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Ariane Web: Conseil d'État 459314, lecture du 13 octobre 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:459314.20231013

Décision n° 459314
13 octobre 2023
Conseil d'État

N° 459314
ECLI:FR:CECHR:2023:459314.20231013
Mentionné aux tables du recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
Mme Christine Maugüé , président
M. Sylvain Monteillet, rapporteur
M. Raphaël Chambon, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats


Lecture du vendredi 13 octobre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 novembre 2017 par laquelle la ministre du travail, après avoir retiré la décision implicite rejetant le recours hiérarchique dont elle était saisie, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 31 mars 2017 autorisant son licenciement et a autorisé la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 à procéder à ce licenciement. Par un jugement n° 1800349 du 13 juin 2019, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 19BX03287 du 16 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 10 décembre 2021 et le 3 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de
3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme B... A... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., employée de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 et ayant la qualité de salariée protégée, a été reconnue inapte à tout poste au sein du groupe Crédit agricole par le médecin de travail le 9 décembre 2016, à la suite de deux visites médicales des 26 octobre et
18 novembre 2016 en raison d'une maladie d'origine non professionnelle. La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de la licencier. Par une décision du 31 mars 2017, l'inspecteur du travail a accordé cette autorisation. La ministre du travail, saisie d'un recours hiérarchique formé par Mme A..., a, par une décision du 13 novembre 2017, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur ce recours, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé son licenciement. Par un jugement du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a, sur demande de Mme A..., annulé cette décision. La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 novembre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel contre ce jugement.

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Saisi ainsi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, l'inspecteur du travail doit vérifier qu'il n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec son appartenance syndicale. Il doit aussi vérifier, notamment, la régularité de ce licenciement au regard de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, au nombre desquelles figurent les stipulations des accords collectifs de travail applicables au salarié.

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit Agricole signée le 4 novembre 1987, dans sa rédaction applicable au litige : " Le licenciement pour motif autre que disciplinaire ne peut être effectué qu'après avis des délégués du personnel du collège auquel appartient l'intéressé ". Lorsque l'administration est saisie d'une demande d'autorisation de licenciement, pour un motif autre que disciplinaire, d'un salarié protégé relevant de cette convention, elle ne peut légalement accorder cette autorisation que si les délégués du personnel du collège auquel appartient l'intéressé ont été mis à même d'émettre leur avis sur ce projet de licenciement en tout connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles de fausser cette consultation.

4. Pour juger que l'irrégularité entachant, en l'espèce, la procédure de consultation des délégués du personnel sur le licenciement de Mme A..., que le médecin du travail avait déclarée inapte à tout emploi au sein du groupe Crédit Agricole, faisait obstacle à ce que son licenciement, pour inaptitude d'origine non professionnelle, soit autorisé par la ministre du travail, la cour s'est fondée sur ce que ce projet de licenciement avait été soumis, le
11 janvier 2017, à l'avis, non pas des délégués du personnel du seul collège des salariés de la classe 2 auquel Mme A... appartenait, comme le prévoient les stipulations mentionnées au point 3, mais de l'ensemble des délégués du personnel. En statuant ainsi, sans rechercher si une telle irrégularité avait, en l'espèce, empêché les délégués du personnel d'émettre leur avis en toute connaissance de cause, dans des conditions susceptibles de fausser leur consultation, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.






D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 novembre 2021 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Les conclusions de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 et de Mme A... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 et à Mme B... A....
Copie en sera adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.


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