Déclaration du vice-président du Conseil d’État
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Deuil national à la suite de l’attentat perpétré à Nice le 14 juillet 2016
Conseil d’État, Lundi 18 juillet 2016
Déclaration du vice-président du Conseil d’Etat
Mesdames, Messieurs,
Mes chers collègues,
Pour la troisième fois en 18 mois, notre pays est en deuil et notre communauté de travail se réunit pour faire mémoire des victimes d’une attaque barbare, perpétrée cette fois à Nice le jour même de notre fête nationale.
Quelle qu’aient pu être, dans sa genèse, la part de la dérive personnelle et celle de la motivation politique, cette nouvelle attaque, d’une sauvagerie inouïe, préparée et exécutée froidement, a entendu tuer indistinctement des femmes, des hommes et des enfants, des Français de toutes générations et de toutes conditions, comme des étrangers. Elle s’en est prise une fois de plus à nos traditions, notre mode de vie, notre goût de la liberté, notre sens du rassemblement et de la célébration. Elle a visé, au-delà des personnes, le peuple français dans son ensemble et ses hôtes. Elle a voulu porter atteinte à l’humanité entière que, dans ces circonstances, nous représentons. En ce 14 juillet, l’attentat de Nice a enfin spectaculairement entendu exprimer le déni des principes fondateurs de notre pacte social : ceux-là mêmes que proclament la devise de la République et la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et que nous avons diffusés et partagés dans le monde entier. Ce qui est attaqué, c’est par conséquent ce que nous avons de plus cher, ce sont nos affections et nos convictions les plus profondes ; c’est le cœur de notre identité nationale.
Nous nous réunissons ce midi, comme partout en France, pour exprimer notre compassion à l’égard des victimes et de leurs familles. Mais aussi pour exprimer une résolution et une conviction.
La résolution. Nous ne céderons pas à la terreur. La République et le peuple français ne l’accepteront pas, ne l’accepteront jamais, quelles que soient les inéluctables épreuves à venir auxquelles nous sommes tous, les uns et les autres, exposés. Nous ne changerons pas notre mode de vie ou notre société pour complaire à nos assaillants. Nous continuerons à vivre, comme nous le voulons, et non comme eux le veulent. Nous combattrons le terrorisme avec les armes du droit et de la loi. Avec l’implication de tous nos services publics, de sécurité, de santé et de secours qui accomplissent un travail difficile et qui méritent toute notre reconnaissance. Et avec l’engagement civique de chacun d’entre nous : notre sécurité dépend aussi de notre vigilance et de notre contribution de tous les instants aux services publics.
La lutte contre le terrorisme repose en effet sur l’action de la justice et de nos forces armées et de sécurité, mais aussi sur notre capacité à nous rassembler et nous fédérer, pas simplement pour assurer notre sécurité et notre bien-être matériels, mais aussi pour réaffirmer nos liens d’appartenance et donner sens à ce qui nous réunit au sein d’une même Nation. Par conséquent, la réponse au terrorisme n’est pas seulement sécuritaire, elle est aussi citoyenne et même populaire. Car notre Nation n’est pas qu’une communauté de destin, aujourd’hui cruellement frappée par la violence terroriste. Elle est aussi une promesse, une communauté de projets et une aspiration au progrès qui engagent tous les citoyens.
Je veux aussi exprimer une conviction. Nous maintiendrons les principes de la République, ceux-là mêmes qui sont aujourd’hui sauvagement attaqués. Nous mesurons que ces principes ne sont plus des acquis, mais des conquêtes de chaque jour que nous devons rendre effectives. Nous les maintiendrons, à la fois personnellement comme citoyens et collectivement comme institution. C’est la raison d’être du Conseil d’Etat que de faire vivre ce patrimoine, fruit de notre histoire et conquête de notre peuple, qui demeure une boussole pour nous guider dans le présent et nous aider à construire l’avenir. Le Conseil d’Etat s’est mis au service de ces principes dans la longue durée, comme il a encore contribué à sa mesure, par les avis et les arrêts qu’il a rendus, à les rendre visibles et tangibles après les attaques terroristes que notre pays a connues depuis 18 mois. Nous devons continuer d’accomplir notre devoir au service des principes de la République avec fermeté, constance et sérénité, dans la fidélité à ce qui nous constitue depuis plus de deux siècles.
Aujourd’hui, il nous appartient de faire front, faire face, résister et même combattre nos adversaires, mais sans jamais perdre de vue ce qui nous unit et nous fonde. En ces temps de crise et de deuil, gardons-nous par conséquent d’oublier la fraternité qui, pour Michelet, était une protestation contre une humanité divisée en races ou en classes et un désaveu de l’individualisme exacerbé, mais aussi un cri de ralliement, un surplus d’âme et de solidarité dans un ordre social fondé sur la liberté et sur l’égalité et, par suite, un degré d’accomplissement supérieur de cet ordre. Car la fraternité nous élève en nous rassemblant ; elle permet de résoudre les tensions nées des aspirations contradictoires à la liberté et l’égalité. Vivons donc aussi la fraternité, en principe et en actes.
Je vous invite maintenant à observer une minute de silence à la mémoire des victimes de l’attentat du 14 juillet. Nous nous inclinons avec un profond respect devant celles et ceux qui ont trouvé la mort. Nous exprimons notre solidarité et notre vive sympathie à tous les blessés, aux familles et aux proches des victimes qui sont dans l’épreuve ainsi qu’à nos compatriotes de Nice et des Alpes-Maritimes, eux aussi profondément choqués.
Après quoi, nous chanterons la Marseillaise.