Conseil d'État
N° 457244
ECLI:FR:CECHR:2023:457244.20231204
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Rose-Marie Abel, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public
SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX, avocats
Lecture du lundi 4 décembre 2023
Vu la procédure suivante :
Le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs, techniques et spécialisés (SPP-PATS) du Pas-de-Calais a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 10 décembre 2017 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Pas-de-Calais a refusé d'abroger l'article 8 du paragraphe B de l'annexe 16 au règlement intérieur du service départemental d'incendie et de secours du Pas-de-Calais et de lui enjoindre d'abroger cet article dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n°1801411 du 16 octobre 2020, ce tribunal a annulé cette décision et a enjoint au SDIS du Pas-de-Calais, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, d'abroger l'article 8 du paragraphe B de l'annexe 16 de son règlement intérieur.
Par un arrêt nos 20DA01977, 20DA01978 du 5 août 2021, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par le SDIS du Pas-de-Calais contre ce jugement et dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 octobre 2021, 4 janvier 2022 et 10 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le SDIS du Pas-de-Calais demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du syndicat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 84-63 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 ;
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat du service départemental d'incendie et de secours du Pas-de-Calais et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat du syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques spécialisés du Pas-de-Calais ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 novembre 2023 présentée par le SDIS du Pas-de-Calais ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 novembre 2023, présentée par le SPP-PATS du Pas-de-Calais ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juges du fond que le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Pas-de-Calais, par une délibération du 16 décembre 2016, a adopté son nouveau règlement intérieur. Le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs, techniques et spécialisés (SPP-PATS) du Pas-de-Calais a demandé, le 21 septembre 2017, l'abrogation des dispositions de l'article 8 du paragraphe B, relatif aux jours de fractionnement, de l'annexe 16 à ce règlement intérieur, portant instruction permanente relative au temps de travail. Par une décision du 10 décembre 2017, le président du conseil d'administration du SDIS du Pas-de-Calais a rejeté cette demande. Par un jugement du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 10 décembre 2017 et a enjoint au SDIS du Pas-de-Calais d'abroger l'article 8 du paragraphe B de l'annexe 16 de son règlement intérieur. Le SDIS du Pas-de-Calais se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 août 2021 de la cour administrative de Douai rejetant l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.
2. Lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l'acte réglementaire dont l'abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision. Si la cour administrative d'appel de Douai a cité les dispositions du décret du 26 novembre 1985 dans leur version applicable à la date de la décision de refus d'abrogation attaquée, ces dispositions sont demeurées inchangées entre cette date et celle à laquelle la cour a statué. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la cour aurait entaché son arrêt d'erreur de droit en se plaçant, pour apprécier la légalité des dispositions litigieuses, à la date de la décision rejetant la demande d'abrogation de ces dispositions, et non à la date à laquelle elle a statué, ne peut qu'être écarté.
Sur le moyen du pourvoi relatif au nombre de jours de congés annuels à prendre en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre pour bénéficier d'un jour de fractionnement :
3. D'une part, aux termes de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, désormais codifié à l'article L. 611-2 du code général de la fonction publique : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés au premier alinéa de l'article 2 sont fixées par la collectivité ou l'établissement, dans les limites applicables aux agents de l'Etat, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités ou établissements. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du premier alinéa (...) ". Les règles applicables aux agents de l'Etat sont fixées par le décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature, dont l'article 1er dispose que : " La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'Etat ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale, désormais codifié à l'article L. 611-2 du code général de la fonction publique : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 sous réserve des dispositions suivantes ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement peut (...) réduire la durée annuelle du temps de travail servant de base au décompte du temps de travail défini au deuxième alinéa de l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé pour tenir compte de sujétions liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail qui en résultent (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels : " La durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels (...) comprend : / 1. Le temps passé en intervention ; / 2. Les périodes de garde consacrées au rassemblement qui intègre les temps d'habillage et déshabillage, à la tenue des registres, à l'entraînement physique, au maintien des acquis professionnels, à des manoeuvres de la garde, à l'entretien des locaux, des matériels et des agrès ainsi qu'à des tâches administratives et techniques, aux pauses destinées à la prise de repas ; / 3. Le service hors rang, les périodes consacrées aux actions de formation (...), et les services de sécurité ou de représentation ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée de travail effectif journalier définie à l'article 1er ne peut pas excéder 12 heures consécutives. (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Par dérogation aux dispositions de l'article 2 relatives à l'amplitude journalière, une délibération du conseil d'administration du service d'incendie et de secours peut, eu égard aux missions des services d'incendie et de secours et aux nécessités de service, et après avis du comité technique, fixer le temps de présence à vingt-quatre heures consécutives. / Dans ce cas, le conseil d'administration fixe une durée équivalente au décompte semestriel du temps de travail, qui ne peut excéder 1 128 heures sur chaque période de six mois (...) ".
4. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 1er du décret du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux : " Tout fonctionnaire territorial en activité a droit, dans les conditions et sous les réserves précisées aux articles ci-après, pour une année de service accompli du 1er janvier au 31 décembre, à un congé annuel d'une durée égale à cinq fois ses obligations hebdomadaires de service. Cette durée est appréciée en nombre de jours effectivement ouvrés ", et aux termes du troisième alinéa du même article, organisant le régime des jours de congé dits " de fractionnement " : " Un jour de congé supplémentaire est attribué au fonctionnaire dont le nombre de jours de congé pris en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre est de cinq, six ou sept jours ; il est attribué un deuxième jour de congé supplémentaire lorsque ce nombre est au moins égal à huit jours ".
5. Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 que si l'organe délibérant d'un service départemental d'incendie et de secours peut, d'une part, en application des dispositions du décret du 31 décembre 2001, moduler les temps de présence journaliers des sapeurs-pompiers professionnels et, d'autre part, en application de l'article 2 du décret du 12 juillet 2001, réduire la durée annuelle de travail servant au décompte de leur temps de travail pour tenir compte des sujétions propres à leur activité, aucune disposition ne prévoit que ces ajustements imposeraient une modulation des conditions dans lesquelles sont ouverts des droits à jours de congé dits " de fractionnement " en application du troisième alinéa de l'article 1er du décret du 26 novembre 1985, dont les dispositions s'appliquent indépendamment de la durée du temps de travail ou des congés annuels des fonctionnaires concernés.
6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels employés par le SDIS du Pas-de-Calais est organisé en cycles de travail constitués, notamment, de gardes de douze heures, pondérées à 12 unités de temps de travail, ou de gardes mixtes de douze heures et de vingt-quatre heures, pondérées à 16,8 unités de temps de travail. Les congés annuels sont quant à eux fixés à 236 unités de temps de travail représentant dix-neuf jours de congés annuels pour les agents effectuant des gardes de douze heures et quatorze jours pour les agents effectuant des gardes mixtes.
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'organisation du temps de travail ainsi prévue par le SDIS du Pas-de-Calais est sans incidence sur l'application des dispositions du troisième alinéa de l'article 1er du décret du 26 novembre 1985. Par suite, le SDIS du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit en jugeant que le nombre de jours à poser par les sapeurs-pompiers du SDIS du Pas-de-Calais, en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, pour bénéficier d'un jour de congé supplémentaire, dit de " fractionnement ", devait être proratisé selon une quotité de 5/25ème des jours de congés annuels prévus, correspondant à 2,8 jours arrondis à 3 jours pour les agents astreints aux gardes mixtes, bénéficiant de quatorze jours de congés annuels, et à 3,8 jours arrondis à 4 jours pour les agents astreints aux gardes de douze heures, bénéficiant de dix-neuf jours de congés annuels.
Sur le moyen du pourvoi relatif à la valeur du jour de fractionnement :
8. C'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel a jugé qu'il résulte des dispositions de l'article 1er du décret du 26 novembre 1985 que les jours de congé supplémentaires dits de fractionnement doivent être assimilés à des jours légaux de congés, et qu'elle en a déduit que, dès lors que son règlement intérieur prévoit que les sapeurs-pompiers en gardes mixtes bénéficient de congés équivalents à 14 gardes de 24 heures, pondérées à 16,8 unités de temps de travail et que les sapeurs-pompiers en gardes exclusives de 12 heures bénéficient de congés équivalents à 19 jours de garde, pondérés à 12 unités de temps de travail, le SDIS du Pas-de-Calais ne pouvait légalement fixer la valeur d'un jour de congé de fractionnement à sept unités de temps de travail.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le SDIS du Pas-de-Calais est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 octobre 2020 en tant qu'il statue sur la légalité des dispositions du règlement intérieur du SDIS du Pas-de- Calais fixant le nombre minimum de jours de congés à poser en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre pour bénéficier d'un jour de congé dit " de fractionnement ".
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans la limite de la cassation prononcée, l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 7 que le SDIS du Pas-de-Calais est fondé soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a jugé que le nombre de jours à poser par les sapeurs-pompiers du SDIS du Pas-de-Calais, en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, pour bénéficier d'un jour de congé supplémentaire, dit " de fractionnement ", devait être proratisé selon une quotité de 5/25ème des jours de congés annuels prévus, et annulé pour ce motif la décision du 10 décembre 2017 par laquelle le président de son conseil d'administration a refusé d'abroger les dispositions l'article 8 du paragraphe B de l'annexe 16 au règlement intérieur du SDIS portant sur les modalités de calcul des jours de fractionnement accordés aux sapeurs-pompiers professionnels en gardes de douze heures et en gardes mixtes. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il statue sur la demande tendant à l'abrogation des dispositions correspondantes du règlement intérieur et de rejeter cette demande ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fins d'injonction.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SPP-PATS du Pas-de-Calais, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour l'ensemble de la procédure, la somme de 1 500 euros à verser au SDIS du Pas-de-Calais. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SDIS du Pas-de-Calais une somme à verser au SPP-PATS du Pas-de-Calais au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 5 août 2021 et le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 octobre 2020 sont annulés en tant qu'ils se sont prononcés sur la demande tendant à l'abrogation des dispositions l'article 8 du paragraphe B de l'annexe 16 au règlement intérieur du SDIS du Pas-de-Calais relatives aux modalités de détermination des droits à jours de congé dits " de fractionnement " accordés aux sapeurs-pompiers professionnels en gardes de douze heures et en gardes mixtes.
Article 2 : Les conclusions présentées par le SPP-PATS du Pas-de-Calais tendant à l'annulation la décision du 10 décembre 2017 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Pas-de-Calais a refusé d'abroger ces dispositions ainsi que ses conclusions à fins d'injonction sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 4 : Le SPP-PATS du Pas-de-Calais versera au SDIS du Pas-de-Calais une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par le SPP-PATS du Pas-de-Calais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à au service départemental d'incendie et de secours du Pas-de-Calais et au Syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques spécialisés du Pas-de-Calais.
Délibéré à l'issue de la séance du 10 novembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Philippe Ranquet, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Nicole da Costa, conseillers d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 4 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Rose-Marie Abel
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin
N° 457244
ECLI:FR:CECHR:2023:457244.20231204
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Rose-Marie Abel, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public
SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX, avocats
Lecture du lundi 4 décembre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs, techniques et spécialisés (SPP-PATS) du Pas-de-Calais a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 10 décembre 2017 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Pas-de-Calais a refusé d'abroger l'article 8 du paragraphe B de l'annexe 16 au règlement intérieur du service départemental d'incendie et de secours du Pas-de-Calais et de lui enjoindre d'abroger cet article dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n°1801411 du 16 octobre 2020, ce tribunal a annulé cette décision et a enjoint au SDIS du Pas-de-Calais, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, d'abroger l'article 8 du paragraphe B de l'annexe 16 de son règlement intérieur.
Par un arrêt nos 20DA01977, 20DA01978 du 5 août 2021, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par le SDIS du Pas-de-Calais contre ce jugement et dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 octobre 2021, 4 janvier 2022 et 10 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le SDIS du Pas-de-Calais demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du syndicat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 84-63 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 ;
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat du service départemental d'incendie et de secours du Pas-de-Calais et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat du syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques spécialisés du Pas-de-Calais ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 novembre 2023 présentée par le SDIS du Pas-de-Calais ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 novembre 2023, présentée par le SPP-PATS du Pas-de-Calais ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juges du fond que le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Pas-de-Calais, par une délibération du 16 décembre 2016, a adopté son nouveau règlement intérieur. Le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs, techniques et spécialisés (SPP-PATS) du Pas-de-Calais a demandé, le 21 septembre 2017, l'abrogation des dispositions de l'article 8 du paragraphe B, relatif aux jours de fractionnement, de l'annexe 16 à ce règlement intérieur, portant instruction permanente relative au temps de travail. Par une décision du 10 décembre 2017, le président du conseil d'administration du SDIS du Pas-de-Calais a rejeté cette demande. Par un jugement du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 10 décembre 2017 et a enjoint au SDIS du Pas-de-Calais d'abroger l'article 8 du paragraphe B de l'annexe 16 de son règlement intérieur. Le SDIS du Pas-de-Calais se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 août 2021 de la cour administrative de Douai rejetant l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.
2. Lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l'acte réglementaire dont l'abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision. Si la cour administrative d'appel de Douai a cité les dispositions du décret du 26 novembre 1985 dans leur version applicable à la date de la décision de refus d'abrogation attaquée, ces dispositions sont demeurées inchangées entre cette date et celle à laquelle la cour a statué. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la cour aurait entaché son arrêt d'erreur de droit en se plaçant, pour apprécier la légalité des dispositions litigieuses, à la date de la décision rejetant la demande d'abrogation de ces dispositions, et non à la date à laquelle elle a statué, ne peut qu'être écarté.
Sur le moyen du pourvoi relatif au nombre de jours de congés annuels à prendre en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre pour bénéficier d'un jour de fractionnement :
3. D'une part, aux termes de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, désormais codifié à l'article L. 611-2 du code général de la fonction publique : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés au premier alinéa de l'article 2 sont fixées par la collectivité ou l'établissement, dans les limites applicables aux agents de l'Etat, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités ou établissements. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du premier alinéa (...) ". Les règles applicables aux agents de l'Etat sont fixées par le décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature, dont l'article 1er dispose que : " La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'Etat ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale, désormais codifié à l'article L. 611-2 du code général de la fonction publique : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 sous réserve des dispositions suivantes ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement peut (...) réduire la durée annuelle du temps de travail servant de base au décompte du temps de travail défini au deuxième alinéa de l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé pour tenir compte de sujétions liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail qui en résultent (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels : " La durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels (...) comprend : / 1. Le temps passé en intervention ; / 2. Les périodes de garde consacrées au rassemblement qui intègre les temps d'habillage et déshabillage, à la tenue des registres, à l'entraînement physique, au maintien des acquis professionnels, à des manoeuvres de la garde, à l'entretien des locaux, des matériels et des agrès ainsi qu'à des tâches administratives et techniques, aux pauses destinées à la prise de repas ; / 3. Le service hors rang, les périodes consacrées aux actions de formation (...), et les services de sécurité ou de représentation ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée de travail effectif journalier définie à l'article 1er ne peut pas excéder 12 heures consécutives. (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Par dérogation aux dispositions de l'article 2 relatives à l'amplitude journalière, une délibération du conseil d'administration du service d'incendie et de secours peut, eu égard aux missions des services d'incendie et de secours et aux nécessités de service, et après avis du comité technique, fixer le temps de présence à vingt-quatre heures consécutives. / Dans ce cas, le conseil d'administration fixe une durée équivalente au décompte semestriel du temps de travail, qui ne peut excéder 1 128 heures sur chaque période de six mois (...) ".
4. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 1er du décret du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux : " Tout fonctionnaire territorial en activité a droit, dans les conditions et sous les réserves précisées aux articles ci-après, pour une année de service accompli du 1er janvier au 31 décembre, à un congé annuel d'une durée égale à cinq fois ses obligations hebdomadaires de service. Cette durée est appréciée en nombre de jours effectivement ouvrés ", et aux termes du troisième alinéa du même article, organisant le régime des jours de congé dits " de fractionnement " : " Un jour de congé supplémentaire est attribué au fonctionnaire dont le nombre de jours de congé pris en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre est de cinq, six ou sept jours ; il est attribué un deuxième jour de congé supplémentaire lorsque ce nombre est au moins égal à huit jours ".
5. Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 que si l'organe délibérant d'un service départemental d'incendie et de secours peut, d'une part, en application des dispositions du décret du 31 décembre 2001, moduler les temps de présence journaliers des sapeurs-pompiers professionnels et, d'autre part, en application de l'article 2 du décret du 12 juillet 2001, réduire la durée annuelle de travail servant au décompte de leur temps de travail pour tenir compte des sujétions propres à leur activité, aucune disposition ne prévoit que ces ajustements imposeraient une modulation des conditions dans lesquelles sont ouverts des droits à jours de congé dits " de fractionnement " en application du troisième alinéa de l'article 1er du décret du 26 novembre 1985, dont les dispositions s'appliquent indépendamment de la durée du temps de travail ou des congés annuels des fonctionnaires concernés.
6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels employés par le SDIS du Pas-de-Calais est organisé en cycles de travail constitués, notamment, de gardes de douze heures, pondérées à 12 unités de temps de travail, ou de gardes mixtes de douze heures et de vingt-quatre heures, pondérées à 16,8 unités de temps de travail. Les congés annuels sont quant à eux fixés à 236 unités de temps de travail représentant dix-neuf jours de congés annuels pour les agents effectuant des gardes de douze heures et quatorze jours pour les agents effectuant des gardes mixtes.
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'organisation du temps de travail ainsi prévue par le SDIS du Pas-de-Calais est sans incidence sur l'application des dispositions du troisième alinéa de l'article 1er du décret du 26 novembre 1985. Par suite, le SDIS du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit en jugeant que le nombre de jours à poser par les sapeurs-pompiers du SDIS du Pas-de-Calais, en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, pour bénéficier d'un jour de congé supplémentaire, dit de " fractionnement ", devait être proratisé selon une quotité de 5/25ème des jours de congés annuels prévus, correspondant à 2,8 jours arrondis à 3 jours pour les agents astreints aux gardes mixtes, bénéficiant de quatorze jours de congés annuels, et à 3,8 jours arrondis à 4 jours pour les agents astreints aux gardes de douze heures, bénéficiant de dix-neuf jours de congés annuels.
Sur le moyen du pourvoi relatif à la valeur du jour de fractionnement :
8. C'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel a jugé qu'il résulte des dispositions de l'article 1er du décret du 26 novembre 1985 que les jours de congé supplémentaires dits de fractionnement doivent être assimilés à des jours légaux de congés, et qu'elle en a déduit que, dès lors que son règlement intérieur prévoit que les sapeurs-pompiers en gardes mixtes bénéficient de congés équivalents à 14 gardes de 24 heures, pondérées à 16,8 unités de temps de travail et que les sapeurs-pompiers en gardes exclusives de 12 heures bénéficient de congés équivalents à 19 jours de garde, pondérés à 12 unités de temps de travail, le SDIS du Pas-de-Calais ne pouvait légalement fixer la valeur d'un jour de congé de fractionnement à sept unités de temps de travail.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le SDIS du Pas-de-Calais est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 octobre 2020 en tant qu'il statue sur la légalité des dispositions du règlement intérieur du SDIS du Pas-de- Calais fixant le nombre minimum de jours de congés à poser en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre pour bénéficier d'un jour de congé dit " de fractionnement ".
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans la limite de la cassation prononcée, l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 7 que le SDIS du Pas-de-Calais est fondé soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a jugé que le nombre de jours à poser par les sapeurs-pompiers du SDIS du Pas-de-Calais, en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, pour bénéficier d'un jour de congé supplémentaire, dit " de fractionnement ", devait être proratisé selon une quotité de 5/25ème des jours de congés annuels prévus, et annulé pour ce motif la décision du 10 décembre 2017 par laquelle le président de son conseil d'administration a refusé d'abroger les dispositions l'article 8 du paragraphe B de l'annexe 16 au règlement intérieur du SDIS portant sur les modalités de calcul des jours de fractionnement accordés aux sapeurs-pompiers professionnels en gardes de douze heures et en gardes mixtes. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il statue sur la demande tendant à l'abrogation des dispositions correspondantes du règlement intérieur et de rejeter cette demande ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fins d'injonction.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SPP-PATS du Pas-de-Calais, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour l'ensemble de la procédure, la somme de 1 500 euros à verser au SDIS du Pas-de-Calais. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SDIS du Pas-de-Calais une somme à verser au SPP-PATS du Pas-de-Calais au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 5 août 2021 et le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 octobre 2020 sont annulés en tant qu'ils se sont prononcés sur la demande tendant à l'abrogation des dispositions l'article 8 du paragraphe B de l'annexe 16 au règlement intérieur du SDIS du Pas-de-Calais relatives aux modalités de détermination des droits à jours de congé dits " de fractionnement " accordés aux sapeurs-pompiers professionnels en gardes de douze heures et en gardes mixtes.
Article 2 : Les conclusions présentées par le SPP-PATS du Pas-de-Calais tendant à l'annulation la décision du 10 décembre 2017 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Pas-de-Calais a refusé d'abroger ces dispositions ainsi que ses conclusions à fins d'injonction sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 4 : Le SPP-PATS du Pas-de-Calais versera au SDIS du Pas-de-Calais une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par le SPP-PATS du Pas-de-Calais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à au service départemental d'incendie et de secours du Pas-de-Calais et au Syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques spécialisés du Pas-de-Calais.
Délibéré à l'issue de la séance du 10 novembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Philippe Ranquet, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Nicole da Costa, conseillers d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 4 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Rose-Marie Abel
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin