Conseil d'État
N° 470279
ECLI:FR:CECHR:2024:470279.20240408
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Eric Buge, rapporteur
M. Thomas Janicot, rapporteur public
SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX, avocats
Lecture du lundi 8 avril 2024
Vu la procédure suivante :
Le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir le refus opposé par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à sa demande du 19 octobre 2017 tendant à la modification des conditions de prescription des cinq spécialités pharmaceutiques Enbrel, Humira, Stelara, Cosentyx et Taltz. Par un jugement n° 1802205 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 19VE01913 du 8 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 9 janvier, 11 avril et 2 octobre 2023 et le 12 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues demande au Conseil d'Etat :
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 ;
- la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues a demandé au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, par un courrier du 19 octobre 2017, de modifier les conditions de prescription des cinq spécialités pharmaceutiques Enbrel, Humira, Stelara, Cosentyx et Taltz, afin qu'elles ne soient plus classées dans la catégorie des médicaments soumis à prescription initiale hospitalière obligatoire, tout en en réservant la prescription aux médecins spécialistes de dermatologie-vénérologie. Par un jugement du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande formée par ce syndicat contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles qui a rejeté son appel.
2. D'une part, le règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures de l'Union pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et instituant une Agence européenne des médicaments détermine les conditions dans lesquelles un médicament peut bénéficier d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Union européenne. Le b) du paragraphe 4 de son article 9 prévoit qu'est notamment annexé à l'avis du comité des médicaments à usage humain, lorsqu'il est favorable à la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché du médicament concerné, le détail des conditions dans lesquelles il peut être fourni aux patients, conformément aux critères fixés par le titre VI de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 70 du titre VI, relatif à la classification des médicaments, de cette directive : " Les autorités compétentes peuvent fixer des sous-catégories pour les médicaments qui ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale. Dans ce cas, elles se réfèrent à la classification suivante : / a) médicaments sur prescription médicale à délivrance renouvelable ou non renouvelable ; / b) médicaments soumis à prescription médicale spéciale ; / c) médicaments sur prescription médicale dite " restreinte ", réservés à certains milieux spécialisés. " L'article 71 du même titre VI précise les éléments dont tiennent compte les Etats membres qui prévoient les sous-catégories de médicaments soumis à prescription médicale spéciale, d'une part, et de médicaments soumis à prescription médicale restreinte, d'autre part. L'article 57 de la même directive autorise les Etats membres à exiger le recours à certaines modalités d'étiquetage du médicament permettant notamment " l'indication du statut légal de délivrance au patient, conformément au titre VI " de la directive.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 5121-77 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " L'autorisation de mise sur le marché, l'autorisation temporaire d'utilisation ou l'autorisation d'importation d'un médicament peut classer celui-ci dans une des catégories de médicaments soumis à prescription restreinte suivantes : / 1° Médicament réservé à l'usage hospitalier ; / 2° Médicament à prescription hospitalière ; / 3° Médicament à prescription initiale hospitalière ; / 4° Médicament à prescription réservée à certains médecins spécialistes ; / 5° Médicament nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement. " Les articles R. 5121-82, R. 5121-84, R. 5121-87, R. 5121-90 et R. 5121-93 de ce code déterminent les conditions respectives dans lesquelles un médicament est classé dans chacune de ces catégories.
4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la Commission européenne, dans le cas d'une autorisation de mise sur le marché centralisée, de déterminer les conditions de prescription du médicament au titre de l'article 70 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 et, à ce titre, de décider le cas échéant de le soumettre à prescription médicale restreinte. Dans le cas où il a été ainsi décidé de soumettre un médicament à une prescription médicale restreinte, il revient au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, dans le respect de ces conditions de prescription, de classer ce médicament dans l'une des catégories de médicaments soumis à prescription restreinte figurant à l'article R. 5121-77 du code de la santé publique.
5. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé était compétent pour déterminer le classement dans l'une des catégories de médicaments soumis à prescription restreinte prévues par l'article R. 5121-77 du code de la santé publique de ces spécialités ayant bénéficié d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par la Commission européenne, laquelle prévoit une prescription restreinte. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en ne relevant pas d'office le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, comme il a été dit, les autorisations de mise sur le marché des spécialités en cause délivrées par l'Union européenne prévoient une prescription médicale restreinte, au sens du c) du paragraphe 2 de l'article 70 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001. La circonstance que " le médicament est utilisé dans le traitement de maladies qui doivent être diagnostiquées en milieu hospitalier ou dans des établissements disposant de moyens de diagnostic adéquats, mais [que] l'administration et le suivi peuvent se faire hors de l'hôpital " est au nombre des éléments dont le paragraphe 3 de l'article 71 de cette directive prévoit la prise en compte pour la sous-catégorie des médicaments soumis à prescription médicale restreinte. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le classement, par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, des spécialités en cause dans la catégorie des médicaments à prescription initiale hospitalière ne méconnaît pas la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, alors même que les autorisations de mise sur le marché ne l'imposent pas elles-mêmes.
7. En troisième lieu, il résulte tant des objectifs du titre VI de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 que des termes de l'article R. 5121-77 du code de la santé publique que le classement au titre des conditions de prescription est réalisé par médicament et non par indication. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les décisions attaquées n'étaient pas illégales faute d'opérer un classement par indication. Si le syndicat requérant soutient qu'un tel classement par médicament méconnaîtrait le droit de l'Union européenne et notamment le droit à la protection de la santé et la libre circulation des marchandises, ce moyen est nouveau en cassation et n'est pas d'ordre public, de sorte qu'il est inopérant.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 5121-87 du code de la santé publique : " Le classement dans la catégorie des médicaments à prescription initiale hospitalière ne peut intervenir que si les restrictions apportées à la prescription du médicament sont justifiées par la nécessité d'effectuer dans des établissements disposant de moyens adaptés le diagnostic des maladies pour le traitement desquelles le médicament est habituellement utilisé. " Pour juger que les médicaments en litige répondaient à la condition fixée par l'article R. 5121-87 du code de la santé publique, la cour, après avoir relevé qu'ils étaient prescrits à la fois en dermatologie, pour le traitement du psoriasis, et pour le traitement de pathologies rhumatologiques et gastroentérologiques, s'est fondée sur la circonstance que le diagnostic de ces dernières pathologies nécessitait des moyens adaptés disponibles en établissement hospitalier et sur le fait que, si tel n'était pas le cas pour le diagnostic du psoriasis, le classement devait s'opérer par médicament et non par indication. Ce faisant, la cour n'a pas entaché son arrêt de contradiction de motifs et n'a dénaturé ni les faits de l'espèce ni les pièces du dossier qui lui était soumis.
9. La cour administrative d'appel n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant, par un arrêt suffisamment motivé, après avoir relevé que les médicaments en litige constituaient des biothérapies innovantes prescrites uniquement en seconde intention compte tenu des risques qu'ils comportent et, s'agissant de la prise en charge du psoriasis, réservés au cas d'échec ou de contre-indication des traitements de première intention, que ce classement ne portait pas atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé ou à l'égal accès aux soins et, en tout état de cause, ne méconnaissait pas le principe d'égalité, sans qu'il ressorte des écritures d'appel du syndicat requérant, sur la portée desquelles la cour ne s'est pas méprise, qu'il aurait, contrairement à ce qu'il soutient, excipé de l'illégalité de l'article R. 5121-87 du code de la santé publique.
10. Il résulte de ce qui précède que le syndicat requérant n'est en tout état de cause pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation du refus opposé par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à sa demande tendant à la modification des conditions de prescription des cinq spécialités pharmaceutiques en litige.
11. En dernier lieu, toutefois, en application de l'article L. 5322-2 du code de la santé publique, les décisions prises par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dans l'exercice des pouvoirs qu'il tient du code de la santé publique le sont au nom de l'Etat. Par suite, la cour a commis une erreur de droit en faisant droit aux conclusions tendant à ce qu'une somme soit attribuée à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat requérant est seulement fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt qu'il attaque.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
14. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues une somme de 2 000 euros à verser à l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance et en appel. Pour les motifs indiqués au point 11, il ne peut en revanche être fait droit aux conclusions présentées en première instance, appel et cassation par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé au même titre. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées en première instance, en appel et en cassation par le syndicat requérant.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 8 novembre 2022 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance et en appel sont rejetés.
Article 3 : Le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues versera à l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé tendant à ce qu'une somme lui soit versée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national des dermatologues-vénéréologues et à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Délibéré à l'issue de la séance du 25 mars 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, Mme Célia Verot, M. Vincent Mazauric, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 8 avril 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Eric Buge
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber
N° 470279
ECLI:FR:CECHR:2024:470279.20240408
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Eric Buge, rapporteur
M. Thomas Janicot, rapporteur public
SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX, avocats
Lecture du lundi 8 avril 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir le refus opposé par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à sa demande du 19 octobre 2017 tendant à la modification des conditions de prescription des cinq spécialités pharmaceutiques Enbrel, Humira, Stelara, Cosentyx et Taltz. Par un jugement n° 1802205 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 19VE01913 du 8 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 9 janvier, 11 avril et 2 octobre 2023 et le 12 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues demande au Conseil d'Etat :
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 ;
- la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues a demandé au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, par un courrier du 19 octobre 2017, de modifier les conditions de prescription des cinq spécialités pharmaceutiques Enbrel, Humira, Stelara, Cosentyx et Taltz, afin qu'elles ne soient plus classées dans la catégorie des médicaments soumis à prescription initiale hospitalière obligatoire, tout en en réservant la prescription aux médecins spécialistes de dermatologie-vénérologie. Par un jugement du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande formée par ce syndicat contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles qui a rejeté son appel.
2. D'une part, le règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures de l'Union pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et instituant une Agence européenne des médicaments détermine les conditions dans lesquelles un médicament peut bénéficier d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Union européenne. Le b) du paragraphe 4 de son article 9 prévoit qu'est notamment annexé à l'avis du comité des médicaments à usage humain, lorsqu'il est favorable à la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché du médicament concerné, le détail des conditions dans lesquelles il peut être fourni aux patients, conformément aux critères fixés par le titre VI de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 70 du titre VI, relatif à la classification des médicaments, de cette directive : " Les autorités compétentes peuvent fixer des sous-catégories pour les médicaments qui ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale. Dans ce cas, elles se réfèrent à la classification suivante : / a) médicaments sur prescription médicale à délivrance renouvelable ou non renouvelable ; / b) médicaments soumis à prescription médicale spéciale ; / c) médicaments sur prescription médicale dite " restreinte ", réservés à certains milieux spécialisés. " L'article 71 du même titre VI précise les éléments dont tiennent compte les Etats membres qui prévoient les sous-catégories de médicaments soumis à prescription médicale spéciale, d'une part, et de médicaments soumis à prescription médicale restreinte, d'autre part. L'article 57 de la même directive autorise les Etats membres à exiger le recours à certaines modalités d'étiquetage du médicament permettant notamment " l'indication du statut légal de délivrance au patient, conformément au titre VI " de la directive.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 5121-77 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " L'autorisation de mise sur le marché, l'autorisation temporaire d'utilisation ou l'autorisation d'importation d'un médicament peut classer celui-ci dans une des catégories de médicaments soumis à prescription restreinte suivantes : / 1° Médicament réservé à l'usage hospitalier ; / 2° Médicament à prescription hospitalière ; / 3° Médicament à prescription initiale hospitalière ; / 4° Médicament à prescription réservée à certains médecins spécialistes ; / 5° Médicament nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement. " Les articles R. 5121-82, R. 5121-84, R. 5121-87, R. 5121-90 et R. 5121-93 de ce code déterminent les conditions respectives dans lesquelles un médicament est classé dans chacune de ces catégories.
4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la Commission européenne, dans le cas d'une autorisation de mise sur le marché centralisée, de déterminer les conditions de prescription du médicament au titre de l'article 70 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 et, à ce titre, de décider le cas échéant de le soumettre à prescription médicale restreinte. Dans le cas où il a été ainsi décidé de soumettre un médicament à une prescription médicale restreinte, il revient au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, dans le respect de ces conditions de prescription, de classer ce médicament dans l'une des catégories de médicaments soumis à prescription restreinte figurant à l'article R. 5121-77 du code de la santé publique.
5. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé était compétent pour déterminer le classement dans l'une des catégories de médicaments soumis à prescription restreinte prévues par l'article R. 5121-77 du code de la santé publique de ces spécialités ayant bénéficié d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par la Commission européenne, laquelle prévoit une prescription restreinte. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en ne relevant pas d'office le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, comme il a été dit, les autorisations de mise sur le marché des spécialités en cause délivrées par l'Union européenne prévoient une prescription médicale restreinte, au sens du c) du paragraphe 2 de l'article 70 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001. La circonstance que " le médicament est utilisé dans le traitement de maladies qui doivent être diagnostiquées en milieu hospitalier ou dans des établissements disposant de moyens de diagnostic adéquats, mais [que] l'administration et le suivi peuvent se faire hors de l'hôpital " est au nombre des éléments dont le paragraphe 3 de l'article 71 de cette directive prévoit la prise en compte pour la sous-catégorie des médicaments soumis à prescription médicale restreinte. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le classement, par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, des spécialités en cause dans la catégorie des médicaments à prescription initiale hospitalière ne méconnaît pas la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, alors même que les autorisations de mise sur le marché ne l'imposent pas elles-mêmes.
7. En troisième lieu, il résulte tant des objectifs du titre VI de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 que des termes de l'article R. 5121-77 du code de la santé publique que le classement au titre des conditions de prescription est réalisé par médicament et non par indication. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les décisions attaquées n'étaient pas illégales faute d'opérer un classement par indication. Si le syndicat requérant soutient qu'un tel classement par médicament méconnaîtrait le droit de l'Union européenne et notamment le droit à la protection de la santé et la libre circulation des marchandises, ce moyen est nouveau en cassation et n'est pas d'ordre public, de sorte qu'il est inopérant.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 5121-87 du code de la santé publique : " Le classement dans la catégorie des médicaments à prescription initiale hospitalière ne peut intervenir que si les restrictions apportées à la prescription du médicament sont justifiées par la nécessité d'effectuer dans des établissements disposant de moyens adaptés le diagnostic des maladies pour le traitement desquelles le médicament est habituellement utilisé. " Pour juger que les médicaments en litige répondaient à la condition fixée par l'article R. 5121-87 du code de la santé publique, la cour, après avoir relevé qu'ils étaient prescrits à la fois en dermatologie, pour le traitement du psoriasis, et pour le traitement de pathologies rhumatologiques et gastroentérologiques, s'est fondée sur la circonstance que le diagnostic de ces dernières pathologies nécessitait des moyens adaptés disponibles en établissement hospitalier et sur le fait que, si tel n'était pas le cas pour le diagnostic du psoriasis, le classement devait s'opérer par médicament et non par indication. Ce faisant, la cour n'a pas entaché son arrêt de contradiction de motifs et n'a dénaturé ni les faits de l'espèce ni les pièces du dossier qui lui était soumis.
9. La cour administrative d'appel n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant, par un arrêt suffisamment motivé, après avoir relevé que les médicaments en litige constituaient des biothérapies innovantes prescrites uniquement en seconde intention compte tenu des risques qu'ils comportent et, s'agissant de la prise en charge du psoriasis, réservés au cas d'échec ou de contre-indication des traitements de première intention, que ce classement ne portait pas atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé ou à l'égal accès aux soins et, en tout état de cause, ne méconnaissait pas le principe d'égalité, sans qu'il ressorte des écritures d'appel du syndicat requérant, sur la portée desquelles la cour ne s'est pas méprise, qu'il aurait, contrairement à ce qu'il soutient, excipé de l'illégalité de l'article R. 5121-87 du code de la santé publique.
10. Il résulte de ce qui précède que le syndicat requérant n'est en tout état de cause pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation du refus opposé par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à sa demande tendant à la modification des conditions de prescription des cinq spécialités pharmaceutiques en litige.
11. En dernier lieu, toutefois, en application de l'article L. 5322-2 du code de la santé publique, les décisions prises par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dans l'exercice des pouvoirs qu'il tient du code de la santé publique le sont au nom de l'Etat. Par suite, la cour a commis une erreur de droit en faisant droit aux conclusions tendant à ce qu'une somme soit attribuée à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat requérant est seulement fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt qu'il attaque.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
14. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues une somme de 2 000 euros à verser à l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance et en appel. Pour les motifs indiqués au point 11, il ne peut en revanche être fait droit aux conclusions présentées en première instance, appel et cassation par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé au même titre. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées en première instance, en appel et en cassation par le syndicat requérant.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 8 novembre 2022 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance et en appel sont rejetés.
Article 3 : Le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues versera à l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé tendant à ce qu'une somme lui soit versée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national des dermatologues-vénéréologues et à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Délibéré à l'issue de la séance du 25 mars 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, Mme Célia Verot, M. Vincent Mazauric, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 8 avril 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Eric Buge
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber