Conseil d'État
N° 489498
ECLI:FR:CECHR:2024:489498.20241230
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Sophie Delaporte, rapporteure
Mme Esther de Moustier, rapporteure publique
WAGNER, avocats
Lecture du lundi 30 décembre 2024
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Civitas demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 4 octobre 2023 prononçant sa dissolution.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;
- la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association Civitas demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 4 octobre 2023 ayant prononcé sa dissolution sur le fondement des dispositions des 3°, 5° et 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.
Sur le cadre juridique :
2. Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : / (...) / 3° Ou dont l'objet ou l'action tend à porter atteinte à l'intégrité du territoire national ou à attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ; / (...) / 5° Ou qui ont pour but soit de rassembler des individus ayant fait l'objet de condamnation du chef de collaboration avec l'ennemi, soit d'exalter cette collaboration ; / 6° Ou qui, soit provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; / (...) ". L'article L. 212-1-1 du même code dispose que : " Pour l'application de l'article L. 212-1, sont imputables à une association ou à un groupement de fait les agissements mentionnés au même article L. 212-1 commis par un ou plusieurs de leurs membres agissant en cette qualité ou directement liés aux activités de l'association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants, bien qu'informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient ".
3. Eu égard à la gravité de l'atteinte portée par une mesure de dissolution à la liberté d'association, principe fondamental reconnu par les lois de la République, les dispositions de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure sont d'interprétation stricte et ne peuvent être mises en oeuvre que pour prévenir des troubles graves à l'ordre public.
4. La décision de dissolution d'une association ou d'un groupement de fait prise sur le fondement de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ne peut être prononcée, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que si elle présente un caractère adapté, nécessaire et proportionné à la gravité des troubles susceptibles d'être portés à l'ordre public par les agissements entrant dans le champ de cet article.
Sur la légalité externe du décret attaqué :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1o Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
6. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le décret attaqué vise les 3°, 5° et 6° de l'article L. 212-1 et l'article L. 212-1-1 du code de la sécurité intérieure, d'autre part, que chacun des motifs du décret se rattache sans ambiguïté à l'une de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il ne serait pas possible d'apprécier, à la lecture du décret, les fondements légaux des griefs reprochés à l'association Civitas ne peut qu'être écarté.
7. En second lieu, aucun texte ni aucun principe n'impose de consulter la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques préalablement à l'intervention d'un décret prononçant, sur le fondement de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, la dissolution d'une association, alors même qu'elle revêt le caractère, comme en l'espèce, d'un parti politique.
Sur la légalité interne du décret attaqué :
8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'association Civitas, par la voix de ses responsables nationaux ou locaux, a organisé des commémorations à l'occasion de l'anniversaire de la mort de Philippe Pétain, rendu hommage à des personnalités favorables à la collaboration avec l'ennemi pendant la seconde guerre mondiale et utilisé à cette occasion des emblèmes rappelant ceux utilisés par l'autorité de fait se disant " gouvernement de l'Etat français ". Contrairement à ce que soutient l'association, et alors même que, selon elle, certains des agissements ou propos retenus par le décret attaqué auraient été extraits de leur contexte ou s'inscriraient dans le cadre de controverses historiques, ces éléments, compte tenu de leur caractère précis et concordant, caractérisent l'existence de faits d'exaltation de la collaboration au sens du 5° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.
9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'association Civitas, dont des responsables tiennent régulièrement des propos à connotation explicitement ou implicitement antisémite, promeut une vision du monde dans laquelle occupe une place centrale la dénonciation du rôle et de l'influence prêtés aux personnes de confession juive. Elle appelle en outre à la discrimination à l'égard des personnes de confession musulmane et, plus largement, des personnes étrangères ou françaises issues de l'immigration, systématiquement associées aux dangers présentés par la criminalité, l'islamisme radical ou le terrorisme. Enfin, l'expression publique de certains de ses responsables développe une vision hostile aux personnes homosexuelles et, plus largement, à des groupes de personnes à raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, présentés dans des termes à connotation dégradante. Il ressort également des pièces du dossier que la mise en ligne des propos des responsables de l'association suscite souvent des commentaires à caractère discriminatoire ou haineux, qui ne font l'objet ni d'une condamnation, ni d'une modération de la part de l'association.
