L’acte administratif sous le regard du juge judiciaire

Par Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'État
Discours
Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Passer le partage de l'article pour arriver avant

Intervention de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, à l'occasion du colloque organisé par la Cour de cassation, vendredi 4 avril 2014, sur le thème : "L’acte administratif sous le regard du juge judiciaire"

<a href="/admin/content/location/35134"> Lien à reprendre : > Télécharger l'intervention au format pdf</a> 

< ID du contenu 3974 > Lien à reprendre : > Télécharger la version orale au format pdf</a>

Colloque organisé par la Cour de cassationL’acte administratif sous le regard du juge judiciaireVendredi 4 avril 2014

Des blocs et des frontières : les juges de la légalité administrative

 Introduction de M. Jean-Marc Sauvé[i], vice-président du Conseil d’Etat

Monsieur le Premier président de la Cour de cassation,

Monsieur le président de l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation,

Mesdames et Messieurs les présidents, les magistrats et les professeurs,

Mesdames et Messieurs,

            Chers collègues,

 Alors qu’était célébré le bicentenaire de la loi des 16 et 24 août 1790, mon prédécesseur, le vice-président Marceau Long, dressait un constat qui demeure actuel : « (…) les juridictions administratives et judiciaires ne peuvent se contenter de coexister. Elles veulent aussi collaborer, confronter leurs expériences, leurs méthodes et leurs projets. Nos objectifs sont communs, répondre de manière efficace et rapide à une demande de justice en croissance constante. »[ii]. C’est sous ces auspices que je voudrais remercier les organisateurs de ce colloque, consacré au regard que porte le juge judiciaire sur l’acte administratif, de m’avoir convié à y participer. Je suis heureux d’y reconnaître la permanence des liens qui nous unissent et nous invitent à réfléchir en commun aux mutations récentes du dualisme de notre organisation juridictionnelle.

 Que l’acte administratif puisse être placé sous le regard du juge judiciaire, est une hypothèse qui n’a rien d’incongru. Si spécialisées que soient ses compétences, le juge administratif ne dispose pas en effet d’un monopole pour interpréter et apprécier la légalité des actes administratifs. A la summa divisio matérielle de notre droit, privé et administratif, ne s’ajuste qu’imparfaitement le partage organique de notre justice en deux ordres de juridiction distincts, soit que le juge administratif[iii] interprète ou apprécie la légalité d’actes de droit privé, soit que le juge judiciaire – et c’est l’objet du présent colloque – connaisse d’actes administratifs. Partant, la frontière séparant les deux ordres de juridiction n’a rien de linéaire, elle se découpe de manière sinueuse selon les blocs de compétences qu’a façonnés le législateur ou le juge des conflits dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, et suivant les compétences dévolues aux différents juges par la Constitution elle-même et les principes qui en sont issus. Ce tracé nous rappelle combien la répartition des compétences se laisse difficilement déduire de la pureté d’axiomes juridiques intemporels mais répond d’abord à des éléments de « contexte »[iv], pour reprendre l’expression du doyen Vedel, qui se cristallisent en se rationalisant dans les formes du droit.

 S’en tenir à une telle présentation formelle des « blocs » (de compétences) et des « frontières » (juridictionnelles) mettrait toutefois sous le boisseau la nature réelle de nos rapports. Ceux-ci se sont considérablement transformés pour mieux satisfaire aux exigences de simplification et de célérité des procédures, que nous rappellent avec constance les justiciables et leurs représentants, mais aussi pour permettre la pleine affirmation des droits nouveaux que leur ont conférés les normes européennes. Ce faisant, à une frontière un peu ésotérique et en tout cas étanche, séparant les deux blocs juridictionnels (I), se sont progressivement substituées, depuis le début de ce siècle, une délimitation plus rationnelle et une interface ouverte au travers de laquelle coopèrent de manière renforcée les juges de chaque ordre (II). Le dualisme juridictionnel français, qu’avait moins fondé que « rendu nécessaire »[v] la loi des 16 et 24 août 1790, est entré dans une époque nouvelle : à l’âge de la séparation et de la confrontation, a succédé le temps de la coopération et de l’entente sous la houlette d’un Tribunal des conflits, davantage gardien de la cohérence, de la clarté et de la simplicité de la répartition des compétences, que garde-frontière d’un privilège de juridiction.

  I. L’âge de la coexistence juridictionnelle

L’équilibre entre les blocs de compétences propres à chaque juge a longtemps reposé sur un dialogue formel, source de complexité pour le justiciable. Attributaire de compétences exclusives pour connaître dans certains cas d’actes administratifs (A), le juge judiciaire ne saurait pour autant empiéter sur celles du juge administratif avec lequel il dialogue par l’entremise de questions préjudicielles (B).

  A. Si le Conseil constitutionnel a délimité, « conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs »[vi], le « noyau dur » constitutionnel des compétences du juge administratif, il a toutefois, d’une part, relevé une limite à ce principe tirée « des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire »[vii] et, d’autre part, défini les modalités selon lesquelles il pourra y être dérogé « dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice »[viii].

