Conseil d'État
N° 493397
ECLI:FR:CEORD:2024:493397.20240423
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
Lecture du mardi 23 avril 2024
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle la Première ministre a refusé d'abroger les articles 189 et 193 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre une circulaire précisant que, dans l'attente de la décision au fond, le droit au silence doit être notifié aux avocats poursuivis dans le cadre des articles 189 et 193 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;
3°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé d'abroger la circulaire n° CIV/05/22 du 9 novembre 2022 ;
4°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de prendre une circulaire précisant que, dans l'attente de la décision au fond, le droit au silence doit être notifié aux avocats poursuivis dans le cadre des articles 189 et 193 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision du conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Paris sur la procédure disciplinaire dont elle fait l'objet sera rendue le 7 mai 2024 ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;
- les dispositions dont l'abrogation a été sollicitée sont entachées d'illégalité en ce qu'elles n'imposent pas que le droit de garder le silence soit notifié à l'avocat faisant l'objet d'une procédure disciplinaire, en méconnaissance des exigences découlant de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Mme A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre l'exécution des décisions implicites par lesquelles la Première ministre et le garde des sceaux, ministre de la justice ont, respectivement, rejeté ses demandes d'abrogation, d'une part, des articles 189 et 193 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, prévoyant notamment, s'agissant de la procédure disciplinaire, que " l'avocat poursuivi peut demander à être entendu " par le rapporteur au cours de l'instruction et que, lors de l'audience, " l'avocat poursuivi comparaît en personne ", qu'il " peut se faire assister par un avocat " et qu'il " a la parole en dernier " et, d'autre part, des dispositions correspondantes du V et du VII de la fiche 3, relative à la procédure disciplinaire, portant sur l'instruction par le rapporteur et le jugement, de la circulaire du 9 novembre 2022 de présentation de la réforme de la discipline des avocats, en tant que ces articles du décret du 27 novembre 1991 et ces dispositions de la circulaire du 9 novembre 2022 ne prévoient pas une notification de son droit au silence, au stade de son audition éventuelle par le rapporteur et au stade de sa comparution à l'audience, à l'avocat faisant l'objet d'une procédure disciplinaire.
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'une décision administrative lorsque l'exécution de celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de la décision litigieuse sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de cette décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
4. Pour justifier que la condition d'urgence serait, en l'espèce, satisfaite, Mme A... se borne à faire valoir qu'elle est avocate et qu'elle fait actuellement l'objet de poursuites disciplinaires, au titre desquelles elle a été convoquée à une audience de jugement le 2 avril 2024 et dont le délibéré est fixé au 7 mai 2024. Toutefois, alors qu'elle apparaît n'avoir jamais ignoré le droit au silence dont elle dispose, elle ne soutient aucunement qu'elle aurait été conduite, au cours de la procédure pendante, lors de laquelle elle n'a pu être entendue par le rapporteur, si tel a été le cas, qu'à sa demande, et dont elle ne précise pas si elle a été présente à l'audience, à contribuer d'une quelconque manière à sa propre incrimination faute d'avoir été informée de ce droit. Elle ne caractérise ainsi pas l'atteinte suffisamment grave et immédiate qui serait portée à sa situation par le refus de compléter les textes organisant la procédure disciplinaire de la profession d'avocat pour y prévoir une notification à l'avocat poursuivi de son droit au silence. Il en résulte que la suspension de l'exécution des décisions en litige ne peut être regardée comme présentant un caractère d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.
5. Il y a lieu, dès lors, de rejeter sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A....
Fait à Paris, le 23 avril 2024
Signé : Gaëlle Dumortier
N° 493397
ECLI:FR:CEORD:2024:493397.20240423
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
Lecture du mardi 23 avril 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle la Première ministre a refusé d'abroger les articles 189 et 193 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre une circulaire précisant que, dans l'attente de la décision au fond, le droit au silence doit être notifié aux avocats poursuivis dans le cadre des articles 189 et 193 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;
3°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé d'abroger la circulaire n° CIV/05/22 du 9 novembre 2022 ;
4°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de prendre une circulaire précisant que, dans l'attente de la décision au fond, le droit au silence doit être notifié aux avocats poursuivis dans le cadre des articles 189 et 193 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision du conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Paris sur la procédure disciplinaire dont elle fait l'objet sera rendue le 7 mai 2024 ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;
- les dispositions dont l'abrogation a été sollicitée sont entachées d'illégalité en ce qu'elles n'imposent pas que le droit de garder le silence soit notifié à l'avocat faisant l'objet d'une procédure disciplinaire, en méconnaissance des exigences découlant de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Mme A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre l'exécution des décisions implicites par lesquelles la Première ministre et le garde des sceaux, ministre de la justice ont, respectivement, rejeté ses demandes d'abrogation, d'une part, des articles 189 et 193 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, prévoyant notamment, s'agissant de la procédure disciplinaire, que " l'avocat poursuivi peut demander à être entendu " par le rapporteur au cours de l'instruction et que, lors de l'audience, " l'avocat poursuivi comparaît en personne ", qu'il " peut se faire assister par un avocat " et qu'il " a la parole en dernier " et, d'autre part, des dispositions correspondantes du V et du VII de la fiche 3, relative à la procédure disciplinaire, portant sur l'instruction par le rapporteur et le jugement, de la circulaire du 9 novembre 2022 de présentation de la réforme de la discipline des avocats, en tant que ces articles du décret du 27 novembre 1991 et ces dispositions de la circulaire du 9 novembre 2022 ne prévoient pas une notification de son droit au silence, au stade de son audition éventuelle par le rapporteur et au stade de sa comparution à l'audience, à l'avocat faisant l'objet d'une procédure disciplinaire.
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'une décision administrative lorsque l'exécution de celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de la décision litigieuse sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de cette décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
4. Pour justifier que la condition d'urgence serait, en l'espèce, satisfaite, Mme A... se borne à faire valoir qu'elle est avocate et qu'elle fait actuellement l'objet de poursuites disciplinaires, au titre desquelles elle a été convoquée à une audience de jugement le 2 avril 2024 et dont le délibéré est fixé au 7 mai 2024. Toutefois, alors qu'elle apparaît n'avoir jamais ignoré le droit au silence dont elle dispose, elle ne soutient aucunement qu'elle aurait été conduite, au cours de la procédure pendante, lors de laquelle elle n'a pu être entendue par le rapporteur, si tel a été le cas, qu'à sa demande, et dont elle ne précise pas si elle a été présente à l'audience, à contribuer d'une quelconque manière à sa propre incrimination faute d'avoir été informée de ce droit. Elle ne caractérise ainsi pas l'atteinte suffisamment grave et immédiate qui serait portée à sa situation par le refus de compléter les textes organisant la procédure disciplinaire de la profession d'avocat pour y prévoir une notification à l'avocat poursuivi de son droit au silence. Il en résulte que la suspension de l'exécution des décisions en litige ne peut être regardée comme présentant un caractère d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.
5. Il y a lieu, dès lors, de rejeter sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A....
Fait à Paris, le 23 avril 2024
Signé : Gaëlle Dumortier