10. Il résulte de ce qui précède que le décret attaqué a pu, sans être entaché d'erreur de droit, d'erreur d'appréciation ou d'erreur de fait, retenir que les prises de position de l'association Civitas propagent des idées ou des théories tendant à justifier ou encourager la discrimination, la haine ou la violence envers des groupes de personnes à raison de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, motif justifiant sa dissolution administrative en application du 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.
11. En troisième lieu, en revanche, si l'association Civitas a pour objet de " promouvoir et défendre la souveraineté et l'identité nationale et chrétienne de la France en s'inspirant de la doctrine sociale de l'Eglise, du droit naturel et des valeurs patriotiques, morales et civilisationnelles indispensables à la renaissance nationale (...) " et si certains de ses représentants tiennent des propos hostiles aux principes républicains, il ne ressort pas des pièces du dossier que son objet ou son action ait tendu à attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement. Il s'ensuit que l'association est fondée à soutenir que le décret attaqué a fait une inexacte application des dispositions du 3° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Il résulte toutefois de l'instruction que l'auteur du décret aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les dispositions des 5° et 6° de l'article L. 212-1 et sur celles de l'article L. 212-1-1 du code de la sécurité intérieure.
12. En quatrième lieu, si l'association Civitas fait valoir qu'elle revêt le caractère d'un parti politique depuis la modification de ses statuts en 2016, les partis politiques constitués en association relevant de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ne sont pas exclus par principe du champ d'application de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Le moyen tiré de ce que décret serait entaché de détournement de procédure ou de détournement de pouvoir, au motif qu'il aurait pour objet, sous couvert de la dissolution d'une association, de procéder à la dissolution d'un parti politique ne peut donc qu'être écarté, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que n'a pas été parallèlement dissoute l'association de financement du groupement politique Civitas.
13. Enfin, la mesure de dissolution critiquée, eu égard à la nature, à la gravité et à la récurrence, pendant plusieurs années, des prises de position mentionnées aux points 8 et 9, ne peut être regardée, en l'espèce, comme dépourvue de caractère nécessaire ni comme présentant un caractère disproportionné au regard des risques de troubles à l'ordre public résultant de ces prises de position.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'association Civitas doit être rejetée.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de l'association Civitas est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alain Escada, président de l'association Civitas, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 11 décembre 2024 où siégeaient :
M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 30 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Sophie Delaporte
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana
N° 489498
ECLI:FR:CECHR:2024:489498.20241230
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Sophie Delaporte, rapporteure
Mme Esther de Moustier, rapporteure publique
WAGNER, avocats
Lecture du lundi 30 décembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Civitas demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 4 octobre 2023 prononçant sa dissolution.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;
- la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association Civitas demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 4 octobre 2023 ayant prononcé sa dissolution sur le fondement des dispositions des 3°, 5° et 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.
Sur le cadre juridique :
2. Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : / (...) / 3° Ou dont l'objet ou l'action tend à porter atteinte à l'intégrité du territoire national ou à attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ; / (...) / 5° Ou qui ont pour but soit de rassembler des individus ayant fait l'objet de condamnation du chef de collaboration avec l'ennemi, soit d'exalter cette collaboration ; / 6° Ou qui, soit provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; / (...) ". L'article L. 212-1-1 du même code dispose que : " Pour l'application de l'article L. 212-1, sont imputables à une association ou à un groupement de fait les agissements mentionnés au même article L. 212-1 commis par un ou plusieurs de leurs membres agissant en cette qualité ou directement liés aux activités de l'association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants, bien qu'informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient ".
3. Eu égard à la gravité de l'atteinte portée par une mesure de dissolution à la liberté d'association, principe fondamental reconnu par les lois de la République, les dispositions de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure sont d'interprétation stricte et ne peuvent être mises en oeuvre que pour prévenir des troubles graves à l'ordre public.
4. La décision de dissolution d'une association ou d'un groupement de fait prise sur le fondement de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ne peut être prononcée, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que si elle présente un caractère adapté, nécessaire et proportionné à la gravité des troubles susceptibles d'être portés à l'ordre public par les agissements entrant dans le champ de cet article.
Sur la légalité externe du décret attaqué :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1o Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
6. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le décret attaqué vise les 3°, 5° et 6° de l'article L. 212-1 et l'article L. 212-1-1 du code de la sécurité intérieure, d'autre part, que chacun des motifs du décret se rattache sans ambiguïté à l'une de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il ne serait pas possible d'apprécier, à la lecture du décret, les fondements légaux des griefs reprochés à l'association Civitas ne peut qu'être écarté.
