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Ariane Web: Conseil d'État 493554, lecture du 23 décembre 2024, ECLI:FR:CECHS:2024:493554.20241223

Décision n° 493554
23 décembre 2024
Conseil d'État

N° 493554
ECLI:FR:CECHS:2024:493554.20241223
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Olivier Japiot, président
M. Robin Soyer, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH, avocats


Lecture du lundi 23 décembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme A... C..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son enfant mineur B... C..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 janvier 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision du 27 septembre 2021 de l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte d'Ivoire) refusant un visa d'entrée et de long séjour à son fils B... C... et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande. Par un jugement n° 2209218 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 23NT03795 du 5 février 2024 rendue sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par Mme C... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 avril et 6 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Melka-Prigent-Drusch, son avocat, la somme de 3 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Robin Soyer, auditeur,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de Mme C... ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son enfant mineur B... C..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 janvier 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision du 27 septembre 2021 de l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte d'Ivoire) ayant refusé de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à son fils B... C... au titre de la réunification familiale. Par un jugement du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le recours qu'elle avait formé contre cette décision. Mme C... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 5 février 2024 par laquelle le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ". Aux termes de l'article R. 751-3 de ce code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception (...) ". Aux termes de l'article R. 811-9 du même code : " Les parties peuvent, le cas échéant, réclamer le bénéfice de l'aide juridictionnelle ". Aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...) Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions (...) d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / (...) / 2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ".

3. Il ressort des pièces de la procédure devant la cour administrative d'appel de Nantes qu'en vue de former un appel contre le jugement rendu le 16 mai 2023 par le tribunal administratif de Nantes, Mme C... a, le 17 juillet 2023, déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Nantes. Cette demande a interrompu le délai de recours contentieux. Par une décision du 25 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de cette demande. Dans ces conditions, l'appel formé par Mme C... à l'encontre du jugement du 26 mai 2023, enregistré le 20 décembre 2023 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, dans les deux mois suivant la notification de cette décision du bureau d'aide juridictionnelle, n'était pas tardif. Dès lors, Mme C... est fondée à soutenir qu'en rejetant son appel comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté, le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a dénaturé les pièces du dossier et, par suite, à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cette société.


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 5 février 2024 du président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de Mme C..., la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.