Conseil d'État
N° 470399
ECLI:FR:CECHS:2023:470399.20231220
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
M. Cyril Roger-Lacan, président
M. Bruno Bachini, rapporteur
Mme Maïlys Lange, rapporteur public
Lecture du mercredi 20 décembre 2023
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Maiouri Nature Guyane demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le 18°) de l'article 5 de l'ordonnance n° 2022-1423 du 10 novembre 2022 portant diverses dispositions relatives au code minier.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code minier ;
- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2022, notamment son article 81 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association Maiouri Nature Guyane demande l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions du 18°) de l'article 5 de l'ordonnance n° 2022-1423 du 10 novembre 2022 portant diverses dispositions relatives au code minier.
2. Aux termes de l'article 81 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le réchauffement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : " I. Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de quinze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin : (...) /4° D'adopter des mesures destinées à mieux encadrer l'activité minière en matière d'or, en : (...) / c) Prenant toutes dispositions de nature à faciliter la réhabilitation des sites ayant été le siège d'activités illégales d'orpaillage ; / (...)
".
3. Le 18° de l'article 5 de l'ordonnance du 10 novembre 2022 a remplacé l'article L. 621-4-1 du code minier par les dispositions suivantes : " Article L. 621-4-1 : Afin de lutter contre l'orpaillage illégal, le représentant de l'Etat peut délimiter un périmètre à l'intérieur de zones irrégulièrement exploitées et ouvertes à l'activité minière par le schéma départemental d'orientation minière, où sera conduit un projet, au sens du 1° de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, destiné à prévenir un danger grave pour les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 du code minier ou à y remédier. /Ce projet minier est arrêté et autorisé par le représentant de l'Etat, après l'accomplissement d'une consultation du public par voie électronique réalisée conformément à l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement. /Il est mis en oeuvre soit par des opérateurs retenus à l'issue d'une procédure de sélection par le représentant de l'Etat, soit par le détenteur du titre minier, du permis ou de l'autorisation d'exploitation correspondant à la zone impactée par cette exploitation irrégulière. /L'autorisation délivrée par le représentant de l'Etat au projet minier vaut autorisation d'occupation du domaine public ou privé de l'Etat pour sa durée. Les conditions d'occupation du domaine sont fixées par contrat conclu avec son gestionnaire ".
4. En premier lieu, les dispositions attaquées de l'ordonnance du 10 novembre 2022 permettent au représentant de l'Etat en Guyane d'autoriser un opérateur, retenu au terme d'une procédure de sélection, ou la personne déjà détentrice d'un titre minier sur un site ayant fait l'objet d'activités d'orpaillage clandestin à conduire un projet lui permettant d'exploiter les gisements découverts dans une zone irrégulièrement exploitée dans laquelle les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 du code minier paraissent menacés par l'orpaillage illégal, et à procéder à la réhabilitation de la zone ou, lorsque les gisements sont d'ores et déjà épuisés et qu'un danger grave pour les intérêts protégés est constaté, à conduire les travaux de réhabilitation destinés à mettre fin à ce danger. Ces dispositions visent ainsi à faire appel à des opérateurs réguliers sur des sites dégradés par l'orpaillage illégal afin qu'ils procèdent à leur réhabilitation. Par suite, en prévoyant les dispositions contestées, l'ordonnance du 10 novembre 2022 n'a pas excédé les limites de l'habilitation donnée au gouvernement par l'article 81 de la loi du 22 août 2021 cité au point 2.
5. En second lieu, si l'association requérante fait valoir que les dispositions attaquées de l'ordonnance du 10 novembre 2022 ont pour seul objet de satisfaire les demandes des opérateurs miniers tendant à reprendre l'exploitation sur des sites antérieurement illégalement exploités, sans avoir à solliciter une autorisation d'exploitation à ce titre, il ressort des pièces du dossier, ainsi que des termes mêmes des dispositions attaquées, que le projet minier que le représentant de l'Etat pourra autoriser, au terme d'une procédure de sélection, est soumis à une évaluation environnementale et à l'accomplissement d'une procédure de participation du public. La circonstance, invoquée par la requérante, que ces dispositions viseraient à satisfaire les intérêts des opérateurs miniers respectant les obligations légales n'est pas de nature à caractériser le détournement de pouvoir allégué, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 4, elles poursuivent l'objectif d'intérêt général de lutter contre les effets fortement dommageables de l'orpaillage illégal sur l'environnement.
6. Il résulte de ce qui précède que la requête de l'association Maiouri Nature Guyane doit être rejetée.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de l'association Maiouri Nature Guyane est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Maiouri Nature Guyane, à la Première ministre, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre de la transition énergétique.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 novembre 2023 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 20 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Cyril Roger-Lacan
Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Bachini
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Peyrisse
N° 470399
ECLI:FR:CECHS:2023:470399.20231220
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
M. Cyril Roger-Lacan, président
M. Bruno Bachini, rapporteur
Mme Maïlys Lange, rapporteur public
Lecture du mercredi 20 décembre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Maiouri Nature Guyane demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le 18°) de l'article 5 de l'ordonnance n° 2022-1423 du 10 novembre 2022 portant diverses dispositions relatives au code minier.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code minier ;
- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2022, notamment son article 81 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association Maiouri Nature Guyane demande l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions du 18°) de l'article 5 de l'ordonnance n° 2022-1423 du 10 novembre 2022 portant diverses dispositions relatives au code minier.
2. Aux termes de l'article 81 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le réchauffement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : " I. Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de quinze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin : (...) /4° D'adopter des mesures destinées à mieux encadrer l'activité minière en matière d'or, en : (...) / c) Prenant toutes dispositions de nature à faciliter la réhabilitation des sites ayant été le siège d'activités illégales d'orpaillage ; / (...)
".
3. Le 18° de l'article 5 de l'ordonnance du 10 novembre 2022 a remplacé l'article L. 621-4-1 du code minier par les dispositions suivantes : " Article L. 621-4-1 : Afin de lutter contre l'orpaillage illégal, le représentant de l'Etat peut délimiter un périmètre à l'intérieur de zones irrégulièrement exploitées et ouvertes à l'activité minière par le schéma départemental d'orientation minière, où sera conduit un projet, au sens du 1° de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, destiné à prévenir un danger grave pour les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 du code minier ou à y remédier. /Ce projet minier est arrêté et autorisé par le représentant de l'Etat, après l'accomplissement d'une consultation du public par voie électronique réalisée conformément à l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement. /Il est mis en oeuvre soit par des opérateurs retenus à l'issue d'une procédure de sélection par le représentant de l'Etat, soit par le détenteur du titre minier, du permis ou de l'autorisation d'exploitation correspondant à la zone impactée par cette exploitation irrégulière. /L'autorisation délivrée par le représentant de l'Etat au projet minier vaut autorisation d'occupation du domaine public ou privé de l'Etat pour sa durée. Les conditions d'occupation du domaine sont fixées par contrat conclu avec son gestionnaire ".
4. En premier lieu, les dispositions attaquées de l'ordonnance du 10 novembre 2022 permettent au représentant de l'Etat en Guyane d'autoriser un opérateur, retenu au terme d'une procédure de sélection, ou la personne déjà détentrice d'un titre minier sur un site ayant fait l'objet d'activités d'orpaillage clandestin à conduire un projet lui permettant d'exploiter les gisements découverts dans une zone irrégulièrement exploitée dans laquelle les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 du code minier paraissent menacés par l'orpaillage illégal, et à procéder à la réhabilitation de la zone ou, lorsque les gisements sont d'ores et déjà épuisés et qu'un danger grave pour les intérêts protégés est constaté, à conduire les travaux de réhabilitation destinés à mettre fin à ce danger. Ces dispositions visent ainsi à faire appel à des opérateurs réguliers sur des sites dégradés par l'orpaillage illégal afin qu'ils procèdent à leur réhabilitation. Par suite, en prévoyant les dispositions contestées, l'ordonnance du 10 novembre 2022 n'a pas excédé les limites de l'habilitation donnée au gouvernement par l'article 81 de la loi du 22 août 2021 cité au point 2.
5. En second lieu, si l'association requérante fait valoir que les dispositions attaquées de l'ordonnance du 10 novembre 2022 ont pour seul objet de satisfaire les demandes des opérateurs miniers tendant à reprendre l'exploitation sur des sites antérieurement illégalement exploités, sans avoir à solliciter une autorisation d'exploitation à ce titre, il ressort des pièces du dossier, ainsi que des termes mêmes des dispositions attaquées, que le projet minier que le représentant de l'Etat pourra autoriser, au terme d'une procédure de sélection, est soumis à une évaluation environnementale et à l'accomplissement d'une procédure de participation du public. La circonstance, invoquée par la requérante, que ces dispositions viseraient à satisfaire les intérêts des opérateurs miniers respectant les obligations légales n'est pas de nature à caractériser le détournement de pouvoir allégué, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 4, elles poursuivent l'objectif d'intérêt général de lutter contre les effets fortement dommageables de l'orpaillage illégal sur l'environnement.
6. Il résulte de ce qui précède que la requête de l'association Maiouri Nature Guyane doit être rejetée.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de l'association Maiouri Nature Guyane est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Maiouri Nature Guyane, à la Première ministre, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre de la transition énergétique.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 novembre 2023 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 20 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Cyril Roger-Lacan
Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Bachini
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Peyrisse