La médiation en matière administrative : signature d'une convention entre le Conseil d'État et le Conseil national des barreaux

Par Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'État
Discours
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Intervention de Jean-Marc Sauvé lors de la conférence de presse organisée à l'occasion de la signature de la convention entre le Conseil d'État et le Conseil national des barreaux le 13 décembre 2017.

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Conférence de presse

Signature de la convention sur la médiation en matière administrative entre le Conseil d’État et le Conseil national des barreaux

Conseil d’État, Mercredi 13 décembre 2017

Intervention de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État [1]

 

Monsieur le président du Conseil national des Barreaux,

Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous accueillir aujourd’hui pour la signature de la convention entre le Conseil d’État et le Conseil national des barreaux sur le recours à la médiation. Avant de donner la parole aux personnes présentes, je souhaiterais brièvement rappeler quelques éléments du chemin parcouru et des raisons qui nous ont amenés à signer cette convention aujourd’hui.

1. Pourquoi la médiation ?

Face à une demande de justice en constante augmentation, dans un contexte budgétaire contraint, le recours au juge ne peut plus être la seule modalité de résolution des conflits. Ce n’est pas non plus toujours la solution la plus adaptée aux attentes des personnes.

La médiation dans les litiges administratifs présente à cet égard plusieurs avantages :

- elle permet de régler plus rapidement les litiges ;

- elle les règle de manière plus moderne, c’est-à-dire de façon consensuelle et non conflictuelle ;

- elle les règle de façon souvent moins coûteuse pour les parties et pour l’État ;

- elle les règle de façon plus efficace parce qu’elle intègre des éléments d’équité, et pas seulement de légalité stricte, qu’elle permet de saisir l’ensemble d’une situation, au-delà de la décision qui a cristallisé le litige, et que la solution est élaborée avec le concours des parties, ce qui en garantit la bonne exécution.

C’est pour ces raisons que le Conseil d'État et la juridiction administrative a commencé, depuis plusieurs années, à s’investir dans le développement des modes alternatifs de règlement des litiges.

2. Les nouveaux outils

Ces réflexions se sont concrétisées avec l’adoption de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle et du décret du 18 avril 2017, qui ont élargi le champ de la médiation à l’ensemble des litiges relevant de la compétence du juge administratif et défini un cadre adapté protecteur des droits des parties.

  • Ces dispositions prévoient un régime complet de médiation en matière administrative.

- la médiation n’est plus seulement limitée aux litiges transfrontaliers ; elle devient un mode de « droit commun » de résolution des différends ;

- la procédure peut être initiée par les parties elles-mêmes avant tout recours - les avocats ont, à cet égard, une responsabilité particulière compte tenu de leur mission de conseil - ou par le juge saisi d’un recours juridictionnel, dans tout domaine de l’action publique ;

- afin de laisser une vraie chance à la phase amiable, la loi prévoit également que l’ouverture d’une procédure de médiation interrompt les délais de recours contentieux et suspend les délais de prescription ; les administrés ne sont ainsi pas contraints de former un recours de précaution pour préserver leurs droits pendant la phase de médiation ;

- enfin, ces textes ont précisé les modalités concrètes du recours à la médiation, en particulier les conditions de désignation et de rémunération du médiateur.

  • La loi du 18 novembre 2016 autorise aussi, à titre expérimental pendant quatre ans, une procédure de médiation préalable obligatoire avant toute saisine du juge administratif pour les litiges relatifs à la situation personnelle des fonctionnaires et pour les contentieux sociaux. Le décret et les arrêtés d’application correspondants devraient être publiés avant la fin de l’année pour une entrée en vigueur au 1er avril 2018.

S’agissant du contentieux des fonctionnaires, seront concernés :

- 46 départements pour les litiges relatifs à la fonction publique territoriale (sous réserve d’adhésion au dispositif des collectivités locales employeurs) ;

- 3 académies pour les litiges concernant le personnel de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur ;      

- tout le territoire pour le contentieux des agents du ministère des affaires étrangères.

S’agissant des contentieux sociaux ce sont :

- 6 départements, pour les litiges relatifs à certaines aides sociales versées par les CAF (RSA, APL, aides de fin d’année), et

- 30 départements, pour les litiges concernant Pôle emploi (radiation des listes de demandeurs d’emploi et allocation de solidarité spécifique), qui seront concernés.

3. Ce qui a déjà été fait

Plusieurs mesures concrètes et pratiques ont été prises depuis l’adoption de la loi du 18 novembre 2016 :

a) un référent national médiation a été nommé en la personne de Xavier Libert, à mes côtés, ancien président du tribunal administratif de Versailles. Il passera prochainement la main à Philippe Gazagnes, président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

b) un référent médiation a été désigné dans chaque juridiction administrative avec pour objectif d’identifier un vivier de médiateurs au niveau local ;          

c) des conventions-cadres pour encourager la médiation sont en cours de signature entre les tribunaux, les barreaux et les administrations locales : 11 tribunaux sur 37 ont déjà conclu cette convention ou sont sur le point de le faire ;

d) des brochures sur la médiation administrative ont été éditées et diffusées au public dans toutes les juridictions ;

e) des journées de sensibilisation à la médiation, ouvertes aux avocats et aux administrations, ont été organisées dans les 8 cours administratives d’appel de juin à octobre de cette année ;

f) enfin, plus de 260 médiations ont déjà été lancées depuis le début de l’année dans de nombreux domaines (fonction publique, urbanisme, aides sociales, marchés publics…) ; sur celles qui sont achevées, 61 % ont abouti à un accord dans un délai de 3 à 4 mois (par comparaison le délai de jugement moyen des affaires ordinaires dans les tribunaux administratifs est encore de 1 an et 10 mois). Ces premiers résultats sont encourageants et montrent tout l’intérêt pour les justiciables de cette voie alternative de règlement des litiges.

 

Conclusion

Il y a un peu plus d’un an, je formais le vœu que la juridiction administrative et les avocats unissent leurs efforts afin de donner de l’élan à la médiation. Je suis donc très heureux que nous puissions aujourd’hui montrer que ce souhait devient réalité. Le développement de la médiation administrative est un défi à relever collectivement. Tous les acteurs sont appelés à s’impliquer : les collectivités publiques, les avocats, les professionnels de la médiation, le Défenseur des droits, les centres de gestion de la fonction publique territoriale, les médiateurs institutionnels et les juridictions administratives elles-mêmes, auxquelles il appartient de détecter les dossiers qui pourraient être plus utilement réglés par la médiation que par un jugement. Je peux vous assurer que le Conseil d’État y prendra toute sa part !

Je donne maintenant la parole à Xavier Libert, référent médiation au niveau national, pour quelques illustrations concrètes des médiations menées à l’initiative des juridictions administratives.

[1] Texte écrit en collaboration avec Sarah Houllier, magistrat administratif, chargée de mission auprès du vice-président du Conseil d’État.