7. En second lieu, aucun texte ni aucun principe n'impose de consulter la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques préalablement à l'intervention d'un décret prononçant, sur le fondement de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, la dissolution d'une association, alors même qu'elle revêt le caractère, comme en l'espèce, d'un parti politique.
Sur la légalité interne du décret attaqué :
8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'association Civitas, par la voix de ses responsables nationaux ou locaux, a organisé des commémorations à l'occasion de l'anniversaire de la mort de Philippe Pétain, rendu hommage à des personnalités favorables à la collaboration avec l'ennemi pendant la seconde guerre mondiale et utilisé à cette occasion des emblèmes rappelant ceux utilisés par l'autorité de fait se disant " gouvernement de l'Etat français ". Contrairement à ce que soutient l'association, et alors même que, selon elle, certains des agissements ou propos retenus par le décret attaqué auraient été extraits de leur contexte ou s'inscriraient dans le cadre de controverses historiques, ces éléments, compte tenu de leur caractère précis et concordant, caractérisent l'existence de faits d'exaltation de la collaboration au sens du 5° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.
9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'association Civitas, dont des responsables tiennent régulièrement des propos à connotation explicitement ou implicitement antisémite, promeut une vision du monde dans laquelle occupe une place centrale la dénonciation du rôle et de l'influence prêtés aux personnes de confession juive. Elle appelle en outre à la discrimination à l'égard des personnes de confession musulmane et, plus largement, des personnes étrangères ou françaises issues de l'immigration, systématiquement associées aux dangers présentés par la criminalité, l'islamisme radical ou le terrorisme. Enfin, l'expression publique de certains de ses responsables développe une vision hostile aux personnes homosexuelles et, plus largement, à des groupes de personnes à raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, présentés dans des termes à connotation dégradante. Il ressort également des pièces du dossier que la mise en ligne des propos des responsables de l'association suscite souvent des commentaires à caractère discriminatoire ou haineux, qui ne font l'objet ni d'une condamnation, ni d'une modération de la part de l'association.
10. Il résulte de ce qui précède que le décret attaqué a pu, sans être entaché d'erreur de droit, d'erreur d'appréciation ou d'erreur de fait, retenir que les prises de position de l'association Civitas propagent des idées ou des théories tendant à justifier ou encourager la discrimination, la haine ou la violence envers des groupes de personnes à raison de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, motif justifiant sa dissolution administrative en application du 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.
11. En troisième lieu, en revanche, si l'association Civitas a pour objet de " promouvoir et défendre la souveraineté et l'identité nationale et chrétienne de la France en s'inspirant de la doctrine sociale de l'Eglise, du droit naturel et des valeurs patriotiques, morales et civilisationnelles indispensables à la renaissance nationale (...) " et si certains de ses représentants tiennent des propos hostiles aux principes républicains, il ne ressort pas des pièces du dossier que son objet ou son action ait tendu à attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement. Il s'ensuit que l'association est fondée à soutenir que le décret attaqué a fait une inexacte application des dispositions du 3° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Il résulte toutefois de l'instruction que l'auteur du décret aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les dispositions des 5° et 6° de l'article L. 212-1 et sur celles de l'article L. 212-1-1 du code de la sécurité intérieure.
12. En quatrième lieu, si l'association Civitas fait valoir qu'elle revêt le caractère d'un parti politique depuis la modification de ses statuts en 2016, les partis politiques constitués en association relevant de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ne sont pas exclus par principe du champ d'application de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Le moyen tiré de ce que décret serait entaché de détournement de procédure ou de détournement de pouvoir, au motif qu'il aurait pour objet, sous couvert de la dissolution d'une association, de procéder à la dissolution d'un parti politique ne peut donc qu'être écarté, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que n'a pas été parallèlement dissoute l'association de financement du groupement politique Civitas.
13. Enfin, la mesure de dissolution critiquée, eu égard à la nature, à la gravité et à la récurrence, pendant plusieurs années, des prises de position mentionnées aux points 8 et 9, ne peut être regardée, en l'espèce, comme dépourvue de caractère nécessaire ni comme présentant un caractère disproportionné au regard des risques de troubles à l'ordre public résultant de ces prises de position.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'association Civitas doit être rejetée.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de l'association Civitas est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alain Escada, président de l'association Civitas, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 11 décembre 2024 où siégeaient :
M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 30 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Sophie Delaporte
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana