Conseil d'État
N° 470875
ECLI:FR:CECHR:2024:470875.20241231
Inédit au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Pauline Hot, rapporteure
Mme Maïlys Lange, rapporteure publique
SELARL GOSSEMENT AVOCATS, avocats
Lecture du mardi 31 décembre 2024
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 470875, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 janvier 2023 et le 5 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'organisation professionnelle Mobilians demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-1495 du 24 novembre 2022 relatif à la gestion des véhicules hors d'usage et à la responsabilité élargie des producteurs de voitures particulières, de camionnettes, de véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, en tant qu'il définit, à l'article 1er, un centre VHU par référence, notamment, à l'activité de désassemblage et en tant qu'il dispense les centres VHU qui n'exercent qu'une activité unique de désassemblage de l'obligation d'obtenir un agrément ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 470876, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 27 janvier et 27 avril 2023 et les 21 février et 18 octobre et 18 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-1495 du 24 novembre 2022 relatif à la gestion des véhicules hors d'usage et à la responsabilité élargie des producteurs de voitures particulières, de camionnettes, de véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 102 et 106 ;
- la directive 2000/53/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000 relative aux véhicules hors d'usage ;
- la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 ;
- la directive 2015/1535/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;
- le code de commerce, notamment ses articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 462-2 ;
- le code de la consommation, notamment son article L. 224-67 ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 ;
- le décret n° 2011-53 du 4 février 2011 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de gestion des véhicules hors d'usage et des déchets d'équipements électriques et électroniques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pauline Hot, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 décembre 2024, présentée sous le n° 470876 par la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de l'organisation professionnelle Mobilians et de la Fédération des entreprises du recyclage sont dirigées contre le même décret. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Aux termes de l'article L. 541-10 du code de l'environnement : " I.- En application du principe de responsabilité élargie du producteur, il peut être fait obligation à toute personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits générateurs de déchets ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication, dite producteur au sens de la présente sous-section, de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ainsi que d'adopter une démarche d'écoconception des produits, de favoriser l'allongement de la durée de vie desdits produits en assurant au mieux à l'ensemble des réparateurs professionnels et particuliers concernés la disponibilité des moyens indispensables à une maintenance efficiente, de soutenir les réseaux de réemploi, de réutilisation et de réparation tels que ceux gérés par les structures de l'économie sociale et solidaire ou favorisant l'insertion par l'emploi, de contribuer à des projets d'aide au développement en matière de collecte et de traitement de leurs déchets et de développer le recyclage des déchets issus des produits. / Les producteurs s'acquittent de leur obligation en mettant en place collectivement des éco-organismes agréés dont ils assurent la gouvernance et auxquels ils transfèrent leur obligation et versent en contrepartie une contribution financière. Il peut être dérogé à ce principe de gouvernance par décret lorsqu'aucun éco-organisme agréé n'a été mis en place par les producteurs. (...) ". Aux termes de l'article L. 541-10-1 du même code, dans sa rédaction résultant de l'article 62 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire : " Relèvent du principe de responsabilité élargie du producteur en application du premier alinéa du I de l'article L. 541-10 : (...) 15° Les voitures particulières, les camionnettes, les véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, à compter du 1er janvier 2022, afin d'en assurer la reprise sur tout le territoire ". Aux termes de l'article L. 541-10-26 de ce code, issu de l'article 72 de cette même loi du 10 février 2020 et de l'article 32 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le réchauffement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : " I.- Les opérateurs de gestion de déchets ne peuvent procéder aux opérations de gestion des véhicules hors d'usage suivantes que s'ils ont passé des contrats en vue de cette gestion avec les éco-organismes ou les systèmes individuels créés en application de l'article L. 541-10 : 1° La reprise sur le territoire national des véhicules hors d'usage ; / 2° La dépollution des véhicules ; / 3° Le traitement des déchets dangereux issus des véhicules. II. - En vue de favoriser la réutilisation des pièces détachées issues des véhicules usagers, les producteurs ou les éco-organismes assurent la reprise sans frais de ces véhicules auprès des particuliers sur leur lieu de détention. / Cette reprise est accompagnée d'une prime au retour, si elle permet d'accompagner l'efficacité de la collecte ". Ces dispositions soumettent la filière des véhicules hors d'usage (VHU) au principe de responsabilité élargie du producteur, et imposent aux opérateurs de gestion des déchets souhaitant procéder à certaines opérations de gestion des VHU de contracter avec les éco-organismes et les systèmes individuels créés en application de l'article L. 541-10 du code de l'environnement.
3. Pour l'application de ces dispositions, le décret du 24 novembre 2022 a introduit dans le code de l'environnement les articles R. 543-153 à R. 543-161. La Fédération professionnelle des entreprises du recyclage demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret. L'organisation Mobilians demande l'annulation pour excès de pouvoir du même décret en tant qu'il définit au 7° de l'article R. 543-154, introduit par son article 1er, un centre VHU par référence notamment à l'activité de désassemblage et en tant qu'il dispense, à l'article R. 543-155-7, également introduit par l'article 1er, les centres VHU qui n'exercent qu'une activité unique de désassemblage de l'obligation d'obtenir un agrément.
