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Ariane Web: Conseil d'État 476385, lecture du 11 août 2023, ECLI:FR:CEORD:2023:476385.20230811

Décision n° 476385
11 août 2023
Conseil d'État

N° 476385
ECLI:FR:CEORD:2023:476385.20230811
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés, formation collégiale
M. Fabien Raynaud, président
Mme S Von Coester, rapporteur
CAPDEBOS;SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON, avocats


Lecture du vendredi 11 août 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :
I. Sous le numéro 476385, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 juillet et 8 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le collectif Les Soulèvements de la Terre, M. G... H..., M. C... A..., Mme E... I..., M. K... P..., Mme R... O..., M. B... F... et M. L... M... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 21 juin 2023 portant dissolution du groupement de fait " Les Soulèvements de la Terre " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite, d'une part, en ce que le décret de dissolution porte une atteinte grave et immédiate à la liberté d'association, la liberté de manifester, la liberté d'expression et la liberté de réunion et, d'autre part, en ce qu'il expose à des poursuites pénales les militants, ainsi que les éditeurs du livre " On ne dissout pas un soulèvement " ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de ce décret ;
- la procédure préalable à l'adoption du décret a méconnu le principe du contradictoire et les droits de la défense, notamment au vu du délai manifestement insuffisant qui leur a été laissé pour répondre à la lettre de griefs du 15 juin 2023 ;
- ce décret est entaché d'erreurs de qualification juridique des faits, en ce qu'il qualifie le collectif de " groupement de fait " et les faits énoncés de " provocation à la violence ", alors que le mouvement n'appelle à aucune forme de violence ;
- ce décret n'est ni adapté, ni nécessaire, ni proportionné à la finalité de sauvegarde de l'ordre public, dès lors qu'il se fonde sur des agissements qui ne sont pas imputables aux Soulèvements de la Terre, qui concernent en tout état de cause moins d'un tiers des mobilisations soutenues par le collectif et qui ne revêtent pas le caractère de gravité permettant de justifier une mesure aussi radicale que la dissolution ;
- il porte une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté de conscience, à la liberté d'expression, à la liberté de réunion et à la liberté d'association protégées par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 1er août 2023, les associations Agir pour l'environnement, Collectif des associations citoyennes, Centre Athenas, Intérêt à agir, Terre de liens, Vous n'êtes pas seuls, Métamorphoses, Zéro Waste France, Extinction Rébellion et Notre affaire à tous demandent au juge des référés de faire droit aux conclusions de la requête. Elles soutiennent qu'elles ont intérêt à intervenir au soutien de la requête et qu'il existe un doute sérieux sur la légalité du décret contesté.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 2 août 2023, la Ligue des droits de l'Homme, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers et Utopia 56 demandent au juge des référés de faire droit aux conclusions de la requête. Ils soutiennent qu'ils ont intérêt à intervenir au soutien de la requête et qu'il existe un doute sérieux sur la légalité du décret contesté.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 4 août 2023, l'Union syndicale Solidaires, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s et la Fédération Droit au logement demandent au juge des référés de faire droit aux conclusions de la requête. Ils soutiennent qu'ils ont intérêt à intervenir au soutien de la requête et qu'il existe un doute sérieux sur la légalité du décret contesté.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 4 août 2023, les associations Greenpeace France, Les Amis de la Terre - France, Alternatiba et Action Non-Violente COP21 demandent au juge des référés de faire droit aux conclusions de la requête. Ils soutiennent qu'ils ont intérêt à intervenir au soutien de la requête et qu'il existe un doute sérieux sur la légalité du décret contesté.


II. Sous le numéro 476396, par une requête enregistrée le 28 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. N... J... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 21 juin 2023 portant dissolution du groupement de fait " Les Soulèvements de la Terre " ;

2°) d'enjoindre au gouvernement de cesser toute mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure et de ne plus procéder à aucune exploitation des données, collectées avant ou après la suspension à intervenir, et ce dès l'intervention de la décision du Conseil d'Etat sur la présente requête ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors, en premier lieu, qu'un décret de dissolution porte une atteinte grave et immédiate à la liberté d'association, en deuxième lieu, que les personnes connues pour leur soutien au collectif Les Soulèvements de la Terre sont susceptibles, au prétexte de leur participation à la reconstitution d'un groupement dissous, de faire l'objet de techniques de renseignement gravement préjudiciables à leurs libertés fondamentales et, en dernier lieu, que la dissolution prononcée expose les sympathisants du collectif à une forte animosité associée à des violences ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret du 21 juin 2023 ;
- ce décret a été adopté en méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense ;
- il méconnaît la liberté de pensée et de conscience garantie par l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'obligation d'impartialité et de neutralité qui incombe aux pouvoirs publics ;
- la mesure de dissolution n'est ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée à la finalité de sauvegarde de l'ordre public, en l'absence d'incitation à la violence à l'égard des personnes et faute pour le gouvernement d'établir qu'il serait dans l'impossibilité d'assurer le maintien de l'ordre et de prévenir les atteintes graves à l'ordre public par d'autres moyens.


