Droit du travail et droit de la fonction publique

Par Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'État
Discours
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Intervention de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, lors du colloque inaugural du cycle d'études "Droit du travail et droit de la fonction publique", sur le thème "Dynamiques normatives et jurisprudentielles", le vendredi 17 janvier 2014 au Conseil d'État.

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Cycle d’études

Droit du travail et droit de la fonction publique

Colloque inaugural

Dynamiques normatives et jurisprudentielles

Vendredi 17 janvier 2014

Conseil d’Etat

Introduction de Jean-Marc Sauvé[1],

vice-président du Conseil d’Etat

 

Mesdames et Messieurs les juges, les présidents, les professeurs,

Mesdames, Messieurs,

Chers collègues,

 

« Ne verra-t-on pas se substituer à l’ancienne opposition du fonctionnaire et du salarié, une gamme de statuts appliquant (…) des principes de base identiques mais nuançant avantages et sujétions selon que l’activité considérée serait liée de façon plus ou moins étroite à l’intérêt public ? »[2]. Ce propos liminaire pourrait vous apparaître comme le ressassement d’un lieu commun des débats actuels sur l’avenir de la fonction publique, s’il n’avait été emprunté au commentaire que fit paraître, en 1947, Jean Rivero sur la loi du 19 octobre 1946 portant statut général des fonctionnaires. Comme un écho contemporain au propos visionnaire de l’illustre professeur, l’intitulé même de ce cycle d’études, « Droit du travail et droit de la fonction publique », nous fait entendre l’actualité des controverses doctrinales qui avaient précédé la création du premier statut républicain[3] et que paraissait avoir rendu désuète sa longévité, avec le relais pris par l’ordonnance du 4 février 1959[4], puis les lois de 1983 et 1984, désormais trentenaires[5].

 

Je souhaite remercier les organisateurs de ce cycle d’études ambitieux et d’une grande actualité et, plus particulièrement, le professeur Akandji-Kombé, de m’avoir convié à intervenir lors de ce colloque inaugural consacré aux « dynamiques normatives et jurisprudentielles ». Je suis heureux, en outre, que le Conseil d’Etat puisse accueillir cette manifestation qui illustre une nouvelle fois les liens étroits et féconds qui l’unissent à l’Université et au monde de la recherche en droit.

La création d’une fonction publique « moderne »[6], en faisant de l’exorbitance du fonctionnariat la garantie de la sauvegarde de l’intérêt général et d’une protection effective des droits sociaux, avait dans un premier temps clos les débats opposant au début du XXe siècle les partisans et les contempteurs[7] d’un statut. Toutefois, la diversification des modes de recrutement et la consécration de nouveaux droits professionnels ont témoigné d’une certaine insuffisance de ce modèle. Le principe même d’une exorbitance totale du droit de la fonction publique aux droits fondamentaux qu’une société démocratique entend garantir à tout travailleur apparaît aujourd’hui d’autant plus illégitime que ces droits se sont à la fois étendus, approfondis et internationalisés. Cette exorbitante se heurte en effet désormais aux forces pénétrantes du droit européen et international. En outre, alors que venait d’être créée, au sortir de la seconde guerre mondiale, l’Ecole nationale d’administration[8], les rédacteurs du statut de 1946 avaient pour ambition de démocratiser et de professionnaliser, sur le modèle du « Civil service » britannique[9], la conduite des services publics par l’instauration de règles spécifiques de recrutement, d’évaluation et d’avancement. Cet appareil, devenu selon les mots de Michel Crozier un « Léviathan bureaucratique »[10], a été critiqué et a aussi pu se révéler, au fil du temps comme étant insuffisamment efficace, alors que le resserrement des contraintes budgétaires rendait impérative l’amélioration de son efficience.

Partant, cette double dynamique contemporaine – mieux garantir les droits fondamentaux des agents publics et améliorer la performance de l’action publique – semble confirmer la clairvoyance de Jean Rivero. Aux mondes  réciproquement clos du droit de la fonction publique et du droit du travail, s’est substitué le continuum d’une « gamme de statuts ». Dans ce contexte, l’homogénéisation de ces droits, leur transformation par les droits fondamentaux apparaît comme le gage d’une convergence attendue (I). L’hybridation des modes public et privé de gestion ne se révèlera en outre efficace qu’en esquivant l’erreur d’une dénaturation redoutée (II).

 

I. L’homogénéisation des droits fondamentaux de tous les travailleurs a constitué un socle juridique commun aux droits de la fonction publique et du travail.

S’il peut être permis de qualifier de « fondamentaux »  certains droits communs aux salariés et aux fonctionnaires, c’est en raison de leur intangibilité et de leur « indisponibilité »[11]. Ces droits, opposables à toutes les autorités publiques, au premier rang desquelles se trouve le législateur national, bénéficient en effet à tous les travailleurs, en particulier sous les influences combinées de l’européanisation et de la constitutionnalisation de notre droit.

1. Les facteurs exogènes de cette mutation feront l’objet des travaux de la première table ronde de ce colloque, intitulée « Les dynamiques européennes et internationales ». Ces dynamiques, sans imposer l’abandon d’une distinction entre droit de la fonction publique et droit du travail, ont consolidé d’une manière transversale des droits historiques et promu des droits nouveaux.

