Académie des sciences morales et politiques
9 décembre 2024
L’actualité du Conseil d’État
Discours de Didier-Roland Tabuteau, vice président du Conseil d’État [1]
C’est un honneur et un plaisir pour moi de répondre à l’invitation de votre assemblée et je vous remercie de me donner ainsi l’occasion de participer à votre année académique « Regards sur la justice en 2024 » afin d’évoquer l’actualité du Conseil d’État.
Présenter l'actualité d'une institution qui s'inscrit dans une histoire plus que deux fois séculaire est certainement une gageure. Surtout lorsqu'il s'agit de le faire devant une assemblée dont l'origine est antérieure de quatre années à celle du Conseil d'État !
J'ai pris le parti de retenir les transformations et les innovations les plus récentes de la jurisprudence comme du fonctionnement de la juridiction administrative tout en essayant de les replacer dans la tradition d’un droit administratif principiel et vivant.
Nous pouvons partir d’un constat. Le Conseil d'Etat et la juridiction administrative dans son ensemble sont de plus en plus sollicités, et de plus en plus mis en avant.
Un seul chiffre pour l’illustrer : en 1990, soit la première année après la mise en place des cours administratives d’appel, les tribunaux administratifs jugeaient 58 000 recours.
Ils en ont jugé 243 000 en 2023[2], et ce chiffre continue de croitre ; le nombre de recours dépassera sans doute les 275 000 en 2024.
Pour le Conseil d'État et sa section du contentieux présidée par Christophe Chantepy, le nombre de requêtes jugées a été en 2023 de 9750 et pour les cours administratives d'appel de 32 000.
Encore faut-il préciser pour apprécier l’étendue de la juridiction administrative que le Conseil d'État est au sommet d'un ordre juridictionnel qui, outre les tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel comprend la Cour nationale du droit d'asile et la Commission du contentieux du stationnement payant qui deviendra au 1er janvier prochain le Tribunal du stationnement payant[3]. Au total l'ensemble de ces juridictions, qui relèvent pour leur gestion du Conseil d'État, auront sans doute reçu en 2024 près de 600 000 recours. Il faut également ajouter des juridictions spécialisées, nombreuses et dont l'importance n'est pas à souligner : le Conseil supérieur de la magistrature statuant en matière disciplinaire, les conseils des ordres professionnels, les sections disciplinaires des universités, ou encore la Cour des comptes ou la Cour d’appel financière.
Au-delà de la juridictionnalisation des rapports à l’administration que reflètent ces chiffres, la place croissante et singulière du juge administratif dans les débats de société et dans les médias tient sans doute à deux facteurs essentiels.
En premier lieu, la nature des questions qui lui sont soumises. Les requérants lui demandent de réaliser un contrôle toujours plus étroit de l’administration, portant bien souvent sur des questions cruciales comme le changement climatique, l’ordre public ou la laïcité.
En second lieu, il y a, derrière les chiffres que j’ai cités, un recours accru à la procédure du référé, issue de la loi du 30 juin 2000[4]. Cette capacité de saisir un juge qui se prononce en urgence, parfois en quelques heures, le plus souvent en quelques jours traduit une accélération du temps judiciaire et conduit à un rapprochement, et même parfois à une confusion, avec le temps médiatique.
Notre place s’est également affirmée dans le débat public par les avis que nous rendons sur les projets de loi, dès lors qu'ils sont, depuis 2015[5], rendus publics dans la plupart des cas. Cette présence dans la vie publique est encore accrue par les études que nous réalisons à la demande du Premier ministre ou de notre propre initiative.
En effet si l'on présente habituellement le Conseil d’État à travers ses deux missions constitutionnelles, contentieuse et consultative, il ne faut pas oublier ses deux autres missions législatives, celle d’étude et de prospective, portée aujourd’hui par la Section des études, de la prospective et de la coopération et une quatrième mission, celle de gestion des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel, de la Cour nationale du droit d'asile et désormais de la Commission du contentieux du stationnement payant. Cette dernière mission, que nous devons aux réformes portées par le vice-président Marceau Long, est majeure pour l’unité de la juridiction. Ces quatre missions forment un tout, celui de la juridiction administrative, qui porte elle-même un service public dans toutes ses composantes, et accompagne et contrôle, en toute indépendance, les autres services publics et plus largement les politiques publiques.
Notre rôle nous impose des précautions et la clarté d’une méthode, en nous obligeant à revenir aux fondamentaux qui formeront l'ossature de mon intervention :
- d'abord un objectif : l’intérêt général,
- ensuite un impératif : la protection des droits et libertés,
- et une exigence : l’efficacité de l’action publique,
- enfin un socle pour notre action : l’indépendance.
I. Un objectif : l’intérêt général
« La tradition française, telle qu’elle s’exprime dans la législation et la jurisprudence, a clairement pris le parti de promouvoir un intérêt général qui aille au-delà d’un simple arbitrage entre intérêts particuliers. (…) Aux côtés du législateur qui a la charge de sa définition, le juge administratif a été (…) amené à jouer un rôle central de garant de l’intérêt général et à accompagner les évolutions d’une notion dont le contenu est éminemment mouvant[6] ».
Ainsi s’ouvrait, il y a 25 ans, l’étude annuelle du Conseil d’État sur l’intérêt général, adoptée sous la présidence de Renaud Denoix de Saint Marc. Cette affirmation n’a rien perdu de sa vérité, et l’intérêt général reste au cœur de notre activité, dans toutes nos missions, ce que j’ai voulu exprimer en qualifiant le Conseil d’État de « maison du service public[7] » lors de sa première rentrée que nous avons instituée en 2022.
I.1. L’« intégration » des différents intérêts pour saisir l’intérêt général
La notion d’intérêt général au cœur de l’action publique
Jean-Jacques Rousseau l’exprimait clairement dans son Contrat social : l’intérêt général est l’expression de la volonté générale, et il exige le dépassement des intérêts particuliers en conférant à l’Etat la mission de poursuivre des fins qui s’imposent à l’ensemble des individus[8],[9]. Comme le soulignait le Conseil d'Etat en 1999, l’État est dans cette conception « seul capable, non seulement de réaliser, lorsque c’est nécessaire, la synthèse des intérêts qui s’expriment au sein de la société civile, mais de contribuer à dépasser les égoïsmes catégoriels et à prendre en compte les intérêts des générations futures[10] ».
Il serait pourtant stérile d’opposer les intérêts particuliers, les droits fondamentaux, et l’intérêt général. L’intérêt général n’est pas l’intérêt public, qui est toujours partiel, de même qu’il n’est pas uniquement porté par les personnes publiques, bien que l’action de celles-ci doive avant tout être justifiée par l’intérêt général. Ainsi par exemple, le juge saisi d’une demande de démolition d’un ouvrage implanté de façon irrégulière doit examiner les intérêts publics et privés en présence, mais se prononce in fine au regard des conséquences qu’une telle démolition aurait pour l’intérêt général[11].
Ces notions, intérêts particuliers, intérêts publics, droits fondamentaux, ne s’opposent pas à l’intérêt général, car celui-ci les inclut, et je dirais même les intègre. Permettez-moi une image mathématique pour approcher la notion d’intérêt général, qu’aucune définition exacte n’exprime dans sa plénitude.
D'Alembert décrivait le calcul intégral comme étant « le moyen de remonter, lorsque cela se peut, de la limite du rapport entre les différences des quantités finies, au rapport même de ces quantités[12] ». De la même manière, pour comprendre l'intérêt général, il faut s'éloigner des passions et des intérêts particuliers, tout comme on s'abstrait de la fonction mathématique par l’opération de primitivation, pour revenir aux principes fondamentaux d'où découlent ces intérêts. Il s’agit ensuite, à partir de ces principes, d’observer leur application à travers tous les domaines de la société et de s'en imprégner pour faire prévaloir l'intérêt général, de la même façon que l'on calcule l'aire sous la courbe d'une fonction, c'est-à-dire l’intégrale[13].
L’intérêt général dépasse et intègre ainsi les intérêts particuliers, les intérêts privés mais aussi les intérêts publics. Lorsque deux lois se contrarient, c’est l’intérêt général qui permet de résoudre le conflit. Lorsque des exigences publiques et privées invitent à faire une application différenciée du principe d’égalité, c’est encore un motif ou une raison d’intérêt général qui permet de trouver la solution[14].
L’intérêt général comme boussole du juge
« L’intérêt général » est, en 2024 comme lors de la naissance du droit administratif, au cœur de l’office de son juge.
Sont vaines les critiques dont le juge administratif fait de loin en loin l’objet, de façon d’ailleurs souvent contradictoire : celle d’avoir perdu de vue l’intérêt général en devenant de plus en plus le juge des libertés fondamentales, et, à l’inverse, celle de sacrifier ces libertés sur l’autel de l’intérêt général.
Le juge administratif n’a jamais perdu la boussole de l’intérêt général, sa jurisprudence en témoigne amplement.
D’abord parce que, en tant que finalité et limite de l’action publique, elle est comme je l’ai déjà rappelé la justification primordiale du droit public.
Ensuite, parce que le juge fait d’abord prévaloir la loi qui, dans la tradition légicentriste dont nous héritons, accorde un rôle prééminent au législateur – même si la loi, selon les mots du Conseil constitutionnel, « n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution[15] ».
Enfin, parce qu’il s’agisse de la détermination de sa compétence, de la délimitation de son office ou de son emploi pour l’appréciation au fond des moyens invoqués devant lui, le juge administratif fait un usage quotidien de cette notion.
Je ne prendrai que deux exemples pour illustrer ce dernier point.
S’agissant en premier lieu de la compétence du juge : l’intérêt général est la justification première de la faculté dont dispose l’administration de recourir à des prérogatives de puissances publiques, et c’est cette faculté qui est un des critères déterminant de la compétence du juge administratif[16]. Ainsi, par exemple, de la clause exorbitante du droit commun qui, « notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante » est celle qui « implique, dans l’intérêt général » que le contrat relève du droit public et que son contentieux soit porté devant le juge administratif comme l’a rappelé le Tribunal des conflits en 2014[17].
S’agissant en second lieu de la procédure suivie devant le juge administratif, l’intérêt général est derrière les pouvoirs qui sont ouverts au juge dans le cadre de la procédure inquisitoire qui régit le procès. Il en va ainsi de la qualification d’ordre public d’un moyen, qui impose par exemple au juge administratif de soulever d’office l’interdiction de condamner une personne morale de droit public à une somme qu’elle ne doit pas[18], ou encore des vices les plus graves comme la méconnaissance par l’administration du champ d’application de la loi[19] ou de l’autorité absolue de chose jugée[20], pour lesquels ce soulevé d’office permet de faire prévaloir le droit même lorsqu’aucune partie ne l’a invoqué.
On aurait pu penser que l’imprécision conceptuelle de l’intérêt général condamnerait cette notion dans un droit de plus en plus technique, un droit qui plonge ses racines dans plusieurs sources, nationales, européennes et internationales. Mais l’intérêt général n’a en réalité rien perdu de sa force au contentieux. Sa plasticité même répond au développement de l’appréciation in concreto des situations par le juge. Et son pouvoir unificateur est un puissant antidote à la fragmentation des intérêts portés par des normes spécialisées.
I.2. Le service public pour incarner les missions d’intérêt général
Le service public comme pierre angulaire du droit administratif
Le service public a été, pour reprendre les mots de votre secrétaire perpétuel Bernard Stirn, la « pierre angulaire[21] » à l’origine du droit administratif, avec une intrication nette entre droit administratif, personne publique et service public. C’est la portée rétrospectivement attribuée à l’arrêt Blanco, rendu en 1873 par le Tribunal des conflits, que d’affirmer la singularité des activités de service public et, partant, des règles et du juge auxquels elles doivent être soumises.
Le Conseil d’Etat a accompagné la structuration, sinon l’émergence de la notion avant d’établir son régime juridique, un régime juridique garantissant les finalités de l’action de l’administration et les droits des administrés, sous le contrôle du juge. Et ce régime donne toujours lieu à des jurisprudences remarquables.
Le Conseil d’État a ainsi, dans des décisions de 2022, précisé que le recours à un téléservice ne peut être imposé dans certains cas que si l’accès normal des usagers reste possible et si l’exercice effectif de leurs droits est garanti[22].
Permettez-moi de m’arrêter sur le principe de neutralité, corollaire au principe d’égalité qui régit le service public. La neutralité, c’est, comme le disait Robert Schuman, « l'impartialité de l’État à l'égard des croyances de tous les membres de la collectivité nationale[23] ». Elle s’applique d’abord aux agents du service public, mais la loi peut également l’étendre aux usagers, comme elle l’a fait par l’interdiction faite en 2004[24] aux élèves des écoles publics de porter des signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, et dont le juge administratif assure le plein respect comme en 2024 à propos de l’interdiction du port de l’abaya à l’école[25]. Le Conseil d’Etat a également admis en 2023 que la Fédération française de football, chargée d’assurer le bon fonctionnement du service public dont la gestion lui est confiée, puisse imposer aux joueurs une obligation de neutralité des tenues lors des compétitions et manifestations sportives afin de garantir le bon déroulement des matchs et de prévenir tout affrontement ou confrontation étrangère au sport[26].
II. Un impératif : la protection des droits et libertés
Le juge administratif est, par nature, le juge de l'excès de pouvoir. Il lui revient en démocratie de garantir que l'action des pouvoirs publics reste enserrée dans les limites de la loi et des règlements qui ont été édictés. C’est, on le sait, l'un des fondements de l'État de droit.
II.1 L’extension et l’approfondissement du contrôle à l’invitation du législateur :
Le développement du droit administratif sur le fondement de la loi.
On a trop souvent présenté le droit administratif comme une création largement prétorienne. Si le juge a établi des principes et précisé son office, il l’a toujours fait à l’invitation du législateur ou dans la continuité des normes posées par les lois, par les actes règlementaires, ou par les institutions internationales et européennes auxquelles la France a décidé de participer.
Il recherche en cas d’insuffisante clarté de la loi l’intention du législateur dans les travaux préparatoires[27], comme il recherche la finalité de l’acte règlementaire pour l’interpréter, par exemple en se penchant sur les rapports au Président de la République pour les ordonnances[28], ou sur les rapports qui peuvent accompagner des décrets[29].
La critique d’un « gouvernement des juges », autrefois doctrinale et sporadique, désormais politique et omniprésente, parait pourtant bien mal fondée. Les pouvoirs du juge sont confiés par le constituant et le législateur, et le juge ne fait que répondre aux recours qui sont portés devant lui.
Il ne s’autosaisit pas. Les saisines peuvent être nombreuses et cruciales, comme la période de la pandémie de Covid l’a montré. Mais, la juridiction administrative est toujours vigilante à ne pas dépasser les bornes qui sont fixées par la Constitution, qui répartit les compétences entre les pouvoirs et les législations qui en découlent.
