L’urgence devant le Conseil d’Etat : procédures, méthodes de travail et défis nouveaux

Par Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'État
Discours
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Intervention du 23 septembre 2014 lors du séminaire organisé par l’Association internationale des Hautes juridictions administratives (AIHJA) : Comment réduire les délais de jugement et accélérer les procédures devant les juridictions administratives suprêmes ?

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Séminaire organisé par l’Association internationale des Hautes juridictions administratives (AIHJA) / International Association of Supreme Administrative Jurisdictions (IASAJ)

Comment réduire les délais de jugement et accélérer les procédures devant les juridictions administratives suprêmes ?

L’urgence devant le Conseil d’État : procédures, méthodes de travail et défis nouveaux

Varsovie, le 23 septembre 2014

Intervention écrite de Jean-Marc Sauvé[1],vice-président du Conseil d’État

 

Madame la présidente de l’Association internationale des hautes juridictions administratives,

Mesdames et Messieurs les présidents des juridictions administratives suprêmes,

Mesdames et Messieurs les juges,

Chers collègues,

« Ce qui, à l’heure actuelle, déconcerte le plaideur et déconsidère la justice, c’est la lenteur. (…) Il y a une lenteur nécessaire pour que le procès soit sérieux (…), mais il y a une lenteur abusive »[2]. Tel était le constat, mi-amer, mi-prospectif, que dressait un universitaire français, Jean Rivero, au début des années 1990. La présente table ronde consacrée aux procédures d’urgence nous invite à inventorier et à évaluer les instruments dont disposent désormais les juridictions administratives suprêmes pour traiter l’urgence de certaines affaires.

Si l’accélération des procédures ordinaires permet de ramener les délais de jugement à un niveau raisonnable, celle-ci ne saurait, quelle que soit sa vitesse et quel que soit l’étiage atteint, rattraper le rythme de l’urgence qui s’impose pour répondre à des demandes pressantes. Plus qu’une adaptation des procédures ou qu’un effort de gestion, la prise en compte de l’urgence nécessite une rénovation de l’office du juge, lequel doit pouvoir suspendre des illégalités manifestes et protéger l’exercice des droits fondamentaux grâce à des mesures conservatoires. Dans les situations d’urgence, le temps du juge converge vers celui des décideurs publics et son rythme s’aligne sur celui de l’action publique, alors qu’en temps ordinaire, le juge de l’administration se prononce à bonne distance de celle-ci. En outre,  son intervention doit être plus ciblée, plus souple et être attentive aux circonstances particulières et changeantes de chaque affaire. Il en va de la crédibilité de la justice administrative, de sa bonne gestion et de sa réactivité, mais aussi de sa capacité à répondre à une demande sociale plus forte et plus précise en matière de protection des droits fondamentaux. Sous l’impulsion des cours européennes – de la Cour européenne des droits de l’Homme et de la Cour de justice de l’Union européenne - , la garantie des droits repose en effet sur l’effectivité pratique d’un accès au juge[3], sur sa capacité à intervenir dans les meilleurs délais dans l’imminence ou la foulée de l’action administrative[4], voire sur le caractère suspensif de sa saisine. Cependant, lorsqu’il descend dans l’arène de l’actualité, le juge rencontre les pressions de l’opinion publique et des médias et s’expose, par là, à de nouveaux défis qu’il lui faut relever.

I. L’urgence représente, pour le Conseil d’État, à la fois un contentieux spécifique et une contrainte organisationnelle.

A. Répondant à une attente forte des justiciables, le législateur français a rénové les procédures d’urgence, il y a maintenant près de quinze ans. Alors même qu’une culture de l’urgence s’affirmait peu à peu dans les domaines spécifiques du droit des étrangers[5] et de la commande publique[6], la mise en œuvre restrictive d’une procédure dite de "sursis à exécution"[7] et l’absence de protection particulière en cas d’atteinte aux droits fondamentaux ne permettaient pas un traitement adapté et accessible des affaires urgentes[8]. Le renforcement des garanties juridictionnelles en Europe au cours des années 1990 a soutenu et accentué cette exigence interne de célérité des procédures. D’une part, la protection effective des droits consacrés par l’ordre juridique de l’Union européenne implique en effet, selon la jurisprudence constructive de la Cour de justice[9], que le juge national puisse suspendre sans délai des mesures susceptibles d’y porter atteinte ou puisse édicter des mesures provisoires dans l’attente d’un jugement définitif. D’autre part, influencé par ce « modèle » européen, le droit processuel administratif des Etats membres a été réformé au cours des années 1990[10] au-delà du seul champ d’application du droit de l’Union européenne, notamment en Belgique[11], en Grèce[12], en Espagne[13] et en Italie[14], afin de permettre au juge administratif – le plus souvent un juge unique - d’édicter en urgence des mesures provisoires. De telles réformes ne s’imposaient pas dans les pays où, comme en Allemagne, l’introduction d’un recours en annulation revêt en principe[15] un effet suspensif et où le juge saisi d’un recours tendant à l’exécution d’une prestation pouvait déjà édicter des mesures conservatoires[16].

En France, le dispositif actuel, issu de la loi du 30 juin 2000[17], repose désormais sur trois procédures de référé urgent, soit que le requérant demande la suspension d’une décision administrative – le référé-suspension[18] -, soit qu’il invoque une atteinte à l’une de ses libertés fondamentales – le référé-liberté[19] -, soit qu’il demande au juge toute mesure utile ne faisant pas obstacle à l’exécution d’une décision administrative – le référé-mesures utiles[20]. Il existe aussi des référés spécifiques, en particulier pour assurer le respect des règles de publicité et de mise en concurrence pour l’attribution des contrats de la commande publique[21].

Saisi en urgence, le juge du référé est un juge de l’évidence. Un doute sérieux sur la légalité d’une décision administrative suffit pour en suspendre l’exécution, de même qu’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale justifie une intervention du juge du référé-liberté. La liberté d’appréciation reconnue au juge de l’urgence explique que le Conseil d’Etat, en tant que juge de cassation, ne censure que les erreurs de droit manifestes[22] commises par le juge du référé-suspension et ne contrôle pas la qualification juridique des faits opérée par lui sur la condition de doute sérieux[23]. Pour autant, bien qu’il demeure le juge de l’évidence, le juge du référé n’en a pas moins étendu le périmètre de son contrôle : dans le cadre d’un référé-liberté, la gamme des « libertés fondamentales » invocables a été constamment élargie au-delà des seules libertés constitutionnelles[24] et en y intégrant plusieurs « droits-créances » dans les domaines de l’asile[25] et du handicap[26].

B. A la fois juge de l’urgence et juge « dans l’urgence »[27], le Conseil d’État a non seulement défini les critères au regard desquels sera appréciée l’urgence d’une affaire (1), mais il a aussi adapté la conduite des procédures engagées devant lui (2).

1. Appréciée in concreto, l’urgence est le résultat d’une double pesée, à la fois subjective et objective, des circonstances de l’espèce.

Elle suppose d’abord un examen de la situation concrète du demandeur, lequel doit démontrer la nécessité pour lui de bénéficier à brefs délais d’une mesure provisoire. Seule « une atteinte suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre »[28], fussent-ils purement financiers[29], permet de demander au juge une mesure d’urgente, sous réserve que l’atteinte en cause ne résulte pas de son incurie[30], de son imprudence[31] ou de manœuvres dilatoires[32]. Le risque encouru est ensuite mis en balance, « objectivement et globalement »[33], avec l’ensemble des intérêts privés et publics en présence, qu’il s’agisse de l’intérêt de tiers ou de la protection de l’ordre public, et notamment de la salubrité et de la santé[34] publiques, de la continuité d’un service public[35], ou encore de la préservation de l’environnement[36] ou de biens culturels[37]. Toutefois, dans certains cas, lorsque le risque encouru revêt un caractère difficilement réversible, une présomption d’urgence – cependant toujours réfragable – bénéficie au requérant[38].

