effet psychotrope et ne créant pas de dépendance, le « CBD » ne crée donc pas de risque pour la santé publique justifiant une interdiction générale et absolue.
En février, le Conseil d’État donne son avis au Gouvernement sur un projet de décret relatif aux actes professionnels pouvant être accomplis par les ambulanciers dans le cadre de l’aide médicale urgente. Il confirme que permettre aux ambulanciers de prendre des constantes ou d’administrer un traitement en urgence sous la responsabilité d’un médecin à distance n’autorise pas une forme d’« exercice illégal de la médecine ».
Enfin, sur la question de l’information sanitaire, le Conseil d’État a été amené à se prononcer sur la demande d’une journaliste qui s’était vue refuser l’accès à la liste des dispositifs médicaux n’ayant pas obtenu le certificat de conformité européenne (CE) au nom du secret des affaires. La journaliste se tourne vers la justice administrative. En avril, le Conseil d’État arbitre : le risque que représente un dispositif médical défaillant est bien réel, la liste des dispositifs médicaux ayant échoué à obtenir la certification CE auprès de l’organisme français doit être communiquée.