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Ariane Web: Conseil d'État 474467, lecture du 23 octobre 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:474467.20241023

Décision n° 474467
23 octobre 2024
Conseil d'État

N° 474467
ECLI:FR:CECHR:2024:474467.20241023
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
Mme Nicole da Costa, rapporteure
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique
SCP ZRIBI, TEXIER, avocats


Lecture du mercredi 23 octobre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Les départements du Calvados, de la Manche et de l'Orne ont demandé, par trois requêtes distinctes, au tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 59 538 646 euros, 30 363 968 euros et 29 125 530 euros, assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en raison du préjudice subi en l'absence de compensation effective des charges résultant des revalorisations exceptionnelles du revenu de solidarité active. Par un jugement n°s 1800984, 1800986 et 1801239 du 8 mars 2022, ce tribunal a rejeté leurs demandes.

Par un arrêt n°s 22NT01414, 22NT01416, 22NT01417 du 24 mars 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté les appels formés respectivement par les départements du Calvados, de la Manche et de l'Orne contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 24 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les départements du Calvados, de la Manche et de l'Orne demandent ensemble au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 ;
- la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 ;
- le décret n° 2013-793 du 30 août 2013 ;
- le décret n° 2014-1127 du 3 octobre 2014 ;
- le décret n° 2015-1231 du 6 octobre 2015 ;
- le décret n° 2016-1726 du 29 septembre 2016 ;
- le décret n° 2017-739 du 4 mai 2017 ;
- l'arrêté du 2 décembre 2020 fixant le montant des accroissements de charges résultant pour les départements des revalorisations exceptionnelles du RSA ;
- la décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat des départements du Calvados, de la Manche et du département de L'Orne ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 octobre 2024, présentée par les départements du Calvados, de la Manche et de l'Orne ;



Considérant ce qui suit :

Sur le litige :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le cadre de la mise en oeuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, annoncé le 21 janvier 2013 par le Premier ministre, qui prévoyait une revalorisation exceptionnelle de 10% du revenu de solidarité active (RSA) en 5 ans, le Gouvernement a procédé, par les décrets des 30 août 2013, 3 octobre 2014, 6 octobre 2015, 29 septembre 2016 et 4 mai 2017, à des revalorisations successives exceptionnelles de 2% par an du montant forfaitaire du RSA. Par un jugement du 30 juin 2020, devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions implicites par lesquelles les ministres compétents ont rejeté les demandes des départements du Calvados, de la Manche et de l'Orne tendant à ce que soient édictés les arrêtés prévus par l'article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales et a enjoint au ministre de l'intérieur et au ministre de l'action et des comptes publics de prendre, dans un délai de six mois, un arrêté conjoint constatant le montant des dépenses nouvelles résultant des cinq décrets de 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017. Par un arrêté du 2 décembre 2020, les ministres compétents ont fixé, après avis du 21 octobre 2020 de la commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC) du Comité des finances locales, pour chaque département et collectivité à statut particulier exerçant les compétences habituellement dévolues au département, le coût annuel de ces revalorisations à compter du 1er septembre 2018.

2. Les départements du Calvados, de la Manche et de l'Orne ont saisi l'Etat de demandes indemnitaires en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de l'absence de compensation des charges nouvelles résultant des revalorisations successives du RSA depuis 2012. Les trois départements se pourvoient ensemble en cassation contre l'arrêt du 24 mars 2024 de la cour administrative d'appel de Nantes qui a rejeté leurs appels contre le jugement du 8 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes tendant à ce que l'Etat soit condamné au paiement d'une somme, à parfaire, respectivement de 59 538 646 euros, 30 363 968,50 euros et 29 125 530 euros.

Sur le pourvoi en cassation :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 731-3 du code de justice administrative : " A l'issue de l'audience, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré ". En vertu de l'article R. 741-2 du même code, la mention de la " production d'une note en délibéré " est au nombre des mentions obligatoires sur les décisions juridictionnelles. Enfin, aux termes de l'article R. 741-1 du même code : " Sous réserve des cas où elle est lue sur le siège, la décision est prononcée par sa mise à disposition au greffe de la juridiction ".