Sur la légalité externe :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 462-2 du code de commerce, l'Autorité de la concurrence " est obligatoirement consultée par le Gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : / 1° De soumettre l'exercice d'une profession ou l'accès à un marché à des restrictions quantitatives ; / 2° D'établir des droits exclusifs dans certaines zones ; / 3° D'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente ". Le décret attaqué, en ce qu'il impose aux centres de gestion des VHU de réaliser le traitement de ces véhicules dans le cadre de contrats passés avec les éco-organismes agréés ou avec les systèmes individuels approuvés des producteurs de véhicules, se borne à préciser les conditions d'application des dispositions du 15° de l'article L. 541-10-1 du code de l'environnement et de l'article L. 541-10-2-6 du même code rappelées au point 2, qui ont prévu, dans son principe, cette obligation pour ce qui concerne la reprise sur le territoire national des véhicules hors d'usage, la dépollution des véhicules et le traitement des déchets dangereux issus des véhicules, soit l'essentiel des opérations de gestion des véhicules hors d'usage. Le décret attaqué ne peut, par suite, être regardé comme instituant par lui-même un régime nouveau au sens des dispositions de l'article L. 462-2 du code de commerce. Le moyen tiré de ce qu'il aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière du fait de l'absence de consultation préalable de l'Autorité de la concurrence ne peut donc qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 5 de la directive 2015/1535/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des règlementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information : " Sous réserve de l'article 7, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit ; ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l'établissement d'une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet. / (...) / Les États membres procèdent à une nouvelle communication du projet de règle technique à la Commission, dans les conditions énoncées au premier et deuxième alinéas du présent paragraphe, s'ils apportent à ce projet, d'une manière significative, des changements qui auront pour effet de modifier son champ d'application, d'en raccourcir le calendrier d'application initialement prévu, d'ajouter des spécifications ou des exigences, ou de rendre celles-ci plus strictes. / (...). Le f) du 1 de l'article 1er de cette directive définit une règle technique comme : " une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont l'observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l'établissement d'un opérateur de services ou l'utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État (...) ".
6. Si la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage soutient que le décret attaqué aurait dû faire l'objet d'une communication à la Commission européenne en application des dispositions citées au point 5, il ressort des pièces du dossier que les dispositions de ce décret se bornent à adapter, afin de tirer les conséquences de la soumission, par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, de la filière des VHU au principe de responsabilité élargie du producteur, le régime issu du décret du 4 février 2011 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de gestion des véhicules hors d'usage et des déchets d'équipements électriques et électroniques, pris pour l'application de la directive 2000/53/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000 relative aux véhicules hors d'usage, lui-même régulièrement notifié à la Commission européenne. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret litigieux aurait dû faire l'objet d'une nouvelle notification à la Commission européenne en application du troisième alinéa du paragraphe 1 de l'article 5 de la directive et serait illégal faute qu'il ait été procédé à cette nouvelle notification. Par ailleurs, le défaut allégué de notification régulière de la loi du 10 février 2020 est sans incidence sur la régularité de la procédure d'adoption du décret attaqué, pris pour son application.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement : " I. - Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration.(...) / II.- Sous réserve des dispositions de l'article L. 123-19-6, le projet d'une décision mentionnée au I, accompagné d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique et, sur demande présentée dans des conditions prévues par décret, mis en consultation sur support papier dans les préfectures et les sous-préfectures en ce qui concerne les décisions des autorités de l'Etat, y compris les autorités administratives indépendantes, et des établissements publics de l'Etat, ou au siège de l'autorité en ce qui concerne les décisions des autres autorités. Lorsque le volume ou les caractéristiques du projet de décision ne permettent pas sa mise à disposition par voie électronique, la note de présentation précise les lieux et horaires où l'intégralité du projet peut être consultée. (...) Dans le cas où la consultation d'un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause est obligatoire et lorsque celle-ci intervient après la consultation du public, la synthèse des observations et propositions du public lui est transmise préalablement à son avis. / Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l'autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l'indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision ".
8. D'une part, si l'organisation Mobilians soutient que le décret est entaché d'irrégularité en l'absence de transmission préalable de la synthèse des observations et propositions du public aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, ces deux collectivités ne constituent pas des organismes consultatifs comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement. Il ressort en outre des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que la consultation du public sur le décret attaqué est intervenue entre le 9 mars et le 8 avril 2022, alors que le Conseil national d'évaluation des normes, dont la consultation était obligatoire en application des dispositions de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, a examiné le projet de décret lors de sa séance du 7 avril 2022. La consultation de cette instance a donc eu lieu à une date à laquelle ne pouvait lui être transmise la synthèse des observations et propositions du public. D'autre part, le défaut de publication de la synthèse des observations du public ainsi que des motifs du décret attaqué, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement, est sans incidence sur la légalité de celui-ci.
9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement doit être écarté.
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne la méconnaissance alléguée de la liberté d'entreprendre et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie :
10. Les dispositions réglementaires contestées se bornant à préciser les modalités de mise en oeuvre d'obligations découlant des articles L. 541-10, L. 541-10-1 et L. 541-10-26 du code de l'environnement mentionnées au point 2, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le décret attaqué méconnaitrait la liberté d'entreprendre et le principe de la liberté du commerce et de l'industrie.
En ce qui concerne la méconnaissance alléguée de la libre concurrence :
11. En premier lieu, aux termes de l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus. (...) ". Aux termes de l'article 102 du même traité " Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. (...) ". Une mesure étatique peut, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, être considérée comme attribuant un droit exclusif ou spécial au sens de l'article 106, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne lorsqu'elle confère une protection à un nombre limité d'entreprises et qu'elle est de nature à affecter substantiellement la capacité des autres entreprises à exercer l'activité économique en cause sur le même territoire, dans des conditions substantiellement équivalentes.
