Tribunal des conflits
N° C4245
Mentionné au tables du recueil Lebon
M. Schwartz, président
Mme Dominique Guihal, rapporteur
M. Victor, commissaire du gouvernement
Lecture du lundi 11 avril 2022
Vu, enregistrée à son secrétariat, le 31 janvier 2022, l'expédition du jugement du 27 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par les consorts B... d'un litige par lequel ils recherchent la responsabilité de Bordeaux Métropole dans les préjudices qu'ils ont subis à raison de leur expulsion irrégulière d'un immeuble exproprié, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu l'ordonnance du 30 juillet 2018, par laquelle le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bordeaux a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de ce litige ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée aux consorts B..., à Bordeaux Métropole, au ministre de l'intérieur et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités, qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le code de l'expropriation ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme C... A..., membre du Tribunal,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une ordonnance du 2 juin 2009, le juge de l'expropriation de la Gironde a prononcé l'expropriation au profit de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB), devenue Bordeaux Métropole, de parcelles portant divers bâtiments à usage industriel et d'habitation appartenant aux consorts B.... Par un jugement du même jour, il a fixé le montant de l'indemnité d'expropriation. En raison du refus des expropriés de fournir leurs coordonnées bancaires, la CUB a consigné l'indemnité et les a assignés en expulsion, en application de l'article L. 15-1, devenu L. 231-1, du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Il a été fait droit à cette demande en première instance puis en appel, par un arrêt confirmatif qui a été cassé par la Cour de cassation le 27 février 2013. Par un arrêt du 25 juin 2014, la cour d'appel de Bordeaux, statuant sur renvoi après cassation, a infirmé l'ordonnance d'expulsion au motif que les expropriés n'avaient pas bénéficié d'une proposition régulière de relogement préalablement à la fixation de l'indemnité d'expropriation.
2. Les consorts B..., ayant quitté les lieux le 4 février 2013, ont saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux, sur le fondement de la faute résultant de l'inobservation de l'obligation de relogement, pour obtenir la condamnation de la CUB en paiement de sommes au titre du coût de déconstruction de leurs habitations, de leurs frais de relogement et de leur préjudice moral. Par une ordonnance du 30 juillet 2018, le juge de la mise en état a décliné la compétence des juridictions judiciaires. Les expropriés ont alors porté leur demande devant le tribunal administratif de Bordeaux, lequel, par un jugement du 27 janvier 2022, a renvoyé l'affaire au Tribunal des conflits et sursis à statuer en application de l'article 32, alinéa 2, du décret précité.
3. Les articles L. 423-1 et L. 423-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'article L. 314-1 du code de l'urbanisme imposent à l'expropriant de faire à chaque occupant de locaux à usage d'habitation, professionnel ou mixte deux propositions de relogement portant sur des locaux répondant à certaines caractéristiques. Selon l'article L. 423-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les contestations relatives au relogement des locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel sont instruites et jugées conformément aux dispositions du livre III, c'est-à-dire, par le juge de l'expropriation, lequel fixe le montant de l'indemnité de déménagement et, s'il y a lieu, d'une indemnité de privation de jouissance. Aux termes de l'article L. 231-1 du même code : " Dans le délai d'un mois, soit du paiement de l'indemnité ou, en cas d'obstacle au paiement, de sa consignation, soit de l'acceptation ou de la validation de l'offre d'un local de remplacement, les détenteurs sont tenus de quitter les lieux. Passé ce délai qui ne peut, en aucun cas, être modifié, même par autorité de justice, il peut être procédé à l'expulsion des occupants. " Cette expulsion est ordonnée par le juge de l'expropriation.
4. L'inobservation de l'obligation d'adresser aux expropriés une proposition de relogement n'est pas détachable de la phase judiciaire de la procédure d'expropriation, de sorte que l'action en responsabilité délictuelle engagée, après le dessaisissement du juge de l'expropriation, pour la réparation des préjudices de toutes natures résultant de cette faute relève de la compétence des juridictions judiciaires.
5. Il appartient, en conséquence, à la juridiction judiciaire de connaître du litige opposant les consorts B... à Bordeaux Métropole.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant les consorts B... à Bordeaux Métropole.
Article 2 : L'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bordeaux est déclarée nulle et non avenue. La cause et les parties sont renvoyées devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Bordeaux est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu le 27 janvier 2022 par ce tribunal.
Article 4 : La présente décision est notifiée aux consorts B..., à Bordeaux Métropole, au ministre de l'intérieur et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités.
N° C4245
Mentionné au tables du recueil Lebon
M. Schwartz, président
Mme Dominique Guihal, rapporteur
M. Victor, commissaire du gouvernement
Lecture du lundi 11 avril 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée à son secrétariat, le 31 janvier 2022, l'expédition du jugement du 27 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par les consorts B... d'un litige par lequel ils recherchent la responsabilité de Bordeaux Métropole dans les préjudices qu'ils ont subis à raison de leur expulsion irrégulière d'un immeuble exproprié, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu l'ordonnance du 30 juillet 2018, par laquelle le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bordeaux a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de ce litige ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée aux consorts B..., à Bordeaux Métropole, au ministre de l'intérieur et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités, qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le code de l'expropriation ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme C... A..., membre du Tribunal,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une ordonnance du 2 juin 2009, le juge de l'expropriation de la Gironde a prononcé l'expropriation au profit de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB), devenue Bordeaux Métropole, de parcelles portant divers bâtiments à usage industriel et d'habitation appartenant aux consorts B.... Par un jugement du même jour, il a fixé le montant de l'indemnité d'expropriation. En raison du refus des expropriés de fournir leurs coordonnées bancaires, la CUB a consigné l'indemnité et les a assignés en expulsion, en application de l'article L. 15-1, devenu L. 231-1, du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Il a été fait droit à cette demande en première instance puis en appel, par un arrêt confirmatif qui a été cassé par la Cour de cassation le 27 février 2013. Par un arrêt du 25 juin 2014, la cour d'appel de Bordeaux, statuant sur renvoi après cassation, a infirmé l'ordonnance d'expulsion au motif que les expropriés n'avaient pas bénéficié d'une proposition régulière de relogement préalablement à la fixation de l'indemnité d'expropriation.
2. Les consorts B..., ayant quitté les lieux le 4 février 2013, ont saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux, sur le fondement de la faute résultant de l'inobservation de l'obligation de relogement, pour obtenir la condamnation de la CUB en paiement de sommes au titre du coût de déconstruction de leurs habitations, de leurs frais de relogement et de leur préjudice moral. Par une ordonnance du 30 juillet 2018, le juge de la mise en état a décliné la compétence des juridictions judiciaires. Les expropriés ont alors porté leur demande devant le tribunal administratif de Bordeaux, lequel, par un jugement du 27 janvier 2022, a renvoyé l'affaire au Tribunal des conflits et sursis à statuer en application de l'article 32, alinéa 2, du décret précité.
3. Les articles L. 423-1 et L. 423-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'article L. 314-1 du code de l'urbanisme imposent à l'expropriant de faire à chaque occupant de locaux à usage d'habitation, professionnel ou mixte deux propositions de relogement portant sur des locaux répondant à certaines caractéristiques. Selon l'article L. 423-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les contestations relatives au relogement des locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel sont instruites et jugées conformément aux dispositions du livre III, c'est-à-dire, par le juge de l'expropriation, lequel fixe le montant de l'indemnité de déménagement et, s'il y a lieu, d'une indemnité de privation de jouissance. Aux termes de l'article L. 231-1 du même code : " Dans le délai d'un mois, soit du paiement de l'indemnité ou, en cas d'obstacle au paiement, de sa consignation, soit de l'acceptation ou de la validation de l'offre d'un local de remplacement, les détenteurs sont tenus de quitter les lieux. Passé ce délai qui ne peut, en aucun cas, être modifié, même par autorité de justice, il peut être procédé à l'expulsion des occupants. " Cette expulsion est ordonnée par le juge de l'expropriation.
4. L'inobservation de l'obligation d'adresser aux expropriés une proposition de relogement n'est pas détachable de la phase judiciaire de la procédure d'expropriation, de sorte que l'action en responsabilité délictuelle engagée, après le dessaisissement du juge de l'expropriation, pour la réparation des préjudices de toutes natures résultant de cette faute relève de la compétence des juridictions judiciaires.
5. Il appartient, en conséquence, à la juridiction judiciaire de connaître du litige opposant les consorts B... à Bordeaux Métropole.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant les consorts B... à Bordeaux Métropole.
Article 2 : L'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bordeaux est déclarée nulle et non avenue. La cause et les parties sont renvoyées devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Bordeaux est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu le 27 janvier 2022 par ce tribunal.
Article 4 : La présente décision est notifiée aux consorts B..., à Bordeaux Métropole, au ministre de l'intérieur et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités.