Conseil d'État
N° 491489
ECLI:FR:CECHS:2024:491489.20241212
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
M. Jean-Luc Nevache, président
Mme Nejma Benmalek, rapporteure
M. Mathieu Le Coq, rapporteur public
Lecture du jeudi 12 décembre 2024
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 février, 2 mai et 18 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des réanimateurs du secteur privé demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de la santé et de la prévention a rejeté sa demande de modification du montant de l'indemnité forfaitaire pour une période de garde assurée une nuit, un dimanche ou un jour férié prévu à l'article 1er de l'arrêté du 18 juin 2013 relatif aux montants et aux conditions de versement de l'indemnité forfaitaire aux médecins libéraux participant à la mission de permanence des soins en établissement de santé ;
2°) d'enjoindre à la ministre de la santé et de l'accès aux soins de revaloriser le montant de l'indemnité forfaitaire pour une période de garde assurée une nuit, un dimanche ou un jour férié versée aux médecins libéraux participant à la mission de permanence des soins en établissement de santé ou, à tout le moins, aux médecins réanimateurs libéraux participant à cette mission ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution,
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et l'indemnisation des gardes et des astreintes dans les établissements publics de santé ;
- l'arrêté du 20 avril 2011 relatif à la rémunération des médecins participant à la permanence des soins en médecine ambulatoire ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nejma Benmalek, auditrice,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté ministériel du 18 juin 2013 relatif aux montants et aux conditions de versement de l'indemnité forfaitaire aux médecins libéraux participant à la mission de permanence des soins en établissement de santé, le montant de l'indemnité forfaitaire versée à ce titre pour une période de garde assurée une nuit, un dimanche ou un jour férié est fixé à 229,00 ?.
2. D'une part, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
3. En premier lieu, l'association requérante soutient que le refus du ministre de la santé et de la prévention de revaloriser le montant de l'indemnité forfaitaire mentionnée au point 1 porte atteinte au principe d'égalité en instituant une différence de traitement entre les médecins libéraux et les personnels enseignants et hospitaliers, dont l'indemnité de garde a été revalorisée par un arrêté ministériel du 22 décembre 2023 modifiant l'arrêté ministériel du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et l'indemnisation des gardes et des astreintes dans les établissements publics de santé, pour atteindre un montant de 755,81 ?. Toutefois, contrairement à ce qu'allègue l'association requérante, les médecins libéraux qui participent à la mission de permanence des soins dans les établissements de santé ne sont, en tout état de cause, pas dans la même situation que les personnels enseignants et hospitaliers qui participent à cette mission dans les établissements de santé publics dont ils sont salariés, en particulier au regard de leur mode de rémunération, les médecins libéraux cumulant leur indemnité de garde avec les honoraires facturés pour les actes médicaux qu'ils réalisent pendant celle-ci.
4. En deuxième lieu, l'association requérante soutient que la décision litigieuse porte atteinte au principe d'égalité en instituant une différence de traitement entre les médecins libéraux selon qu'ils participent à la permanence des soins en établissement de santé prévue par l'article L. 6111-1-3 et les articles R. 6111-41 et suivants du code de la santé publique ou à la permanence des soins ambulatoires prévue par l'article L. 6314-1 et les articles R. 6315-1 et suivants de ce code, le montant minimal de l'indemnité d'astreinte versée dans le cadre de celle-ci pour une période équivalente ayant été revalorisée pour atteindre 180,00 ? par un arrêté ministériel du 24 décembre 2021 modifiant l'arrêté ministériel du 20 avril 2011 relatif à la rémunération des médecins participant à la permanence des soins en médecine ambulatoire. Toutefois, contrairement à ce qu'allègue l'association requérante, les médecins libéraux qui effectuent des astreintes dans le cadre de la permanence des soins ambulatoires ne sont pas dans la même situation que les médecins libéraux effectuant des gardes dans le cadre de la permanence des soins en établissement de santé, au regard notamment des conditions dans lesquelles ils exercent leur activité et des modalités de fixation de leur indemnité, les directeurs généraux des agences régionales de santé disposant, en application de l'article R. 6315-6 du code de la santé publique, du pouvoir de déterminer le montant de leur rémunération forfaitaire en fonction de sujétions particulières et des contraintes géographiques de la région.
5. En troisième lieu, l'association requérante soutient que la décision litigieuse porte atteinte au principe d'égalité en instituant une différence de traitement entre les médecins libéraux participant à la permanence des soins en établissement de santé selon qu'ils exercent ou non la spécialité de réanimation, les soins de réanimation étant principalement facturés sous la forme de forfait par patient, par équipe et par 24h. Toutefois, cette tarification forfaitaire des médecins libéraux exerçant en réanimation tient à la nature même de leur activité, qui s'exerce dans des conditions différentes des autres spécialités médicales.
6. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse porte atteinte au principe d'égalité.
7. D'autre part, le montant de l'indemnité forfaitaire pour une période de garde fixé par l'arrêté du 18 juin 2013 n'ayant ni pour objet ni pour effet de soumettre les médecins réanimateurs libéraux participant à la mission de permanence des soins en établissement de santé à des durées de travail excessives, la société requérante ne peut utilement soutenir que le refus de le revaloriser porterait atteinte au droit à la vie privée et familiale et au droit à la santé de ces derniers.
8. Il résulte de tout ce qui précède que l'Association des réanimateurs du secteur privé n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de la santé et de la prévention a rejeté sa demande de modification du montant de l'indemnité de garde versée aux médecins libéraux participant à la permanence des soins en établissement de santé.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de l'Association des réanimateurs du secteur privé est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association des réanimateurs du secteur privé et à la ministre de la santé et de l'accès aux soins.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 novembre 2024 où siégeaient : M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat, présidant ; M. Edouard Geffray, conseiller d'Etat et Mme Nejma Benmalek, auditrice-rapporteure.
Rendu le 12 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jean-Luc Nevache
La rapporteure :
Signé : Mme Nejma Benmalek
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly
N° 491489
ECLI:FR:CECHS:2024:491489.20241212
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
M. Jean-Luc Nevache, président
Mme Nejma Benmalek, rapporteure
M. Mathieu Le Coq, rapporteur public
Lecture du jeudi 12 décembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 février, 2 mai et 18 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des réanimateurs du secteur privé demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de la santé et de la prévention a rejeté sa demande de modification du montant de l'indemnité forfaitaire pour une période de garde assurée une nuit, un dimanche ou un jour férié prévu à l'article 1er de l'arrêté du 18 juin 2013 relatif aux montants et aux conditions de versement de l'indemnité forfaitaire aux médecins libéraux participant à la mission de permanence des soins en établissement de santé ;
2°) d'enjoindre à la ministre de la santé et de l'accès aux soins de revaloriser le montant de l'indemnité forfaitaire pour une période de garde assurée une nuit, un dimanche ou un jour férié versée aux médecins libéraux participant à la mission de permanence des soins en établissement de santé ou, à tout le moins, aux médecins réanimateurs libéraux participant à cette mission ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution,
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et l'indemnisation des gardes et des astreintes dans les établissements publics de santé ;
- l'arrêté du 20 avril 2011 relatif à la rémunération des médecins participant à la permanence des soins en médecine ambulatoire ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nejma Benmalek, auditrice,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté ministériel du 18 juin 2013 relatif aux montants et aux conditions de versement de l'indemnité forfaitaire aux médecins libéraux participant à la mission de permanence des soins en établissement de santé, le montant de l'indemnité forfaitaire versée à ce titre pour une période de garde assurée une nuit, un dimanche ou un jour férié est fixé à 229,00 ?.
2. D'une part, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
3. En premier lieu, l'association requérante soutient que le refus du ministre de la santé et de la prévention de revaloriser le montant de l'indemnité forfaitaire mentionnée au point 1 porte atteinte au principe d'égalité en instituant une différence de traitement entre les médecins libéraux et les personnels enseignants et hospitaliers, dont l'indemnité de garde a été revalorisée par un arrêté ministériel du 22 décembre 2023 modifiant l'arrêté ministériel du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et l'indemnisation des gardes et des astreintes dans les établissements publics de santé, pour atteindre un montant de 755,81 ?. Toutefois, contrairement à ce qu'allègue l'association requérante, les médecins libéraux qui participent à la mission de permanence des soins dans les établissements de santé ne sont, en tout état de cause, pas dans la même situation que les personnels enseignants et hospitaliers qui participent à cette mission dans les établissements de santé publics dont ils sont salariés, en particulier au regard de leur mode de rémunération, les médecins libéraux cumulant leur indemnité de garde avec les honoraires facturés pour les actes médicaux qu'ils réalisent pendant celle-ci.
4. En deuxième lieu, l'association requérante soutient que la décision litigieuse porte atteinte au principe d'égalité en instituant une différence de traitement entre les médecins libéraux selon qu'ils participent à la permanence des soins en établissement de santé prévue par l'article L. 6111-1-3 et les articles R. 6111-41 et suivants du code de la santé publique ou à la permanence des soins ambulatoires prévue par l'article L. 6314-1 et les articles R. 6315-1 et suivants de ce code, le montant minimal de l'indemnité d'astreinte versée dans le cadre de celle-ci pour une période équivalente ayant été revalorisée pour atteindre 180,00 ? par un arrêté ministériel du 24 décembre 2021 modifiant l'arrêté ministériel du 20 avril 2011 relatif à la rémunération des médecins participant à la permanence des soins en médecine ambulatoire. Toutefois, contrairement à ce qu'allègue l'association requérante, les médecins libéraux qui effectuent des astreintes dans le cadre de la permanence des soins ambulatoires ne sont pas dans la même situation que les médecins libéraux effectuant des gardes dans le cadre de la permanence des soins en établissement de santé, au regard notamment des conditions dans lesquelles ils exercent leur activité et des modalités de fixation de leur indemnité, les directeurs généraux des agences régionales de santé disposant, en application de l'article R. 6315-6 du code de la santé publique, du pouvoir de déterminer le montant de leur rémunération forfaitaire en fonction de sujétions particulières et des contraintes géographiques de la région.
5. En troisième lieu, l'association requérante soutient que la décision litigieuse porte atteinte au principe d'égalité en instituant une différence de traitement entre les médecins libéraux participant à la permanence des soins en établissement de santé selon qu'ils exercent ou non la spécialité de réanimation, les soins de réanimation étant principalement facturés sous la forme de forfait par patient, par équipe et par 24h. Toutefois, cette tarification forfaitaire des médecins libéraux exerçant en réanimation tient à la nature même de leur activité, qui s'exerce dans des conditions différentes des autres spécialités médicales.
6. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse porte atteinte au principe d'égalité.
7. D'autre part, le montant de l'indemnité forfaitaire pour une période de garde fixé par l'arrêté du 18 juin 2013 n'ayant ni pour objet ni pour effet de soumettre les médecins réanimateurs libéraux participant à la mission de permanence des soins en établissement de santé à des durées de travail excessives, la société requérante ne peut utilement soutenir que le refus de le revaloriser porterait atteinte au droit à la vie privée et familiale et au droit à la santé de ces derniers.
8. Il résulte de tout ce qui précède que l'Association des réanimateurs du secteur privé n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de la santé et de la prévention a rejeté sa demande de modification du montant de l'indemnité de garde versée aux médecins libéraux participant à la permanence des soins en établissement de santé.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de l'Association des réanimateurs du secteur privé est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association des réanimateurs du secteur privé et à la ministre de la santé et de l'accès aux soins.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 novembre 2024 où siégeaient : M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat, présidant ; M. Edouard Geffray, conseiller d'Etat et Mme Nejma Benmalek, auditrice-rapporteure.
Rendu le 12 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jean-Luc Nevache
La rapporteure :
Signé : Mme Nejma Benmalek
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly