Lettre de la justice administrative n° 57

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À la Une de la Lettre de la justice administrative n° 57 : la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019

Retrouvez également toute l'actualité de la justice administrative, son action à l'international et en juridictions ainsi que les temps forts de son activité, passés et à venir.

> La Lettre de la justice administrative n° 57 (pdf)

CONTENTIEUX

Documents administratifs

Le Conseil d’État était saisi en cassation par l’association Front national contre un jugement du tribunal administratif de Paris qui avait annulé la décision de la CNCCFP rejetant implicitement la demande, présentée par la société éditrice Mediapart, de communication de la convention de prêt conclue entre la First Czech Russian Bank et l’association Front national et avaitenjoint à la CNCCFP de communiquer ladite convention en occultant les données bancaires de cette association.

Le Conseil d’État juge tout d’abord que les documents adressés à la CNCCFP,  reçus par cette commission dans le cadre de sa mission de contrôle des comptes annuels des partis et groupements politiques conformément aux dispositions de la loi de 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, constituent des documents administratifs régis par les dispositions de la loi du 17 juillet 1978 aujourd’hui codifiées à l’article L. 300-1 et suivant du code des relations entre le public et l’administration. Il précise que ces documents constituent des documents préparatoires, exclus du droit à communication, jusqu’à la publication sommaire des comptes au Journal officiel de la République française (JORF). Après cette publication, il appartient en revanche à la commission, saisie d'une demande de communication de tels documents, de rechercher si les dispositions qui leur sont applicables permettent d'y faire droit.

Appliquant ce principe à l’espèce, le Conseil d’État juge que la convention litigieuse, même si elle est soumise à la loi russe et assortie d’une clause de confidentialité (laquelle n’est opposable qu’aux seules parties), constitue un document administratif communicable à compter de la publication sommaire des comptes de ce parti politique, au titre de l’exercice 2014, au JORF sous réserve du respect du secret en matière commerciale. Il estime à cet égard que le tribunal administratif de Paris n’a pas suffisamment garanti le respect du secret en matière commerciale en se prononçant en faveur de la communication de la convention sous la seule réserve que soient occultées les coordonnées bancaires du compte courant de l’association et prononce l’annulation du jugement. Réglant l’affaire au fond, il juge que la communication de la convention de prêt doit intervenir, dans un délai d’un mois, après occultation des mentions relatives aux coordonnées bancaires du compte bancaire concerné, mais aussi à la durée et au taux d’intérêt du prêt, ces éléments pouvant en effet refléter la stratégie commerciale du prêteur.

> Consultez la décision n° 420467

 Cultes

Le Conseil d’État était saisi d’un pourvoi contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille qui confirmait l’annulation par le tribunal administratif de Nice de la délibération du conseil municipal et de la décision du maire de la commune de Valbonne relatives à la signature d’une convention d’occupation prévoyant la mise à disposition d’un local de la commune en vue de l’exercice d’activités cultuelles à l’association « Musulmans de Valbonne Sophie Antipolis ». La Cour administrative d’appel avait estimé qu’une commune ne pouvait mettre ses locaux à la disposition d’une association cultuelle pour une utilisation exclusive et pérenne. La commune de Valbonne contestait cet arrêt en cassation.

Le Conseil d’État précise tout d’abord que la juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande formée par un tiers tendant à l’annulation de la délibération d’un conseil municipal autorisant la conclusion d’une convention prévoyant la mise à disposition d’une dépendance du domaine privé communal.

Le Conseil d’État précise, ensuite, que les dispositions des articles 1er et 9 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’État ainsi que celles de l’article L. 2144-3 du CGCT permettent à une commune d’autoriser, dans le respect du principe de neutralité à l’égard des cultes et du principe d’égalité, l’utilisation d’un local communal, par une association, pour l’exercice d’un culte dès lors que les conditions financières de cette autorisation excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte. Il ajoute qu’une demande d’utilisation d’un local communal ne peut être rejetée au seul motif que cette demande lui est adressée par une association dans le but d’exercer un culte.

S’agissant plus spécifiquement de l’usage exclusif et pérenne d’un local communal par une association cultuelle, le Conseil d’État établit une distinction entre, d’une part, les locaux communaux, lesquels désignent au sens des dispositions de l’article L. 2144-3 du CGCT les locaux affectés aux services publics communaux, et, d’autre part, les locaux de leur domaine privé.

Le Conseil d’État juge qu’au regard des dispositions de la loi du 9 décembre 1905, les collectivités territoriales peuvent donner à bail, pour un usage exclusif et pérenne, à une association cultuelle un local existant de leur domaine privé dès lors que les conditions notamment financières, de cette location excluent toute libéralité. En revanche, il rappelle qu’une commune ne peut, sans méconnaître ces dispositions, décider qu'un local lui appartenant et ayant la qualité de local communal sera laissé de façon exclusive et pérenne à la disposition d'une association pour l'exercice d'un culte.

En l’espèce, le Conseil d’État annule l’arrêt de la cour administrative d’appel en constatant que les locaux mis à disposition de l’association appartiennent au domaine privé de la Commune de Valbonne et qu’ils pouvaient, dès lors, faire l’objet d’une mise à disposition exclusive et pérenne.

> Consultez la décision n° 417629

Fonction publique

Le Conseil d’État était saisi d’un pourvoi contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes annulant le jugement du tribunal administratif qui reconnaissait l’imputabilité au service de la maladie de la requérante, attachée territoriale, chargée de la direction de l’établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes et atteinte d’un syndrome dépressif sévère médicalement constaté. Il est à noter que la requérante avait fait l’objet de sanctions d’exclusion temporaire du service de trois jours, puis de six mois avec sursis partiel de trois mois, entre juin 2011 et juin 2013. Suite à la constatation de sa maladie développée en juillet 2013, elle n’a pas été en mesure de reprendre ses fonctions avant mai 2014. Le médecin sollicité dans le cadre de sa demande de prise en charge de ses arrêts maladie au titre de la maladie professionnelle a reconnu l’imputabilité de son affection au service.

Le Conseil d’État juge tout d’abord qu’une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service.

Le Conseil d’État constate ensuite que pour annuler le jugement du tribunal, la cour administrative d’appel a retenu que la requérante était à l’origine de son épuisement professionnel et des conditions de travail dégradées qu’elle entretenait avec son employeur, ce dernier n’ayant fait preuve d’aucune volonté délibérée de porter atteinte à ses droits, à sa dignité ou encore d’altérer sa santé. Il censure ce raisonnement pour erreur de droit, l’absence de volonté délibérée de l’employeur de nuire à l’agent ne pouvant être considérée, à elle seule, comme une circonstance particulière permettant de conclure à la non imputabilité de la maladie au service. L’affaire est renvoyée à la cour, pour qu’elle apprécie si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent être regardées comme étant directement à l’origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.

> Consultez la décision n° 407795

Liaison de l'instance

Le Conseil d’État était saisi pour avis, sur le fondement de l’article L. 113-1 du code de justice administrative (CJA), par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à l’occasion d’un litige tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Reims en réparation des préjudices subis par les requérants du fait d’une infection nosocomiale. Le Conseil d’État devait répondre à la question de savoir si les dispositions du second alinéa de l’article R. 421-1 du CJA doivent être interprétées en ce sens qu’elles excluent toute possibilité de régularisation par la liaison du contentieux en cours d’instance, si au moment de la saisine du juge, l’administration n’a pas encore statué sur la demande indemnitaire qui lui a été adressée.

Le Conseil d’État énonce tout d’abord la règle selon laquelle, en l’absence d’une décision de l’administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d’une somme d’argent est irrecevable.

En revanche, il rappelle que les termes du second alinéa de l’article R. 421-1 du CJA n’impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l’existence d’une décision de l’administration s’apprécie à la date de son introduction. A cet égard, il précise que l’intervention de la décision de l’administration en cours d’instance régularise la requête, sans qu’il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l’administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l’absence de décision.

> Consultez la décision n° 426472

BRÈVES

Une journée d’étude consacrée à l’exécution des décisions de justice

Le lundi 25 mars 2019 s’est tenue au Conseil d’État, pour la première fois, une journée d’étude consacrée à la phase administrative dans les procédures d'exécution. Cette journée, organisée par la section du rapport et des études, a rassemblé plusieurs présidents, magistrats et agents des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Elle a été l’occasion d’échanger sur des sujets d’actualité et différentes problématiques liées à la phase administrative, en comparant les pratiques et les expériences.
Cette rencontre a également contribué au renforcement des liens entre les membres du « réseau de l’exécution » mis en place en septembre 2015.
Pour rappel, le décret n° 2017-493 du 6 avril 2017 modifiant le code de justice administrative a simplifié la procédure d’exécution des décisions rendues par le Conseil d’État en la rapprochant de celle déjà applicable aux jugements et arrêts des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel. Désormais, dans toutes les juridictions, la procédure d’exécution est susceptible de se dérouler en deux temps : une phase administrative, qui permet de régler 75 % des demandes d’exécution, suivie éventuellement d’une phase juridictionnelle.

INTERNATIONAL

Réunion des points de contact nationaux du Réseau européen de formation judiciaire (REFJ)

Mme Marie Pierre Lanore, chargée de mission aux relations internationale et point de contact national du REFJ pour la juridiction administrative, a participé à la réunion annuelle qui s’est tenue à Lisbonne les 1er et 2 avril 2019. Cette rencontre a été l’occasion de dresser un bilan de l’activité du réseau et de faire l’examen des perspectives. Le REFJ permet aux magistrats européens des échanges avec leurs homologues ainsi que des visites au sein des institutions européennes. Cette année 18 magistrats administratifs français vont participer à des stages généralistes ou spécialisés dans une juridiction européenne et les juridictions administratives françaises vont accueillir 20 magistrats européens. A titre d’exemple concernant les stages spécialisés uniquement (droit d’asile, droit fiscal, droit de l’environnement…) pour 137 places offertes par l’ensemble des institutions membres du réseau, 400 candidatures ont été reçues. Par ailleurs 11 magistrats administratifs participeront à une visite d’études dans une institution européenne.