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Ariane Web: Conseil d'État 464419, lecture du 11 octobre 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:464419.20231011

Décision n° 464419
11 octobre 2023
Conseil d'État

N° 464419
ECLI:FR:CECHR:2023:464419.20231011
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
M. Maxime Boutron, rapporteur public


Lecture du mercredi 11 octobre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 mai et 14 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 6 mai 2022 par lequel le président de la République a prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de le réintégrer et de reconstituer sa carrière ainsi que ses droits à pension à compter de la date de son éviction illégale et de l'affecter sur un poste correspondant à son grade ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts, a été affecté le 14 janvier 2015 à la direction générale de l'enseignement et de la recherche du ministère chargé de l'agriculture. Par courrier du 6 décembre 2021, la secrétaire générale du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, estimant qu'il se trouvait en situation d'absence non justifiée depuis le 11 juin 2020, l'a mis en demeure de reprendre son service dans un délai de huit jours, sous peine de s'exposer à l'engagement d'une procédure de radiation pour abandon de poste. Cette mise en demeure a été réitérée par un courrier du 21 janvier 2022 du chef de service des ressources humaines. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 6 mai 2022 par lequel le président de la République l'a radié des cadres pour abandon de poste.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. D'une part, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé et l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable.

3. D'autre part, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade. Lorsqu'un agent n'a pas reçu une affectation correspondant à son grade, il ne peut être regardé comme ayant, faute d'avoir rejoint son poste ou repris son service, rompu de son fait le lien avec le service et ne peut dès lors faire l'objet d'une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... exerçait les fonctions de responsable du contrôle de gestion au sein de la mission de l'appui au pilotage et des affaires transversales de la direction générale de l'enseignement et de la recherche, qui a été supprimée en mars 2019 dans le cadre d'une réorganisation de cette direction. Il n'a pas été affectée à l'entité qui a repris les missions de cette structure. Malgré des échanges exploratoires sur la suite de son parcours professionnel avec sa hiérarchie, restés sans suite, il n'a, par la suite, fait l'objet d'aucune affectation.

5. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'absence d'affectation de M. A... faisait obstacle à ce que puisse être légalement prononcée à son encontre une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste, sans qu'ait d'incidence à cet égard la teneur des échanges sur les affectations envisagées intervenus entre l'intéressé et sa hiérarchie, à qui il appartenait en toute hypothèse de procéder à son affectation régulière. Il est dès lors fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, à demander l'annulation du décret qu'il attaque.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. "

7. L'annulation du décret du 6 mai 2022 radiant M. A... des cadres implique nécessairement la réintégration de l'intéressé avec son affectation sur un poste correspondant à son grade et la reconstitution de sa carrière ainsi que de ses droits à pension à compter de la date de son éviction illégale. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire de procéder à cette réintégration en l'affectant sur un poste correspondant à son grade dans un délai de deux mois.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.






D E C I D E :
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Article 1er : Le décret du 6 mai 2022 du président de la République radiant des cadres M. A... pour abandon de poste est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire de réintégrer M. A... dans un délai de deux mois en l'affectant sur un poste correspondant à son grade et de reconstituer sa carrière ainsi que ses droits à pension à compter de la date de son éviction illégale.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré à l'issue de la séance du 27 septembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat, M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 11 octobre 2023.


Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Dominique Langlais
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


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