Un des premiers ancrages de l’élargissement du contrôle du juge est la loi du 24 mai 1872. Malgré les critiques libérales qui avaient visé le Conseil d’Etat jusqu’alors, la IIIème République ne remit pas en cause l’existence du Conseil d’Etat, et affermit même son contrôle par cette loi. Gambetta par exemple, voyait la justice administrative, dans un Etat moderne, comme une « nécessité de premier ordre » afin de « ne pas laisser entamer les services publics ». Il ne fallait pas attenter à son « pouvoir supérieur », découlant de l’irréductible singularité de sa mission au service de l’intérêt général[30].
Cette loi permit le passage de la justice retenue à la justice déléguée et, bien sûr, l’affirmation de l’indépendance du Conseil d’Etat.
L’extension du contrôle par le juge
Dans cette logique, le contrôle du Conseil d’Etat prit son essor, non pour appuyer l’administration, comme les libéraux le lui avaient reproché sous le Second Empire, mais pour la contrôler et assurer le respect du droit.
Le Conseil d’Etat a ainsi affermi son contrôle sur l’administration, à la demande de l’Etat lui-même, c’est ce que Prosper Weil et Dominique Pouyaud ont qualifié de « miracle[31] » du droit administratif. En 1875, le Conseil d’Etat jugeait que le fait qu’une décision ait été adoptée pour des considérations politiques ne la faisait pas échapper au contrôle du juge. Il s’agissait du refus de rétablir le Prince Napoléon sur la liste des généraux de division[32].
Le Conseil d’Etat, encouragé par le législateur, a continué d’élargir son contrôle, y compris encore ces dernières années en l’étendant aux actes de droit souple, actes qui ne créent pas, en eux-mêmes de droit ou d’obligation mais qui ont pour objet d’influencer les comportements. Ils peuvent ainsi être contrôlés, en particulier depuis deux décisions du 21 mars 2016 rendues sous la présidence de Jean-Marc Sauvé, lorsqu’ils sont « de nature à produire des effets notables » sur les comportements[33].
Cet élargissement progressif du contrôle s’est doublé de son approfondissement[34],[35],[36],[37], conduisant à vérifier la légalité de l’acte sous tous ses aspects, et à mieux indemniser des préjudices, imputables à l’action publique ou devant être pris en charge par la collectivité nationale. On peut citer, en dernier lieu, la décision d’assemblée du contentieux du 24 octobre dernier, qui ouvre, sous de très strictes réserves, la responsabilité sans faute du fait des actes de gouvernement de nature diplomatique, dans le cas où ils feraient peser sur le requérant une charge spéciale et d’une particulière gravité[38].
En renforçant entre 1980 et 1995[39],[40],[41] les pouvoirs du juge pour faire exécuter ses décisions, le Parlement a encore accru l’efficacité de ce contrôle. Le législateur a également institué par la loi du 30 juin 2000 déjà citée des procédures d’urgence efficaces. A en particulier été créé un référé-liberté qui permet au justiciable de saisir en urgence le juge administratif afin de faire cesser « toute atteinte grave et manifestement illégale » à une « liberté fondamentale »[42]. Statuant en 48 heures, le juge dispose de pouvoirs étendus et peut ordonner toute mesure nécessaire à la cessation de l’atteinte relevée.
II.2 La stricte délimitation de son office par le juge
Les demandes faites au juge pour obliger l’administration à agir
Conséquence de l’extension du contrôle, dans de plus en plus de recours le requérant constate qu'un texte ou un principe oblige les pouvoirs publics à atteindre un résultat ou à œuvrer pour l'atteindre, et demande au juge d'enjoindre à l'administration d'agir, parfois dans un sens déterminé, parfois seulement à agir tout court.
Cette stratégie contentieuse, qui donne lieu à ce qu’on pourrait qualifier de « recours en carence structurelle »[43], peut apparaître particulièrement attractive puisqu'elle permet de peser sur l'orientation d’une politique publique ou sur le fonctionnement d'un service public. En outre, grâce au moment médiatique du procès, les requérants espèrent pouvoir brandir la reconnaissance par le juge d'une défaillance des pouvoirs publics dans l’exercice de leur mission.
Ce recours s’est progressivement étendu à des demandes d'agissements matériels[44] et a porté sur des questions complexes qui appellent la mobilisation de nombreux outils de l’action publique. Le juge administratif a ainsi été saisi de contentieux relatif à l'enregistrement des demandes d'asile[45], la diminution de la pollution de l'air[46] ou la lutte contre le réchauffement climatique[47].
Il n’y a qu’à lire certaines dispositions législatives pour prendre la mesure du risque induit d’empiétement du juge sur le champ de l’action publique. L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme fixe des objectifs classiques aux collectivités publiques en matière d’urbanisme, comme « la sécurité et la salubrité publique[48] », la « qualité urbaine, architecturale et paysagère[49] » mais aussi des objectifs plus vagues comme « la promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive[50] ».
On comprend qu’en se fondant sur ces textes, avec une vision trop large du rôle du juge, il serait possible d’obliger l’administration, pour respecter ces objectifs, à toujours préciser, infléchir, voire créer, des politiques publiques. Avec alors une forme de mise sous tutelle des politiques publiques, le juge de l’exécution devant, à intervalle régulier, dire si l’administration a ou non mis en place une politique publique permettant d’atteindre les objectifs en cause.
Les limites posées par le juge
Pour parer à ce risque, le Conseil d’Etat a posé une ligne claire.
D’abord, il reste bien sûr incompétent pour contrôle la légalité des actes de gouvernement – par action ou par abstention –, bien que ces actes soient délimités de manière stricte. Ces actes comprennent :
les décisions qui touchent aux rapports entre les pouvoirs constitutionnels[51], comme un décret du président de la République portant promulgation d'une loi[52] ou le décret du président de la République portant nomination du Premier ministre[53] ;
et les décisions liées à la conduite des relations extérieures de la France, à l’instar de la décision d'engager des forces militaires en Yougoslavie en liaison avec les événements du Kosovo[54] ou de la décision de suspendre l'exécution d'un traité ou d'un accord international[55].
Ensuite, le Conseil d'Etat a dégagé, depuis 2017, l'impossibilité pour le juge du référé-liberté d'ordonner à l'administration de prendre des mesures structurelles[56]. Même s'il s’agit seulement de régir l’office du juge du référé-liberté en renvoyant aux formations collégiales saisies au fond le soin de prononcer de telles injonctions, le juge a ainsi fixé une limite qui lui permet de ne pas empiéter sur les prérogatives de l’administration et de ne pas se faire l’arbitre de ses priorités.
Enfin, dans deux affaires, concernant la question des contrôles d’identité discriminatoires et la méconnaissance de l’obligation de port par les forces de l’ordre de leur identifiant individuel (RIO)[57], le Conseil d’Etat a solennellement précisé en octobre 2023 le cadre des actions qui ont pour finalité la censure de toute une politique publique, avec demande au juge d’obliger l’administration à agir[58]. L’assemblée du contentieux a rappelé que pour rester « dans les limites de sa compétence », le juge doit bien sûr s’abstenir de s’immiscer dans les relations entre le Parlement et l’exécutif ou dans les relations diplomatiques. Et surtout le Conseil d’Etat a très explicitement jugé qu’: « il ne lui appartient pas, dans le cadre de cet [son] office, de se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique ou de leur enjoindre de le faire ». Dans l’un des litiges, le Conseil d’Etat a rejeté le recours contre ces contrôles discriminatoires sur le fondement de cette impossibilité pour le juge de déterminer une politique publique. Mais dans l’autre, il a enjoint à l’administration de prendre des mesures pour que les identifiants individuels des forces de l’ordre soient davantage portés et visibles, car, en l’espèce, les règles de droit fixaient l’objectif de l’action publique avec une précision suffisante pour qu’il se prononce.
Près de 150 ans après l’arrêt Prince Napoléon qui acceptait de contrôler une décision prise sur un fondement politique, le juge administratif a énoncé avec vigueur, qu’il ne lui appartenait jamais de se substituer aux pouvoirs publics pour ce qui relève fondamentalement du pouvoir politique issu des processus démocratiques, fondés sur l'élection au suffrage universel et organisés par Constitution. Il ne s’agit pas ici de la question du motif politique, mais bien de la politique publique au sens le plus profond.
Au-delà des droits individuels, cette obligation d’exécuter la politique décidée conditionne la crédibilité de l’action publique. Les normes ne peuvent être des tigres de papier. Dans un arrêt de 2021[59], le Conseil d’Etat s’est ainsi fondé, pour obliger l’administration à respecter une trajectoire de réduction des gaz à effet de serre, sur les engagements internationaux auxquels avait souscrit la France, engagements expressément repris par le législateur, lequel avait imposé de fixer par un décret des objectifs précis et chiffrés à horizon 2030, induisant une trajectoire pour les atteindre. Le Conseil d'État s'est fait juge de la trajectoire pour faire respecter les objectifs quantitatifs fixés par le décret[60].
Ce contrôle large et approfondi, qui n’empiète pas sur le rôle du politique, ne résume toutefois pas l’action de la juridiction administrative vis-à-vis des politiques publiques. A côté de la garantie des droits et des libertés, il y a l’attention qu’il porte à l’efficacité des politiques publiques.
III. Une exigence : l’efficacité de l’action publique
L'efficacité de l'action publique peut être appréhendée par le juge en tant qu’elle est une garantie des droits. Ainsi de l’exemple que j’ai déjà donné, qui impose que le recours à un téléservice ne soit ouvert que si l’accès normal des usagers est garanti[61].
Au-delà de sa mission contentieuse, le Conseil d’Etat, s’emploie à accompagner les politiques publiques qui traduisent l'ambition des pouvoirs publics issus du suffrage universel pour contribuer à leur efficacité, gage de leur acceptabilité, et faciliter l’atteinte des objectifs d’intérêt général qu'elles poursuivent.
III.1 Le renouveau des missions consultatives :
Une évolution récente de la fonction consultative
Si la fonction consultative est très ancienne, il est possible de parler de son renouveau pour plusieurs motifs. Cette fonction était traditionnellement limitée aux projets de loi et d’ordonnances, aux décrets en Conseil d’Etat et aux demandes d’avis présentées par le Gouvernement, le tout étant placé sous le sceau du secret. Or le cadre d'exercice de cette fonction a profondément changé.
La révision constitutionnelle de 2008 a ouvert la possibilité de saisine du Conseil d’Etat par le président d'une assemblée pour l'examen d'une proposition de loi[62]. Depuis cette date, 50 propositions de loi ont fait l'objet d'un examen par le Conseil d’Etat, la dernière en date étant la délicate proposition de loi organique reportant la tenue des élections en Nouvelle-Calédonie[63]
Ensuite, le Gouvernement peut souhaiter nous consulter en dehors des cas où il y est obligé par les textes. On peut en particulier noter que, si les projets d’amendement durant la procédure parlementaire ne nous sont bien sûr pas soumis, il arrive au Gouvernement de nous consulter via une demande d’avis sur un texte qu'il envisage de proposer par voie d’amendement. Ce fut le cas, pour citer un exemple récent, d’une demande d’avis, relative à la mise en conformité du droit français avec le droit européen s’agissant de l’acquisition de congés payés durant les périodes d’arrêt maladie[64].
Enfin, la mission consultative du Conseil d’Etat a connu une évolution majeure lorsqu’il a été mis fin à la tradition de secret qui l’entourait, par la décision du Président de la République du 20 janvier 2015[65]. A l’exception des lois financières, des lois de ratification d’ordonnance et des lois autorisant la ratification ou l’approbation d’engagements internationaux, les avis que nous rendons sur les projets de loi sont désormais rendus publics sur Légifrance, puis sur le site du Conseil d’Etat à la date de leur transmission au Parlement, c’est-à-dire le jour de leur adoption par le Conseil des ministres.
Cette modification nous a amenés à produire un avis distinct du projet de loi, dont une version réécrite par nos soins constituait auparavant exclusivement notre avis, sous réserve des notes au Gouvernement qui expliquaient les éventuelles modifications du projet initial. Ces avis, que nous renvoyons avec le texte au Gouvernement, présentent nos analyses des projets de texte et les éléments essentiels de notre travail de conseil, dont je regrette, si vous me permettez un appel aux collègues juristes des universités, qu'ils soient trop peu commentés, et le cas échéant critiqués, par la doctrine …
L’attention à l’efficacité de l’action publique :
Le Conseil d’Etat assure, dans ses missions consultatives, un examen des textes dans une triple approche.
Il s'interroge d’abord sur la qualité rédactionnelle du texte.
Il porte ensuite une appréciation juridique, au regard des risques de contrariété ou de miroitement vis-à-vis de textes en vigueur, en particulier évidemment, des textes supérieurs dans la hiérarchie des normes. C'est le cœur de son office.
Mais il se prononce également sur l’opportunité administrative du projet, au regard de la stabilité de l’ordonnancement juridique ou encore de l’efficacité du texte pour atteindre les buts que l’auteur du texte s’est fixés. Sans jamais remettre en cause l'objectif poursuivi par les pouvoirs publics, il se permet dans certains cas de suggérer une autre solution et de proposer dans sa version le dispositif permettant de la mettre en œuvre.
Pour ne prendre qu’un exemple, on peut citer l’avis délibéré le 4 février 2021 sur un projet portant lutte contre le dérèglement climatique et ses effets[66], qui modifiait notamment le fonds de travaux que doivent mettre en place les copropriétés pour financer les travaux à venir. L’assemblée générale du Conseil d’Etat, présidée alors par mon prédécesseur Bruno Lasserre, a porté un avis sur l’opportunité de ce dispositif, en le replaçant dans son contexte pour émettre des doutes sur sa pertinence et esquisser des pistes d’améliorations globales.
S’agissant de cet accompagnement au-delà du seul droit positif, un cas d'une importance primordiale doit être mentionné : celui où le Conseil d’Etat est conseiller juridique pour les projets de loi constitutionnelle, comme cela a été le cas lors de l'inscription dans la Constitution, en 2024, de la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse[67]
A première vue, le Conseil d'État semble avoir peu à dire sur un projet de loi constitutionnelle, puisqu'il ne peut le rapporter à une norme de valeur juridique supérieure.
En tant que norme suprême, la Constitution ne peut être opposée à elle-même. De plus, le pouvoir constituant dérivé dispose de la même autorité que le pouvoir constituant originaire, et il n'existe pas de norme supraconstitutionnelle.
Toutefois, le Conseil d’Etat est consulté sur les projets de loi constitutionnelle, et il rend bien un avis dans ce cadre. J’ajoute même que dès lors que le Conseil constitutionnel n’est pas saisi en amont et décline sa compétence en cas de recours devant lui[68], le Conseil d’Etat est la seule institution à intervenir dans une révision constitutionnelle en dehors des hautes autorités politiques (Gouvernement, Président de la République, Parlement) et, le cas échéant, du peuple.
Le Conseil d’Etat a fixé une doctrine pour procéder à son examen, qu’il a développée dans son avis adopté le 3 mai 2018 sur un « projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace ».
D’abord, le Conseil d’Etat vérifie que les nouvelles dispositions constitutionnelles ne méconnaissent pas nos engagements internationaux. Sinon il lui revient de signaler cette contradiction afin que le constituant éclairé s’engage à dessein dans la voie d’une telle contrariété, ou y renonce.
Il signale également si une disposition projetée contreviendrait aux grands principes de notre République, à l’esprit des institutions, ou si elle porterait atteinte à leur équilibre ou méconnaîtrait une tradition républicaine constante.
Il vérifie enfin l’atteinte des objectifs que s’assigne le Gouvernement[69], l’intelligibilité[70] et la concision du texte, ainsi que sa cohérence[71] avec les autres normes constitutionnelles.
III.2. Une approche prospective de l’action publique de plus en plus accentuée :
Pour contribuer à l'efficacité de l'action publique, le Conseil d'État développe une approche prospective de cette action. La « section du rapport et des études » a d'ailleurs été remplacée par un décret du 1er mars 2024 par la section des études, de la prospective et de la coopération (SEPCO), dont l’intitulé souligne l'importance attachée à cette dimension prospective.
Cette section tient une place singulière au sein de la juridiction administrative. D’abord parce qu’elle s’appuie sur l’expérience des membres de la juridiction et sur leur expertise variée, bien au-delà du seul domaine du droit.
Elle réalise aujourd’hui, en quelques sortes, les promesses envisagées lorsqu’elle a été pensée pour la première fois. Tocqueville rappelait dans ses Souvenirs, à propos de la Commission de la constitution de 1848, qu’Armand Marrast, président de l’assemblée constituante, « voulut qu’on donnât au Conseil d’Etat une section chargée d’élaborée des idées nouvelles, c’eût été la section du progrès[72] ».
L’établissement d’ateliers de la simplification
La section de la prospective a produit des rapports remarqués sur la simplification en 1991, 2006 et 2016[73]. Le Conseil d'État s'est engagé cette année dans une démarche complémentaire visant à mettre en pratique ce travail de simplification dans le cadre d'études que nous avons proposées au Premier ministre et engagées à sa demande.
A la limite du consultatif et du prospectif, le Conseil d’Etat conduit des travaux qui offrent un outil complémentaire au travail de la simplification, qu’il mène au jour le jour dans ses missions consultatives. Il la met en œuvre avec les acteurs concernés, dans un cadre nouveau, sous une forme qui pourrait être qualifiée d'ateliers qui permettent d’aborder globalement et concrètement un pan de législation ou de réglementation. Il l’a fait par exemple pour le droit des procédures collectives[74], un domaine où chaque instrument juridique possède une logique propre, mais où l’ensemble est devenu sans doute trop complexe.
Le développement des études
Chaque année, le Conseil d’État conduit deux types d’études :
- les études qui lui sont commandées par le Premier ministre ;
- l’étude annuelle[75], dont il choisit lui-même le thème.
Le Conseil d’Etat s’est engagé depuis 2 ans dans un triptyque qu’il terminera cette année, avec l’idée de contribuer au renforcement de l’efficacité de l’action publique dans un environnement particulièrement difficile.
D’abord avec en 2022 une étude dont le titre « le dernier kilomètre des politiques publiques » résume son objectif : analyser comment les politiques publiques atteignent effectivement l’usager.
Nous avons cette année mené une étude sur la souveraineté, que j'ai eu l'honneur de présenter lors de la rentrée du Conseil d'État en septembre dernier. Cette question cruciale pour toute nation, nous a conduit à rappeler que, si chaque État est juridiquement souverain, chacun exerce et met en œuvre sa souveraineté selon son génie propre. Et il doit le faire aujourd'hui face à des défis renouvelés, issus de :
- l’accroissement des dépendances et des interdépendances, liées à la mondialisation de l’économie ;
- l’intégration européenne ;
- et de la crise de la démocratie représentative traditionnelle qui affecte la France comme d’autres pays, malgré la participation accrue aux dernières élections.
À l'issue de cette analyse, nos recommandations s'organisent selon trois axes :
En premier lieu, donner toute sa portée au principe constitutionnel fondamental : « la souveraineté nationale appartient au peuple », en développant une citoyenneté active. Cela suppose notamment de renforcer l’esprit critique et l’esprit de défense des citoyens et de lutter contre la désinformation.
En deuxième lieu, améliorer l’articulation, nécessairement complexe, entre l’Union européenne et des Etats souverains pour renforcer notre puissance. Il s’agit par exemple d’associer davantage les Etats, et d’assurer leur champ de compétence, en prévoyant dans un nombre plus important de textes de droit dérivé, comme cela se pratique déjà dans certains secteurs, une « clause bouclier » qui rappellerait que les dispositions du texte ne portent pas atteinte aux fonctions essentielles de l’État, notamment en matière d’ordre public, de sécurité nationale et d’intégrité territoriale.
Et on peut à cet égard souligner que le Conseil d’État a rappelé dans une décision d’assemblée du 21 avril 2021, French Data network[76], rendue sous la présidence de Bruno Lasserre, qu’il écarterait l’application d’un acte de l’Union qui aurait pour effet de priver de garanties effectives une exigence constitutionnelle. Cela aurait pu être le cas, en l’espèce, s’agissant d’une exigence ayant trait à la prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions pénales. Mais dans un pareil cas, le juge administratif n’écarterait le droit européen que si cette exigence n’était pas protégée de façon équivalente par le droit de l’Union, et il ne l’écarterait que dans la stricte mesure où le respect de la Constitution l’exige.
Troisième recommandation : élaborer une « doctrine de la souveraineté » afin d’inscrire son exercice dans une stratégie de long terme. Il s’agit de déterminer les secteurs prioritaires pour l’exercice de la souveraineté, et pour chacun d’eux, de fixer un cap, un échéancier, des moyens et un pilote pour tenir ce cap.
Dans ces deux dernières études, nous avons souligné l’importance du temps long pour la conduite de politiques publiques à même de modifier les choses en profondeur et de ne pas limiter l’action à la réaction.
Prendre en compte ce temps long, pouvoir associer une action à 3 ans et un objectif à 30 ans, sans remettre en cause la possibilité de choix démocratiques qui doivent pouvoir modifier les politiques publiques décidées, c’est le champ de notre nouvelle étude que nous rendrons en septembre prochain.
Le rôle que la Constitution nous confie, dans nos missions juridictionnelles consultatives et prospectives repose sur un socle fondamental sur lequel je voudrais terminer : l’indépendance.
IV.Un socle : l’indépendance.
Le juge tranche par le droit les litiges qui lui sont soumis. Il le fait « au nom du peuple français » et ne doit, en conséquence, poursuivre aucun autre intérêt que l’intérêt général. C’est cela, avant tout, que doit garantir le principe d’indépendance.
L’indépendance, et l’impartialité qui en procède, reposent en premier lieu sur la manière dont les membres de la juridiction exercent leurs missions. Toutes leurs missions, et ce point est essentiel : les membres de la juridiction administratives sont indépendants dans toutes leurs fonctions, et non pas seulement dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles[77].
Les exigences d'indépendance et d'impartialité s’inscrivent dans un devoir d’exemplarité plus large, individuel et collectif[78]. Elles ont été consacrées dans le droit positif par l'obligation du serment, solennellement instituée par le législateur[79] l’année dernière pour tous les magistrats et membres du Conseil d’Etat nouvellement nommés, ainsi que pour ceux qui souhaitaient réitérer solennellement le serment qu’ils s’étaient fait, en conscience, en rejoignant la juridiction.
Ce serment nous engage à : « remplir nos fonctions en toute indépendance, probité et impartialité, garder le secret des délibérations et à nous conduire en tout avec honneur et dignité. » (L. 12 du code de justice administrative)
L’institution de ce serment, qui a longtemps fait débat, remplit, je crois, une forme de fonction rituelle, au sens où elle rassemble ce qui est disparate[80], chacun des juges, dans un commun de la justice administrative, autour du service public de la justice administrative. C’est un serment sans fioriture, dans la simplicité de ce que doit être la justice administrative. Un rituel des temps nouveaux.
Cette indépendance au cœur de la déontologie des membres du Conseil d'État comme de l'ensemble des juges administratifs présente deux faces. Elle doit s’exprimer par l’indifférence aux pressions extérieures, elle doit également se traduire par une mise à l'écart de nos préférences individuelles et des passions de la société.
IV.1. L’indépendance comme indifférence aux pressions extérieures
L’indépendance vis-à-vis de tous les pouvoirs
Le juge, par son indépendance doit échapper à toute forme de domination ou d’influence pour l’exercice de ses fonctions : il ne doit avoir « rien à craindre ou à désirer de personne[81] » pour reprendre une formule consacrée.
Il doit bien sûr être indépendant du pouvoir politique – cela découle de la séparation des pouvoirs[82] –, mais il doit l’être tout autant des lobbys, et plus généralement de toutes les parties au procès ou de ceux qui pourraient y être intéressés.
Les garanties textuelles de l’indépendance, à commencer par l’avancement à l’ancienneté, qui ne dépend donc pas du pouvoir exécutif, sont essentielles. Elles ont encore été affermies ces dernières années, dans les modalités de recrutement, de nomination ou d’affectation[83] des membres du Conseil d’Etat et au travers de l’essor de la déontologie[84] pour lequel il faut citer le travail de Christian Vigouroux, qui est aujourd’hui président du collège de déontologie de la juridiction administrative et de son prédécesseur le président Labetoulle.
L’indépendance dans une ouverture sur la société
L’indépendance vis-à-vis de l’extérieur ne doit pas inciter à s’enfermer dans une tour d’ivoire. Notre ouverture est au contraire un impératif.
Il y a d’abord les carrières alternées entre des fonctions au sein de l'institution et des expériences professionnelles plus ou moins longues dans les services publics, dans le secteur parapublic, voire privé, permettent d'acquérir une connaissance concrète du fonctionnement de l'administration comme des réalités du monde économique et social. La mobilité est même devenue une obligation afin de progresser dans la carrière.
À titre personnel les différentes fonctions que j'ai pu exercer dans le secteur de la santé ou de la protection sociale m'ont paru être un enrichissement passionnant mais également très utile lors de mes retours au Conseil d'État.
A cette ouverture tout au long de la carrière, s’ajoutent lorsque nous sommes au Conseil les activités accessoires qu’exercent les juges administratifs, comme la présidence d’un conseil de discipline, d’une commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires ou la participation à des jurys universitaires…
Mais l'ouverture de l'institution doit aussi viser à être mieux entendu.
Le nouveau mode de rédaction des décisions, adopté grâce notamment à la détermination de votre secrétaire perpétuel, permet ainsi d’être plus aisément compris.
La rentrée du Conseil d’Etat, instituée depuis 2022 et inscrite désormais dans le code de justice administrative[85], donne plus de visibilité à notre étude annuelle et au message que nous pouvons délivrer aux autorités politiques et administratives.
De même, nos investissements dans le numérique et nos applications désormais bien connues – Télérecours et Télérecours citoyen –, et la politique d’accès aux données (dite d’open data) des décisions de justice, mise en place en 2021 et 2022, ont facilité l'accès au juge administratif et à ses décisions. Et donc, d’une certaine manière, à notre éventuel contrôle dans l’agora.
IV.2. L’indépendance comme mise à l’écart de nos préférences personnelles et des passions de la société
L’indépendance nécessite pour le juge d’éteindre ses préférences personnelles et de se garder des passions qui traversent la société. En ce sens, l'indépendance recouvre l'impartialité et en fait une vertu essentielle du juge.
Le statut des magistrats et des membres du Conseil d'État comme les règles de déontologie qui s'appliquent à eux en fixent le cadre et bien des modalités concrètes. Ainsi en va-t-il de l’obligation de déport des membres du Conseil d’Etat qui ont participé à l’adoption d’un avis rendu sur un projet de texte et qui ne peuvent pas participer au jugement des recours dont ce texte fait l’objet.
Dans une décision d’assemblée du contentieux, rendue le 15 avril dernier, le Conseil d’Etat a rappelé qu’en plus de leur statut, qui les prémunit de toute pression ou interférence extérieure, les membres du Conseil d’État et les magistrats administratifs sont soumis à des obligations pour éviter toute situation de conflit d’intérêts et préserver leur indépendance et leur impartialité[86].
Pour autant, cette mise à l'écart des préférences personnelles comme des passions de la société nécessite une introspection personnelle, elle s’apprend et s’exerce.
Bruno Latour, dans son Ethnographie du Conseil d’Etat[87] a décrit les différentes phases de traitement du dossier comme autant de manière de produire du « détachement ». Il ne s’agit bien sûr pas, je l’ai dit en parlant de l’intérêt général, de se couper des réalités, au contraire, mais de s’abstraire de ses préjugés et préférences personnelles.
Des garde-fous essentiels y contribuent.
D’abord la forme de raisonnement, qu’on peut rapprocher du raisonnement mathématique, avec une forme d’objectivisation qui doit faire sortir les passions, au sens large, du prétoire. Pour le juriste, le système formel est celui de la hiérarchie des normes, où les axiomes sont les lois et les règlements, et les théorèmes, propositions démontrables découlant d'autres propositions déjà posées, correspondent à la jurisprudence. La qualité du raisonnement, rigoureux et fondé sur le droit, est un gage de la nécessaire distanciation vis-à-vis de nos préférences.
Ensuite la collégialité, qui oblige chaque juge à passer ses préférences au crible du regard des autres, et avant même cela, au crible de l’idée qu’il se fait du regard des autres, pour neutraliser ses propres biais. De façon plus pragmatique, la collégialité permet de compenser les résidus de préférences personnelles qui peuvent rester au juge et entacher son jugement.
Mesdames et Messieurs les académiciens,
Par l’objectif que poursuit le Conseil d’Etat, l’intérêt général ; par son impératif de protection des droits et libertés, toujours concilié avec l’exigence d’efficacité de l’action publique ; et par le socle de notre indépendance, nous nous employons chaque jour, à garantir l’Etat de droit, c'est-à-dire la protection des droits et libertés de tous mais aussi l'exercice démocratique du choix de son destin par le peuple, en faisant vivre les normes adoptées ou édictées démocratiquement par les pouvoirs publics et qui sont la charpente de notre maison commune.
En un temps où les périls se multiplient, où le dérèglement climatique préempte notre avenir, où les tensions s'exacerbent dans les villes et les campagnes, où les perspectives économiques s'assombrissent et où la guerre est revenue sur le continent européen, les institutions de la République ont une responsabilité plus lourde encore.
Ces institutions doivent être les garantes du respect des règles démocratiques, du droit qui fonde notre collectivité et garantit la paix publique. Elles doivent aussi être des lieux où il est possible de prendre du recul et le temps de se projeter dans l'avenir, avec la force et la légitimité que donne leur enracinement dans l'histoire de notre pays.
C'est l'ambition que poursuit, aujourd'hui comme hier, le Conseil d'État, au service de l'État de droit et des citoyens.
Je vous remercie de votre attention.
Références
[1] Texte écrit en collaboration avec Jean-Baptiste Desprez, magistrat administratif, chargé de mission auprès du vice-président
[2] Voir pour plus de données, la communication du 29 septembre 2023, sur le site du Conseil d’Etat : « Depuis 70 ans, des tribunaux de proximité pour juger vos litiges avec l’administration ».
[3] Décret n° 2024-733 du 5 juillet 2024 relatif au tribunal et au contentieux du stationnement payant
[4] Loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives
[5] Dans les suites du discours du Président de la République, mardi 20 janvier 2015, à l’occasion des vœux au Parlement et aux corps constitués. Le premier avis, donné sur le projet de loi relatif au renseignement, a été rendu public le 19 mars 2015.
[6] Etude annuelle du Conseil d’Etat, L’Intérêt général, dans le Rapport public de 1999, EDCE n° 50, La Documentation française, p. 245.
[7] Didier-Roland Tabuteau, Rentrée du Conseil d’Etat, 7 septembre 2022
[8] Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social ou Principes du droit politique, 1762 : « Il importe donc, pour avoir bien l’énoncé de la volonté générale, qu’il n’y ait pas de société particulière dans l’Etat, et que chaque citoyen n’opine que d’après lui ».
[9] Voir Etude annuelle du Conseil d’Etat, L’Intérêt général, préc. cité, page 253 et suivants.
[10] Ibid.
[11] CE, Section, 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et commune de Clans, n° 245239, au Recueil p. 21
[12] Jean le Rond d'Alembert, Essai sur les éléments de philosophie, 1759
[13] Voir Didier-Roland Tabuteau, « Les nombres et le juge », Archives de philosophie du droit, n°65, octobre 2024
[14] Voir par exemple CE, 28 juin 2002, Villemain, n°220361 : « le principe d'égalité (…) ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit »
[15] CC 23 août 1985, n°85-197 DC Loi sur l'évolution de la nouvelle Calédonie
[16] CC, n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence : « relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ; »
[17] Tribunal des conflits, 13 octobre 2014, Société AXA France IARD c/ MAIF, n° C3963
[18] CE, Section, 19 mars 1971, Sieurs Mergui, n° 79962
[19] CE, 21 avril 1986, Hai Chrun, n° 43402
[20] Pour la chose jugée d’un jugement (CE, 9 août 2006, Commune de Noyant la Gravoyère et autre, n° 258885)
[21] Intervention de Bernard Stirn, président de la section du contentieux, à l'occasion du colloque d'Athènes "Service(s) public(s) en Méditerranée" les 19 et 20 octobre 2017
[22] CE, décision, Section, nos 452798, 452806 et 454716 du 3 juin 2022, et avis nos 461694, 461695 et 461922 du 3 juin 2022.
[23] Déclaration de Robert Schumann à l’Assemblée constituante de 1946, Annales de l’Assemblée nationale constituante, 2e séance, 3 septembre 1946, JO, p. 3474
[24] Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics
[25] CE, 27 septembre 2024, La voix lycéenne et autres, n°487944
[26] CE, 29 juin 2023, Association alliance citoyenne et autres, Ligue des droits de l’homme, n°458088 et autres
[27] Voir par exemple, pour une interprétation de la loi comme donnant compétence au juge (administrative) pour connaitre des litiges en matière de contrats conclus par les assemblées parlementaires, CE, 10 juillet 2020, Société Paris Tennis, n°434582 : « il résulte des travaux parlementaires que l’intention du législateur a été de rendre compatibles les dispositions de l’ordonnance avec les exigences de publicité et de mise en concurrence découlant notamment du droit de l’Union européenne. Elles ne sauraient donc être interprétées comme excluant que le juge administratif puisse connaître de recours en contestation de la validité de contrats [conclus par les assemblées parlementaires] susceptibles d’être soumis à des obligations de publicité et de mise en concurrence. »
[28] CE, 6/5 CHR, 5 mars 2021, Ordre des avocats Au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; M. B C\ Premier Ministre, n°440037, 440165, B : « Le rapport au Président de la République sur l’ordonnance du 25 mars 2020, publié au Journal officiel de la République française, précise que l’entretien avec un avocat et l’assistance par ce dernier ne peuvent se dérouler par l’intermédiaire d’un moyen de communication électronique, notamment par téléphone, que si l’avocat de la personne gardée à vue ou retenue l’accepte ou le demande. Dès lors, l’article 13 de l’ordonnance du 25 mars 2020 doit être regardé comme n’autorisant l’entretien avec un avocat de la personne gardée à vue ou retenue et l’assistance par celui-ci par un moyen de communication à distance que si l’avocat accepte ou demande le recours à un tel moyen »
[29]CE, 24 mai 1967, Ministre des Anciens combattants c/ Costedoat, n°16625, A ; CE, 28 février 1969, Ministre des Armées c/ Lerre, n°20880, A
[30] Annales de l’Assemblée nationales., 1872, vol. 7, p. 647-651, Gallica
[31] « L’existence même d’un droit administratif relève en quelque sorte du miracle », Prosper Weil et Dominique Pouyaud, Le Droit administratif, Que-sais-je ? PUF, 2010
[32] CE 19 févr. 1875, Prince Napoléon.
[33] Conseil d'État, ass. 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres, n°368082 ; Conseil d'État, ass, 21 mars 2016, Société NC Numericable, n°390023 : une requête est recevable lorsque les actes en cause « sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent ». CE, Sect., 12 juin 2020, GISTI, n°418142 : les « documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre ».
[34] Contrôle du détournement de pouvoir CE, 26 novembre 1875, Pariset, Rec. 934
[35] Contrôle de la qualification juridique CE, 4 avril 1914, Gomel, Rec. 488
[36] Contrôle de l’exactitude matérielle des faits CE, 14 janvier 1916, Camino, Rec. 15.
[37] Sur le passage d’un contrôle restreint à un contrôle normal, voir l’introduction de Jean-Marc Sauvé à l'occasion de la première édition des entretiens du contentieux, 4 novembre 2016 (publiée sur le site Internet du Conseil d’Etat).
[38] CE, Ass. 24 octobre 2024, Mutuelle centrale de réassurance, n°465144 : « 6. La responsabilité sans faute de l’Etat du fait de décisions non détachables de la conduite des relations internationales peut être engagée à l’égard des personnes relevant de sa juridiction sur le fondement de l’égalité des citoyens devant les charges publiques. Ce régime de responsabilité ne saurait toutefois interférer, même indirectement, avec les objectifs ou la mise en œuvre de la politique extérieure de la France. / 7. Lorsque les conditions d’engagement d’une telle action en responsabilité de l’Etat sont réunies, celle-ci ne peut être accueillie que lorsque l’auteur de la demande supporte une charge spéciale et d’une particulière gravité, hors de proportion avec les sujétions que peut impliquer la conduite de la politique extérieure de la France. Cette responsabilité ne saurait, en principe, être engagée au bénéfice des personnes dont une décision non détachable de la conduite des relations internationales a pour objet même de régir ou d’affecter la situation, soit à titre individuel, soit de manière collective / 8. Enfin, cette responsabilité ne saurait être engagée lorsque le préjudice dont il est demandé réparation trouve son origine directe dans le fait d’un Etat étranger ou dans des faits de guerre. Elle ne saurait l’être davantage s’il existe un régime spécial d’indemnisation. »
[39] Loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public
[40] Art. 3 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ; voir, dans le code de justice administrative, l’article L. 554-3, renvoyant aux articles L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales.
[41] Loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative
[42] Les libertés fondamentales au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative sont entendues largement : cf. introduction de Jean-Marc Sauvé à l'occasion de la première édition des entretiens du contentieux, 4 novembre 2016 (publiée sur le site Internet du Conseil d’Etat).
[43] Voir Alexis Goin, Louise Cadin, Le juge ne peut pas tout, AJDA 2023, p.2105 et suivantes.
[44] Pour un exemple dans le domaine pénitentiaire, CE 17 déc. 2008, n° 305594, Section française de l'Observatoire international des prisons [SFOIP], Lebon
[45] CE, 28 déc. 2018, La Cimade n° 410347
[46] CE, ass., 10 juill. 2020, n° 428409, Association Les amis de la terre France
[47] CE 19 nov. 2020, Commune de Grande-Synthe, et pour l’exécution ; CE 1er juill. 2021, Commune de Grande-Synthe, n° 427301
[48] 4° de l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme
[49] 2° de l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme
[50] 8° de l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme
[51] Par exemple : décision du président de la République de s'abstenir d'user de la faculté de déférer une loi au Conseil constitutionnel avant sa promulgation (CE, ord. réf., 7 nov. 2001, Tabaka, no 239761) ; ou encore décret par lequel le président de la République prononce la dissolution de l'Assemblée nationale (CE, 20 fév. 1989, Allain, n° 98538)
[52] CE, 27 oct. 2015, Fédération démocratique alsacienne, n° 38880
[53] CE, 16 sept. 2005, M. Hoffer, n° 282171
[54] CE, 5 juill. 2000, Mégret et Mekhantar, n°206303
[55] CE, Ass., 18 déc. 1992, Préfet de la Gironde c. Mahmedi, no 120461
[56] CE 28 juill. 2017, n° 410677, Section française de l'Observatoire international des prisons, Lebon
[57] CE, Ass., 11 octobre 2023, Amnesty International France et autres, n° 454836 ; CE, Ass., 11 octobre 2023, Ligue des droits de l’Homme et autres et Syndicat de la magistrature et autres, n° 467771 et 467781
[58] En l’espèce, par une action de groupe en cessation de manquement, et un recours pour excès de pouvoir contestant le refus d’action opposé par les pouvoirs publics.
[59] CE, 1er juillet 2021 Commune de Grande-Synthe et autres, n°427301 : « Il résulte de ce qui précède que faute qu’aient été prises, à la date de la présente décision, les mesures supplémentaires nécessaires pour infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national, le refus opposé à la requérante par le pouvoir réglementaire est incompatible avec la trajectoire de réduction de ces émissions fixée par le décret du 21 avril 2020 précité pour atteindre les objectifs de réduction fixés par l’article L. 100-4 du code de l’énergie et par l’annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, la commune de Grande-Synthe est fondée à en demander l’annulation. »
[60] Décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas-carbone.
[61] CE, décision, Section, nos 452798, 452806 et 454716 du 3 juin 2022, et avis nos 461694, 461695 et 461922 du 3 juin 2022.
[62] Alinéa 5 de l’article 39 de la Constitution : « Dans les conditions prévues par la loi, le président d'une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d'État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l'un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s'y oppose. »
[63] Avis délibéré le 10 octobre 2024 sur une proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie
[64] Avis délibéré les 7 et 11 mars 2024, portant sur la mise en conformité des dispositions du code du travail en matière d’acquisition de congés pendant les périodes d’arrêt maladie.
[65] Discours du Président de la République, mardi 20 janvier 2015, à l’occasion des vœux au Parlement et aux corps constitués. En pratique, l’avis étant remis au Gouvernement, la publication se fait sur décision du Gouvernement.
[66] Point 53 de l’avis
[67] Loi constitutionnelle n° 2024-200 du 8 mars 2024 relative à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse
[68] CC, n° 2003-469 DC du 26 mars 2003
[69] Avis du 3 mai 2018 sur un projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace
[70] Point 16 du même avis du 12 décembre 2023 sur un projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse
[71] Point 15 de l’avis du 12 décembre 2023 sur un projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse
[72] Alexis de Tocqueville, Souvenirs, cité par Guy Braibant : « Les nouvelles fonctions du Conseil d’État », La Revue administrative, n° 239, 1987, p. 415-421 (citation page 416)
[73] Plusieurs études du Conseil d’Etat sur le sujet : « De la sécurité juridique », 1991 ; « Sécurité juridique et complexité du droit » 2006 ; « Simplification et qualité du droit », 2016
[74] Livre VI du code de commerce
[75] Prévue à l’article L. 112-3 du code de justice administrative.
[76] CE, Ass., 21 avril 2021, French Data Network et autres, nos 394922, 397851
[77] Pour les membres du Conseil d’Etat : L.131-2 du code de justice administrative « Les membres du Conseil d'Etat exercent leurs fonctions en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard ».
[78] Voir, pour les membres du Conseil d’Etat, l’article L. 131-2 du code de justice administrative : « Les membres du Conseil d'Etat exercent leurs fonctions en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard./ Ils s'abstiennent de tout acte ou comportement à caractère public incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions./ Ils ne peuvent se prévaloir, à l'appui d'une activité politique, de leur appartenance au Conseil d'Etat. » et pour les magistrats administratifs, l’article L. 231-1-1 du code de justice administrative : « Les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel exercent leurs fonctions en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard./ Ils s'abstiennent de tout acte ou comportement à caractère public incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions./ Ils ne peuvent se prévaloir, à l'appui d'une activité politique, de leur appartenance à la juridiction administrative. »
[79] Article 52 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
[80] Voir Lévi-Strauss, Mythologie, quatrième tome, L’homme nu (1971), Plon
[81] T. Renoux, Le Conseil constitutionnel et l’autorité judiciaire. L’élaboration d’un droit constitutionnel juridictionnel, Economica, PUAM, Droit public positif, Paris, 1984, p. 99.
[82] CE, Ass. 15 avril 2024, Département des Bouches-du-Rhône, n°469719, point 3.
[83] Par exemple, depuis 2023, les présidents adjoints de la section du contentieux (R.122-4 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret n° 2023-485 du 21 juin 2023) sont nommés par arrêté du vice-président après avis du président de la section du contentieux, et les présidents de chambre (R.122-6 dans sa rédaction issue du même décret) sont désignés par arrêté du vice-président, après avis du président de la section du contentieux et des présidents adjoints de ladite section. Ils étaient auparavant, pour les président de section, désignés par décret pris sur la proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, après présentation du vice-président du Conseil d'Etat délibérant avec les présidents de section ; et pour les présidents de chambre, désignés par arrêté du Premier ministre, sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, après une présentation du vice-président après avis du président de la section et des présidents adjoints de la section du contentieux.
[84] Une charte de déontologie avait déjà été adoptée dès 2011, et un collège de déontologie rendant des avis sur ces questions avait été installé en 2012. L’existence de cette charte, qui est régulièrement actualisée au regard des questions qui ont été tranchées, est inscrite depuis la loi du 20 avril 2016 à l’article L. 131-4 du code de justice administrative.
En outre, l’article L. 131-7 prévoit la remise par les membres du Conseil d’Etat de déclarations d’intérêt
[85] Article R. 123-5 du code de justice administrative
[86] CE, Ass. 15 avril 2024, Département des Bouches-du-Rhône, n°469719
[87] Paris, ed La Decouverte, Poche, collection Sciences humaines et sociales, 2004