12. D'une part, les dispositions introduites par le décret attaqué ont pour objet de préciser les modalités selon lesquelles les producteurs de véhicules sont soumis, en vertu de l'article L. 541-10-1 du code de l'environnement, aux obligations résultant du principe de responsabilité élargie des producteurs énoncées à l'article L. 541-10 du même code, auxquelles ils peuvent satisfaire en faisant appel à des éco-organismes ou en mettant en place des systèmes individuels, et leur permettent ainsi d'intégrer le marché de la gestion des VHU. D'autre part, le décret attaqué prévoit, conformément aux dispositions de l'article L. 541-10-26 de ce code, que les centres de gestion des VHU adhèrent à un contrat avec les éco-organismes ou les systèmes individuels mis en place par les producteurs pour un certain nombre d'opérations de gestion des VHU. Les dispositions des articles L. 541-10, L. 541-10-1 et L. 541-10-26 du code de l'environnement, qui mettent en oeuvre le régime de la responsabilité élargie des producteurs pour la filière des VHU, ont été adoptées pour la transposition des articles 8 et 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives, qui permettent aux Etats membres de mettre en oeuvre des filières de responsabilité élargie du producteur. L'article L. 541-10-26 du code de l'environnement met, en particulier, en oeuvre le principe de reprise sans frais et de traitement des véhicules hors d'usage, notamment pour les déchets dangereux, prévu aux articles 5 à 7 de cette directive. Les dispositions du décret litigieux, prises pour l'application des articles L. 541-10, L. 541-10-1 et L. 541-10-26 du code de l'environnement, s'inscrivent ainsi dans le cadre fixé par la directive du 19 novembre 2008 précitée, sans que les choix de transposition retenus, eu égard à la marge d'appréciation laissée aux Etats membres par la directive, puissent être regardés comme contraires aux articles 102 et 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par les dispositions réglementaires litigieuses et par les dispositions législatives pour l'application desquelles elles ont été adoptées, des articles 102 et 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.
13. Pour les mêmes motifs, la fédération requérante n'est, en deuxième lieu, pas fondée à soutenir que le décret attaqué méconnaitrait les dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce, qui prohibent l'abus de position dominante ou l'exploitation abusive par une entreprise de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur.
14. En troisième lieu, si la fédération professionnelle des entreprises du recyclage soutient que les dispositions du décret litigieux méconnaissent les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce en ce que les contrats-types adoptés sur le fondement de la contractualisation obligatoire prévue par l'article L. 541-10-26 du code de l'environnement et le décret litigieux seraient, eu égard à leurs clauses, constitutifs d'une entente anticoncurrentielle, le décret attaqué ne saurait, en tout état de cause, être regardé comme régissant les clauses de ces contrats-types. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la méconnaissance alléguée de l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme et du principe de sécurité juridique :
15. Les dispositions de l'article R. 543-154 du code de l'environnement, issues du décret attaqué, se bornent à préciser les termes de l'article L. 541-10-26 du code de l'environnement. En définissant les VHU comme des déchets au sens de l'article L. 541-1-1 du même code, en relevant que la circonstance qu'un véhicule conserve une valeur commerciale est sans incidence sur son statut de déchet, et en définissant le collecteur de VHU comme toute personne physique ou morale assurant leur collecte et leur transport, ces dispositions ne méconnaissent, par elles-mêmes, ni l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme ni le principe de sécurité juridique.
En ce qui concerne la méconnaissance alléguée du principe d'égalité :
16. Les dispositions de l'article R. 543-155-7 du code de l'environnement disposent que " Tout exploitant d'une installation de stockage, de dépollution, de démontage, de découpage ou de broyage des véhicules hors d'usage relevant du a du 1° de l'article R. 543-154, ou des cyclomoteurs à trois roues hors d'usage, doit en outre être agréé à cet effet. "
17. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'un centre de gestion des VHU est, y compris lorsqu'il procède à une activité de désassemblage des véhicules, soumis à l'obligation d'agrément qu'elles prévoient dès lors qu'il stocke nécessairement des VHU avant de procéder à leur désassemblage. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir qu'il résulterait du décret attaqué une différence de traitement, à cet égard, entre les centres VHU selon qu'ils exercent une activité de désassemblage ou de démontage.
18. D'autre part, la seule circonstance que les centres de gestion des VHU procédant au désassemblage des VHU seraient hors du champ des articles R. 543-155-3 et R. 543-160-3 du code de l'environnement relatifs à l'obligation de traçabilité applicable aux pièces issues des opérations de démontage et aux contrats conclus par les éco-organismes avec les opérateurs de gestion de déchets, alors que les centres de gestion des VHU qui procèdent à des activités de démontage y sont soumis, n'est pas de nature à établir que cette différence de traitement, fondée sur une différence objective de situation tenant à l'activité respective de ces différents centres de gestion et qui est en rapport direct avec la finalité de cette réglementation, méconnaitrait le principe d'égalité.
En ce qui concerne le respect de la hiérarchie des modes de traitement des déchets :
19. D'une part, aux termes de l'article 4 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets : " 1. La hiérarchie des déchets ci-après s'applique par ordre de priorité dans la législation et la politique en matière de prévention et de gestion des déchets : a) prévention ; b) préparation en vue du réemploi ; c) recyclage ; d) autre valorisation, notamment valorisation énergétique ; et e) élimination. 2. Lorsqu'ils appliquent la hiérarchie des déchets visée au paragraphe 1, les États membres prennent des mesures pour encourager les solutions produisant le meilleur résultat global sur le plan de l'environnement. Cela peut exiger que certains flux de déchets spécifiques s'écartent de la hiérarchie, lorsque cela se justifie par une réflexion fondée sur l'approche de cycle de vie concernant les effets globaux de la production et de la gestion de ces déchets ". L'article L. 541-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition de cet article, dispose que : " Les dispositions du présent chapitre et de l'article L. 125-1 ont pour objet : 1° En priorité, de prévenir et de réduire la production et la nocivité des déchets, notamment en agissant sur la conception, la fabrication et la distribution des substances et produits et en favorisant le réemploi, ainsi que de diminuer les incidences globales de l'utilisation des ressources et d'améliorer l'efficacité de leur utilisation ; 2° De mettre en oeuvre une hiérarchie des modes de traitement des déchets consistant à privilégier, dans l'ordre : a) La préparation en vue de la réutilisation ; b) Le recyclage ; c) Toute autre valorisation, notamment la valorisation énergétique ; d) L'élimination (...) ". L'article L. 541-2-1 du même code précise que : " I.- Les producteurs de déchets, outre les mesures de prévention des déchets qu'ils prennent, et les détenteurs de déchets en organisent la gestion en respectant le principe de proximité et la hiérarchie des modes de traitement définis au II de l'article L. 541-1. (...) Cet ordre de priorité peut également être modifié si cela se justifie compte tenu des effets sur l'environnement et la santé humaine, et des conditions techniques et économiques. La personne qui produit ou détient les déchets tient alors à la disposition de l'autorité compétente les justifications nécessaires. (...) ".
20. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la directive 2000/53/CE du 18 septembre 2000 relative aux véhicules hors d'usage, " la présente directive fixe des mesures visant en priorité la prévention des déchets provenant des véhicules et, en outre, la réutilisation, (...) des véhicules hors d'usage et de leurs composants afin de réduire la quantité de déchets à éliminer ". Aux termes de l'article 7 de cette directive : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour encourager la réutilisation des composants qui s'y prêtent et la valorisation des composants qui ne peuvent être réutilisés, en donnant la préférence au recyclage, lorsqu'il est viable du point de vue écologique, sans préjudice des exigences en matière de sécurité des véhicules et d'environnement, et notamment de pollution de l'air et de lutte contre le bruit ".
21. Aux termes du 7° de l'article R. 543-154 du code de l'environnement, issu du décret attaqué, les centres de gestion de VHU sont définis comme " toute personne physique ou morale qui assure la réception, l'entreposage, la dépollution, le démontage de pièces ou le désassemblage, y compris le découpage et le compactage des véhicules hors d'usage en vue de leur traitement ultérieur ". Il résulte des termes mêmes de cette définition qu'un centre exerçant uniquement une activité de désassemblage de VHU est susceptible d'entrer dans le champ d'application du décret. Si l'organisation Mobilians soutient qu'une telle possibilité méconnaîtrait la hiérarchie des modes de traitement des déchets, en ce qu'elle ferait obstacle à la réutilisation des matériaux issus du traitement des VHU dès lors que le désassemblage d'un véhicule ne permettrait pas, contrairement au démontage, cette réutilisation, il ressort des pièces du dossier que l'existence de centres de gestion des VHU exerçant une activité de désassemblage n'est, à supposer que le désassemblage fasse obstacle à la réutilisation des pièces, pas de nature à remettre en cause la priorité donnée par l'ensemble de la filière à la réutilisation sur d'autres modes de traitement des déchets. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que les dispositions réglementaires attaquées auraient méconnu les objectifs de la directive 2000/53/CE du 18 septembre 2000 relative aux véhicules hors d'usage ainsi que les articles L. 541-1 et L. 541-2-1 du code de l'environnement ayant transposé les objectifs de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens :
22. Aux termes de l'article L. 224-67 du code de la consommation : " Tout professionnel qui commercialise des prestations d'entretien ou de réparation de véhicules automobiles ou de véhicules à deux ou trois roues permet aux consommateurs d'opter pour l'utilisation, pour certaines catégories de pièces de rechange, de pièces issues de l'économie circulaire à la place de pièces neuves ". Si les requérants allèguent que les dispositions du décret attaqué, en ce qu'elles permettraient à un centre VHU d'exercer uniquement une activité de désassemblage, sans que celle-ci s'accompagne de l'extraction et du démontage des pièces destinées au réemploi, conduirait à une réduction de l'offre de pièces issues de l'économie circulaire, cette circonstance, à la supposer avérée, ne saurait être regardée comme plaçant, par elle-même et de façon générale, les professionnels de la réparation ou de l'entretien automobile dans l'impossibilité de permettre à leurs clients d'opter pour de telles pièces lorsqu'ils font réparer leur véhicule, alors notamment que les pièces issues de l'économie circulaire concernées ne sont pas exclusivement commercialisées par les centres de gestion des VHU. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué priverait d'effet ces dispositions législatives ne peut par suite qu'être écarté.
23. Enfin, le moyen tiré de ce que l'abrogation, à compter du 1er janvier 2025, des articles R. 543-155-7 à R. 543-155-9 du code de l'environnement relatifs à l'obligation d'agrément serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle aurait pour effet de supprimer une garantie en matière de lutte contre l'émergence de filières illégales doit être écarté dès lors que la procédure d'agrément n'est pas la seule à même de permettre la lutte contre ces filières et que les centres de gestion des VHU devront en tout état de cause, pour être autorisés à réceptionner ces véhicules, être enregistrés au titre de la législation sur les installations classées.
24. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret du 24 novembre 2022 relatif à la gestion des véhicules hors d'usage et à la responsabilité élargie des producteurs.
Sur les frais irrépétibles :
25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de l'organisation professionnelle Mobilians et de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'organisation Mobilians, à la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage, au Premier ministre, à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 9 décembre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Laurence Helmlinger, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Pauline Hot, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 31 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Pauline Hot
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain
N° 470875
ECLI:FR:CECHR:2024:470875.20241231
Inédit au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Pauline Hot, rapporteure
Mme Maïlys Lange, rapporteure publique
SELARL GOSSEMENT AVOCATS, avocats
Lecture du mardi 31 décembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 470875, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 janvier 2023 et le 5 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'organisation professionnelle Mobilians demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-1495 du 24 novembre 2022 relatif à la gestion des véhicules hors d'usage et à la responsabilité élargie des producteurs de voitures particulières, de camionnettes, de véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, en tant qu'il définit, à l'article 1er, un centre VHU par référence, notamment, à l'activité de désassemblage et en tant qu'il dispense les centres VHU qui n'exercent qu'une activité unique de désassemblage de l'obligation d'obtenir un agrément ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 470876, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 27 janvier et 27 avril 2023 et les 21 février et 18 octobre et 18 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-1495 du 24 novembre 2022 relatif à la gestion des véhicules hors d'usage et à la responsabilité élargie des producteurs de voitures particulières, de camionnettes, de véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 102 et 106 ;
- la directive 2000/53/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000 relative aux véhicules hors d'usage ;
- la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 ;
- la directive 2015/1535/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;
- le code de commerce, notamment ses articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 462-2 ;
- le code de la consommation, notamment son article L. 224-67 ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 ;
- le décret n° 2011-53 du 4 février 2011 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de gestion des véhicules hors d'usage et des déchets d'équipements électriques et électroniques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pauline Hot, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 décembre 2024, présentée sous le n° 470876 par la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de l'organisation professionnelle Mobilians et de la Fédération des entreprises du recyclage sont dirigées contre le même décret. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Aux termes de l'article L. 541-10 du code de l'environnement : " I.- En application du principe de responsabilité élargie du producteur, il peut être fait obligation à toute personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits générateurs de déchets ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication, dite producteur au sens de la présente sous-section, de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ainsi que d'adopter une démarche d'écoconception des produits, de favoriser l'allongement de la durée de vie desdits produits en assurant au mieux à l'ensemble des réparateurs professionnels et particuliers concernés la disponibilité des moyens indispensables à une maintenance efficiente, de soutenir les réseaux de réemploi, de réutilisation et de réparation tels que ceux gérés par les structures de l'économie sociale et solidaire ou favorisant l'insertion par l'emploi, de contribuer à des projets d'aide au développement en matière de collecte et de traitement de leurs déchets et de développer le recyclage des déchets issus des produits. / Les producteurs s'acquittent de leur obligation en mettant en place collectivement des éco-organismes agréés dont ils assurent la gouvernance et auxquels ils transfèrent leur obligation et versent en contrepartie une contribution financière. Il peut être dérogé à ce principe de gouvernance par décret lorsqu'aucun éco-organisme agréé n'a été mis en place par les producteurs. (...) ". Aux termes de l'article L. 541-10-1 du même code, dans sa rédaction résultant de l'article 62 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire : " Relèvent du principe de responsabilité élargie du producteur en application du premier alinéa du I de l'article L. 541-10 : (...) 15° Les voitures particulières, les camionnettes, les véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, à compter du 1er janvier 2022, afin d'en assurer la reprise sur tout le territoire ". Aux termes de l'article L. 541-10-26 de ce code, issu de l'article 72 de cette même loi du 10 février 2020 et de l'article 32 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le réchauffement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : " I.- Les opérateurs de gestion de déchets ne peuvent procéder aux opérations de gestion des véhicules hors d'usage suivantes que s'ils ont passé des contrats en vue de cette gestion avec les éco-organismes ou les systèmes individuels créés en application de l'article L. 541-10 : 1° La reprise sur le territoire national des véhicules hors d'usage ; / 2° La dépollution des véhicules ; / 3° Le traitement des déchets dangereux issus des véhicules. II. - En vue de favoriser la réutilisation des pièces détachées issues des véhicules usagers, les producteurs ou les éco-organismes assurent la reprise sans frais de ces véhicules auprès des particuliers sur leur lieu de détention. / Cette reprise est accompagnée d'une prime au retour, si elle permet d'accompagner l'efficacité de la collecte ". Ces dispositions soumettent la filière des véhicules hors d'usage (VHU) au principe de responsabilité élargie du producteur, et imposent aux opérateurs de gestion des déchets souhaitant procéder à certaines opérations de gestion des VHU de contracter avec les éco-organismes et les systèmes individuels créés en application de l'article L. 541-10 du code de l'environnement.
3. Pour l'application de ces dispositions, le décret du 24 novembre 2022 a introduit dans le code de l'environnement les articles R. 543-153 à R. 543-161. La Fédération professionnelle des entreprises du recyclage demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret. L'organisation Mobilians demande l'annulation pour excès de pouvoir du même décret en tant qu'il définit au 7° de l'article R. 543-154, introduit par son article 1er, un centre VHU par référence notamment à l'activité de désassemblage et en tant qu'il dispense, à l'article R. 543-155-7, également introduit par l'article 1er, les centres VHU qui n'exercent qu'une activité unique de désassemblage de l'obligation d'obtenir un agrément.
Sur la légalité externe :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 462-2 du code de commerce, l'Autorité de la concurrence " est obligatoirement consultée par le Gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : / 1° De soumettre l'exercice d'une profession ou l'accès à un marché à des restrictions quantitatives ; / 2° D'établir des droits exclusifs dans certaines zones ; / 3° D'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente ". Le décret attaqué, en ce qu'il impose aux centres de gestion des VHU de réaliser le traitement de ces véhicules dans le cadre de contrats passés avec les éco-organismes agréés ou avec les systèmes individuels approuvés des producteurs de véhicules, se borne à préciser les conditions d'application des dispositions du 15° de l'article L. 541-10-1 du code de l'environnement et de l'article L. 541-10-2-6 du même code rappelées au point 2, qui ont prévu, dans son principe, cette obligation pour ce qui concerne la reprise sur le territoire national des véhicules hors d'usage, la dépollution des véhicules et le traitement des déchets dangereux issus des véhicules, soit l'essentiel des opérations de gestion des véhicules hors d'usage. Le décret attaqué ne peut, par suite, être regardé comme instituant par lui-même un régime nouveau au sens des dispositions de l'article L. 462-2 du code de commerce. Le moyen tiré de ce qu'il aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière du fait de l'absence de consultation préalable de l'Autorité de la concurrence ne peut donc qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 5 de la directive 2015/1535/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des règlementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information : " Sous réserve de l'article 7, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit ; ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l'établissement d'une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet. / (...) / Les États membres procèdent à une nouvelle communication du projet de règle technique à la Commission, dans les conditions énoncées au premier et deuxième alinéas du présent paragraphe, s'ils apportent à ce projet, d'une manière significative, des changements qui auront pour effet de modifier son champ d'application, d'en raccourcir le calendrier d'application initialement prévu, d'ajouter des spécifications ou des exigences, ou de rendre celles-ci plus strictes. / (...). Le f) du 1 de l'article 1er de cette directive définit une règle technique comme : " une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont l'observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l'établissement d'un opérateur de services ou l'utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État (...) ".
6. Si la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage soutient que le décret attaqué aurait dû faire l'objet d'une communication à la Commission européenne en application des dispositions citées au point 5, il ressort des pièces du dossier que les dispositions de ce décret se bornent à adapter, afin de tirer les conséquences de la soumission, par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, de la filière des VHU au principe de responsabilité élargie du producteur, le régime issu du décret du 4 février 2011 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de gestion des véhicules hors d'usage et des déchets d'équipements électriques et électroniques, pris pour l'application de la directive 2000/53/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000 relative aux véhicules hors d'usage, lui-même régulièrement notifié à la Commission européenne. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret litigieux aurait dû faire l'objet d'une nouvelle notification à la Commission européenne en application du troisième alinéa du paragraphe 1 de l'article 5 de la directive et serait illégal faute qu'il ait été procédé à cette nouvelle notification. Par ailleurs, le défaut allégué de notification régulière de la loi du 10 février 2020 est sans incidence sur la régularité de la procédure d'adoption du décret attaqué, pris pour son application.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement : " I. - Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration.(...) / II.- Sous réserve des dispositions de l'article L. 123-19-6, le projet d'une décision mentionnée au I, accompagné d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique et, sur demande présentée dans des conditions prévues par décret, mis en consultation sur support papier dans les préfectures et les sous-préfectures en ce qui concerne les décisions des autorités de l'Etat, y compris les autorités administratives indépendantes, et des établissements publics de l'Etat, ou au siège de l'autorité en ce qui concerne les décisions des autres autorités. Lorsque le volume ou les caractéristiques du projet de décision ne permettent pas sa mise à disposition par voie électronique, la note de présentation précise les lieux et horaires où l'intégralité du projet peut être consultée. (...) Dans le cas où la consultation d'un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause est obligatoire et lorsque celle-ci intervient après la consultation du public, la synthèse des observations et propositions du public lui est transmise préalablement à son avis. / Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l'autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l'indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision ".
8. D'une part, si l'organisation Mobilians soutient que le décret est entaché d'irrégularité en l'absence de transmission préalable de la synthèse des observations et propositions du public aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, ces deux collectivités ne constituent pas des organismes consultatifs comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement. Il ressort en outre des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que la consultation du public sur le décret attaqué est intervenue entre le 9 mars et le 8 avril 2022, alors que le Conseil national d'évaluation des normes, dont la consultation était obligatoire en application des dispositions de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, a examiné le projet de décret lors de sa séance du 7 avril 2022. La consultation de cette instance a donc eu lieu à une date à laquelle ne pouvait lui être transmise la synthèse des observations et propositions du public. D'autre part, le défaut de publication de la synthèse des observations du public ainsi que des motifs du décret attaqué, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement, est sans incidence sur la légalité de celui-ci.
9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement doit être écarté.
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne la méconnaissance alléguée de la liberté d'entreprendre et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie :
10. Les dispositions réglementaires contestées se bornant à préciser les modalités de mise en oeuvre d'obligations découlant des articles L. 541-10, L. 541-10-1 et L. 541-10-26 du code de l'environnement mentionnées au point 2, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le décret attaqué méconnaitrait la liberté d'entreprendre et le principe de la liberté du commerce et de l'industrie.
En ce qui concerne la méconnaissance alléguée de la libre concurrence :
11. En premier lieu, aux termes de l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus. (...) ". Aux termes de l'article 102 du même traité " Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. (...) ". Une mesure étatique peut, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, être considérée comme attribuant un droit exclusif ou spécial au sens de l'article 106, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne lorsqu'elle confère une protection à un nombre limité d'entreprises et qu'elle est de nature à affecter substantiellement la capacité des autres entreprises à exercer l'activité économique en cause sur le même territoire, dans des conditions substantiellement équivalentes.
12. D'une part, les dispositions introduites par le décret attaqué ont pour objet de préciser les modalités selon lesquelles les producteurs de véhicules sont soumis, en vertu de l'article L. 541-10-1 du code de l'environnement, aux obligations résultant du principe de responsabilité élargie des producteurs énoncées à l'article L. 541-10 du même code, auxquelles ils peuvent satisfaire en faisant appel à des éco-organismes ou en mettant en place des systèmes individuels, et leur permettent ainsi d'intégrer le marché de la gestion des VHU. D'autre part, le décret attaqué prévoit, conformément aux dispositions de l'article L. 541-10-26 de ce code, que les centres de gestion des VHU adhèrent à un contrat avec les éco-organismes ou les systèmes individuels mis en place par les producteurs pour un certain nombre d'opérations de gestion des VHU. Les dispositions des articles L. 541-10, L. 541-10-1 et L. 541-10-26 du code de l'environnement, qui mettent en oeuvre le régime de la responsabilité élargie des producteurs pour la filière des VHU, ont été adoptées pour la transposition des articles 8 et 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives, qui permettent aux Etats membres de mettre en oeuvre des filières de responsabilité élargie du producteur. L'article L. 541-10-26 du code de l'environnement met, en particulier, en oeuvre le principe de reprise sans frais et de traitement des véhicules hors d'usage, notamment pour les déchets dangereux, prévu aux articles 5 à 7 de cette directive. Les dispositions du décret litigieux, prises pour l'application des articles L. 541-10, L. 541-10-1 et L. 541-10-26 du code de l'environnement, s'inscrivent ainsi dans le cadre fixé par la directive du 19 novembre 2008 précitée, sans que les choix de transposition retenus, eu égard à la marge d'appréciation laissée aux Etats membres par la directive, puissent être regardés comme contraires aux articles 102 et 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par les dispositions réglementaires litigieuses et par les dispositions législatives pour l'application desquelles elles ont été adoptées, des articles 102 et 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.
13. Pour les mêmes motifs, la fédération requérante n'est, en deuxième lieu, pas fondée à soutenir que le décret attaqué méconnaitrait les dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce, qui prohibent l'abus de position dominante ou l'exploitation abusive par une entreprise de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur.
14. En troisième lieu, si la fédération professionnelle des entreprises du recyclage soutient que les dispositions du décret litigieux méconnaissent les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce en ce que les contrats-types adoptés sur le fondement de la contractualisation obligatoire prévue par l'article L. 541-10-26 du code de l'environnement et le décret litigieux seraient, eu égard à leurs clauses, constitutifs d'une entente anticoncurrentielle, le décret attaqué ne saurait, en tout état de cause, être regardé comme régissant les clauses de ces contrats-types. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la méconnaissance alléguée de l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme et du principe de sécurité juridique :
15. Les dispositions de l'article R. 543-154 du code de l'environnement, issues du décret attaqué, se bornent à préciser les termes de l'article L. 541-10-26 du code de l'environnement. En définissant les VHU comme des déchets au sens de l'article L. 541-1-1 du même code, en relevant que la circonstance qu'un véhicule conserve une valeur commerciale est sans incidence sur son statut de déchet, et en définissant le collecteur de VHU comme toute personne physique ou morale assurant leur collecte et leur transport, ces dispositions ne méconnaissent, par elles-mêmes, ni l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme ni le principe de sécurité juridique.
En ce qui concerne la méconnaissance alléguée du principe d'égalité :
16. Les dispositions de l'article R. 543-155-7 du code de l'environnement disposent que " Tout exploitant d'une installation de stockage, de dépollution, de démontage, de découpage ou de broyage des véhicules hors d'usage relevant du a du 1° de l'article R. 543-154, ou des cyclomoteurs à trois roues hors d'usage, doit en outre être agréé à cet effet. "
17. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'un centre de gestion des VHU est, y compris lorsqu'il procède à une activité de désassemblage des véhicules, soumis à l'obligation d'agrément qu'elles prévoient dès lors qu'il stocke nécessairement des VHU avant de procéder à leur désassemblage. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir qu'il résulterait du décret attaqué une différence de traitement, à cet égard, entre les centres VHU selon qu'ils exercent une activité de désassemblage ou de démontage.
18. D'autre part, la seule circonstance que les centres de gestion des VHU procédant au désassemblage des VHU seraient hors du champ des articles R. 543-155-3 et R. 543-160-3 du code de l'environnement relatifs à l'obligation de traçabilité applicable aux pièces issues des opérations de démontage et aux contrats conclus par les éco-organismes avec les opérateurs de gestion de déchets, alors que les centres de gestion des VHU qui procèdent à des activités de démontage y sont soumis, n'est pas de nature à établir que cette différence de traitement, fondée sur une différence objective de situation tenant à l'activité respective de ces différents centres de gestion et qui est en rapport direct avec la finalité de cette réglementation, méconnaitrait le principe d'égalité.
En ce qui concerne le respect de la hiérarchie des modes de traitement des déchets :
19. D'une part, aux termes de l'article 4 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets : " 1. La hiérarchie des déchets ci-après s'applique par ordre de priorité dans la législation et la politique en matière de prévention et de gestion des déchets : a) prévention ; b) préparation en vue du réemploi ; c) recyclage ; d) autre valorisation, notamment valorisation énergétique ; et e) élimination. 2. Lorsqu'ils appliquent la hiérarchie des déchets visée au paragraphe 1, les États membres prennent des mesures pour encourager les solutions produisant le meilleur résultat global sur le plan de l'environnement. Cela peut exiger que certains flux de déchets spécifiques s'écartent de la hiérarchie, lorsque cela se justifie par une réflexion fondée sur l'approche de cycle de vie concernant les effets globaux de la production et de la gestion de ces déchets ". L'article L. 541-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition de cet article, dispose que : " Les dispositions du présent chapitre et de l'article L. 125-1 ont pour objet : 1° En priorité, de prévenir et de réduire la production et la nocivité des déchets, notamment en agissant sur la conception, la fabrication et la distribution des substances et produits et en favorisant le réemploi, ainsi que de diminuer les incidences globales de l'utilisation des ressources et d'améliorer l'efficacité de leur utilisation ; 2° De mettre en oeuvre une hiérarchie des modes de traitement des déchets consistant à privilégier, dans l'ordre : a) La préparation en vue de la réutilisation ; b) Le recyclage ; c) Toute autre valorisation, notamment la valorisation énergétique ; d) L'élimination (...) ". L'article L. 541-2-1 du même code précise que : " I.- Les producteurs de déchets, outre les mesures de prévention des déchets qu'ils prennent, et les détenteurs de déchets en organisent la gestion en respectant le principe de proximité et la hiérarchie des modes de traitement définis au II de l'article L. 541-1. (...) Cet ordre de priorité peut également être modifié si cela se justifie compte tenu des effets sur l'environnement et la santé humaine, et des conditions techniques et économiques. La personne qui produit ou détient les déchets tient alors à la disposition de l'autorité compétente les justifications nécessaires. (...) ".
20. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la directive 2000/53/CE du 18 septembre 2000 relative aux véhicules hors d'usage, " la présente directive fixe des mesures visant en priorité la prévention des déchets provenant des véhicules et, en outre, la réutilisation, (...) des véhicules hors d'usage et de leurs composants afin de réduire la quantité de déchets à éliminer ". Aux termes de l'article 7 de cette directive : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour encourager la réutilisation des composants qui s'y prêtent et la valorisation des composants qui ne peuvent être réutilisés, en donnant la préférence au recyclage, lorsqu'il est viable du point de vue écologique, sans préjudice des exigences en matière de sécurité des véhicules et d'environnement, et notamment de pollution de l'air et de lutte contre le bruit ".
21. Aux termes du 7° de l'article R. 543-154 du code de l'environnement, issu du décret attaqué, les centres de gestion de VHU sont définis comme " toute personne physique ou morale qui assure la réception, l'entreposage, la dépollution, le démontage de pièces ou le désassemblage, y compris le découpage et le compactage des véhicules hors d'usage en vue de leur traitement ultérieur ". Il résulte des termes mêmes de cette définition qu'un centre exerçant uniquement une activité de désassemblage de VHU est susceptible d'entrer dans le champ d'application du décret. Si l'organisation Mobilians soutient qu'une telle possibilité méconnaîtrait la hiérarchie des modes de traitement des déchets, en ce qu'elle ferait obstacle à la réutilisation des matériaux issus du traitement des VHU dès lors que le désassemblage d'un véhicule ne permettrait pas, contrairement au démontage, cette réutilisation, il ressort des pièces du dossier que l'existence de centres de gestion des VHU exerçant une activité de désassemblage n'est, à supposer que le désassemblage fasse obstacle à la réutilisation des pièces, pas de nature à remettre en cause la priorité donnée par l'ensemble de la filière à la réutilisation sur d'autres modes de traitement des déchets. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que les dispositions réglementaires attaquées auraient méconnu les objectifs de la directive 2000/53/CE du 18 septembre 2000 relative aux véhicules hors d'usage ainsi que les articles L. 541-1 et L. 541-2-1 du code de l'environnement ayant transposé les objectifs de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens :
22. Aux termes de l'article L. 224-67 du code de la consommation : " Tout professionnel qui commercialise des prestations d'entretien ou de réparation de véhicules automobiles ou de véhicules à deux ou trois roues permet aux consommateurs d'opter pour l'utilisation, pour certaines catégories de pièces de rechange, de pièces issues de l'économie circulaire à la place de pièces neuves ". Si les requérants allèguent que les dispositions du décret attaqué, en ce qu'elles permettraient à un centre VHU d'exercer uniquement une activité de désassemblage, sans que celle-ci s'accompagne de l'extraction et du démontage des pièces destinées au réemploi, conduirait à une réduction de l'offre de pièces issues de l'économie circulaire, cette circonstance, à la supposer avérée, ne saurait être regardée comme plaçant, par elle-même et de façon générale, les professionnels de la réparation ou de l'entretien automobile dans l'impossibilité de permettre à leurs clients d'opter pour de telles pièces lorsqu'ils font réparer leur véhicule, alors notamment que les pièces issues de l'économie circulaire concernées ne sont pas exclusivement commercialisées par les centres de gestion des VHU. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué priverait d'effet ces dispositions législatives ne peut par suite qu'être écarté.
23. Enfin, le moyen tiré de ce que l'abrogation, à compter du 1er janvier 2025, des articles R. 543-155-7 à R. 543-155-9 du code de l'environnement relatifs à l'obligation d'agrément serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle aurait pour effet de supprimer une garantie en matière de lutte contre l'émergence de filières illégales doit être écarté dès lors que la procédure d'agrément n'est pas la seule à même de permettre la lutte contre ces filières et que les centres de gestion des VHU devront en tout état de cause, pour être autorisés à réceptionner ces véhicules, être enregistrés au titre de la législation sur les installations classées.
24. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret du 24 novembre 2022 relatif à la gestion des véhicules hors d'usage et à la responsabilité élargie des producteurs.
Sur les frais irrépétibles :
25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de l'organisation professionnelle Mobilians et de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'organisation Mobilians, à la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage, au Premier ministre, à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 9 décembre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Laurence Helmlinger, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Pauline Hot, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 31 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Pauline Hot
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain