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Ariane Web: Conseil d'État 473854, lecture du 26 juin 2024, ECLI:FR:CECHS:2024:473854.20240626

Décision n° 473854
26 juin 2024
Conseil d'État

N° 473854
ECLI:FR:CECHS:2024:473854.20240626
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme Gaëlle Dumortier, présidente
M. Cyril Noël, rapporteur
M. Thomas Janicot, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER;VIDAL AVOCATS;AARPI CHOLEY & VIDAL AVOCATS;CABINET AUBER, avocats


Lecture du mercredi 26 juin 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 473854, par un jugement n° RG 22/00055 du 27 avril 2023, enregistré le 5 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal judiciaire de Privas a sursis à statuer dans le litige opposant Mme E... G... à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche et saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité des articles 1er et 2 du décret n° 2020-1807 du 30 décembre 2020 relatif à la mise en oeuvre de l'aide aux acteurs de santé conventionnés dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19.

Par un mémoire, enregistré le 28 juillet 2023, Mme G... demande au Conseil d'Etat de déclarer que les articles 1er et 2 du décret du 30 décembre 2020 sont entachés d'illégalité et de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche et de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° Sous le n° 488285, par un jugement n° RG 22/00092 du 11 septembre 2023, enregistré le 14 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal judiciaire de Nîmes a sursis à statuer dans le litige opposant M. K... J... à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard et saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité des articles 1er et 2 du décret n° 2020-1807 du 30 décembre 2020 relatif à la mise en oeuvre de l'aide aux acteurs de santé conventionnés dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19.

Par un mémoire, enregistré le 18 octobre 2023, M. J... demande au Conseil d'Etat de déclarer que les articles 1er et 2 du décret du 30 décembre 2020 sont entachés d'illégalité et de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard et de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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3° Sous le n° 488578, par un jugement n° RG 22/00093 du 14 septembre 2023, enregistré le 27 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal judiciaire de Tarbes a sursis à statuer dans le litige opposant Mme A... M... à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion et saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité des articles 1er et 2 du décret n° 2020-1807 du 30 décembre 2020 relatif à la mise en oeuvre de l'aide aux acteurs de santé conventionnés dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19.

Par un mémoire, enregistré le 22 novembre 2023, le ministre de la santé et de la prévention demande au Conseil d'Etat de déclarer que les articles 1er et 2 du décret du 30 décembre 2020 ne sont pas entachés d'illégalité. Il soutient que les moyens de Mme M... retenus par le tribunal judiciaire de Tarbes pour justifier son renvoi ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 18 janvier 2024, Mme M... demande au Conseil d'Etat de déclarer que les articles 1er et 2 du décret du 30 décembre 2020 sont entachés d'illégalité et de mettre à la charge de la caisse générale de la sécurité sociale de La Réunion et de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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4° Sous le n° 491517, par un jugement n° RG 23/00045 du 2 février 2024, enregistré le 6 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a sursis à statuer dans le litige opposant Mme B... N... à la caisse générale de la sécurité sociale de la Martinique et saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité des articles 1er et 2 du décret n° 2020-1807 du 30 décembre 2020 relatif à la mise en oeuvre de l'aide aux acteurs de santé conventionnés dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19.

Par un mémoire, enregistré le 22 février 2024, Mme N... demande au Conseil d'Etat de déclarer que les articles 1er et 2 du décret du 30 décembre 2020 sont entachés d'illégalité et de mettre à la charge de la caisse générale de la sécurité sociale de la Martinique et de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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5° Sous le n° 491602, par une ordonnance n° 2303737 du 6 février 2024, enregistrée le 8 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le jugement n° RG 23/00571 du 28 décembre 2023 par lequel le tribunal judiciaire de Nancy a sursis à statuer dans le litige opposant M. D... F... à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle et saisi le juge administratif de la question de la légalité, d'une part, de l'ordonnance n° 2020-505 du 2 mai 2020 instituant une aide aux acteurs de santé conventionnés dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19 et, d'autre part, du décret n° 2020-1807 du 30 décembre 2020 relatif à la mise en oeuvre de l'aide aux acteurs de santé conventionnés dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19.

Par un mémoire, enregistré le 6 mars 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités demande au Conseil d'Etat de déclarer que l'ordonnance du 2 mai 2020 et le décret du 30 décembre 2020 ne sont pas entachés d'illégalité. ll soutient que les moyens de M. F... retenus par le tribunal judiciaire de Nancy pour justifier son renvoi ne sont pas fondés

Par un mémoire, enregistré le 22 mars 2024, M. F... demande au Conseil d'Etat de déclarer que l'ordonnance du 2 mai 2020 et le décret du 30 décembre 2020 sont entachés d'illégalité.



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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-309 du 25 mars 2020 ;
- l'arrêté du 6 mai 2020 relatif à la garantie de financement des établissements de santé pour faire face à l'épidémie du covid-19 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche et de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de M. F... ;



Considérant ce qui suit :

1. D'une part, par quatre jugements, le tribunal judiciaire de Privas, le tribunal judiciaire de Nîmes, le tribunal judiciaire de Tarbes et le tribunal judiciaire de Fort-de-France, saisis de litiges opposant respectivement Mme G..., M. J..., Mme M... et Mme N... à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard, à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion et à la caisse générale de la sécurité sociale de la Martinique, ont sursis à statuer et saisi le Conseil d'Etat de la question, identique, de la légalité des articles 1er et 2 du décret du 30 décembre 2020 relatif à la mise en oeuvre de l'aide aux acteurs de santé conventionnés dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19. D'autre part, par un jugement du 14 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Nancy, saisi d'un litige opposant M. F... à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, a sursis à statuer et saisi le juge administratif de la question de la légalité du même décret, ainsi que de l'ordonnance du 2 mai 2020 instituant une aide aux acteurs de santé conventionnés dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19. Il y a lieu de joindre ces questions, qui portent notamment sur la légalité du même décret, pour y statuer par une seule décision.

Sur les interventions :

2. La Fédération des médecins de France a pour membres des syndicats départementaux et régionaux de médecins ainsi que des médecins et a pour but notamment d'assurer la coordination des actions de défense professionnelle et de représenter ses adhérents auprès des pouvoirs publics. Elle justifie donc d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions de Mme G... sous le n° 473854. Son intervention est dès lors recevable.

3. Mme I..., Mme P... et M. C... ont, dans le cadre de litiges auxquels ils sont parties, excipé de l'illégalité des articles 1er et 2 du décret du 30 décembre 2020 devant, respectivement, le tribunal judiciaire de Toulouse, le tribunal judiciaire de Périgueux et le tribunal judiciaire de Mulhouse, qui ont sursis à statuer dans l'attente de la présente décision. Il s'ensuit que Mme I... justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions de Mme G... sous le n° 473854 et que Mme P... et M. C... justifient d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions de Mme G... sous le n° 473854 et de M. J... sous le n° 488285. Leurs interventions sont dès lors recevables.

Sur le cadre juridique :

4. L'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 prévoit que : " I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi (...) : / 1° Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l'emploi, en prenant toute mesure : a) D'aide directe ou indirecte à ces personnes dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place de mesures de soutien à la trésorerie de ces personnes ainsi que d'un fonds (...) ".

5. Sur le fondement de cette habilitation, le Gouvernement a pris l'ordonnance du 2 mai 2020, dont l'appréciation de la légalité est soumise au Conseil d'Etat, en vertu de laquelle la Caisse nationale de l'assurance maladie a financé, par un fonds d'aide aux professionnels de santé conventionnés, un dispositif d'indemnisation de la perte d'activité (DIPA) permettant à ces professionnels de couvrir leurs charges malgré la baisse de leur activité au cours de la période allant du 12 mars 2020 jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2020. Le décret du 30 décembre 2020, pris pour l'application de cette ordonnance, dont l'appréciation de la légalité est également soumise au Conseil d'Etat, a précisé les modalités de calcul de cette aide ainsi que la période d'activité qu'elle couvre.

Sur la légalité de l'ordonnance du 2 mai 2020 :

6. L'article 1er de l'ordonnance du 2 mai 2020 prévoit que : " La Caisse nationale de l'assurance maladie gère un fonds d'aide aux professionnels de santé conventionnés dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19. L'aide vise, afin de garantir le bon fonctionnement du système de soins, à préserver la viabilité de ces professionnels en leur permettant de couvrir leurs charges malgré la baisse de leur activité au cours de la période allant du 12 mars 2020 jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2020. / Peuvent bénéficier, sur leur demande, de cette aide les professionnels de santé, les centres de santé et les prestataires exerçant leur activité dans le cadre des conventions prévues aux articles L. 162-5, L. 162-9, L. 162-12-2, L. 162-12-9, L. 162-14, L. 162-16-1, L. 162-32-1, L. 165-6, L. 322-5 et L. 322-5-2 du code de la sécurité sociale et dont les revenus d'activité sont financés pour une part majoritaire par l'assurance maladie. (...) " L'article 2 de cette ordonnance dispose que : " L'aide tient compte du niveau moyen des charges fixes de la profession, en fonction, le cas échéant, de la spécialité médicale et des conditions d'exercice et du niveau de la baisse des revenus d'activité du demandeur financés par l'assurance maladie. / Il est également tenu compte : / - des indemnités journalisées versées au demandeur par les régimes de sécurité sociale depuis le 12 mars 2020 ; / - des allocations d'activité partielle perçues depuis la même date pour ses salariés en application des dispositions de l'article L. 5122-1 du code du travail ; / - des aides versées par le fonds de solidarité prévu par l'ordonnance du 25 mars 2020 (...) ". Enfin, l'article 3 de cette ordonnance précise que l'aide peut faire l'objet d'acomptes et que la Caisse nationale de l'assurance maladie arrête le montant définitif de l'aide au vu de la baisse des revenus d'activité effectivement subie par le demandeur et procède, s'il y a lieu, au versement du solde ou à la récupération du trop-perçu et son article 5 renvoie ses modalités d'application à un décret.

7. Lorsque le délai d'habilitation est expiré, la contestation, au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, des dispositions d'une ordonnance relevant du domaine de la loi n'est recevable qu'au travers d'une question prioritaire de constitutionnalité, qui doit être transmise au Conseil constitutionnel si les conditions fixées par les articles 23-2, 23-4 et 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 sont remplies. La circonstance qu'une question prioritaire de constitutionnalité puisse, dans une telle hypothèse, être soulevée, ne saurait cependant faire obstacle à ce que le juge statue sur la légalité d'une ordonnance, notamment en réponse à une question préjudicielle qui lui est posée, pour d'autres motifs. A ce titre, le requérant a le choix des moyens qu'il entend soulever, en particulier lorsque des principes voisins peuvent trouver leur source dans la Constitution, dans des engagements internationaux ou dans des principes généraux du droit. A défaut de précision quant à la source du principe invoqué, il appartient au juge d'opérer son contrôle au regard de la norme de référence la plus conforme à l'argumentation dont il est saisi et à la forme de sa présentation.

8. En l'espèce, le moyen invoqué par M. F... que le tribunal judiciaire de Nancy a retenu pour justifier le renvoi d'une question préjudicielle en appréciation de la légalité de l'ordonnance du 2 mai 2020 est tiré de la méconnaissance du principe général d'égalité. Aucune atteinte au principe d'égalité ne saurait toutefois résulter de ce que l'aide instituée par l'ordonnance attaquée en faveur des professionnels de santé conventionnés vise, non à leur assurer une garantie minimale de recettes comme c'est le cas pour l'aide instituée en faveur des établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique par l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la garantie de financement des établissements de santé et aux régimes complémentaires obligatoires de sécurité sociale, mais à leur permettre de couvrir leurs charges malgré la baisse de leur activité au cours de la période prévue.

Sur la légalité du décret du 30 décembre 2020 :

9. En premier lieu, l'ordonnance du 2 mai 2020 impose au pouvoir réglementaire, auquel elle renvoie la fixation des modalités d'application de l'aide qu'elle institue, que celle-ci permette aux professionnels conventionnés de couvrir leurs charges malgré la baisse de leur activité au cours de la période allant du 12 mars 2020 jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2020.

10. D'une part, en prévoyant que, pour les professionnels de santé, les centres de santé et les prestataires visés à l'article 1er de l'ordonnance du 2 mai 2020, l'aide permettrait de couvrir les charges fixes pour la période du 16 mars 2020 au 30 juin 2020, l'article 1er du décret du 30 décembre 2020 n'a pas méconnu les dispositions de l'ordonnance dès lors que la date du 16 mars 2020, à laquelle le Président de la République a annoncé la mise en place d'un confinement national, est celle à partir de laquelle ces professionnels sont susceptibles d'avoir subi une baisse de leur activité compromettant la couverture de leurs charges.

11. D'autre part, la formule de calcul du montant de l'aide fixée à l'article 2 du décret consiste à appliquer le taux de charges fixes moyen du professionnel à un montant évaluant sa baisse d'activité sur cette période, en retirant du résultat obtenu le montant des indemnités, des allocations et des aides mentionnées à l'article 2 de l'ordonnance du 2 mai 2020, perçues ou à percevoir au titre de la même période. En prenant en compte, pour évaluer cette baisse d'activité, la différence entre le montant des honoraires sans dépassement facturés par le professionnel durant cette période et le montant des honoraires perçus en 2019, non pas comme pour 2020 tels qu'ils ont été facturés au cours de la même période de l'année, mais tels qu'ils ont été perçus en 2019 et réduits à due proportion de cette même période, l'article 2 du décret du 30 décembre 2020 n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a, ce faisant, fixé une méthode d'évaluation de la baisse d'activité permettant de rapporter les honoraires constatés sur la période concernée de 2020 à un montant moyen, à même d'être représentatif de l'activité habituelle du professionnel.

12. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le montant des rémunérations forfaitaires versées aux professionnels de santé, en plus des honoraires sans dépassement qu'ils facturent, aurait été affecté de manière significative par la baisse d'activité subie par les professionnels durant cette période. Par suite, le pouvoir réglementaire pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'ordonnance du 2 mai 2020, ne se fonder, pour évaluer la baisse d'activité, que sur les honoraires sans dépassement facturés ou à facturer par ces professionnels, sans inclure également les rémunérations forfaitaires perçues au cours de ces périodes.

13. En deuxième lieu, les dispositions de l'ordonnance du 2 mai 2020 ont déterminé les bénéficiaires de l'aide et les éléments dont cette aide devait tenir compte, sans toutefois en indiquer les modalités de calcul qui, conformément à l'article 5 de l'ordonnance, devaient être précisées par décret. Si, afin de soutenir rapidement les professionnels de santé, il a été prévu, à l'article 3 de l'ordonnance, que l'aide serait versée sous forme d'acomptes, il était également spécifié que la Caisse nationale de l'assurance maladie, une fois le montant définitif de l'aide arrêté, procéderait s'il y a lieu au versement du solde ou à la récupération du trop-perçu au plus tard le 1er juillet 2021. Il s'ensuit que les acomptes d'aide versés avant l'intervention du décret du 30 décembre 2020 l'ont été à titre provisoire, ce que ne pouvaient ignorer les professionnels de santé en ayant bénéficié. Par suite, ce décret, en dépit du fait qu'il est venu préciser les modalités de calcul de l'aide plusieurs mois après les versements d'acomptes et sans reprendre à l'identique les critères retenus à titre provisoire pour ces versements, ce qui a conduit à des récupérations de trop-perçus, n'a pas porté une atteinte excessive aux intérêts des professionnels concernés par ces régularisations et n'a méconnu aucune espérance légitime de bénéficier d'une aide d'un montant supérieur. Il s'ensuit que le décret du 30 décembre 2020, en précisant les modalités de calcul de l'aide instituée par l'ordonnance du 2 mai 2020, n'a porté aucune atteinte au principe de sécurité juridique et n'a pas méconnu l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de déclarer que les exceptions d'illégalité soulevées ne sont pas fondées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard et de la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion, qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a par ailleurs pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche et la caisse primaire d'assurance maladie du Gard au titre des mêmes dispositions.



D E C I D E :
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Article 1 : Les interventions de la Fédération des médecins de France, de Mme I..., de Mme P... et de M. C... sont admises.
Article 2 : Il est déclaré que l'exception d'illégalité de l'ordonnance du 2 mai 2020 n'est pas fondée.
Article 3 : Il est déclaré que les exceptions d'illégalité du décret du 30 décembre 2020 ne sont pas fondées.
Article 4 : Les conclusions présentées par les parties et par les intervenants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme E... G..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, à M. K... J..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard, à Mme A... M..., à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, à Mme N..., à la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique, à M. H... F..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle, à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, à la Fédération des médecins de France, à Mme O... I..., à Mme L... P... et à M. H... C....
Copie en sera adressée au Premier ministre, au président du tribunal judiciaire de Privas, au président du tribunal judiciaire de Nîmes, au président du tribunal judiciaire de Tarbes, au président du tribunal judiciaire de Fort-de-France et au président du tribunal judiciaire de Nancy.