             1. Le dualisme juridictionnel repose sur deux blocs de compétences exclusives et constitutionnellement protégées.

             Par leur décision du 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence, les juges de la rue de Montpensier ont tracé la ligne de démarcation constitutionnelle[ix] séparant les compétences exclusives des juges judiciaire et administratif. D’une part, il a été jugé que « figure au nombre des ‘principes fondamentaux reconnus par les lois de la République’ celui selon lequel (…) relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle »[x]. D’autre part, comme l’a précisé le Conseil d’une manière laconique, les compétences constitutionnelles du juge administratif s’arrêtent là où commencent celles qui relèvent « par nature »[xi] du juge judiciaire. Parmi ces dernières, figurent, de manière faussement simple et évidente, la sauvegarde de la liberté individuelle et la protection de la propriété privée, mais également l’état et la capacité des personnes ainsi que le fonctionnement des services judiciaires[xii]. Interprète des règles constitutionnelles gouvernant le partage de ces compétences, le Conseil constitutionnel a recherché un équilibre entre ces deux blocs. Par sa décision du 28 juillet 1989, il a ainsi rappelé, distinguant les mesures « privatives » de liberté de celles seulement « restrictives »[xiii], que « les recours tendant à l'annulation des décisions administratives relatives à l'entrée et au séjour en France des étrangers relèvent de la compétence de la juridiction administrative »[xiv]. Comme le relevait le président Jacques Arrighi de Casanova dans ses conclusions sur l’affaire Préfet de police de Paris[xv], « l’article 66 de la Constitution n’a [selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel] ni pour objet, ni pour effet de permettre à l’autorité judiciaire de connaître de l’ensemble des mesures portant atteinte à la liberté individuelle »[xvi].

 

            2. Au cœur des compétences exclusives du juge judiciaire, réside le contentieux de la voie de fait.

 

Depuis ses origines, qui remontent au début du XIXe siècle[xvii], cette théorie jurisprudentielle a pour objet de faire bénéficier les justiciables, en cas d’atteinte à leurs droits fondamentaux, des garanties juridictionnelles les plus étendues. Lorsqu’elle porte une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale[xviii] – notamment à la liberté individuelle -, l’administration commet une voie de fait si, en outre, elle agit manifestement d’une manière irrégulière par « manque de droit » ou par « manque de procédure »[xix]. Cette illégalité doit en effet revêtir un caractère grave et résulter soit de « l’exécution forcée[xx], dans des conditions irrégulières, d’une décision même régulière », soit d’une décision « manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative »[xxi]. L’acte administratif est, dans de telles situations, si gravement vicié qu’il est réputé « inexistant »[xxii]. En cas de voie de fait, le juge judiciaire dispose d’une plénitude de juridiction : il en constate l’existence et il peut adresser des injonctions à l’administration afin d’obtenir la cessation de ses effets ou même en prévenir la réalisation en cas de « menace précise d’exécution »[xxiii]. Il peut aussi condamner l’administration à en réparer les conséquences dommageables. Le Conseil d’Etat a réaffirmé avec constance la compétence exclusive des tribunaux judiciaires pour connaître d’une action en réparation de l’ensemble des dommages résultant d’une voie de fait[xxiv].

             3. A la marge des compétences exclusives du juge judiciaire, se trouvent celles qui lui sont dévolues par le législateur.

 L’élargissement par le législateur des compétences du juge judiciaire et réciproquement, de celles du juge administratif, peut s’appuyer sur de solides fondements constitutionnels. Par sa décision du 23 janvier 1987, le Conseil constitutionnel a en effet précisé les conditions d’un aménagement du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires « lorsque l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire ». Dans ce cas, il est en effet loisible au législateur, dans « l'intérêt d'une bonne administration de la justice » »[xxv] et à condition de ne procéder qu’à un « aménagement précis et limité des règles de compétence juridictionnelle »[xxvi], « d'unifier (…) au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé » le traitement de certaines contestations.[xxvii] Peuvent être mentionnés au bénéfice du juge judiciaire certains contentieux fiscaux ou parafiscaux, tels que celui des droits d'enregistrement et de timbre[xxviii], des droits de douane[xxix] et des taxes communales sur les emplacements publicitaires[xxx]. Doit naturellement être soulignée l’unification, en 1987, sous l’autorité de la Cour d’appel de Paris, du contentieux des recours dirigés contre certaines décisions prises par l’Autorité de la concurrence[xxxi] ou encore par d’autres autorités de régulation concurrentielles[xxxii].

             B. Les compétences du juge judiciaire, aussi étendues soient-elles, ne peuvent toutefois empiéter sur le domaine exclusif du juge administratif, dont le mécanisme des questions préjudicielles assure la sauvegarde (1) d’une manière toutefois excessivement rigide (2).

             1. Les compétences propres du juge administratif, tout comme celles du juge judiciaire, sont protégées par le mécanisme des questions préjudicielles.

             Le Tribunal des conflits, organe régulateur du dualisme juridictionnel, a très tôt trouvé dans cette procédure de dialogue institutionnalisé le viatique d’un modus vivendi entre les deux blocs. Alors qu’en principe, le juge du principal est aussi celui de l’exception, le juge judiciaire est tenu, lorsque l’appréciation de la légalité d’un acte administratif conditionne la solution du litige qui lui est soumis, de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle au juge administratif. Cette obligation vaut non seulement en matière d’actes administratifs individuels mais aussi s’agissant d’actes réglementaires. Par son arrêt du 16 juin 1923, Septfonds, la haute juridiction paritaire, tout en reconnaissant la compétence des tribunaux judiciaires pour interpréter le sens d’actes réglementaires, leur a toutefois dénié toute compétence pour apprécier leur légalité par voie d’exception, sauf à ce que, en application de la théorie de l’acte clair, la question soulevée ne présente pas de caractère sérieux[xxxiii]. Cet interdit, prenant à rebours la jurisprudence constructive de la Cour de cassation[xxxiv], se justifiait par le développement devant le prétoire du Conseil d’Etat du recours en annulation contre les actes réglementaires[xxxv] mais représentait une « solution transactionnelle », selon le terme de Maurice Hauriou[xxxvi], susceptible d’engendrer de réelles complications procédurales.

             2. Par souci de simplification, le mécanisme des questions préjudicielles a dès lors dû être assoupli.

             Dès son origine, ce mécanisme a été sévèrement critiqué : Maurice Hauriou, dans sa note déjà citée, écrivait qu’avec sa suppression, « le droit administratif ne s’en porterait que mieux parce que les justes griefs des justiciables auraient disparu »[xxxvii]. L’unification du procès au bénéfice du juge saisi du principal s’est progressivement développée comme une réponse adaptée à leurs exigences de simplicité et de célérité des procédures. D’une part, il a été précisé que l’obligation pour le juge non répressif de poser une question préjudicielle ne valait pas en cas de voie de fait[xxxviii], ni dans le domaine de la fiscalité indirecte[xxxix]. D’autre part, par son arrêt du 5 juillet 1951, Avranches et Desmarets[xl], le Tribunal des conflits a élargi la compétence du juge répressif afin de lui permettre d’apprécier lui-même la légalité des seuls actes réglementaires. Cet élargissement a été achevé par l’article 111-5 du code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, au terme duquel « Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ». Néanmoins, ces ajustements, pour importants qu’ils fussent, se sont révélés insuffisants.

             II. Le temps de la coopération renforcée

Pour que s’aplanissent les rigidités de notre système dualiste, ont été redéfinis, dans le sillage d’une modernisation de la juridiction administrative et sous l’influence des « droits européens » – celui de l’Union européenne et celui de la convention européenne des droits de l’Homme (A) - , le centre des compétences judiciaires et, à sa périphérie, les conditions d’un dialogue plus souple avec le juge administratif (B). Les évolutions les plus marquantes et les plus spectaculaires qui ont affecté la répartition des compétences pour connaître d’actes administratifs n’ont pas éclaté « comme un coup de tonnerre dans un ciel serein ». Elles ont été préparées par une longue maturation des esprits, de nos lois et de la pleine réception de nos engagements européens.

 

            A. Des facteurs d’évolution tant internes (1) qu’externes (2) appelaient un assouplissement du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.

             1. S’agissant des facteurs internes, le perfectionnement progressif des procédures contentieuses administratives a permis de répondre plus efficacement aux attentes des justiciables.

 Outre la loi du 8 février 1995[xli], portant sur ses pouvoirs d’injonction et d’astreinte, c’est sans aucun doute la loi du 30 juin 2000[xlii], relative aux procédures de référé devant les juridictions administratives, qui a été le fer de lance de cette transformation. Le référé suspension[xliii] a substitué une procédure crédible à l’ancienne procédure de sursis à exécution, tandis qu’a été institué le référé liberté permettant de saisir en urgence le juge administratif en cas d’atteinte « grave et manifestement illégale » à une « liberté fondamentale »[xliv]. A cet égard, le juge du référé liberté s’est efforcé de conférer sa pleine portée à cette avancée législative. Il a en effet retenu une conception extensive de la notion de « liberté fondamentale », en consacrant notamment la libre administration des collectivités territoriales[xlv] ainsi que des « droits-créances »[xlvi]. Dans ces conditions, il a été à même de trancher des litiges délicats dans des délais très contraints[xlvii] : la loi impartit en effet au juge de première instance[xlviii], comme au juge d’appel[xlix], de statuer dans délai maximum de 48 heures. L’ampleur de ces transformations, au terme desquelles le juge administratif s’est affirmé comme l’une des figures éminentes de notre État de droit, a ainsi pu rendre caduques certaines solutions jurisprudentielles défavorables à une compétence administrative élargie ou, en tout cas, moins strictement mesurée. Comme l’avait souligné Ronny Abraham en 1996, « l’avenir de la théorie de la voie de fait dépend directement  - mais en sens contraire - de celui du référé administratif »[l].

             2. En second lieu, l’essor du contrôle de conventionnalité a stimulé la recherche d’une plus grande célérité des procédures, composante essentielle d’une bonne administration de la justice.

 C’est en effet au visa de l’article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales[li] ainsi que des « principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives »[lii], qu’a pu être condamné l’Etat à réparer les dommages résultant d’un délai non raisonnable de procédure. La réduction des délais de jugement est, partant, devenu un objectif prioritaire de la justice en Europe[liii], et plus particulièrement de la justice administrative : en 2013, grâce aux efforts entrepris depuis plusieurs années, le délai prévisible moyen de jugement est désormais de 7 mois et 25 jours au Conseil d’Etat, de 11 mois et 12 jours dans les cours administratives d’appel et de 9 mois et 25 jours dans les tribunaux administratifs. Plus qu’un impératif managérial, l’exigence d’une bonne administration de la justice impose de ne pas différer, par des procédures trop longues, l’édiction de mesures nécessaires à la préservation des droits que confèrent aux particuliers les normes internationales, notamment, celles de l’Union européenne. A cet égard, s’il revient aux États membres de l’Union de désigner eux-mêmes la juridiction compétente pour assurer le respect de ces droits, ils ne peuvent s’affranchir, ce faisant, des principes d’équivalence et d’effectivité des procédures, selon lesquels les modalités définies « ne peuvent être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne » et « ne sauraient être aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l’exercice des droits que les juridictions nationales ont l’obligation de sauvegarder »[liv]. Dans ces conditions, le principe de primauté du droit de l’Union européenne ne pouvait que marquer de son empreinte les rapports que nouent, lorsqu’est posée une question préjudicielle, le juge judiciaire du principal et le juge administratif de l’exception. Comme l’a relevé la Cour de Luxembourg, par son arrêt Simmenthal du 9 mars 1978, « le juge national a l'obligation d'assurer le plein effet [des] normes [communautaires] en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel »[lv]. Le souci d’une bonne administration de la justice, énoncé dès janvier 1987 par le Conseil constitutionnel et érigé au rang d’objectif de valeur constitutionnelle par sa décision du 3 décembre 1999[lvi], ne pouvait qu’inciter fortement le Tribunal des conflits[lvii] à faire évoluer sa jurisprudence autour de deux idées simples : « les justiciables doivent pouvoir trouver aisément le juge compétent et celui-ci doit, autant que possible, disposer d’une plénitude de compétence »[lviii].

             B. Sous l’effet de ces facteurs combinés, a été recentrée la compétence du juge judiciaire en matière de voie de fait (1), alors qu’ont été réduits les cas dans lesquels les juges doivent se poser des questions préjudicielles (2).

 1. Prenant acte du perfectionnement des procédures contentieuses administratives, le Tribunal des conflits, par son arrêt du 17 juin 2013, M. Bergoend contre société ERDF Annecy Léman, a décidé un double resserrement[lix] de la voie de fait dont « les incertitudes quant à ses contours exacts conduisaient fréquemment à des déconvenues ceux qui avaient d’abord voulu tenter leur chance devant le juge civil avant de se tourner vers la juridiction administrative »[lx].

 Désormais, lorsque l’administration procède irrégulièrement à l’exécution forcée d’une décision ou prend une décision sans y avoir été manifestement habilitée, est qualifiable de voie de fait soit la commission d’« une atteinte à la liberté individuelle » - et non plus à une « liberté fondamentale »[lxi] comme il était dit jusqu’alors - soit « l’extinction du droit de propriété »[lxii] - et non plus une atteinte grave à ce droit. Ce resserrement révèle moins une dégénérescence de cette théorie jurisprudentielle, que son adaptation aux réalités contentieuses contemporaines. En effet, depuis ses origines, la voie de fait est, comme l’a justement relevé le professeur Martine Lombard, « une notion fonctionnelle [qui se] définit par l’objectif à atteindre, [à savoir] remédier rapidement et concrètement à une atteinte à une liberté fondamentale ou à la propriété, à laquelle il ne pourrait être autrement mis fin»[lxiii]. Ce même objectif avait déjà justifié que le juge administratif soit compétent pour constater l’existence[lxiv] d’une voie de fait et que les juges du référé mesures utiles[lxv] et du référé liberté[lxvi] puissent édicter en urgence toute mesure pour la faire cesser. Ce faisant, la compétence exclusive du juge judiciaire en cas d’atteinte aux droits fondamentaux a été recentrée sur son noyau dur constitutionnel, tel que notamment énoncé à l’article 66 de la Constitution : comme le soulignait le doyen Vedel, « la plasticité est non seulement un caractère fondamental mais encore la raison d’être de la théorie de la voie de fait »[lxvii]. Le Tribunal des conflits en a tiré toutes les conséquences sur la compétence du juge administratif en cas d’emprise irrégulière, par son arrêt du 9 décembre 2013, M. et Mme Panizzon : lorsqu’une décision administrative porte atteinte à la propriété privée, le juge administratif est désormais compétent « pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété »[lxviii]. Cette décision met ainsi, pour une grande part, un terme à une incompréhensible dualité de compétence juridictionnelle : au juge administratif de constater l’emprise irrégulière, au juge judiciaire de la réparer.

             2. Cet effort de simplification a été doublé par un nouveau et substantiel assouplissement du mécanisme des questions préjudicielles dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et sous l’impulsion du droit de l’Union européenne.

 Par son arrêt du 17 octobre 2011, SCEA du Chéneau[lxix], le Tribunal des conflits, après avoir rappelé la compétence de principe du juge administratif pour prononcer l’annulation ou la réformation d’un acte administratif et pour en connaître le cas échéant par voie de question préjudicielle, a précisé qu’une contestation dirigée à titre incident contre la légalité d’un tel acte peut être accueillie, « au vu d’une jurisprudence établie », par le juge judiciaire saisi au principal. Dès lors, si, en application de la théorie classique[lxx] de l’acte clair, le juge judiciaire non répressif pouvait de lui-même écarter une question préjudicielle non sérieuse, désormais, grâce à cette « théorie de l’illégalité manifeste »[lxxi] que pose la décision du 17 octobre 2011, il devient compétent pour déclarer lui-même l’illégalité d’un acte administratif. Cette compétence doit toutefois s’exercer en cohérence avec la jurisprudence des autres juridictions suprêmes. Tel est le sens des premiers arrêts rendus en application de ce nouveau dispositif : une contestation portant sur le caractère rétroactif de dispositions réglementaires peut être tranchée par le juge judiciaire non répressif « eu égard à la jurisprudence établie du Conseil d’Etat sur la portée [du] principe général du droit » de non rétroactivité des règlements[lxxii]. De même, lorsqu’est contestée par voie d’exception la légalité d’un contrat d’affermage des droits de place perçus dans les halles et marchés, le juge judiciaire a « la faculté de constater, conformément à une jurisprudence établie du juge administratif, qu’eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, l’irrégularité invoquée par l’une des parties n’est pas d’une gravité telle qu’il y ait lieu d’écarter l’application du contrat »[lxxiii]. Naturellement, cet assouplissement est réciproque et permet, par exemple, au juge administratif de se prononcer à titre incident sur la validité d’une convention collective ou d’un accord de branche à l’occasion d’un recours dirigé contre un arrêté du ministre du travail l’agréant[lxxiv] ou en prononçant l’extension.

             Par le même arrêt du 17 octobre 2011, le Tribunal des conflits a apporté un second assouplissement au mécanisme des questions préjudicielles. Lorsqu’il s’agit d’appliquer le droit de l’Union, le juge judiciaire – comme le juge administratif – accomplit pleinement son office, sans avoir à poser de question préjudicielle à l’autre ordre de juridiction. Désormais, le juge civil peut contrôler, à titre incident, la conformité d’un acte administratif au droit de l’Union européenne, dès lors qu’il « a obligation d’assurer le plein effet de ce droit, en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ». En application des mêmes principes, le juge civil peut saisir directement la Cour de justice d’une question préjudicielle lorsque présente une difficulté sérieuse l’examen de la conformité d’un acte administratif au droit de l’Union, sans avoir à saisir préalablement et à titre préjudiciel la juridiction administrative[lxxv]. En quelque sorte, question préjudicielle sur question préjudicielle ne vaut. Ce nouvel équilibre tire les conséquences non seulement des exigences[lxxvi] de la Cour de justice en matière de primauté et d’effectivité du droit de l’Union, mais aussi de l’interprétation extensive de l’article 88-1 délivrée par le Conseil constitutionnel[lxxvii]. Pour autant, la spécificité du droit de l’Union est tout à la fois ce qui autorise et limite l’extension des compétences du juge non répressif. En effet, « les dispositions de l’article 55 de la Constitution (…) ne prescrivent ni n’impliquent aucune dérogation aux principes (…) régissant la répartition des compétences entre [l]es juridictions [administratives et judiciaires], lorsqu’est en cause la légalité d’une disposition réglementaire, alors même que la contestation porterait sur la compatibilité d’une telle disposition avec les engagements internationaux ». Par là, le Tribunal des conflits a nettement marqué par sa décision du 11 octobre 2013 que le juge judiciaire demeure[lxxviii]  incompétent pour apprécier la compatibilité d’un acte administratif avec les normes de droit international, en dehors de celles de l’Union européenne.  

 

 

            Après tant de bouleversements de nos blocs et de nos frontières, que faire ? La bonne administration de la justice, « notion fonctionnelle »[lxxix] s’il en est, justifie-t-elle que soient entreprises, sous son pavillon, d’autres réformes ? Trois perspectives se dessinent d’ores et déjà, dont deux procèdent du rapport[lxxx] du groupe de travail mandaté par le garde des sceaux et présidé par M. Jean-Louis Gallet, alors vice-président du Tribunal des conflits, sur la réforme de cette juridiction afin notamment de mettre un terme à sa présidence par le garde des sceaux et d’instituer ainsi une juridiction authentiquement paritaire.

             La première réforme consiste à étendre à toutes les juridictions la faculté, qui n’est ouverte depuis 1960 qu’aux seules juridictions suprêmes, de saisir le Tribunal des conflits d’une difficulté sérieuse de compétence, sans attendre que naissent les conditions d’un conflit négatif ou que l’affaire soit examinée par le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation. Couplée avec la faculté donnée à ce Tribunal de prendre des ordonnances, cette mesure permettra de lever plus vite les incertitudes sur la détermination du juge compétent. Cette réforme législative est en cours d’adoption.

 La deuxième perspective consiste à rationaliser et simplifier le traitement des questions préjudicielles, pour en raccourcir les délais. A cet effet, la juridiction saisie au principal doit pouvoir transmettre elle-même une question préjudicielle à la juridiction compétente de l’autre ordre, dont la décision ne serait alors susceptible que d’un pourvoi en cassation. Cette réforme devrait être opérée par la voie réglementaire, dans le respect de l’article 37 de la Constitution. Elle favorisera la fluidité et la rapidité des échanges entre les deux ordres de juridiction et un traitement diligent des questions préjudicielles en petit nombre qui subsisteront.

             La troisième perspective de réforme tendrait à rationaliser les règles législatives de compétence. Celles-ci se sont parfois stratifiées sans réelle cohérence. En outre, si des compétences nouvelles ont été, par dérogation aux règles gouvernant la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, attribuées, selon les cas, au juge judiciaire[lxxxi] ou au juge administratif[lxxxii], les transferts à venir devront continuer à être mis en oeuvre avec le souci de constituer ou de renforcer des blocs homogènes de compétences, toujours dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. C’est cet esprit qui a présidé, ces toutes dernières années, à l’unification au bénéfice du juge judiciaire du contentieux des admissions d’office en soins psychiatriques[lxxxiii] ou encore à l’attribution au conseil des prud’hommes d’une compétence exclusive pour connaître des litiges dirigés contre l’homologation par l’autorité administrative d’une convention de rupture d’un contrat de travail[lxxxiv].

             Nos regards se portent désormais vers un objectif commun : élever la qualité et l’efficacité du service public de la justice, confronté à une demande croissante des justiciables, en le considérant dans son unité, au-delà de ses spécialisations qui sont un gage de pertinence des décisions rendues. Si des blocs de compétences exclusives demeurent ou doivent, le cas échéant, être construits ou redessinés, aucun mur infranchissable ne vient plus les séparer, ni en marquer les frontières, car se déploie désormais entre eux l’espace aplani d’une coopération renforcée. Des difficultés doivent sans doute encore être levées sur certains points et des réglages ou des ajustements opérés, mais je fais le pari qu’ils le seront grâce à la permanence et à la substance de nos dialogues qui, ces dernières années, ont été empreints de prudence[lxxxv], de confiance et de respect mutuel et qui, par conséquent, ont été pleinement fructueux.

 Entre ordres de juridiction, nous sommes bien passés du temps de la coexistence à celui de la coopération.

 

[i]Texte écrit en collaboration avec M. Stéphane Eustache, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’Etat.

[ii] M. Long, « L’état actuel de la dualité de juridictions », RFDA, 1990, p. 689.

[iii] Voir J.-M. Sauvé, « Le juge administratif et les actes et activités de droit privé », intervention du 27 juin 2012 aux Etats généraux du droit administratif.

[iv] G. Vedel, « La loi des 16-24 août 1790 : Texte ? Prétexte ? Contexte ? », RFDA, 1990, p. 698 ; voir également, G. Bigot, L’autorité judiciaire et le contentieux de l’administration, vicissitudes d’une ambition, 1800-1872, éd. LGDJ, 1999.

[v] J. Rivero, « Dualité de juridictions et protection des libertés », RFDA, 1990, p.734.

[vi] CC 23 janvier 1987, n°86-224, DC, cons. 15.

[vii] CC 23 janvier 1987, n°86-224, DC, cons. 15.

[viii] CC 23 janvier 1987, n°86-224, DC, cons. 16.

[ix] Voir not. sur ce point l’analyse de J.-L. Mestre, « A propos du fondement constitutionnel de la compétence de la juridiction administrative », RFDA, 2012, p. 339.

[x] CC 23 janvier 1987, n°86-224, DC, cons. 15.

[xi] CC 23 janvier 1987, n°86-224, DC, cons. 15.

[xii] Voir sur ce point, J. Moreau, « séparation des autorités », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz.

[xiii] Voir commentaire GDCC, n°38, p. 633.

[xiv] CC 28 juillet 1989, n°89-261, DC, cons. 22.

[xv] TC 12 mai 1997, Préfet de police de Paris contre Tribunal de grande instance de Paris, n°03056.

[xvi]RFDA, 1997, p. 514.

[xvii] CE 23 avril 1807, Diego Dittner et CE 19 octobre 1808, Hardouin contre De Saint Pastou, à propos du régime de garantie des fonctionnaires, établi par l’article 75 de la Constitution du 22 frimaire de l’an VIII ; voir sur ce point S. Petit, La voie de fait administrative, éd. PUF., 1995, p. 20.

[xviii] Voir TC 8 avril 1935, Action française, GAJA, n°46, 19e édition.

[xix] M. Hauriou, Précis du droit administratif, éd. Sirey, 11e édition, 1927, p. 30 et suivantes : soit que l’administration « use d’un droit qu’elle possède réellement mais sans observer les procédures (…) qui lui sont imposées »,  soit qu’elle « use d’un droit qui n’a pas été au préalable formellement réglementé ».

[xx] TC 2 décembre 1902, Sté immobilière Saint Just, concl. Romieu, GAJA, n°10, 19e édition.

[xxi] TC 8 avril 1935, Action française, GAJA n°46, 19e édition ; solution réaffirmée après l’adoption de la loi du 30 juin 2000 not. par TC 23 octobre 2000, Boussadar, n°3227.

[xxii] E. Laferrière. Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, t. I, Berger-Levrault, 2e éd. 1896, p. 478.

[xxiii] TC 18 décembre 1947, Hilaire contre Kiger, Rec. p. 516.

[xxiv] CE 30 juillet 1949, Depalle, Rec. p. 411 ; CE 18 novembre 1949, Carliez, Rec. p. 490 ; CE 18 octobre 1989, Brousse, Rec. p. 545.

[xxv] CC 23 janvier 1987, n°86-224, DC, cons. 16.

