Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et reportant la date de caducité des régimes institués pour faire face à la crise sanitaire.
1. Le Conseil d’État a été saisi le 6 janvier 2021 d’un projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et reportant la date de caducité de certains des régimes créés pour faire face à la crise sanitaire du covid-19.
Ce projet de loi comporte trois articles :
- le premier article proroge jusqu’au 1er juin 2021 l'état d'urgence sanitaire déclaré pour lutter contre l’épidémie de covid-19 par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 ;
- le deuxième article reporte au 31 décembre 2021 la date de sortie de vigueur, initialement fixée au 1er avril 2021, des trois régimes juridiques suivants :
o le régime de l’état d’urgence sanitaire, dans le cadre duquel l’état d’urgence sanitaire a été déclaré pour lutter contre l’épidémie de covid-19. Ce régime a été créé par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, et figure au chapitre Ier bis du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique (articles L. 3131-12 à L. 3131-20) ;
o le cadre législatif spécifique, défini par l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, visant à autoriser la création de traitements de données à caractère personnel relatives aux personnes infectées par le virus SARS-CoV-2 et aux personnes ayant été en contact avec elles ;
o le régime de sortie de l’état d’urgence, créé par la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire ;
- le troisième article procède à l’extension en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna des dispositions reportant le terme du régime de l’état d’urgence sanitaire ainsi que du régime de sortie de l’état d’urgence.
L’étude d’impact du projet répond aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
Conformément au troisième alinéa de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, la perspective d’une prorogation de l’état d’urgence sanitaire a fait l’objet d’un avis du comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19 du même code, rendu le 8 janvier 2021. Le comité s’est également prononcé à titre facultatif, dans cet avis, sur la perspective d’une prolongation du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire.
S’agissant des dispositions maintenant en vigueur au-delà de la date prévue initialement les dispositions de l’article 11 de la loi du 11 mai 2020, qui fournissent une base législative à certains traitements de données à caractère personnel créés par décret en Conseil d’Etat, et ayant pour effet de permettre de prolonger la durée de conservation de certaines données au-delà de la date initialement prévue, le Conseil d’Etat estime qu’elles ne peuvent être regardées comme ayant par elles-mêmes pour objet de définir ou de modifier, dans leurs caractéristiques essentielles, les conditions de de mise en œuvre de ces traitements. Par suite, la consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés n’était pas requise en application de l’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
Sur la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin 2021 inclus
2. La lutte contre la propagation de l'épidémie de covid-19 a conduit à la mise en œuvre, au cours de l’année 2020, de différents régimes juridiques, rappelés par le Conseil d’Etat dans son avis (n° 401741) du 20 décembre 2020 portant sur un projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires.
En particulier, l’état d’urgence sanitaire, qui peut être mis en œuvre « en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population » (art. L. 3131-12 du code de la santé publique), a été déclaré une première fois pour une durée de deux mois sur l'ensemble du territoire national par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020, puis prorogé, par la loi du 11 mai 2020, jusqu’au 10 juillet 2020 inclus.
Dans ce cadre, la première phase de l’état d’urgence sanitaire, qui a reposé sur un confinement général et indifférencié de la population, du 17 mars au 11 mai 2020, a permis de soulager la pression sur le système de soins et de réduire significativement la reproduction du virus. La préservation de l’état de santé de la population comme la nécessité de préserver la continuité de la vie de la Nation ont conduit le Gouvernement à mettre ensuite en place une deuxième phase de lutte contre l’épidémie reposant sur le maintien de l’état d’urgence sanitaire associé à une sortie progressive du confinement.
Compte tenu du reflux de l’épidémie observé à partir de la fin du printemps 2020, la loi du 9 juillet 2020 a créé un cadre juridique spécifique visant à favoriser, à partir du 11 juillet 2020, le retour au droit commun, tout en permettant aux autorités compétentes de prendre les mesures nationales et déconcentrées de police administrative et d’organisation du dispositif de soins nécessaires à la lutte contre l’épidémie.
Devant le constat d’une nette aggravation de la crise sanitaire résultant d'une reprise de l’épidémie, le Gouvernement a, par décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020, de nouveau déclaré l’état d’urgence sanitaire, sur l’ensemble du territoire national, à compter du 17 octobre 2020. La loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire l’a prorogé jusqu’au 16 février 2021.
3. Le projet du Gouvernement propose une nouvelle prorogation de l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national jusqu’au 1er juin 2021 inclus.
Pour apprécier le bien-fondé de la mesure envisagée dans son principe, dans son champ géographique comme dans la durée envisagée, il convient de rechercher si, au regard des données disponibles sur la situation sanitaire et en l’état des connaissances scientifiques, cette mesure est justifiée par l’existence et la persistance prévisible de la catastrophe sanitaire sur la période courant jusqu’au 1er juin 2021, en tenant compte de l’efficacité des mesures propres au régime de l’état d’urgence et de leur adéquation pour faire face à la situation sanitaire actuelle comme à son évolution prévisible.
Il ressort des informations transmises par le Gouvernement au Conseil d’Etat ainsi que de l’avis du comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique en date du 8 janvier 2021, en premier lieu, que le virus circule toujours activement en France et que la tendance à l’amélioration constatée après le pic épidémique de la seconde vague fin octobre, marqué notamment par un taux d’incidence de 507 nouveaux cas pour 100 000 habitants, n’est plus constatée.
Le taux d’incidence, après avoir atteint un minimum fin novembre, est resté supérieur à 100 cas pour 100 000 habitants sur les dernières semaines de 2020 et début 2021, et s’élève à 154 cas pour 100 000 au 7 janvier 2021. Il présente de fortes disparités territoriales en métropole comme dans les territoires d’outre-mer, et, dans certains départements, des taux pouvant dépasser 300 cas pour 100 000 habitants. Le nombre de nouvelles contaminations par jour est resté élevé en décembre – entre 10 000 et 15 000 (avis du comité de scientifiques du 8 janvier 2021), et a commencé « à augmenter progressivement depuis début janvier 2021 (plus de 25 000 nouvelles contaminations le 6 janvier 2021) » (même avis). Le nombre de reproduction effectif « R-effectif » avoisine la valeur 1 au niveau national, dont le dépassement serait synonyme d’une tendance à l’augmentation du nombre de cas.
La pression sur le système de santé demeure forte à la date du présent avis, avec environ 7 500 à 8 000 nouvelles hospitalisations et un peu plus de 1 100 admissions en réanimation par semaine, pour un nombre total de personnes hospitalisées en raison du covid-19 restant à un niveau élevé autour de 25 000, dont environ 2 600 dans des services de réanimation, sans tendance à la baisse durable de ces chiffres. Le nombre de décès reste supérieur à 300 par jour en moyenne.
Il apparaît, en second lieu, que les incertitudes sur l’évolution de la situation à court et moyen terme sont nombreuses et marquées par une prédominance des facteurs de risque d’aggravation. Il est, en particulier, à ce stade particulièrement difficile de mesurer, d’une part, l’ampleur de la prévalence en France des nouveaux variants du SARS-CoV-2, détectés notamment au Royaume-Uni et en Afrique du Sud, d’autre part, l’effet précis de ces variants sur la propagation de l’épidémie. Dans son avis du 8 janvier 2021, le comité de scientifiques s’inquiète de la circulation de ces variants, qui « pourraient avoir des capacités de transmission supérieures à la souche circulant actuellement en France ». Le comité rappelle que « ce clone anglais correspond à plus de 60% des contaminations ayant lieu au Sud-Est de l’Angleterre et à Londres. » A la lumière de la situation des pays voisins touchés de manière plus précoce, ce variant fait ainsi peser un risque majeur d’aggravation voire de perte de contrôle de l’épidémie.
Par ailleurs, d’autres facteurs, notamment la plus grande circulation des virus respiratoires en saison hivernale, la proportion toujours faible de la population française immunisée contre le SARS-CoV-2 et l’absence d’impact notable à court terme de la campagne de vaccination débutée fin décembre 2020, ne jouent pas dans le sens d’une amélioration de la situation et contribuent au risque d’aggravation de l’épidémie et de pression accrue sur le système de santé.
Le Conseil d’Etat estime qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin 2021 inclus est justifiée en l’état des données disponibles.
Compte tenu du nombre de départements concernés par une circulation particulièrement intense du virus, des déplacements de personnes et de la nécessité de disposer de moyens adaptés de réaction en cas de dégradation rapide de la situation sanitaire sur les territoires métropolitains ou d’outre-mer moins touchés jusqu’ici par l’épidémie, le choix de proroger l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national apparait adéquat au regard de la situation sanitaire.
4. Le Conseil d’Etat rappelle toutefois que si la prorogation de l’état d’urgence a pour effet de maintenir applicable l’ensemble des pouvoirs conférés au Premier ministre par les dispositions des 1° à 10° de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, le prononcé de chacune de ces mesures est soumis, sous le contrôle du juge, à la condition qu’elle soit, dans son principe comme dans sa portée, sa durée et son champ d’application territorial, strictement nécessaire, adaptée et proportionnée aux risques sanitaires encourus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu. Il doit y être mis fin dès que ces conditions ne sont plus remplies.
En outre, le Conseil d’Etat souligne que si le régime de l’état d’urgence sanitaire, par la gamme des mesures qu’il autorise, est de nature à permettre de faire face, par des moyens adaptés, à une éventuelle extension ou aggravation de l’épidémie et, en tout état de cause, d’en réduire la propagation notamment dans les départements ou zones les plus touchées, il peut à l’inverse, si la situation sanitaire le permet, être mis fin à l'état d'urgence sanitaire par décret en conseil des ministres avant l'expiration du délai fixé par la loi.
Sur le report de la date de sortie de vigueur du cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire
5. Le Conseil d’Etat rappelle qu’en vertu de l’article 7 de la loi du 23 mars 2020, le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire, introduit dans le code de la santé publique par l’article 2 de cette même loi et sur le fondement duquel l’état d’urgence sanitaire a été déclaré et prorogé à déjà plusieurs reprises pour lutter contre l’épidémie de covid-19, n’est applicable que jusqu'au 1er avril 2021. Aucune des lois qui ont suivi la loi du 23 mars 2020 n’a abrogé ou modifié cette date de sortie de vigueur.
Le Gouvernement a saisi en décembre 2020 le Conseil d’Etat d’un projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires, dont les dispositions avaient vocation à se substituer à compter du 1er avril 2021 aux règles en vigueur, notamment à celles de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique (pouvoirs du ministre de la santé en cas de menace sanitaire grave), à celles du chapitre Ier bis du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique (régime de l’état d’urgence sanitaire) ainsi qu’à celles de la loi du 9 juillet 2020 (régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire). Ce projet de loi a fait l’objet de l’avis mentionné au point 2.
Le Gouvernement a toutefois informé le Conseil d’Etat du report du calendrier initialement envisagé pour l’examen par le Parlement de ce projet de loi. Compte tenu de la situation sanitaire et de son évolution prévisible rappelées précédemment, le Gouvernement propose de reporter au 31 décembre 2021 la date de sortie de vigueur du régime juridique de l’état d’urgence sanitaire, afin que subsiste au-delà du 1er avril 2021 une base législative permettant au Gouvernement, si les circonstances l’exigent, de déclarer ou de solliciter la prorogation de l’état d’urgence en vue d’adopter les mesures nécessaires à une lutte efficace contre l’épidémie. Ce maintien en vigueur du cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire est, en particulier, nécessaire pour fournir une base législative à la mesure, proposée à l’article 1er du projet de loi mais que le Conseil d’Etat suggère, pour des raisons de logique juridique, de traiter à l’article 2 dans la version qu’il adopte, de prorogation de l’état d’urgence sanitaire déclaré, depuis le 17 octobre 2020, par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre dernier et prorogé jusqu’au 16 février 2021, par l’article 1er de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.
Ce report ne se heurte à aucun obstacle d’ordre juridique. Le Conseil d’Etat relève par ailleurs, dans la continuité de son avis du 20 décembre 2020, que ce report permettra de disposer utilement d’un recul supplémentaire pour évaluer le cadre juridique actuel et compléter l’éclairage du Parlement sur les modifications proposées par le projet de loi déposé en décembre, s’agissant notamment des prérogatives des pouvoirs publics, de leurs modalités de mise en œuvre, des conditions d'organisation de l'expertise sanitaire ainsi que sur d’autres dimensions de la gestion des crises sanitaires dont la responsabilité respective des autorités de police sanitaire et des employeurs.
Sur le report de la date de caducité du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire défini par la loi du 9 juillet 2020
6. La loi du 9 juillet 2020 a créé un cadre juridique spécifique destiné à organiser la sortie de l'état d'urgence sanitaire déclaré pour lutter contre le covid-19. Ce régime devait initialement s’appliquer entre le 11 juillet et le 30 octobre 2020. Il a été maintenu en vigueur jusqu’au 1er avril 2021 par la loi citée précédemment du 14 novembre 2020. Il a vocation, sur cette période, à s’appliquer dans les territoires de la République où l’état d’urgence n’est pas ou n’est plus en vigueur.
Dans ce cadre législatif, le Premier Ministre est habilité à prendre les mesures nécessaires à lutte contre le covid-19, pouvant porter notamment sur la réglementation ou, dans certaines parties du territoire où est constatée une circulation active du virus, l’interdiction de la circulation des personnes et des véhicules et sur les conditions d’utilisation des transports collectifs ; la limitation de l’accès, voire, si les précautions ordinaires ne peuvent être observées ou dans des zones de circulation active du virus, la fermeture, de catégories d’établissements recevant du public et de lieux de réunion ; la réglementation des réunions et rassemblements, sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public ; l’obligation de présenter le résultat négatif d’un test de dépistage à l’arrivée ou au départ du territoire métropolitain ou d’une collectivité d’outre-mer. Le Premier ministre peut habiliter les préfets à prendre ces mêmes mesures à l’échelon du département et à mettre en demeure de fermer les établissements ne se conformant pas à ces mesures.
7. Le Conseil constitutionnel a examiné ces dispositions qui ont donné lieu à la décision n° 2020-803 DC du 9 juillet 2020. Il les a déclarées conformes à la Constitution en estimant qu’elles conciliaient les nécessités de la lutte contre l’épidémie avec la protection des libertés fondamentales, sur la base d’une appréciation par le législateur du risque de propagation du virus dont il a estimé, à la date de sa décision, qu’elle n’était pas manifestement inadéquate au regard de la situation et de l’état des connaissances scientifiques.
Comme le Conseil d’Etat l’a relevé dans son avis (n° 401114) du 14 septembre 2020 sur un projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire, la mise en œuvre du régime défini par ces dispositions peut s’avérer nécessaire, compte tenu des pouvoirs supplémentaires qu’il confère aux autorités de police par rapport aux pouvoirs de droit commun prévus dans le code de la santé publique, pour maîtriser la sortie de l’état d’urgence et prévenir le risque d’une perte de contrôle ultérieure de l’épidémie, tout en étant, selon les circonstances, mieux proportionnée qu’une déclaration ou une prorogation de l’état d’urgence sanitaire.
Le Conseil d’Etat rappelle à cet égard que si certaines de ces mesures ont un objet comparable à celles prévues, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, par l’article L. 3131-19 du code de la santé publique, le régime de sortie de l’état d’urgence exclut le prononcé des mesures de police de nature à créer, par leur nature ou leur portée, les atteintes les plus graves aux droits et libertés des personnes, en particulier la mise en œuvre d’un confinement général et indifférencié, ou de mesures d’interdiction des déplacements des personnes hors de leur lieu de résidence sur certains créneaux horaires (couvre-feu), le Conseil constitutionnel ayant notamment précisé qu’à la lumière des travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi du 9 juillet 2020, « l'interdiction de circulation des personnes ne peut conduire à leur interdire de sortir de leur domicile ou de ses alentours » (décision n° 2020-803 DC du 9 juillet 2020, paragr.15). A l’inverse, les mesures susceptibles d’être prises sur le fondement de la loi du 9 juillet 2020 ne peuvent trouver de base légale dans les dispositions de droit commun du code de la santé publique, en particulier dans celles de l’article L. 3131-1 de ce code.
Dans ce contexte, et au vu de la situation sanitaire constatée et prévisible à la date de ses avis, le Conseil d’Etat a pu ainsi donner un avis favorable à la durée initiale de mise en œuvre de ce régime (avis n° 400322 du 9 juin), ainsi qu’à la durée prévue pour sa prolongation jusqu’au 1er avril 2021 (avis n° 401114 du 14 septembre 2020 et avis n° 401419 du 20 octobre 2020).
8. Le projet proposé par le Gouvernement envisage de maintenir en vigueur le régime issu de la loi du 9 juillet 2020 jusqu’au 31 décembre 2021.
Le Conseil d’Etat souligne que la durée de la nouvelle prolongation proposée par le Gouvernement rend délicat, à la date du présent avis, l’examen de son bien-fondé au regard de l’évolution raisonnablement prévisible de la situation sanitaire sur l’ensemble de la période.
Le Conseil d’Etat relève que cette prolongation conduirait à maintenir en vigueur pendant presque une année supplémentaire à compter de la date du présent avis, et sept mois après le terme fixé, en l’état du projet de loi, pour l’état d’urgence sanitaire, un cadre juridique habilitant le Premier ministre à prendre des mesures de police sanitaire exceptionnelles affectant les droits et libertés constitutionnellement garantis.
Le Conseil d’Etat rappelle que, à la différence de l’état d’urgence dont le déclenchement est subordonné à une déclaration préalable par un décret du Président de la République et qui peut être levé par décret de manière anticipée si les circonstances le permettent, le régime résultant de la loi du 9 juillet 2020 reste applicable, de plein droit, tant que sa date de sortie de vigueur fixée par la loi n’est pas atteinte, sans que les dispositions de cette loi n’imposent dans l’intervalle un réexamen du bien-fondé de son maintien en vigueur.
9. Si le Conseil d’Etat estime que la prolongation de ce régime au-delà du terme de l’état d’urgence sanitaire, prévu au 1er juin 2021, peut être admise dans la mesure où il existe une forte probabilité que la mise en œuvre de mesures exceptionnelles de police sanitaire soit, à cette échéance, encore requise pour endiguer l'épidémie, les incertitudes quant à l’évolution de la situation sanitaire à un horizon comme celui de la fin de l’année 2021, rappelées par le comité de scientifiques dans son avis du 8 janvier cité précédemment, le conduisent néanmoins à recommander, dans le cadre du présent projet de loi, une période d’application plus courte que celle envisagée par le Gouvernement : le Conseil d’Etat estime que la date du 30 septembre 2021 constituerait une échéance adaptée. Il est d’avis qu’une éventuelle prolongation du régime de sortie de l’état d’urgence au-delà de cette date suppose une nouvelle appréciation par le Parlement de la nécessité d’une telle option, au vu des données sanitaires alors disponibles.
Si le Conseil d’Etat estime qu’une telle prolongation, ainsi encadrée dans le temps, ne se heurte dans son principe à aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel, il rappelle que les mesures prises sur le fondement de la loi du 9 juillet 2020 doivent, sous le contrôle du juge, être nécessaires, proportionnées et adaptées compte tenu des circonstances de temps et de lieu, et qu’il doit y mettre fin dès que ces conditions ne sont plus remplies.
Sur la prolongation de la mise en œuvre des systèmes d’information dédiés à l’épidémie de covid-19 et de la durée de conservation de certaines données jusqu’au 31 décembre 2021
10. Le Conseil d’Etat rappelle que l’article 11 de la loi du 11 mai 2020 autorise la mise en œuvre, dans des conditions conduisant à déroger au secret médical, de traitements de données à caractère personnel dédiés à la lutte contre la propagation de l’épidémie de covid-19. Dans le cadre défini par cet article ont été créés par voie réglementaire (décret n° 2020-551 du 12 mai 2020 relatif aux systèmes d'information mentionnés à l'article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions), d’une part, le traitement « SIDEP », visant à centraliser les résultats des examens de dépistage du covid-19, d’autre part, le traitement « Contact Covid », visant à identifier, orienter et accompagner les personnes infectées et les personnes susceptibles de l’être, ainsi qu’à permettre la surveillance épidémiologique et la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation.
En l’état du droit, l’article 11 de la loi du 11 mai 2020 autorise la mise en œuvre de ces traitements de données jusqu’au 1er avril 2021. En outre, s’il limite en principe à trois mois à compter de leur collecte la durée de conservation des données, il permet la conservation, jusqu’au 1er avril 2021 également, des données traitées aux seules fins de surveillance épidémiologique et de recherche. Le projet de loi envisage de prolonger jusqu’au 31 décembre 2021 la mise en œuvre de ces traitements, ainsi que la durée de conservation des données pour ces finalités spécifiques.
Le Conseil d’Etat rappelle que le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 2 de la Déclaration de 1789 et par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, implique que les données à caractère personnel doivent être conservées pendant une durée n'excédant pas celle nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées. Une exigence analogue résulte des dispositions du e) du paragraphe 1 de l’article 5 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (dit « RGPD »).
Au regard de ces exigences, le Conseil d’Etat relève que le projet de loi ne modifie pas la durée de conservation de trois mois retenue par principe pour l’ensemble des données, en particulier pour les données directement identifiantes, et que l’allongement de la durée de conservation, pour les finalités de surveillance épidémiologique et de recherche, ne concerne que des données pseudonymisées.
Par ailleurs, la conservation des données pour ces deux finalités spécifiques apparaît nécessaire au regard de la situation épidémique actuelle et de son évolution prévisible. Alors même que la gravité de la situation ne justifierait plus la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, cette fonctionnalité des systèmes d’information restera nécessaire pour s’assurer de la disparition durable de tout risque de catastrophe épidémique. Il ressort notamment de l’avis du 14 novembre 2020 du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-13 du code de la santé publique que la stratégie consistant à isoler, tester, tracer et accompagner les personnes infectées et leurs contacts, qui prend appui sur les traitements « Contact Covid » et « SI-DEP », « reste l’outil majeur de contrôle de l’épidémie avec l’application des mesures barrières » au premier semestre 2021. Il observe que ce constat n’est pas remis en cause par le lancement d’une campagne de vaccination, qui doit être menée parallèlement à la recherche des personnes infectées et de leurs contacts, selon ce même avis, et dont les objectifs restent aujourd’hui limités à « réduire les formes graves et les décès et maintenir le système de santé en période d’épidémie », aux termes de l’argumentaire de la Haute Autorité de santé du 27 novembre sur la stratégie de vaccination.
Dans ces conditions, le Conseil d’Etat estime qu’une prorogation du régime issu de l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 au-delà du 1er avril 2021 est en adéquation avec les perspectives d’évolution de la situation sanitaire, en l’état des connaissances scientifiques.
Le Conseil d’Etat rappelle toutefois que la création de traitements de données à caractère personnel par l’administration et la fixation de leurs caractéristiques essentielles relèvent en principe du domaine du règlement. Il estime par conséquent que le terme exact de la mise en œuvre des traitements « Contact Covid » et « SI-DEP », qui correspondra au terme effectif de la crise sanitaire et qu’il apparaît impossible d’apprécier en l’état des informations disponibles, devrait être fixé par voie réglementaire. Le Conseil d’Etat propose par suite de prévoir, dans des conditions se rapprochant de celles prévues par le projet de loi mentionné au point 2, que ce terme sera fixé par un décret en Conseil d’Etat devant intervenir avant le 31 décembre 2021. Ce décret devra respecter strictement les principes de nécessité et de proportionnalité qui résultent de la Constitution et du RGPD dans la définition de la durée de mise en œuvre du traitement. En l’absence d’intervention d’un tel décret, les traitements de données ne seront plus autorisés à compter de l’expiration de ce délai.
Sur l’application outre-mer
11. En dehors de modifications de forme, les dispositions du projet de loi n’appellent pas, sur ce point, d’observation de la part du Conseil d’Etat.
Cet avis a été délibéré et adopté par la Commission permanente du Conseil d’Etat dans sa séance du lundi 11 janvier 2021.