Pesée au trébuchet des circonstances de l’espèce, l’urgence est encore appréciée, selon un critère finaliste, au regard des conditions de saisine du juge, c’est-à-dire du délai qui lui est imparti pour statuer, et de l’obligation ou de la simple faculté pour le requérant d’introduire un recours au fond. C’est pourquoi, l’appréciation de l’urgence est, en principe, plus rigoureuse[39] dans le cadre d’un référé-liberté, le juge statuant en quarante-huit heures et, parfois, en l’absence de recours au fond.

2. Pour conférer leur plein effet utile aux procédures d’urgence, les conditions d’examen et d’instruction des requêtes ont été adaptées.

En premier lieu, une procédure dite de « tri » permet au juge de rejeter par ordonnance, sans débat contradictoire et sans audience publique, une requête non urgente ou manifestement irrecevable ou mal fondée[40].  Toutefois, lorsque le juge engage une procédure contradictoire[41], en communiquant la requête au défendeur, il est alors tenu de la poursuivre jusqu’à son terme, c’est-à-dire jusqu’à la tenue d’une audience[42] .

En deuxième lieu, les « exigences de la contradiction  ont été  adaptées à l’urgence »[43]. Le déroulé ordinaire de la procédure est en effet accéléré dans des proportions notables : les parties doivent présenter leurs observations dans « les délais les plus brefs »[44], le juge n’est pas tenu d’inviter les parties à corriger des irrégularités mêmes régularisables[45], il les convoque à l’audience « sans délai et par tous moyens »[46] et il peut, à cette occasion, communiquer au demandeur un mémoire en défense[47] et même informer les parties de ce qu’un moyen d’ordre public est susceptible d’être soulevé d’office[48].

En troisième lieu, la place prépondérante de l’oralité a permis, dans la plupart des cas, de résoudre les exigences, parfois antagonistes, du débat contradictoire et de l’urgence[49]. Alors que les procédures contentieuses sont traditionnellement écrites devant le juge administratif français, l’audience dans le cadre des référés urgents est « un moment décisif pour préciser les éléments du litige, discerner les questions délicates, esquisser des solutions »[50], l’instruction n’étant en principe close qu’à son issue[51]. Les méthodes de travail du juge administratif ont été dès lors révisées : « un régime de permanence, jusqu’alors inconnu de la juridiction administrative, a été mis en place à tous les échelons »[52] et les calendriers d’instruction sont, le plus souvent, déterminés « à rebours »[53] à compter de la date d’audience. Le rapport du juge aux parties a aussi été transformé dans le sens d’une plus grande proximité et d’une plus grande écoute : au Conseil d’État, les audiences de référé se tiennent, non pas dans la salle solennelle du contentieux, mais dans une salle de dimensions plus modestes, dans un cadre plus propice par son aménagement à un dialogue conciliant et sans formalisme[54].

En quatrième lieu, l’urgence implique que le juge des référés du Conseil d’Etat statue en juge unique, lorsqu’il est saisi en premier ressort ou en appel, même s’il peut toujours renvoyer l’affaire devant une formation collégiale[55]. Ce n’est que lorsqu’il est saisi d’un pourvoi en cassation dirigé contre une ordonnance du juge des référés que le Conseil d’Etat statue directement en formation collégiale.

II. L’essor contemporain de l’office du juge de l’urgence confronte désormais le Conseil d’État à des défis inédits.

A. À une première phase d’appropriation par le juge de ses nouveaux pouvoirs, a en effet succédé une phase d’approfondissement au cours de laquelle se sont élargies la portée et l’intensité de son contrôle.

En premier lieu, les mesures ordonnées par le juge des référés urgents étant en principe provisoires,  elles sont susceptibles d’être modifiées à l’occasion d’une nouvelle saisine[56], elles ne lient pas le juge saisi au fond et elles ne sauraient entraîner des effets comparables à l’exécution par l’administration d’un jugement d’annulation[57]. À la fois modifiables et réversibles, ces mesures sont dépourvues de l’autorité de la chose jugée, même si leur « autorité de chose ordonnée »[58] ne les prive pas de la force exécutoire attachée à toute décision de justice[59].  Pour autant, « le provisoire en droit devient parfois définitif en fait »[60] : soit que le requérant ne soit pas tenu d’introduire un recours principal au fond, comme dans le cadre des référés-liberté et mesures utiles, soit que l’administration modifie[61] la décision suspendue avant l’intervention du juge du fond – qui prononcera alors un non-lieu. Lorsqu’aucune mesure de caractère provisoire n’est susceptible de prévenir une atteinte à une liberté fondamentale, le juge peut enjoindre à la personne qui en est l’auteur de prendre « toute disposition de nature à sauvegarder l’exercice effectif de la liberté fondamentale en cause » [62], alors même que de telles dispositions revêtiraient un caractère difficilement réversible.

En deuxième lieu et d’une manière corrélative, l’exercice par le juge des référés urgents de ses pouvoirs d’injonction s’est affiné selon une dynamique propre, alors que le juge de droit commun avait déjà été doté de tels pouvoirs par la loi du 8 février 1995[63]. Non seulement, le juge n’hésite plus à prononcer des suspensions partielles[64], mais il sait aussi se montrer très directif, lorsque la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant.[65]

En troisième lieu, l’examen par le juge du référé-liberté de la légalité d’une décision ou d’un agissement administratifs s’est approfondi  dans deux directions. D’une part, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, ce juge est désormais compétent faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale constitutive d’une voie de fait[66], alors même que ce contentieux relève en principe[67] de la compétence du juge judiciaire. D’autre part,  afin de préserver l’effet utile du droit de l’Union européenne, le juge du référé-liberté peut mettre fin à une méconnaissance manifeste de ce droit[68], alors même qu’il n’exerce pas en principe[69] de contrôle des lois au regard des engagements internationaux. Une nouvelle exception a récemment[70] été consacrée, lorsque la décision litigieuse est susceptible de porter de manière irréversible une atteinte à la vie : dans ce cas, le juge du référé-liberté exerce un plein contrôle au regard des stipulations de la Convention européenne des droits de l’Homme.

En quatrième lieu, si le juge des référés statue dans l’urgence, il ne cède pas pour autant à la précipitation. « Tout ne cède pas devant l’urgence et le juge ne peut faire vite qu’à condition de pouvoir bien faire »[71].  Lorsqu’il s’estime insuffisamment informé, le juge a ainsi la faculté de différer la clôture de l’instruction[72] et la communication, après celle-ci, de circonstances de droit ou de fait nouvelles l’oblige, dans certains cas[73], à rouvrir l’instruction. En outre, lorsque le juge procède de sa propre initiative à une substitution de base légale, il doit s’assurer que les parties disposent d’un délai suffisant pour présenter leurs observations[74].  À titre exceptionnel, lorsqu’il est confronté à une situation évolutive et particulièrement délicate, ce même juge peut suspendre à titre conservatoire la décision litigieuse et ordonner avant-dire droit des mesures d’expertise[75].  D’une manière générale, le juge conserve la maîtrise des procédures qu’il peut échelonner selon son appréciation des circonstances de l’espèce : lorsqu’une carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, le juge du référé-liberté peut d’abord ordonner des mesures d’urgence et déterminer ensuite, « dans une décision ultérieure prise à brève échéance, les mesures complémentaires qui s’imposent et qui peuvent être très rapidement mises en œuvre »[76].

B. Ces glissements progressifs, du provisoire au définitif, de l’accessoire au principal, de l’évidence manifeste au contrôle normal et de l’urgence à une procédure sophistiquée et maîtrisée, confrontent le Conseil d’État à de nouveaux défis.

Le premier d’entre eux consiste à faire face à la montée en puissance de ce contentieux et, en particulier, au nombre des procédures d’urgence comme à l’exigence de les traiter dans des délais très courts. En 2013, 120 affaires ont été enregistrées en premier ressort par le juge des référés du Conseil d’Etat, et 164 l’ont été en appel des ordonnances rendues par le juge des référés-liberté des tribunaux administratifs. En y ajoutant les 711 pourvois en cassation dirigés contre des décisions rendues en première instance sur les autres référés, le contentieux de l’urgence a représenté au Conseil d’Etat 995 saisines et décisions en 2013, contre 1120 et 1156 en 2012, ce qui représente plus de 10% de l’ensemble des requêtes enregistrées et des décisions rendues chaque année par lui tous contentieux confondus. Le principal objectif est de garantir aux justiciables un traitement rapide de leur requête : en matière de référés, le Conseil d’Etat statue en moyenne en 4 mois et 7 jours en tant que juge de cassation, en 15 jours en tant que juge de premier ressort et même en 5 jours en tant que juge d’appel. Ces performances témoignent ainsi de ce que les contraintes d’organisation qu’imposent les procédures d’urgence à une juridiction suprême ne sont pas insurmontables et sont même tout à fait maîtrisables.

Le deuxième défi pour le  Conseil d’État consiste à assurer avec pertinence sa fonction de régulation suprême de l’ordre administratif et, notamment, à garantir que la sophistication croissante de l’office du juge des référés urgents ne crée pas une nouvelle source d’insécurité juridique.  Le Conseil d’État exerce cette fonction via le contrôle de cassation des ordonnances des juges de première instance, sauf dans le cadre du référé-liberté où il statue en tant que juge d’appel.

Le troisième défi consiste à faire œuvre de pédagogie auprès des parties, premiers destinataires des décisions rendues, mais aussi auprès de la doctrine, des justiciables et, d’une manière plus générale, de l’opinion publique. Le temps de la justice coïncide désormais avec le temps de l’action de l’administration et avec celui des médias. C’est une contrainte nouvelle pour la justice administrative car, à l’occasion d’affaires sensibles, des organes de communication ajoutent à la complexité des débats une tension supplémentaire chez les parties, voire cherchent à influencer l’issue d’un procès par  des prises de position répétées assimilables à de véritables campagnes de presse. Mais cette médiatisation offre aussi de nouveaux canaux de communication aux juridictions pour mieux se faire comprendre, notamment grâce à des communiqués ou des conférences de presse. Tout l’enjeu est ainsi pour une juridiction suprême de conserver la maîtrise de cette ouverture, afin de toujours se préserver du tumulte des opinions et des contingences et d’opérer une distanciation indispensable à l’exercice d’une justice indépendante et impartiale.

Je ne doute pas que nos d’échanges d’aujourd’hui permettent d’enrichir ces réflexions et de tracer, par des éclairages concrets et actuels, des perspectives de perfectionnement de nos procédures et de nos méthodes de travail.           

 

           

[1]Texte écrit en collaboration avec M. Stéphane Eustache, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’État.

[2]J. Rivero, Rapport de synthèse, L’administration et le fonctionnement de la justice en Europe, AEAP, 1991, CNRS.

[3]Voir, en ce qui concerne le classement en procédure prioritaire d’une demande d’asile, combiné au placement en rétention du demandeur (CEDH 2 mai 2012, I.M. contre France, n°9152/09) : « quant à l’effectivité du système de droit interne pris dans son ensemble, la Cour constate que si les recours exercés par le requérant étaient théoriquement disponibles, leur accessibilité en pratique a été limitée par plusieurs facteurs, liés pour l’essentiel au classement automatique de sa demande en procédure prioritaire, à la brièveté des délais de recours à sa disposition et aux difficultés matérielles et procédurales d’apporter des preuves alors que le requérant se trouvait en détention ou en rétention. » (§154).

[4]Voir, en ce qui concerne l’exécution d’une mesure d’éloignement d’un ressortissant brésilien séjournant de manière irrégulière en Guyane (CEDH 13 décembre 2012, De Souza Ribeiro contre France, n°22689/07 : la saisine du tribunal administratif n’ayant pas de caractère suspensif dans ce département et l’administration préfectorale ayant éloigné l’intéressé dans l’heure suivant cette saisine, la Cour a estimé « qu’au moment de l’éloignement, les recours introduits par le requérant et les circonstances concernant sa vie privée et familiale n’avaient fait l’objet d’aucun examen effectif par une instance nationale » (§94). La Cour a également relevé que « si la procédure en référé pouvait en théorie permettre au juge d’examiner les arguments exposés par le requérant ainsi que de prononcer, si nécessaire, la suspension de l’éloignement, toute possibilité à cet égard a été anéantie par le caractère excessivement bref du délai écoulé entre la saisine du tribunal et l’exécution de la décision d’éloignement. D’ailleurs, le juge des référés saisi n’a pu que déclarer sans objet la demande introduite par le requérant. Ainsi, l’éloignement du requérant a été effectué sur la seule base de la décision prise par l’autorité préfectorale. » (§95).

[5]Procédure de contrôle de la légalité des arrêtés de reconduite à la frontière, instaurée par la loi n° 90-34 du 10 janvier 1990 modifiant l'ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

[6]Procédure de référé précontractuel, instaurée par les lois n°92-10 du 4 janvier 1992 et n°93-1416 du 29 décembre 1993.

[7]Notamment l’interprétation de la condition d’un « préjudice difficilement réparable » ou encore l’impossibilité de demander le sursis à exécution d’une décision négative.

[8]Voir, sur ce point, Rapport du groupe de travail du Conseil d’État sur les procédures d’urgence, RFDA, 2000, p. 941.

[9]CJCE 19 juin 1990, Factortame, C-213/89.

[10]Voir, not. sur ce point, M. Fromont, « Les pouvoirs d’injonction du juge administratif en Allemagne, Italie, Espagne et France. Convergences », RFDA, 2002, p. 554 ; C. Morlot-Dehan, « La protection provisoire devant les juridictions administratives dans l’Union européenne, l’exemple de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Espagne, de la France, de la Grèce et de l’Italie », RIDC, 2-2004.

[11]Loi du 16 juin 1989 portant diverse réformes institutionnels, complétée par une loi du 19 juillet 1991.

[12]Voir, sur ce point, P. Pavlopoulos, « Les bases constitutionnelles du sursis à exécution dans l’ordre juridique hellénique », AEAP, 1992, p. 499, en particulier les jurisprudences constructives des cours administratives d’appel du Pirée et d’Athènes (décisions n°11/1992 et 228/1992).

[13]Loi n°29/98 du 13 juillet 1998 relative à la juridiction administrative.

[14] Loi n°205 du 21 juillet 2000 relative à la justice administrative.

[15]Art. 80 (1) de la loi sur la juridiction administrative (Verwaltungsgerichtsordnung, VwGo) ; comme le précise l’art. 80 (2) de cette même loi, dans le contentieux fiscal, des mesures prises par les fonctionnaires de police ou lorsque la loi fédérale ou du Land le prévoient expressément ou que l’exécution immédiate est spécialement ordonnée, l’effet suspensif du recours en annulation n’est pas automatique ; la suspension peut toutefois être accordée en cas de doute sérieux ou de caractère inéquitable, non justifié par des intérêts publics supérieurs, de l’exécution.

[16]Lorsqu’il existe un risque qu’une modification de l'état des choses rende impossible ou sensiblement plus difficile la réalisation d'un droit du requérant ou qu’il apparaît nécessaire de régler une situation provisoire notamment afin d’écarter des préjudices substantiels ou de faire échec à une violence imminente, le juge peut édicter des mesures conservatoires (« einstweilige Anordnung »), tendant à sauvegarder temporairement le statu quo (« Sicherungsanordnungen », art. 123 (1) VwGo) ou à modifier temporairement l’état du droit en délivrant, par exemple, une autorisation administrative (« Regelungsordnungen », art. 123 (2) VwGo).

[17] Loi n°2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives.

[18]Art. L. 521-1 du code de justice administrative.

[19]Art. L. 521-2 du code de justice administrative.

[20] Art. L. 521-3 du code de justice administrative.

[21] Voir, en ce qui concerne le référé précontractuel : art. L. 551-1 et suivants  du code de justice administrative ; en ce qui concerne le référé contractuel : art. L. 551-13 et suivants du code de justice administrative.

[22]CE, Sect., 29 novembre 2002, Communauté d’agglomération de Saint-Etienne, n°244727.

[23] CE 20 novembre 2002, Commune de Sète, n°242856.

[24] Voir, en ce qui concerne le droit pour un patient à donner son consentement : CE, ord., 16 août 2002, Mme Feuillatey, n°249552 ; en ce qui concerne le respect des règles relatives à l’extradition : CE, ord., 29 juillet 2003, M. Peqini, n°258900.

[25]CE, ord., 23 mars 2009, Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire contre M. Gaghiev et Mme Gaghieva, n°325884 ; CE 19 novembre 2010, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration contre M. Panokheel, n°344286 ; CE, ord., 22 novembre 2010, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration contre M. Sidy Sonko, n°344373.

[26]CE 15 décembre 2010, Ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative contre époux Peyrilhe, n°344729.

[27]Selon l’expression de A. Bretonneau et J. Lessi, « Référés : l’irrésistible ascension », AJDA, 2014, p. 1484.

[28] CE, Sect., 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres, n°228815 ; cette rédaction est devenue classique pour le juge des référés urgents : voir par ex. CE, ord., 12 septembre 2014, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie, n°383721.

[29]CE, Sect., 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres, n°228815 : dans le cadre du référé-suspension, la condition d’urgence peut être satisfaite « alors même que  la décision litigieuse  n’aurait un objet ou des répercussions que purement financiers et que, en cas d’annulation, ses effets pourraient être effacés par une réparation pécuniaire ».

[30]Voit par ex., en ce qui concerne un refus de renouvellement d’un passeport : CE, ord., 8 janvier 2001, Deperthes, n°228928.

[31] Voir par ex., en ce qui concerne une absence de provision : CE, ord., 8 novembre 2002, Société Tiscali Télécom, n°250813.

[32]Voir, par ex. en ce qui concerne la date de saisine du juge du référé : CE, ord., 30 janvier 2009, Benotsmane, n°324344.

[33] CE, Sect., 28 février 2001, Préfet des Alpes-Maritimes – société Sud-Est Assainissement, n°229562.

[34] Voir, par ex. en ce qui concerne un arrêté tendant à limiter l’expansion d’une épidémie de tuberculose bovine : CE 15 mars 2006, Ministre de l’agriculture et de la pêche contre GAEC de Beauplat, n°286648.

[35] Voir, par ex. en ce qui concerne la continuité des enseignements dispensés aux élèves de seconde, première et terminale : CE, ord., 28 août 2002, Société des agrégés de l’Université, n°249769.

[36]Voir, par ex. en ce qui concerne la préservation d’une zone naturelle : CE 5 novembre 2001, Commune du Cannet-des-Maures, n°234396.

[37] Voir, par ex. en ce qui concerne la réalisation de fouilles : CE 25 juillet 2008, Ministre de la culture et de la communication contre société Elite invest, n°314707.

[38] Voir, par ex. pour un référé-suspension : CE, Sect., 14 mars 2001, Ministre de l’intérieur contre Mme Ameur, n°229773 ; pour un référé-liberté : CE, ord., 29 juillet 2003, Peqini, n°258900.

[39]CE, ord. 28 février 2003, Commune de Pertuis contre Pellenc, n°254411 ; voir également : CE 23 janvier 2004, Koffi, n0257106.

[40] Art. L. 522-3 du code de justice administrative.

[41]Art. L. 522-1 du code de justice administrative.

[42] CE, Sect., 26 février 2003, Société Les belles demeures du Cap Ferrat, n°249264.

[43] Art. L. 5 du code de justice administrative. Voir sur ce point, L. Erstein, « L’instruction des référés », RFDA, 2007, p. 64.

[44] Art. R. 522-4 du code de justice administrative.

[45] Art. R. 522-2 du code de justice administrative.

[46]Art. R. 522-6 du code de justice administrative.

[47]CE 5 novembre 2004, Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais, n°260229.

[48] Art. R. 522-9 du code de justice administrative.

[49] Voir, sur ce point, G. Gondouin, « L’oralité dans la procédure de référé », RFDA, 2007, p. 68.

[50] B. Stirn, « Juge des référés, un nouveau métier pour le juge administratif », in Mélanges D. Labetoulle, Dalloz, 2007, p. 799.

[51]Art. R. 522-8 du code de justice administrative.

[52] B. Stirn, « Juge des référés, un nouveau métier pour le juge administratif », in Mélanges D. Labetoulle, Dalloz, 2007, p. 798.

[53] D. Labetoulle, « La genèse de la loi du 30 juin 2000 », Annales de la Faculté de Strasbourg, 2002, n°5, p. 21.

[54] Voir, ce sur point, B. Lasserre, « La redécouverte de l’oralité, propos décousus d’un membre du Conseil d’État », in Mélanges D. Labetoulle, Dalloz, 2007, p. 552.

[55] Art. L. 522-1 du code de justice administrative ; en 2014, trois affaires ont ainsi été renvoyées devant une formation collégiale au Conseil d’Etat. Cette proportion s’élève en moyenne, entre 2001 et 2014, à deux affaires par an.

[56] Art. L. 521-4 du code de justice administrative.

[57] CE 1er mars 2001, Paturel, n°230794.

[58] Voir, sur ce point, Grands arrêts du contentieux administratifs, Dalloz, 4é éd, 2014, p.1172.

[59]Voir, not. CE, Sect., 5 novembre 2003, Association Convention vie et nature pour une écologie radicale, n°259339.

[60] B. Plessix, « Le caractère provisoire des mesures prononcées en référé », RFDA, 2007, p. 76.

[61] Voir, par ex. CE 4 décembre 2013, Association France nature environnement, n°357839.

[62]Voir, par ex., en ce qui concerne la liberté de réunion : CE, ord., 30 mars 2007, Ville de Lyon, n°304053 ; en ce qui concerne la liberté syndicale : CE 31 mai 2007, Syndicat CFDT Interco 28, n°298293.

[63] Loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

[64] CE, ord., 6 juin 2013, Section française de l’observatoire international des prisons, n°368816.

[65] Il peut ainsi enjoindre à l’administration pénitentiaire défaillante « de réaliser un diagnostic des prestations de lutte contre les animaux nuisibles à intégrer dans le prochain contrat de dératisation et de désinsectisation du centre pénitentiaire », voir CE, ord., 22 décembre 2012, Section française de l’observatoire international des prisons, n°364584.

[66] CE, ord., 23 janvier 2013, Commune de Chirongui, n°365262.

[67] TC 17 juin 2013, M. Bergoend contre société ERDF Annecy Léman, n°3911.

[68]CE, ord., 16 juin 2010, Mme Diakité, n°340250.

[69] CE 30 décembre 2002, Carminati, n°240430.

[70] CE, Ass., 24 juin 2014, Mme Lambert, n°375081, pt. 12.

[71]A. Bretonneau et J. Lessi, « Référés : l’irrésistible ascension », AJDA, 2014, p. 1484.

[72] Art. R. 522-8 du code de justice administrative.

[73] A savoir, « l’exposé d’une circonstance de fait dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d’une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office », CE 14 novembre 2003, Mme Rouger-Pelatan, n°258519.

[74] CE, ord., 19 mars 2014, M. Muhamat Ibrahim, n°376232.

[75] CE, Sect., 16 novembre 2011, Ville de Paris et société d’économie mixte PariSeine, n°353172 ; CE, Ass., 14 février 2014, Mme Lambert, n°375081.

[76]CE, ord., 13 août 2013, Ministre de l’intérieur contre la commune de Saint-Leu, n°370902.