Conseil d'État
N° 491396
ECLI:FR:CECHS:2024:491396.20241223
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Olivier Japiot, président
M. Alexandre Denieul, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats
Lecture du lundi 23 décembre 2024
Vu la procédure suivante :
La société Vert Marine a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la communauté de communes Coeur de Nacre à lui verser, à titre principal, la somme de 300 000 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 10 000 euros, assorties des intérêts moratoires et de leur capitalisation, en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de la délégation de service public conclue pour la gestion et l'animation du centre aquatique " Aquanacre ". Par un jugement n° 2100029 du 9 juin 2022, ce tribunal a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 22NT02445 du 1er décembre 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Vert Marine contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er février, 2 mai et 3 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Vert Marine demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la communauté de communes Coeur de Nacre la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Denieul, auditeur,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Vert Marine et à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de la communauté de communes Coeur de Nacre ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Action développement loisir - Récréa et la société Vert Marine ont chacune présenté une offre dans le cadre de la procédure d'attribution d'une délégation de service public pour la gestion et l'exploitation du centre aquatique " Aquanacre ", situé sur le territoire de la commune de Douvres-la-Délivrande. Ce contrat a été attribué à la société Action développement Loisir - Récréa et signé le 23 décembre 2016. Par un jugement du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de la société Vert Marine tendant à la condamnation de la communauté de communes Coeur de Nacre à lui verser, à titre principal, une somme de 300 000 euros, ou, à titre subsidiaire, une somme de 10 000 euros, en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière du contrat. Par un arrêt du 1er décembre 2023, contre lequel la société Vert Marine se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir jugé que la procédure de passation du contrat de délégation de service public était entachée d'irrégularité en tant que l'offre de la société attributaire méconnaissait la législation et la réglementation sociale en vigueur, a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Vert Marine, dont il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'elle avait été privée d'une chance sérieuse de remporter le contrat, avait, pour justifier de la réalité de son préjudice tiré de son manque à gagner et du montant de l'indemnisation qu'elle réclamait à ce titre, produit le compte de résultat prévisionnel assortissant l'offre qu'elle avait déposée, faisant apparaître les produits attendus, les charges supportées et les résultats " bruts " et " nets " qu'elle escomptait réaliser durant les cinq années d'exploitation, ainsi qu'une attestation de son commissaire aux comptes s'y rapportant. Par suite, en se bornant à relever que la communauté de communes Coeur de Nacre soutenait en défense, sans être sérieusement contredite, que le montant du résultat brut évalué dans le compte prévisionnel ne pouvait être retenu compte tenu notamment de l'incertitude sur la fréquentation de la piscine du fait de la situation sanitaire des années 2020 et 2021, et en jugeant que le préjudice invoqué par la société Vert Marine n'était établi ni dans son principe ni dans son étendue, alors que les éléments que la société avait produits ne se limitaient pas à faire apparaître un résultat " brut " mais comportaient aussi les autres données comptables précédemment mentionnées, et que la circonstance tirée de la crise sanitaire ne pouvait, à elle seule, remettre en cause la réalité du préjudice subi par la société Vert Marine sur l'ensemble de la durée du contrat, la cour administrative d'appel de Nantes a dénaturé les pièces du dossier.
3. Il ne peut être fait droit à la substitution de motifs sollicitée par la communauté de communes Coeur de Nacre, qui conteste l'existence d'un lien de causalité direct entre l'irrégularité de la procédure de passation et les préjudices dont la société Vert Marine demandait réparation, dès lors qu'elle requiert une appréciation des faits de la part du juge de cassation.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Vert Marine est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes Coeur de Nacre la somme de 3 000 euros à verser à la société Vert Marine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la communauté de communes Coeur de Nacre au même titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 1er décembre 2023 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : La communauté de communes Coeur de Nacre versera à la société Vert Marine une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la communauté de communes Coeur de Nacre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Vert Marine et à la communauté de communes Coeur de Nacre.
N° 491396
ECLI:FR:CECHS:2024:491396.20241223
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Olivier Japiot, président
M. Alexandre Denieul, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats
Lecture du lundi 23 décembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Vert Marine a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la communauté de communes Coeur de Nacre à lui verser, à titre principal, la somme de 300 000 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 10 000 euros, assorties des intérêts moratoires et de leur capitalisation, en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de la délégation de service public conclue pour la gestion et l'animation du centre aquatique " Aquanacre ". Par un jugement n° 2100029 du 9 juin 2022, ce tribunal a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 22NT02445 du 1er décembre 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Vert Marine contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er février, 2 mai et 3 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Vert Marine demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la communauté de communes Coeur de Nacre la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Denieul, auditeur,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Vert Marine et à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de la communauté de communes Coeur de Nacre ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Action développement loisir - Récréa et la société Vert Marine ont chacune présenté une offre dans le cadre de la procédure d'attribution d'une délégation de service public pour la gestion et l'exploitation du centre aquatique " Aquanacre ", situé sur le territoire de la commune de Douvres-la-Délivrande. Ce contrat a été attribué à la société Action développement Loisir - Récréa et signé le 23 décembre 2016. Par un jugement du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de la société Vert Marine tendant à la condamnation de la communauté de communes Coeur de Nacre à lui verser, à titre principal, une somme de 300 000 euros, ou, à titre subsidiaire, une somme de 10 000 euros, en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière du contrat. Par un arrêt du 1er décembre 2023, contre lequel la société Vert Marine se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir jugé que la procédure de passation du contrat de délégation de service public était entachée d'irrégularité en tant que l'offre de la société attributaire méconnaissait la législation et la réglementation sociale en vigueur, a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Vert Marine, dont il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'elle avait été privée d'une chance sérieuse de remporter le contrat, avait, pour justifier de la réalité de son préjudice tiré de son manque à gagner et du montant de l'indemnisation qu'elle réclamait à ce titre, produit le compte de résultat prévisionnel assortissant l'offre qu'elle avait déposée, faisant apparaître les produits attendus, les charges supportées et les résultats " bruts " et " nets " qu'elle escomptait réaliser durant les cinq années d'exploitation, ainsi qu'une attestation de son commissaire aux comptes s'y rapportant. Par suite, en se bornant à relever que la communauté de communes Coeur de Nacre soutenait en défense, sans être sérieusement contredite, que le montant du résultat brut évalué dans le compte prévisionnel ne pouvait être retenu compte tenu notamment de l'incertitude sur la fréquentation de la piscine du fait de la situation sanitaire des années 2020 et 2021, et en jugeant que le préjudice invoqué par la société Vert Marine n'était établi ni dans son principe ni dans son étendue, alors que les éléments que la société avait produits ne se limitaient pas à faire apparaître un résultat " brut " mais comportaient aussi les autres données comptables précédemment mentionnées, et que la circonstance tirée de la crise sanitaire ne pouvait, à elle seule, remettre en cause la réalité du préjudice subi par la société Vert Marine sur l'ensemble de la durée du contrat, la cour administrative d'appel de Nantes a dénaturé les pièces du dossier.
3. Il ne peut être fait droit à la substitution de motifs sollicitée par la communauté de communes Coeur de Nacre, qui conteste l'existence d'un lien de causalité direct entre l'irrégularité de la procédure de passation et les préjudices dont la société Vert Marine demandait réparation, dès lors qu'elle requiert une appréciation des faits de la part du juge de cassation.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Vert Marine est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes Coeur de Nacre la somme de 3 000 euros à verser à la société Vert Marine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la communauté de communes Coeur de Nacre au même titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 1er décembre 2023 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : La communauté de communes Coeur de Nacre versera à la société Vert Marine une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la communauté de communes Coeur de Nacre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Vert Marine et à la communauté de communes Coeur de Nacre.