4. D'une part, il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est régulièrement saisi, à l'issue de l'audience, d'une note en délibéré émanant de l'une des parties, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant de rendre sa décision ainsi que de la viser, sans toutefois l'analyser dès lors qu'il n'est pas amené à rouvrir l'instruction et à la soumettre au débat contradictoire pour tenir compte des éléments nouveaux qu'elle contient. Il en va ainsi y compris dans le cas où la note en délibéré est enregistrée le jour même où est rendue la décision mais avant qu'elle ne soit prononcée par sa mise à disposition au greffe de la juridiction.

5. D'autre part, eu égard à l'objet de l'obligation prescrite par l'article R. 741-2 du code de justice administrative, qui est de permettre à l'auteur de la note en délibéré de s'assurer que la formation de jugement en a pris connaissance, la circonstance qu'une note en délibéré n'a pas été mentionnée dans la décision, en méconnaissance de cette obligation, ne peut être utilement invoquée pour contester cette décision que par la partie qui a produit cette note.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'après l'audience publique, qui s'est tenue le 3 mars 2022, le département du Calvados a adressé au tribunal administratif de Caen une note en délibéré datée du 8 mars 2022, enregistrée le même jour à 07h03 au greffe du tribunal et que le jugement attaqué a été prononcé par sa mise à disposition le 8 mars 2022, à 10h00, au greffe du tribunal. En jugeant que le tribunal administratif de Caen n'était pas tenu de viser cette note en délibéré, au motif qu'elle avait été enregistrée le jour même où le tribunal a rendu sa décision, alors qu'elle a été produite avant la mise à disposition de cette décision, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit, qui n'affecte toutefois le bien-fondé de son arrêt qu'en tant qu'il se prononce sur les droits du département du Calvados. En revanche, les départements de la Manche et de l'Orne, qui n'ont pas produit de note en délibéré devant ce tribunal administratif, ne pouvaient utilement se prévaloir de la même irrégularité.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales : " Tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'Etat et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux collectivités territoriales ou à leurs groupements des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. (...) Elles assurent la compensation intégrale des charges transférées ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 1614-2 du même code : " Toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par l'Etat, par voie réglementaire, des règles relatives à l'exercice des compétences transférées est compensée dans les conditions prévues à l'article L. 1614-1. Toutefois, cette compensation n'intervient que pour la partie de la charge qui n'est pas déjà compensée par l'accroissement de la dotation générale de décentralisation mentionnée à l'article L. 1614-4 ". Aux termes de l'article L. 1614-3 du même code : " Le montant des dépenses résultant des accroissements et diminutions de charges est constaté pour chaque collectivité par arrêté conjoint du ministre chargé de l'intérieur et du ministre chargé du budget, après avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges du Comité des finances locales, dans les conditions définies à l'article L. 1211-4-1 ". Enfin, aux termes de l'article L. 1614-5-1 du même code : " L'arrêté conjoint du ministre de l'Intérieur et du ministre chargé du budget constatant soit des accroissements ou diminutions de charges en application des dispositions de l'article L. 1614-3, (...) intervient dans les six mois de la publication des dispositions législatives ou réglementaires auxquelles il se rapporte ". Il résulte de ces dispositions que le montant des accroissements ou diminutions de charges résultant de chaque modification par voie réglementaire des compétences transférées aux collectivités territoriales doit être constaté par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé du budget, pris après avis de la commission consultative de l'évaluation des charges du Comité des finances locales, dans les six mois suivant la publication des dispositions modificatives.

8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour adopter l'arrêté du 2 décembre 2020, les ministres compétents ont retenu une méthodologie d'évaluation des accroissements de charges consistant à calculer isolément l'accroissement résultant de l'intervention de chacun des cinq décrets puis à agréger ces montants afin de procéder à une évaluation globale du coût de la réforme. Cet arrêté a ainsi fixé, pour l'ensemble des départements et collectivités compétents, le montant annuel des accroissements de charges résultant, à compter du 1er septembre 2018, du cumul des revalorisations exceptionnelles du RSA intervenues entre 2013 et 2017, et a évalué ce coût annuel à 10 694 998 euros pour le département du Calvados, à 5 505 861 euros pour le département de la Manche et à 5 235 510 euros pour le département de l'Orne. En se bornant à mentionner ce montant global des accroissements de charges tel qu'il résulte de l'ensemble des modifications sans préciser, de manière distincte et dans les délais impartis, le montant résultant de chacune des revalorisations intervenues entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2018, les ministres signataires de l'arrêté ont méconnu les dispositions mentionnées au point précédent.

9. En dernier lieu, toutefois, il ne résulte pas de ces mêmes dispositions que l'arrêté constatant les accroissements de charges aurait pour objet de décider du versement effectif par l'Etat des sommes qu'il mentionne. Il s'ensuit que les éventuelles fautes commises dans l'adoption de cet arrêté ne sauraient, en tout état de cause, être à l'origine du préjudice invoqué par les départements requérants, consistant en l'absence de compensation de ces accroissements de charges. C'est dès lors sans inexactement qualifier les fait de l'espèce que la cour administrative d'appel a retenu que les départements requérants n'établissaient pas de lien de causalité direct et certain entre le préjudice financier invoqué et la carence de l'Etat à prendre l'arrêté dans les conditions prescrites. Ce dernier motif suffit à justifier le dispositif de l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur les droits des départements de la Manche et de l'Orne.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les départements requérants ne sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué qu'en tant qu'il se prononce sur les droits du département du Calvados.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, dans la mesure de la cassation prononcée.

Sur le règlement au fond :

En ce qui concerne la régularité du jugement du tribunal administratif :

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 6, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, que le département du Calvados est fondé à soutenir que le jugement attaqué, dont les visas ne font pas mention de la note en délibéré qu'il a produite, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

13. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le département du Calvados devant le tribunal administratif de Caen.

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

14. En vertu de l'article 72 de la Constitution de 1958, les collectivités territoriales s'administrent librement. Aux termes de l'article 72-2 de la Constitution : " Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. (...) Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. (...) ".

15. En premier lieu, si le département du Calvados soutient avoir subi un préjudice financier à raison du défaut de compensation des mesures de revalorisation exceptionnelle du montant forfaitaire du RSA mises en oeuvre par les cinq décrets cités au point 1, ces mesures ne constituent pas des créations ou extensions de compétences au sens de l'article 72-2 de la Constitution. Dès lors, le département requérant n'est pas fondé à soutenir que l'Etat aurait commis une faute en ne respectant pas l'obligation de compensation prévue par cet article.

16. En deuxième lieu, le département du Calvados ne démontre pas en quoi les conditions de financement du surcoût des revalorisations exceptionnelles du RSA auraient contribué à dégrader le dispositif de financement de cette allocation. Dès lors, il n'est pas davantage fondé à soutenir que les revalorisations exceptionnelles du RSA adoptées par l'Etat auraient eu pour effet de dénaturer le principe de libre administration des collectivités territoriales tel qu'il est défini par l'article 72 de la Constitution.

17. En troisième lieu, les cinq décrets cités au point 1 portant revalorisation exceptionnelle du montant forfaitaire du RSA modifient les règles relatives à l'exercice de compétences transférées, au sens des dispositions du second alinéa de l'article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales. Si ces dernières dispositions prévoient la compensation des charges nouvelles résultant d'un transfert de compétences, elles ne subordonnent pas pour autant la légalité de ce transfert à l'intervention d'une telle compensation. Par suite, le moyen tiré de ce que l'Etat aurait commis une faute en s'abstenant, en méconnaissance de l'article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales, de prévoir la compensation des charges nouvelles résultant de ces décrets lors de leur adoption doit être écarté.

18. En quatrième lieu, aux termes de l'article 196 de la loi de finances pour 2020 : " I. - Les ressources attribuées aux départements en application du dispositif de compensation péréquée et du fonds de solidarité en faveur des départements prévus, respectivement, aux articles L. 3334-16-3 et L. 3335-3 du code général des collectivités territoriales ainsi que les recettes résultant du relèvement, au-delà de 3,8 %, du taux de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement intervenu en application du second alinéa de l'article 1594 D du code général des impôts assurent, pour chaque département, la compensation des dépenses exposées au titre des revalorisations exceptionnelles du montant forfaitaire de l'allocation prévue aux articles L. 262-2 et L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles, résultant des décrets n° 2013-793 du 30 août 2013, n° 2014-1127 du 3 octobre 2014, n° 2015-1231 du 6 octobre 2015, n° 2016-1276 du 29 septembre 2016 et n° 2017-739 du 4 mai 2017 portant revalorisation du montant forfaitaire du revenu de solidarité active. / (...) III. - Les ressources issues, du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2019, du dispositif de compensation péréquée et du fonds de solidarité en faveur des départements mentionnés au I, ainsi que celles que les départements pouvaient tirer du relèvement, au-delà de 3,8 %, du taux de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement, ont eu pour objet la compensation des dépenses qu'ils ont exposées, du 1er septembre 2013 au 31 août 2019, en application des revalorisations exceptionnelles du montant forfaitaire de l'allocation prévue aux articles L. 262-2 et L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles, résultant des décrets mentionnés au I du présent article ".

19. D'une part, il résulte de ces dispositions que les dispositifs de compensation prévus par les articles 42, 77 et 78 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 relatifs, respectivement, au dispositif de compensation péréquée, à la faculté de porter de 3,8 à 4,5% le taux plafond des droits de mutation à titre onéreux et au fonds de solidarité en faveur des départements doivent être regardés comme assurant la compensation des charges qui ont résulté à compter du 1er septembre 2013, pour les départements, des revalorisations exceptionnelles du montant forfaitaire du RSA. Si le département du Calvados soutient que l'intention du législateur, lors de la création de ces dispositifs par la loi de finances initiale pour 2014, n'était pas de compenser spécifiquement ces charges et que la portée rétroactive du III de l'article 196 de la loi de finances initiale pour 2020 méconnaît cette intention, il résulte en tout état de cause des motifs de la décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019 du Conseil constitutionnel, qui a déclaré les dispositions du III de l'article 196 conformes à la Constitution, que ces dispositions ont un caractère interprétatif et se bornent à confirmer l'objet que le législateur a entendu donner dès l'origine aux dispositifs en cause. Dans ces conditions, pour déterminer si l'Etat a respecté ses obligations de compensation des charges résultant des cinq décrets de revalorisation exceptionnelle, il convient de comparer les accroissements résultant de ces revalorisations et les ressources tirées de ces dispositifs de compensation.

20. D'autre part, il résulte de l'instruction que pour le département du Calvados, le montant de ces ressources nouvelles excède, pour les années concernées, celui du surcoût des mesures de revalorisation exceptionnelle, le département requérant se prévalant seulement de ce que ce montant serait en revanche insuffisant pour compenser l'accroissement des charges correspondant également à d'autres allocations individuelles de solidarité. Dès lors, compte tenu de ce qui a été dit au point 19, l'Etat n'a méconnu aucune des obligations de compensation qui s'imposent à lui et n'a pas davantage, en tout état de cause, méconnu son propre engagement de procéder à la compensation.

21. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que la méconnaissance par l'Etat des prescriptions régissant le délai d'intervention et le contenu de l'arrêté constatant les accroissements de charges résultant des revalorisations successives du RSA n'est pas de nature, par elle-même, à ouvrir droit à réparation du préjudice invoqué.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la demande du département du Calvados doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 24 mars 2023 est annulé en tant qu'il se prononce sur les droits du département du Calvados.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 8 mars 2022 est annulé en tant qu'il se prononce sur la demande du département du Calvados.
Article 3 : La demande du département du Calvados devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi des départements du Calvados, de la Manche et de l'Orne est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au département du Calvados, au département de la Manche, au département de l'Orne, à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation et au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 4 octobre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Jonathan Bosredon, M. Géraud Sajust de Bergues, Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 23 octobre 2024.


Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Nicole da Costa
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin




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