Obligation pour l’administration d’abroger les règlements illégaux
Les faits et le contexte juridique
L’origine de la demande de la compagnie Alitalia concernait des remboursements de TVA qui lui avaient été refusés par l’administration sur le fondement de dispositions issues de décrets et codifiées au code général des impôts. La compagnie Alitalia estimait que ces dispositions étaient contraires à une directive européenne de 1977 et avait donc saisi le juge administratif de l’annulation de la décision par laquelle l’administration avait refusé d’abroger les dispositions du code général des impôts en litige.
L’article 3 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l’administration et les usagers avait posé la règle selon laquelle l’autorité compétente est tenue de faire droit à toute demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, que ce règlement soit devenu illégal en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction ou que ce règlement ait été illégal dès sa signature. La première configuration avait été rendue possible depuis longtemps (Section, 10 janvier 1930, Despujol, p. 30), mais le respect d’un délai de deux mois suivant la survenance de la circonstance nouvelle était nécessaire. Le second cas, relatif à l’illégalité dès l’origine de l’acte, avait conduit à des jurisprudences plus nuancées. Les dispositions du décret de 1983 ne semblaient pas suffisantes pour imposer une telle obligation d’abrogation pour l’ensemble des actes réglementaires.
Le sens et la portée de la décision
Pour écarter ces difficultés, le Conseil d’État érigea en principes les facultés ouvertes aux administrés par l’article 3 du décret de 1983 et releva, non sans une certaine audace, que ce décret s’était inspiré de ces principes. Par cette décision, la haute juridiction institue une faculté pour tout administré de demander, sans condition de délai, à l'administration d'abroger les actes réglementaires illégaux dès l'origine ou devenus illégaux du fait d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit.
Des prolongements de cette jurisprudence ont permis d’en préciser les effets lorsque des changements sont intervenus depuis l’adoption du règlement. D’abord, ces principes ont été étendus aux actes non réglementaires qui n’ont pas créé de droits (CE, 30 novembre 1990, Association « Les Verts »). Ensuite, dans le cas où l’illégalité du règlement a cessé à la date à laquelle l’administration se prononce, l’obligation d’abrogation disparait (CE, 10 octobre 2013, Fédération française de gymnastique).
Par ailleurs le législateur a consacré en 2007 la jurisprudence Alitalia par l’article 16-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, aujourd’hui codifié à l’article L. 243-2 du code des relations entre le public et l’administration.
Enfin, le Conseil d’Etat a limité le champ des moyens qui peuvent être invoqués pour contester un refus d’abrogation d’un acte réglementaire : la légalité des règles fixées par celui-ci, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, mais il n’en va pas de même des vices de forme et de procédure, qui ne sont invocables qu’à l’appui du recours pour excès de pourvoir dirigé contre le règlement lui-même (CE, Assemblée, 18 avril 2018, Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT).