Conseil d'État
N° 502057
ECLI:FR:CEORD:2025:502057.20250301
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
LUDOT, avocats
Lecture du samedi 1 mars 2025
Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 27 février 2025 par lequel le préfet de police a décidé d'interdire toute représentation d'un spectacle de M. B... les 28 février et 1er mars 2025 à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
Par une ordonnance n° 2505596/9 du 28 février 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M. B..., a suspendu l'arrêté litigieux, a mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande de M. B....
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B... ;
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a énoncé le juge des référés du tribunal administratif de Paris, M. B... n'a nullement modifié la nature du spectacle qu'il entendait présenter à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ;
- le but réellement poursuivi par M. B... est de pouvoir y présenter le spectacle " Vendredi 13 " qui constitue lui-même une apologie des attentats terroristes perpétrés à Paris et en proche banlieue parisienne le 13 novembre 2015, et développe des thèses antisémites et négationnistes ;
- la communication déployée autour de ce spectacle reflète de la part de M. B... une volonté provocatrice susceptible de créer un risque sérieux de trouble à l'ordre public ;
- les précédents spectacles de M. B... avaient pour dénominateur commun de multiplier les propos à caractère sexiste, raciste, conspirationniste, homophobe et transphobe, ainsi que les injures et propos diffamatoires ou outrageants envers le Président de la République, l'entourage de celui-ci et des fonctionnaires exerçant l'autorité préfectorale ;
- M. B... a fait l'objet depuis 2000 d'une vingtaine de condamnations pénales devenues définitives, qui ont été prononcées pour avoir tenu des propos attentatoires à la dignité humaine ou relevant de la provocation à la haine ;
- les spectacles présentés par l'intéressé sont dès lors de nature à engendrer des risques de troubles à l'ordre public justifiant légalement toute mesure apte à prévenir la survenance de ces troubles, y compris une mesure d'interdiction, sans qu'il en résulte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Le requérant qui saisit le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article, la circonstance qu'une atteinte à une liberté fondamentale serait avérée n'étant pas de nature, par elle-même, à caractériser l'existence d'une situation d'urgence.
3. Par un arrêté du 27 février 2025, le préfet de police a interdit toute représentation d'un spectacle de M. B... les 28 février et 1er mars 2025 à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Sur
demande de M. B... formée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu l'exécution de cet arrêté. Le ministre de l'intérieur relève appel de cette ordonnance devant le juge des référés du Conseil d'Etat.
4. Le ministre de l'intérieur fait valoir que la mesure d'interdiction litigieuse est justifiée et proportionnée pour prévenir la survenance de troubles à l'ordre public et la commission d'infractions pénales, eu égard au contenu de précédents spectacles de M. B... au cours desquels celui-ci avait multiplié les injures et propos dégradants, provocateurs et diffamatoires à caractère antisémite, négationniste, raciste, sexiste, homophobe, transphobe ou conspirationniste. Le ministre fait également valoir que les contenus de précédents spectacles de M. B... ont donné lieu à de nombreuses condamnations pénales, et que l'intéressé a axé sa communication en prévision de ses spectacles programmés les 28 février et 1er mars 2025 autour de son spectacle " Vendredi 13 ", déjà présenté dans d'autres villes, dont le contenu est constitutif d'une menace de trouble à l'ordre public et passible de poursuites pénales.
5. Toutefois, ainsi que l'a relevé le juge des référés du tribunal administratif de Paris, M. B... a lui-même soutenu que ses représentations programmées les 28 février et 1er mars 2025 étaient destinées à présenter, non le spectacle intitulé " Vendredi 13 ", mais un autre spectacle intitulé " Tranquillou ". Devant le juge de première instance, M. B... a produit le script de ce nouveau spectacle et s'est engagé à ne pas s'en écarter au cours des représentations prévues les 28 février et 1er mars 2025. Si le ministre de l'intérieur soutient qu'il ne s'agirait là que d'une manoeuvre de l'intéressé, il ne l'établit pas. En outre il ne produit aucun élément de nature à établir que le spectacle ayant eu lieu le 28 février se serait écarté d'un tel engagement ou aurait eu un contenu provocateur ou illicite.
6. Si le ministre de l'intérieur rappelle, à juste titre, que de précédents spectacles présentés par M. B... avaient comporté des contenus susceptibles d'engendrer des troubles à l'ordre public ou avaient donné lieu à des condamnations pénales, ainsi qu'il est indiqué au point 4 de la présente ordonnance, ces circonstances ne suffisent pas à caractériser des risques actuels de troubles à l'ordre public ou de commissions d'infractions pénales s'attachant au spectacle programmé ce jour. Dès lors le ministre de l'intérieur ne produit pas, à l'appui de sa requête d'appel, d'éléments permettant d'infirmer les appréciations portées par le juge des référés du tribunal administratif de Paris.
7. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel du ministre de l'intérieur ne peut être accueilli. Par suite, sa requête doit être rejetée en application des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Fait à Paris, le 1er mars 2025
Signé : Terry Olson
N° 502057
ECLI:FR:CEORD:2025:502057.20250301
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
LUDOT, avocats
Lecture du samedi 1 mars 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 27 février 2025 par lequel le préfet de police a décidé d'interdire toute représentation d'un spectacle de M. B... les 28 février et 1er mars 2025 à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
Par une ordonnance n° 2505596/9 du 28 février 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M. B..., a suspendu l'arrêté litigieux, a mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande de M. B....
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B... ;
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a énoncé le juge des référés du tribunal administratif de Paris, M. B... n'a nullement modifié la nature du spectacle qu'il entendait présenter à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ;
- le but réellement poursuivi par M. B... est de pouvoir y présenter le spectacle " Vendredi 13 " qui constitue lui-même une apologie des attentats terroristes perpétrés à Paris et en proche banlieue parisienne le 13 novembre 2015, et développe des thèses antisémites et négationnistes ;
- la communication déployée autour de ce spectacle reflète de la part de M. B... une volonté provocatrice susceptible de créer un risque sérieux de trouble à l'ordre public ;
- les précédents spectacles de M. B... avaient pour dénominateur commun de multiplier les propos à caractère sexiste, raciste, conspirationniste, homophobe et transphobe, ainsi que les injures et propos diffamatoires ou outrageants envers le Président de la République, l'entourage de celui-ci et des fonctionnaires exerçant l'autorité préfectorale ;
- M. B... a fait l'objet depuis 2000 d'une vingtaine de condamnations pénales devenues définitives, qui ont été prononcées pour avoir tenu des propos attentatoires à la dignité humaine ou relevant de la provocation à la haine ;
- les spectacles présentés par l'intéressé sont dès lors de nature à engendrer des risques de troubles à l'ordre public justifiant légalement toute mesure apte à prévenir la survenance de ces troubles, y compris une mesure d'interdiction, sans qu'il en résulte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Le requérant qui saisit le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article, la circonstance qu'une atteinte à une liberté fondamentale serait avérée n'étant pas de nature, par elle-même, à caractériser l'existence d'une situation d'urgence.
3. Par un arrêté du 27 février 2025, le préfet de police a interdit toute représentation d'un spectacle de M. B... les 28 février et 1er mars 2025 à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Sur
demande de M. B... formée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu l'exécution de cet arrêté. Le ministre de l'intérieur relève appel de cette ordonnance devant le juge des référés du Conseil d'Etat.
4. Le ministre de l'intérieur fait valoir que la mesure d'interdiction litigieuse est justifiée et proportionnée pour prévenir la survenance de troubles à l'ordre public et la commission d'infractions pénales, eu égard au contenu de précédents spectacles de M. B... au cours desquels celui-ci avait multiplié les injures et propos dégradants, provocateurs et diffamatoires à caractère antisémite, négationniste, raciste, sexiste, homophobe, transphobe ou conspirationniste. Le ministre fait également valoir que les contenus de précédents spectacles de M. B... ont donné lieu à de nombreuses condamnations pénales, et que l'intéressé a axé sa communication en prévision de ses spectacles programmés les 28 février et 1er mars 2025 autour de son spectacle " Vendredi 13 ", déjà présenté dans d'autres villes, dont le contenu est constitutif d'une menace de trouble à l'ordre public et passible de poursuites pénales.
5. Toutefois, ainsi que l'a relevé le juge des référés du tribunal administratif de Paris, M. B... a lui-même soutenu que ses représentations programmées les 28 février et 1er mars 2025 étaient destinées à présenter, non le spectacle intitulé " Vendredi 13 ", mais un autre spectacle intitulé " Tranquillou ". Devant le juge de première instance, M. B... a produit le script de ce nouveau spectacle et s'est engagé à ne pas s'en écarter au cours des représentations prévues les 28 février et 1er mars 2025. Si le ministre de l'intérieur soutient qu'il ne s'agirait là que d'une manoeuvre de l'intéressé, il ne l'établit pas. En outre il ne produit aucun élément de nature à établir que le spectacle ayant eu lieu le 28 février se serait écarté d'un tel engagement ou aurait eu un contenu provocateur ou illicite.
6. Si le ministre de l'intérieur rappelle, à juste titre, que de précédents spectacles présentés par M. B... avaient comporté des contenus susceptibles d'engendrer des troubles à l'ordre public ou avaient donné lieu à des condamnations pénales, ainsi qu'il est indiqué au point 4 de la présente ordonnance, ces circonstances ne suffisent pas à caractériser des risques actuels de troubles à l'ordre public ou de commissions d'infractions pénales s'attachant au spectacle programmé ce jour. Dès lors le ministre de l'intérieur ne produit pas, à l'appui de sa requête d'appel, d'éléments permettant d'infirmer les appréciations portées par le juge des référés du tribunal administratif de Paris.
7. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel du ministre de l'intérieur ne peut être accueilli. Par suite, sa requête doit être rejetée en application des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Fait à Paris, le 1er mars 2025
Signé : Terry Olson