Parmi les premiers, les instruments internationaux garantissent, d’une part, le bénéfice aux travailleurs des droits dont ils jouissent en tant que citoyens. C’est ainsi, à la faveur d’un revirement de jurisprudence, que la Cour européenne des droits de l’homme a précisé que « rien en principe ne justifie de soustraire des garanties de l’article 6 les conflits ordinaires du travail (…) à raison du caractère spécial de la relation entre le fonctionnaire concerné et l’Etat en question »[12]. Si des exceptions ont été admises, elles sont strictement encadrées[13].

D’autre part, les conventions internationales consacrent des droits spécifiques à l’exercice d’une activité professionnelle, à l’instar de la liberté syndicale qui, selon la Cour de Strasbourg, s’impose « à l’Etat-employeur que les relations de ce dernier avec ses employés obéissent au droit public ou au droit privé »[14].

Ces exemples témoignent de la place primordiale qu’occupe la jurisprudence des cours internationales et leur rôle dans l’articulation des systèmes juridiques. La Cour européenne des droits de l’homme, réunie en grande chambre, s’est ainsi référée, dans l’affaire Vihlo Eskelinen, à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne[15] et, dans l’affaire Demir et Baykara, aux articles 5 et 6 de la Charte sociale européenne, alors même que l’Etat défendeur n’admettait pas leur invocabilité[16].

Pour répondre aux priorités contemporaines des travailleurs, des droits nouveaux ont été introduits dans la réglementation nationale, notamment sous l’impulsion de l’Union européenne[17]. S’agissant, tout d’abord, de la lutte contre les discriminations, l’exception des agents occupant un « emploi dans l’administration publique » a été considérablement réduite au regard du principe de libre circulation des travailleurs [18]. Plusieurs lois[19], dont les plus récentes datent du 26 juillet 2005[20] et du 3 août 2009[21], ne font ainsi plus de la nationalité française une condition nécessaire pour devenir fonctionnaire et elles ont ouvert aux ressortissants de l’Union l’accès aux emplois publics tant par le biais du concours que par la reconnaissance des diplômes ou des expériences professionnelles[22].

S’agissant, ensuite, de la lutte contre la précarité, notre droit public ne comportait pas, à la différence du droit du travail[23], de garde-fous efficaces contre un recours extensif au contrat à durée déterminée, alors même que les agents contractuels publics représentent 16,8% des effectifs totaux de la fonction publique[24]. Cette lacune a été comblée par la transposition de la directive du 28 juin 1999, qui encadre davantage le recrutement de tels agents et prévoit les conditions d’une transformation de leur contrat précaire en contrat à durée indéterminée[25]. En outre, par la transposition de la directive du 14 février 1977, telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour de justice[26], le code du travail dispose désormais qu’en cas de reprise d’une entité économique de droit privé par un service public administratif, doit être proposé à ses salariés « un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires »[27].

2. L’influence des droits européens, pour majeure qu’elle soit, n’est pas exclusive de dynamiques nationales tendant à la constitution d’un patrimoine de droits fondamentaux, commun à  l’ensemble des travailleurs. Ces dynamiques ont permis d’homogénéiser sans uniformiser ces droits, en tenant compte des spécificités propres au fonctionnement des services publics.

Notre « bloc de constitutionnalité », aux alinéas 6, 7 et 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, consacre ainsi la liberté syndicale, le droit de grève et le principe de participation de tous les travailleurs. Les jurisprudences convergentes du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat ont pleinement affirmé la portée normative de ces dispositions, y compris dans le silence du législateur. Ainsi, à celui éloquent de la loi du 19 octobre 1946 sur l’exercice du droit de grève par les fonctionnaires, ont répondu successivement les voix concordantes du Conseil d’Etat[28] et du Conseil constitutionnel[29]. Comme l’indiquait le président Gazier dans ses conclusions sur l’affaire Dehaene, la consécration du droit de grève par le Préambule de 1946 implique que « la ligne de démarcation entre les activités professionnelles qui ne peuvent être interrompues (…) et celles qui peuvent s’accommoder de la grève ne coïncide pas avec celle qui oppose les agents des services publics aux salariés de droit privé »[30]. Partant, a été dégagée de la gangue du dualisme juridique la substance de droits communs, notamment grâce à la découverte par le Conseil d’Etat de principes généraux du droit au bénéfice d’agents d’entreprises publiques à statut particulier[31] ou d’agents non titulaires de la fonction publique[32] avec, en dernier lieu, l’avis Sadlon[33] du 25 septembre 2013, relatif à l’obligation qui incombe à l’administration de chercher à reclasser un agent contractuel préalablement à son licenciement, lorsqu’elle entend que son poste soit pourvu par un fonctionnaire. Les réformes législatives récentes, tendant à la modernisation de la fonction publique, poursuivent le même objectif d’une équivalence des droits lorsqu’ils revêtent un caractère fondamental. Pierre angulaire du statut de 1946, le principe de participation, bénéficiant tant aux salariés de droit privé qu’aux fonctionnaires et agents publics[34], s’était quelque peu affadi du fait d’un excès de formalisme et d’une insuffisance de représentativité. Pour remédier à ces obstacles, la loi du 5 juillet 2010[35] a pour ainsi dire transposé dans la sphère publique plusieurs des acquis de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale, en particulier en refondant les règles d’accès aux élections professionnelles et en définissant les conditions de validité d’un accord conclu avec les organisations syndicales. En tout dernier lieu, la transposition de l’accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013 sur la formation professionnelle qui institue un compte personnel de formation, ne saurait, de l’avis du Conseil d’Etat, être limitée aux salariés relevant du droit privé compte tenu de la portée que le Gouvernement entend lui donner. Sa mise en œuvre législative doit par conséquent être étendue et adaptée aux fonctionnaires et agents publics. La doctrine[36] voit dans tous ces développements l’illustration du « mouvement contemporain d'alignement du droit de la fonction publique sur le droit privé du travail », tout en relevant que cet alignement demeure partiel, notamment en ce qui concerne la valeur juridique des accords collectifs dans la fonction publique.

Cette homogénéisation des droits de tous les travailleurs ne  s’impose pas toujours avec évidence, tant le lien entre fonction publique et service public apparaît consubstantiel. En effet, l’exercice des droits subjectifs doit être concilié avec le respect des sujétions spéciales que prescrit la sauvegarde de l’intérêt général. Ainsi, la continuité du service public[37] peut-elle justifier des restrictions à l’exercice du droit de grève des agents publics, voire même, dans des cas limités, une interdiction totale[38]. Néanmoins, la poursuite de cette conciliation ne s’opère pas d’abord selon la « ligne de démarcation » séparant le droit de la fonction publique du droit du travail, mais au regard de l’exercice ou non de missions de service public. Selon cette approche matérielle, des sujétions exorbitantes peuvent être imposées à des salariés de droit privé, ce qu’a récemment dégagé le Conseil d’Etat à propos du droit de grève dans les centrales nucléaires[39]. Symétriquement, des fonctionnaires ne tirent de la Constitution aucun droit à toujours exercer leur mission dans le cadre du service public[40].

Les dynamiques de notre droit interne sont donc résolument transversales.

Sous l’effet de l’ensemble des facteurs exogènes et endogènes que j’ai rappelés, s’élabore dès lors un droit commun des travailleurs, au double sens d’un droit partagé et d’un droit banalisé[41]. Ce processus d’équivalence des droits fondamentaux est encore à parfaire : en témoignent la récente consécration du contrôle normal qu’opère le juge administratif sur les sanctions disciplinaires infligées aux agents publics[42] ou encore l’article 27 du projet de loi sur la déontologie des fonctionnaires proposant la suppression de l’imprescriptibilité de l’action disciplinaire[43]. Pour autant, les phénomènes de convergence entre les droits de la fonction publique et du travail ne sauraient être analysés sur le seul terrain des droits subjectifs. En complément d’une homogénéisation des droits fondamentaux, se produit en effet une hybridation des modes de gestion des entreprises privées et des administrations publiques.

II. L’hybridation des modes de gestion répond à une exigence renforcée d’efficacité, dans le respect des principes de la fonction publique et des obligations de ses agents.

Comme le souligne le rapport [44] remis par le président Pêcheur le 4 novembre 2013 au Premier ministre, la France ne se distingue de ses partenaires européens ni par « le choix d’un régime d’emploi fixé unilatéralement par le législateur » - il est prédominant en Europe[45] –, ni par l’instauration d’une fonction publique de carrière, qui demeure majoritaire en Europe[46]. La particularité de notre fonction publique tient en revanche à son périmètre, avec plus de 5,4 millions d’agents, soit 19,9% de l’emploi total en France[47]. Or, par son ampleur et ses règles spécifiques de gestion, cette fonction publique a pu apparaître inadaptée aux exigences contemporaines d’efficacité. Dès lors, si une hybridation des modes public et privé de gestion est apparue comme un instrument privilégié de modernisation administrative, elle ne saurait toutefois occulter l’irréductibilité des obligations, notamment déontologiques, qu’impose aux agents publics le service de l’intérêt général.

1. Les difficultés, voire les dysfonctionnements, grevant la bonne marche des services tiennent sans doute davantage à des problèmes structurels qu’au dévouement de chacun de ses agents. Le diagnostic est connu. Comme le soulignait le rapport annuel du Conseil d’Etat en 2003[48], le cœur des difficultés réside dans une gestion des ressources humaines bureaucratique, trop peu anticipatrice et « exagérément égalitariste »[49]. Le Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique[50] de 2008 a confirmé et renforcé ce diagnostic. Pour résoudre les problèmes relevés, des outils empruntés à la gestion privée ont été introduits dans la gestion publique et ont commencé à inspirer l’action administrative.

Confrontés mutatis mutandis à des problèmes similaires, la plupart des pays les plus développés ont adopté des solutions nouvelles sous le terme de « new public management ». A rebours du modèle wébérien, vertical et procédurier, cette doctrine promeut l’autonomie du chef de service, l’individualisation de la gestion des agents et l’efficience dans l’utilisation des moyens[51]. Des programmes d’envergure ont ainsi été mis en œuvre au cours des années 1990 dans l’ensemble des pays occidentaux, notamment au Royaume Uni[52], en Allemagne[53] ou encore au Canada et en Nouvelle Zélande.

En France, pays fortement marqué par la mystique de l’Etat agissant, cette mutation de la gestion publique a constitué une véritable « révolution culturelle » qui ne s’est pas opérée sans une sorte d’arrachement symbolique. Elle s’est parfois effectuée dans la difficulté, presque à reculons, commandée qu’elle était par l’époque, et sans doute, pour reprendre une  expression de Jean Monnet prononcée dans un autre contexte, « parce qu’il n’y avait plus aucun autre choix pour la France »[54]. Les réformes entreprises dans notre pays depuis les années 2000 s’inscrivent clairement dans cette évolution. Elles ont notamment conduit à nuancer la traditionnelle gestion des corps par des éléments de gestion individuelle des emplois.

Deux exemples permettent d’illustrer ce mouvement de réforme. D’abord, la prise en compte accrue du mérite, comme l’un des critères décisifs pour régir l’évolution de carrière des fonctionnaires[55]. S’agissant, ensuite, des règles de rémunération des agents, sont prises en compte les responsabilités particulières attachées à certains emplois – c’est l’objet de la nouvelle bonification indiciaire (NBI),[56] – mais également les performances individuelles grâce à l’instauration d’une « prime de fonctions et de résultats », même si pour des raisons que je me garderai de qualifier « d’affichage » cette dernière prime a vocation à être remplacée en 2014 par une « indemnité de fonction et d’expertise »[57]. Ces deux exemples témoignent de l’effort d’importation dans la sphère publique de dispositifs incitatifs issus du droit privé, sans toutefois surestimer leurs effets réels, ni éluder le travail de refonte et de rénovation de la gestion des régimes indemnitaires qui doit encore être poursuivi[58].

La modernisation de la gestion des ressources humaines s’accompagne d’une croissance de l’effectif des agents contractuels des administrations publiques. Depuis onze ans, le nombre des agents non titulaires a dans notre pays augmenté en moyenne de 2,5 % par an, alors que le nombre total des agents publics n’a connu qu’une progression annuelle moyenne de 0,9%.[59] Ces recrutements, lorsqu’ils permettent de pourvoir à des emplois permanents, temporairement ou désormais de manière indéterminée, ont pu apparaître comme une remise en cause de notre modèle statutaire.

Un tel constat doit cependant être nuancé. D’une part, demeure intact le principe selon lequel les emplois civils permanents des autorités publiques sont occupés par des agents titulaires, placés dans une « situation statutaire et réglementaire » vis-à-vis de leur administration[60]. En effet, le recrutement d’agents contractuels ne peut répondre qu’à des besoins temporaires[61], et seulement de manière dérogatoire à des besoins permanents[62]. En outre, la transformation des contrats précaires en contrats publics à durée indéterminée est strictement encadrée par des conditions d’ancienneté[63], tandis que n’est autorisé qu’à titre expérimental le recrutement direct par l’Etat d’agents contractuels à durée indéterminée[64]. D’autre part, la croissance de l’effectif des agents non titulaires ne s’est pas accompagnée d’une privatisation du lien de subordination des agents contractuels à leur employeur public mais, au contraire, d’une assimilation de leur situation à celle des agents titulaires. Si les personnels des services publics industriels et commerciaux[65] sont, de longue date et dans leur quasi-totalité, régis par le code du travail, l’ensemble des « personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi », ainsi que l’a rappelé le Tribunal des conflits dans son célèbre arrêt Berkani[66]. Partant, ces agents sont placés dans une situation « quasi réglementaire »[67], dans laquelle l’administration dispose des pouvoirs exorbitants de modification et de résiliation de leur contrat, mais est également soumise à des sujétions spécifiques[68]. C’est ainsi que « derrière le contrat, il y a en fait un statut qui se dessine »[69], selon l’heureuse expression du président Genevois dans ses conclusions sur l’affaire Mme Rabut.

2. L’hybridation des modes public et privé de gestion doit cependant être maîtrisée et pas uniquement afin que les manuels de droit de la fonction publique évitent de devenir des ouvrages de tératologie. Le remède se trouve certainement dans la réaffirmation des principes du service public et des « valeurs » [70] propres à l’éthique de l’agent public, les uns les autres étant  indissociables du service de l’intérêt général. C’est à l’aune de ces principes et valeurs et de la variété des sujétions qu’ils imposent selon les emplois occupés, qu’il nous faudra juger de l’efficacité et, en dernier lieu, de la légitimité des transformations en cours comme de celles à venir, par exemple qui pourraient, dans un avenir proche, résulter d’une volonté de rénover les statuts.

Comme l’a relevé le Conseil d’Etat dès 2003 dans son rapport annuel, le « champ de la particularité »[71] de la fonction publique est à nouveau questionné. L’influence du droit de l’Union européenne et la promotion d’une gestion d’emploi pourraient ainsi transformer la fonction publique française à l’aune d’un modèle dualiste, dans lequel les emplois régaliens seraient occupés par des agents titulaires, tandis que les autres seraient exercés par des agents contractuels de droit privé. Une telle structure « ouverte »[72] correspondrait au modèle allemand du « Berufsbeamtentum » [73], dans lequel 40% des agents des administrations relèvent d’un statut de droit public. Un tel modèle bénéficie, il faut le reconnaître, d’une réelle extension et d’un indéniable rayonnement en Europe. Un renversement complet de paradigme s’est ainsi produit en Italie, au cours des années 1990[74], substituant à un modèle statutaire extensif l’application, sauf exceptions limitatives, de conventions collectives et de contrats individuels de travail.

Le législateur français n’a pas entendu procéder à une telle privatisation. La recherche d’une efficacité renforcée, qui constitue un objectif tout à fait légitime, peut être pleinement atteinte par la voie du droit public et du statut, qui n’est nullement incompatible dans son principe, bien au contraire,  avec l’efficience et la rigueur de la gestion. Mais cette voie ne doit pas être l’alibi de l’immobilisme ou de la sclérose. En outre, la quête de l’efficacité doit en tout état de cause être conciliée, non seulement avec la dynamique des droits fondamentaux que nous avons analysée, mais aussi avec l’irréductibilité des principes de la fonction publique et des obligations déontologiques.

Les principes de la fonction publique, tout d’abord, sont rappelés avec constance par le juge. J’en donnerai deux exemples. Dans sa décision du 8 mars 2013, tout d’abord, sur le recrutement des fonctionnaires, le Conseil d’Etat admet que le principe du concours peut être adapté, dès lors que la décision de recrutement n’est fondée « que sur les vertus, talents et capacités des intéressés à remplir leurs missions, au regard de la nature du service public considéré »[75]. C’est, en d’autres termes, le principe contenu dans l’article 6 de la Déclaration de 1789, symbole de la fin des privilèges et de l’arbitraire, qui est ici rappelé et qui est inlassablement garanti par le juge, sans constituer le moins du monde un frein aux évolutions qu’impose la modernité. Même en l’absence de concours, la sélection des fonctionnaires va bien au-delà du principe de non-discrimination à l’embauche tel qu’il existe dans le secteur privé : parce qu’elle engage la compétence de l’administration, son image et son lien avec la Nation, elle doit être fondée sur les principes d’égalité, de neutralité et d’impartialité dont la fonction publique demeure la dépositaire. En cela, à des années de distance, la réflexion suivante de Durkheim apparaît encore justifiée : « Tout fonctionnaire d’Etat détient quelque chose de l’autorité publique. Le seul fait de remplir une fonction d’Etat lui imprime un caractère qui ne manque à aucun, même au plus humble »[76].

Le deuxième exemple que je souhaite mentionner est le suivant : comme l’a rappelé la récente étude du Conseil d’Etat du 19 décembre 2013 en réponse à une saisine du Défenseur des droits, les principes de laïcité et de neutralité n’ont pas la même résonance, ni d’ailleurs le même champ d’application pour les agents qui participent à une mission de service public et les autres, fussent-ils chargés d’une mission d’intérêt général.

Les principes du service public justifient pleinement qu’alors que le modèle français d’une fonction publique extensive semblait voué aux gémonies, celui-ci perdure, s’adapte et se consolide.

Dans cette perspective, les obligations déontologiques des fonctionnaires sont justifiées par les principes fondamentaux de la fonction publique qu’énonce l’article 1er du projet de loi sur la déontologie des fonctionnaires déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale en juillet dernier[77] : ces principes sont l’impartialité, la probité, la dignité, la neutralité et la laïcité. Ce projet de loi prévoit notamment que seront imposés aux agents publics, outre des obligations déclaratives, des devoirs d’information, d’abstention ou de déport en cas de conflits d’intérêts. Ce nouveau dispositif sera, espérons-le, pleinement effectif grâce au renforcement des pouvoirs et des compétences de la commission de déontologie de la fonction publique. L’éthique de l’ « exemplarité » doit désormais irriguer toute notre conception de la fonction publique.

 

 

J’en reviens à Jean Rivero, décidément bien souvent en avance sur son temps. L’émergence d’une « gamme de statuts » qu’il annonçait signifie aujourd’hui davantage une diversification interne du droit de la fonction publique, qu’un effacement de ses frontières avec le droit du travail. Si le juriste n’est pas en mesure d’élever des œuvres « plus durables que l’airain »[78], c’est qu’à la différence du poète, il place son ambition dans l’analyse d’un droit vivant, des « dynamiques normatives et jurisprudentielles », dont l’inachèvement signale, moins son imperfection, que le commencement ou le prolongement d’une adaptation aux exigences contemporaines. Il revient aux professeurs et aux juges d’écrire ce « droit des juristes »[79] qu’appelait de ses vœux Léon Duguit dans son Traité de droit constitutionnel. Sous cette illustre égide, je ne doute pas que les travaux de ce cycle d’études fassent la lumière sur les mutations actuelles des droits de la fonction publique et du travail et proposent des pistes nouvelles de synthèse, de théorisation et d’évolution.

 

 

[1] Texte écrit en collaboration avec Mme Diane Margerit, premier conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, juge à la cour administrative d’appel de Versailles, et M. Stéphane Eustache, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, juge au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

[2] Jean Rivero, « Vers la fin du droit de la fonction publique ? », Dalloz, 1947, chronique 38.

[3] Le premier statut du fonctionnaire a été édicté en 1941 sous le régime de Vichy.

[4] Ordonnance nº 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires.

[5] Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Sur ces lois, voir en particulier deux dossiers : « Les 30 ans du statut général de la fonction publique », Cahiers de la fonction publique, janvier-février 2013, pp. 17-39 ; « Le statut général de la fonction publique, trente ans après », AJDA, 2013, pp. 1201-1225.

[6] Fabrice Melleray, Droit de la fonction publique, Economica, 3e édition, 2013, p. 22 à 32.

[7] Voir pour les débats entre les « statutistes » et les « anti statutistes », Pierre Rosanvallon, L’État en France depuis 1789 à nos jours, éd. Seuil, coll. Point histoire, éd. 1990, pp. 88 et suivantes.

[8] Voir l’ordonnance du 9 février 1945 n°45-2283.

[9] Ce modèle a inspiré l’ambition réformatrice du général de Gaulle, voir Marcel Pinet (dir),  Histoire de la fonction publique en France, Nouvelle librairie de France, 1993, tome III, p. 364.

[10] Michel Crozier, Le Phénomène bureaucratique, Le Seuil, 1963 ; François Dreyfus, L’invention de la bureaucratie. Servir l’Etat en France, en Grande Bretagne et aux Etats-Unis (XVIIIe siècle – XXe siècle), La Découverte, 2000.

[11] Pour cette définition des « droits fondamentaux », voir Louis Favoreu et autres, Droit constitutionnel, Dalloz, coll. Précis, 8e édition, 2005, pp. 761 et suivantes.

[12] CEDH, GC, 19 avril 2007, Vilho Eskelinen et autres contre Finlande, §62. Voir, auparavant, CEDH, GC, 8 décembre 1999, Pellegrin contre France.

[13] Voir CEDH, GC, 19 avril 2007, Vilho Eskelinen et autres contre Finlande, §62.

[14] CEDH 6 février 1976, Syndicat suédois des conducteurs de locomotives, §37 ; voir également CEDH, GC, 12 novembre 2008, Demir et Baykara contre Turquie, § 154.

[15] CEDH, GC, 19 avril 2007, Vilho Eskelinen et autres contre Finlande, §28-30.

[16] Voir pour un commentaire de cette référence remarquée : Sandrine Turgis, « Les droits fondamentaux des travailleurs : harmonisation ? », in Droits du travail et des fonctions publiques : unité(s) du droit ? Influences, convergences, harmonisations. Actes du colloque de Nanterre – automne 2010, L’Epitoge Lextenso, 2012.

[17] Voir Mathieu Houser, « Droit communautaire et fonction publique française », JCl Fonctions publiques, fasc. 1000.

[18] Article 45 al. 4 du TUE ; voir, pour la conception « fonctionnelle » de cette notion : CJCE 17 décembre 1980 et 26 mai 1982, Commission contre Belgique, C-149/79, ainsi que les arrêts du 2 juillet 1996, Commission/Luxembourg (C-473/93) et Commission/Grèce (C-290/94, not. point 2).

[19] Loi n°91-715 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

[20] Loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.

[21] Loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.

[22] Il est à cet égard saisissant de relire l’article 5 bis, introduit par la loi n°91-715 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, aux termes duquel « les ressortissants des Etats membres de la Communauté économique européenne autres que la France ont accès, dans les conditions prévues au statut général, aux corps, cadres d'emplois et emplois dont les attributions soit sont séparables de l'exercice de la souveraineté, soit ne comportent aucune participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique de l'Etat ou des autres collectivités publiques ». Cette disposition a été modifiée par la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique dans le sens suivant : « Les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen autres que la France ont accès, dans les conditions prévues au statut général, aux corps, cadres d'emplois et emplois. Toutefois, ils n'ont pas accès aux emplois dont les attributions soit ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique de l'Etat ou des autres collectivités publiques ». Voir aussi la réponse de la CJUE à la question préjudicielle posée par la CAA de Douai (C-285/01), citée par le Conseil d’Etat dans son arrêt  du 16 mars 2005, Ministre de la santé et Ministre de la fonction publique contre Mme Burbaud, , n°268718.

[23] Voir notamment les articles L. 1221-2 et L. 1242-1 du code du travail.

[24] Chiffres établis par le rapport annuel 2013 de la DGAFP.

[25] Loi du 26 juillet 2005 précitée ; loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Voir l’interprétation donnée par le Conseil d’Etat sur ces dispositions dans son arrêt du 23 décembre 2011, Département du Nord, n°334584, B.

[26] CJCE 26 septembre 2000, Mayer c/ APIM (C-175/99), voir not. les points 52 et suivants pour l’appréciation du maintien de l’identité de l’activité lors du transfert dans le secteur public.

[27] Art. L. 1224-4 du code du travail, dans sa rédaction issue des lois du 26 juillet 2005 et du 3 août 2009 précitées.

[28] Conseil d’Etat, Ass., 7 juillet 1950, Dehaene, Rec. 426.

[29] Conseil constitutionnel, DC n°79-105, 25 juillet 1979, Rec. 33.

[30] Citation des conclusions de M. Gazier, voir commentaire au GAJA, 19e éd., n°61, p. 402.

[31] Conseil d’Etat, ass, 1er juillet 1988, Billard et Volle, Rec. p. 268 (principe général du droit selon lequel les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites en matière disciplinaire) ; Conseil d’Etat 12 novembre 1990, Malher, Rec. p. 321 (principe général du droit selon lequel l’exercice de la grève « ne saurait donner lieu de la part de l'employeur à des mesures discriminatoires en matière de rémunérations et d'avantages sociaux »).

[32] Conseil d’Etat, ass., 8 juin 1973, Dame Peynet, n°80832, Rec. p. 406 (prohibition du licenciement de la femme enceinte) ; Conseil d’Etat, sect., 23 avril 1982, Ville de Toulouse c/ Mme Aragnou, n°36851, Rec. p. 151 (droit de tout salarié à un minimum de rémunération qui ne saurait être inférieur au salaire minimum de croissance) ; Conseil d’Etat 27 mars 2000, Mme Brodbeck, n°155831, Rec. p. 129 (l'interdiction de résilier ou de refuser de renouveler le contrat de travail d'un salarié en considération de son sexe ou de sa situation de famille) ; Conseil d’Etat 2 octobre 2002, Chambre de commerce et d’industrie de Meurthe-et-Moselle, n°227868, Rec. p. 319 (lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, obligation de chercher à le reclasser dans un autre emploi avant, en cas d’impossibilité, de prononcer son licenciement).

[33] CE, avis, 25 septembre 2013, Sadlon, n°365139, à paraître au Recueil.

[34] Conseil constitutionnel, DC n°77-83, 20 juillet 1977, RJC I, p. 50.

[35]Loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

[36] Fabrice Melleray, « La loi relative à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique. Première étape d'une réforme profonde », AJDA, 2010, p. 2045.

[37] Principe à valeur constitutionnelle, voir Conseil constitutionnel, DC n°79-105 précité ; DC n°2009-584, 16 juillet 2009 (cons. 6).

[38] Lorsque la présence des agents est indispensable pour assurer « le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays », voir Conseil constitutionnel, DC n°86-217, §78, RJC I, p. 283.

[39] Voirl’arrêt du Conseil d’Etat du 12 avril 2013, Société EDF, n°329570 ; chronique Domino et Bretonneau, « Pour que le lumière soit : de la possibilité pour EDF de limiter le droit de grève dans ses centrales nucléaires », ADJA, 2013, p. 1052 ; rappr. du dispositif préventif institué par la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs et par la loi n°2012-375 du 19 mars 2012 relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports.

[40] Conseil constitutionnel, QPC n°2012-281, 12 octobre 2012 ; voir commentaire de Stéphane Buffa, AJFP, janvier-février 2013, p. 7.

[41] Selon l’expression de Christian Vigouroux de « banalisation du salarié de la chose publique », AJDA, 2013, p. 1202.

[42] Conseil d’Etat, ass., 13 novembre 2013, M. Dahan, n° 347704 ; comme le souligne le rapporteur public, « le juge prud'homal exerçait déjà un contrôle normal sur la proportionnalité de la sanction infligée par l'employeur, comme l'exige l'article L. 1333-2 du code du travail », RFDA, 2013, p. 1175.

[43] Projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, présenté en conseil des ministres le 17 juillet 2013, art. 27, p. 15.

[44] Rapport sur la fonction publique, dit « Pêcheur », 4 novembre 2013, voir p.2 et pp. 47-55.

[45] 21 États sur 28.

[46] 12 États à régime de carrière et 9 Etats avec un régime combinant carrière et emploi.

[47] Chiffres établis par le rapport annuel 2013 de la DGAFP.

[48] Rapport annuel du Conseil d’Etat, 2003, Réflexions sur la fonction publique, 1ière partie, partie 1.2 « La nécessaire adaptation des règles de gestion de la fonction publique aux exigences de la gestion des ressources humaines », p. 253 et suivantes.

[49] Rapport annuel du Conseil d’Etat, op. cit., p. 253 et suivantes.

[50]Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, sous la responsabilité de J.-L. Silicani, 2008, pp. 84 et suivantes.

[51] Pour une comparaison détaillée entre modèle wébérien et modèle du « new public management », voir Philippe Bezes, Réinventer l’Etat. Les réformes de l’administration française (1962-2008), précité, pp. 16-25.

[52] programme Next Steps en 1988, Citizen’s Charter en 1991, Deregulation and Contracting Out Act en 1994, Modernising Government White Paper en 1999), aux Etats-Unis (Government and Performance Results Act en 1993).

[53] Programme Moderner Staat-Moderner Verwaltung en 1999.

[54] Expression empruntée à Jean Monnet, reproduite dans le Rapport Rueff-Armand sur le premier plan de modernisation et d’équipement, 1960, in V.M. Santo et P. Verrier, Le Management public, 2007, PUF.

[55] S’agissant, tout d’abord, des règles de promotion régissant la carrière du fonctionnaire, l’avancement d’échelon dépend certes de l’ancienneté de l’agent mais aussi de sa valeur professionnelle, appréciée désormais lors d’entretiens annuels (décret n°2002-682 du 29 avril 2002 relatif aux conditions générales d'évaluation, de notation et d'avancement des fonctionnaires de l'Etat ; décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat), au regard de sa manière de servir et de ses besoins de formation. Quant à l’avancement de grade, il n’est plus déterminé en proportion des effectifs budgétaires du corps, selon la méthode dite du « pyramidage », mais selon un ratio « promus/ promouvables » permettant d’atténuer les effets générationnels. 

[56] Créée par la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales.

[57] Créée par le décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 relatif à la prime de fonctions et de résultats.

[58] Voir rapport Pêcheur précité, pp. 44 et suivantes.

[59] Chiffres, rapport annuel de la DGAFP, 2013.

[60] Voir les articles 3 et 4 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. En cela, l’état actuel du droit positif préserve l’une des pierres angulaires de notre modèle statutaire, ayant consisté à abandonner très tôt la théorie du « contrat de fonction publique » (Conseil d’Etat 2 octobre 1937, Demoiselle Minaire et autres, Rec. p. 843). 

[61] L’article 3 de la loi du 13 juillet 1983 pose ainsi le principe selon lequel les emplois permanents sont « occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l'ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut ». Voir également note suivante.

[62] Pour les besoins temporaires, sont notamment concernés le remplacement (art. 6 quater de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984), la vacance temporaire d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire (art. 6 quinquies de la même loi) ou l’accroissement temporaire ou saisonnier d’activité (art. 6 sexies de la même loi).

[63] A savoir, six années d’exercice effectif ; pour la fonction publique d’Etat, voir l’article 6 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984.

[64] Article 36 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : « A titre expérimental, pour une durée de quatre ans à compter de la date de publication de la présente loi, le contrat conclu en application du 1° de l'article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat peut être conclu pour une durée indéterminée. »

[65] Dont la situation est régie par le code du travail, à deux exceptions près : le directeur du service et le chef de la comptabilité lorsqu’il possède la qualité de comptable public ; voir Conseil d’Etat 26 janvier 1923, Robert-Lafrégeyre, Rec. p.67 ; Conseil d’Etat 8 mars 1957, Jalenques de Labeau, Rec. p. 158. La loi peut toutefois toujours déroger à ces deux exceptions jurisprudentielles (Conseil d’Etat 15 décembre 1967, Level, Rec. p. 501).

[66] Tribunal des conflits 25 mars 1996, Berkani, Rec. p. 535.

[67] Conseil d’Etat 31 décembre 2008, M. Cavallo, n°283256, concl. p. 13.

[68] Voir par exemple : sur la communication à l’agent contractuel de son dossier avant l’édiction d’une mesure prise en considération de sa personne (Conseil d’Etat 14 mai 1937, Sieur Vogler, Rec. p. 499), sur le régime de protection des agents contractuels (Conseil d’Etat 26 avril 1963, Centre hospitalier de Besançon, Rec. p. 242) ou encore, sur les obligations de régularisation ou de reclassement en cas d’irrégularité du contrat de recrutement (Conseil d’Etat 31 décembre 2008, précité).

[69] Bruno Genevois, conclusions sur Conseil d’Etat 25 mai 1979, Mme Rabut, n°06436, p.12.

[70] Christian Vigouroux, « Trente ans après la loi du 13 juillet 1983 », AJDA, 2013, p. 1202. L’auteur insiste sur les principes de probité, d’efficacité et d’impartialité.

[71] Conseil d’Etat, Rapport annuel de 2003, précité, p. 306.

[72] Voir pour la distinction entre fonctions publiques ouverte et fermée, François Gazier, La fonction publique dans le monde, éd. Cujas, 1972 ; voir également le commentaire nuancé de cette distinction, Fabrice Melleray, Droit de la fonction publique, précité, p. 56.

[73] C’est l’orientation défendue par la proposition n°12 du Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, précité, p. 112.

[74] Décrets législatifs du 3 février 1993, du 4 novembre 1997 et du 31 mars 1998. Voir Ongaro et Bellé, « Réforme de la fonction publique et introduction de la rémunération liée aux performances en Italie », RFAP, n°132, 2009/4, pp. 817-839.

[75] CE, 8 mars 2013, Syndicat des cadres de la fonction publique, n°355788, A.

[76] E. Durkheim, cité par E. Pisier et P. Bouretz, Le paradoxe du fonctionnaire, Calmann-Lévy, 1988, p. 74-75.

[77] Projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, présenté en conseil des ministres le 17 juillet 2013, art. 1er.

[78] Horace, Odes, livre III, 31e ode, v.1 :

« Exegi monumentum aere perennius regalique situ pyramidum altius, quod non imber edax, non Aquilo impotens possit diruere aut innumerabilis annorum series et fuga temporum. (…) ».

[79] Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel, tome I, éd. 1921, pp. 79 et suivantes.