[xxvi] CC 23 janvier 1987, n°86-224, DC, cons. 18.

[xxvii] CC 23 janvier 1987, n°86-224, DC, cons. 16.

[xxviii] Art. L. 199 al. 2 du livre des procédures fiscales.

[xxix] Art. 357 bis du code des douanes.

[xxx] Art. L. 2333-16 du code général des collectivités territoriales.

[xxxi] Art. L. 464-8 du code de commerce.

[xxxii] Voir par exemple, certaines décisions prises par l’AMF, l’ARCEP ou la CRE ; voir sur ce point, Réflexions sur les autorités administratives indépendantes, Rapport du Conseil d’Etat, 2001, p. 332 et suivantes.

[xxxiii] Voir par ex. TC 25 novembre 1963, Préfet des Ardennes, Rec. p. 849.

[xxxiv] Civ. 24 juin 1890, S. 1891, 24 octobre 1917, S. 1918-1919. 

[xxxv] Voir par ex. CE 6 décembre 1907, Chemin de fer de l’est, Rec. p. 913, GAJA, n°18, 19e édition.

[xxxvi] Note sous TC 16 juin 1923, voir Miscellanées Maurice Hauriou, éd. de L’épitoge, 2013, p. 321.

[xxxvii] Note sous TC 16 juin 1923, voir Miscellanées Maurice Hauriou, éd. de L’épitoge, 2013, p. 329.

[xxxviii] TC 30 octobre 1947, Barinstein, Rec. p. 511.

[xxxix] TC 12 novembre 1984, Sogedis, Rec. p. 451.

[xl] TC 5 juillet 1951, Avranches et Desmarets, Rec. p. 638.

[xli]Loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

[xlii]Loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives.

[xliii] Voir commentaire de D. Chabanol, sous l’article L. 521-1 du code de justice commenté, éd. Le moniteur.

[xliv] Art. L. 521-2 du code de justice administrative.

[xlv] CE, Sect., 18 janvier 2011, Commune de Venelles, n°229247.

[xlvi] CE, ord., 23 mars 2009, Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire contre M. Gahiev et Mme Gahieva, n°325884. ; CE, ord., 22 novembre 2010, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration contre M. Sidy Sonko, n°344373 ; sur ce point, voir chronique X. Domino et A. Bretonneau, « Dix ans d’urgence », AJDA, 2011, p. 1369.

[xlvii] CE, ord., 9 janvier 2014, Ministre de l’intérieur, n°374508.

[xlviii] Art. L. 521-2 du code de justice administrative.

[xlix] Art. L. 523-1 du code de justice administrative.

[l] R. Abraham, « L’avenir de la voie de fait et le référé administratif », in L’Etat de droit, Mélanges en l’honneur de Guy Braibant, éd. Dalloz, 1996, p.9. 

[li] CEDH 2 novembre 1993, Kemmache contre France, n°12325/86 ; CEDH 26 octobre 2000, Kudla contre Pologne, n°30210/96 ; CE 28 juin 2002, Garde des sceaux contre Magiera, n°239575, Rec. p. 248.

[lii] CE 28 juin 2002, Garde des sceaux contre Magiera, Rec. p. 248.

[liii] CJCE 17 décembre 1998, Baustahlgewebe, n°C-185/95 ; CJCE 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt, C-385/07 ; CJUE 26 novembre 2013, Gascogne Sack Deutschland, C-40/12 P, C-50/12 P et C-58/12P.

[liv] CJCE 5 mars 1980, H. Ferwerda BV, n°265/78, p. 617.

[lv] CJCE 9 mars 1978, Administration des finances de l’Etat contre SA Simmenthal, n°106/77, p. 629 ; comme l’a relevé le professeur B. Seiller, la solution dégagée par cet arrêt se justifiait au regard du « cas italien en 1978 » ; une conception extensive de cette jurisprudence a ensuite été retenue, selon l’auteur, pour des motifs d’opportunité, voir « Le droit communautaire et le principe de séparation des pouvoirs », RFDA, 1996, p. 1161 ; « Le juge civil et l’appréciation de la conventionnalité des actes réglementaires, concilier Septfonds et Société des Cafés Jacques Vabre », RDP, 2008, n°6, p. 1641 ; « L’appréciation de la légalité d’actes administratifs par les tribunaux judiciaires non répressifs », RFDA, 2011, p. 1129.

[lvi] CC 3 décembre 2009, n°2009-595, DC, cons. n°4.

[lvii] Cette notion était toutefois à l’arrière plan de certaines de ses décisions, voir en matière de durée excessive de procédure, voir par ex. TC du 30 juin 2008, Bernardet, 3682.

[lviii] « Les justiciables doivent pouvoir trouver aisément leur juge qui doit disposer, autant que possible, d’une plénitude de compétence », entretien avec J. Arrighi de Casanova, Vice-président du Tribunal des conflits, La semaine juridique, édition générale, n°13, 31 mars 2014, p. 378.

[lix] Chronique X. Domino et A. Bretonneau, « La voie de fait mise au régime sec », AJDA, p. 1568.

[lx] J. Arrighi de Casanova, La semaine juridique, édition générale, n°13, 31 mars 2014, p. 378.

[lxi] Voir par ex. TC 23 octobre 2000, Boussadar, n°3227.

[lxii] TC 17 juin 2013, M. Bergoend contre la société ERDF Annecy Léman, n°3911.

[lxiii] M. Lombard, « Eloge de la ‘folle du logis’ : la dialectique de la théorie de la voie de fait et du référé liberté », in Liberté, justice, tolérance, mélanges en l’hommage du doyen G. Cohen-Jonathan, vol. 1, 2004, p.1132.

[lxiv] TC 27 juin 1966, Guiguon, n°01889.

[lxv] Art. L. 521-3 du code de justice administrative ; CE, ord., 12 mai 2010, Alberigo, n°333565.

[lxvi] CE, ord., 23 janvier 2013, Commune de Chirongui, n°365262 ; voir chronique X. Domino et A. Bretonneau, « La fée du logis ? », AJDA, p. 788.

[lxvii]JCP 1950, I, 851, « La juridiction compétente pour prévenir, faire cesser ou réparer la voie de fait », note G. Vedel.

[lxviii] TC 9 décembre 2013, M. et Mme Panizzon, n°3931.

[lxix] TC 17 octobre 2011, SCEA du Chéneau, n°3828 et 3829.

[lxx] Voir par ex. le mécanisme de questions préjudicielles prévu par l’article 267 du TFUE, tel qu’il a été interprété par le Conseil d’Etat (CE 19 juin 1964, Sté des pétroles Shell Berre, Rec. p. 344) et la Cour de justice (CJCE 6 octobre 1982, CILFIT, n°283-81).

[lxxi] B. Seiller, « L’appréciation de la légalité d’actes administratifs par les tribunaux judiciaires non répressifs », RFDA, 2011, p. 1129.

[lxxii] TC 12 décembre 2011, Sté Green Yellow, n°3841.

[lxxiii] Cour de cassation 24 avril 2013, n°12-18.180, AJDA, 2013, p. 887 ; voir J.-L. Dreyfus, « L’application par le juge judiciaire de la « jurisprudence établie » du juge administratif », AJDA, 2013, p. 1630.

[lxxiv] CE 23 mars 2012, Fédération Sud Santé Sociaux, n°331805.

[lxxv] Voir not. P. Remy-Corlay, « Le contrôle par le juge judiciaire de la « légalité européenne » des actes administratifs », RTD Civ., 2011, p. 735.

[lxxvi] Exigences rappelées à l’occasion de l’affaire Melki et Abdéli à propos de la conformité au droit de l’Union de la procédure de QPC, CJUE 22 juin 2010, n°C-188/10 et C-189/10.

[lxxvii] CC 10 juin 2004, n°2004-496, DC ; CC 27 juillet 2006, n°2006-540, DC ; CC 30 novembre 2006, n°200-543, DC ; voir not. A. Levade, « La spécificité du droit de l’Union européenne réaffirmée », Constitutions, 2012, p. 294.

[lxxviii] Voir not. X. Dupré de Boulois, « Exception d’inconventionnalité des règlements administratifs : la Cour de cassation persiste et signe », RFDA, 2008, p. 499 ; voir également B. Seiller, « L’appréciation de la légalité d’actes administratifs par les tribunaux judiciaires non répressifs », RFDA, 2011, p. 1129.

[lxxix] R. Chapus, « Georges Vedel et l’actualité d’une « notion fonctionnelle » : l’intérêt d’une bonne administration de la justice », RDP, 2003, p.3.

[lxxx] Rapport du groupe de travail « Réforme du Tribunal des conflits », septembre 2013 ; s’agissant de la réforme du fonctionnement du Tribunal des conflits, est actuellement en cours d’examen un projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (voir article 7).

[lxxxi] Voir en matière de rupture conventionnelle de contrat de travail : article L. 1237-14 du code du travail cité en note ci-dessous, issu de la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail ; voir en matière de recours contre les décisions prises par la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet : article L. 331-32, issu de la loi n° 2009-1311 du 28 octobre 2009 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet ; voir en matière d’hospitalisation d’office en soins psychiatriques : article L. 3216-1 du code de la santé publique cité en note ci-dessous, issu de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. 

[lxxxii] Voir en matière de licenciement collectif, article L. 1235-7-1 du code du travail, issu de la loi du 14 juin 2003 relative à la sécurisation de l’emploi : « L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4. / Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. (…) » ; voir en matière de sanctions relevant du droit de la consommation : loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. 

[lxxxiii] Article L. 3216-1 du code de la santé publique, issu de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge : « La régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire. ». Cet article a procédé à l’unification au profit du juge judiciaire du contentieux des décisions administratives portant sur l’admission sans consentement en soins psychiatriques ; auparavant, la juridiction administrative était seule compétente pour connaître de la légalité externe de ces décisions.

[lxxxiv] Article L. 1237-14 du code du travail, issu de la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail : A l'issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe le modèle de cette demande. / (…) / L'homologation ne peut faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la convention. Tout litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du conseil des prud'hommes, à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention ».

[lxxxv] « Les justiciables doivent pouvoir trouver aisément leur juge qui doit disposer, autant que possible, d’une plénitude de compétence », entretien avec J. Arrighi de Casanova, Vice-président du Tribunal des conflits, La semaine juridique, édition générale, n°13, 31 mars 2014, p. 378.