III. Sous le numéro 476409, par une requête enregistrée le 28 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... Q... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du décret du 21 juin 2023 portant dissolution du groupement de fait " Les Soulèvements de la Terre ".


Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors, d'une part, que le décret attaqué porte une atteinte grave et immédiate à la liberté d'association, à la liberté d'expression et à la liberté de manifestation et, d'autre part, qu'il est susceptible d'empêcher la vente et d'entraîner la destruction du livre " On ne dissout pas un soulèvement " ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret du 21 juin 2023 ;
- ce décret est entaché d'inexactitude matérielle des faits et, à tout le moins, d'une erreur manifeste d'appréciation, en ce qu'il qualifie le collectif Les Soulèvements de la Terre de " groupement de fait " susceptible d'être dissous sur le fondement des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure et en ce qu'il se fonde sur seulement six des vingt-trois actions promues par le collectif depuis sa création, dont il résulte seulement des atteintes aux biens de portée symbolique ;
- il porte une atteinte illégale à la liberté d'association, faute d'être nécessaire, adapté et proportionné à la finalité de sauvegarde de l'ordre public ;
- il porte une atteinte illégale à la liberté d'expression, à la liberté de manifestation et à la liberté de réunion ;
- l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure méconnaît les exigences de clarté et de prévisibilité exigées par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'agissant des termes " agissements violents ".


IV. Sous le numéro 476948, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er et 8 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations Europe Ecologie les Verts, La France Insoumise, Bloom, Longitude 181, ISF Agrista, Pollinis, One Voice et Bio Consom'acteurs et la société anonyme d'intérêt collectif l'Atelier Paysan demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 21 juin 2023 portant dissolution du groupement de fait " Les Soulèvements de la Terre " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à leur verser à chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le décret interdit au collectif Les Soulèvements de la Terre de se réunir, de communiquer et d'informer le public, ce qui porte une atteinte grave et immédiate à la liberté d'association et à la liberté d'expression, ainsi qu'au droit à l'information et à la participation du public en matière environnementale ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret du 21 juin 2023 ;
- ce décret a été adopté en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur la nature du collectif Les Soulèvements de la Terre, qui ne constitue pas un groupement de fait mais un courant de pensée ;
- ce décret porte une atteinte illégale à la liberté d'expression en ce qu'il est motivé par des faits qui ne constituent pas des agissements violents ni un appel à de tels agissements, mais seulement des modalités d'expression militante sur un sujet d'intérêt général, et en ce qu'il n'est ni nécessaire, ni adapté, ni proportionné ;
- il porte une atteinte injustifiée à la liberté de réunion dès lors que les actions dénoncées ont été le fait d'une infime minorité de participants aux manifestations et ne sont pas représentatives de l'essentiel des actions soutenues par Les Soulèvements de la Terre ;
- il méconnaît les droits et obligations découlant de la convention d'Aarhus ratifiée le 8 juillet 2002, notamment l'obligation de ne pas pénaliser, persécuter ni soumettre à des mesures vexatoires les personnes qui exercent leur droit d'accès à l'information et de participation en matière environnementale ;
- il est entaché d'un détournement de pouvoir.


Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet des quatre requêtes. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Les requêtes ont été communiquées à la Première ministre, qui n'a pas produit de mémoire.



Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement ;
- le code pénal ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, en premier lieu, le collectif Les Soulèvements de la Terre, M. H..., M. A..., Mme I..., M. P..., Mme O..., M. F..., M. M..., les associations Agir pour l'environnement, Collectif des associations citoyennes, Centre Athenas, Intérêt à agir, Terre de liens, Vous n'êtes pas seuls, Métamorphoses, Zero Waste France, Extinction Rebellion, Notre Affaire à Tous, la Ligue des droits de l'Homme, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, Utopia 56, l'Union syndicale Solidaires, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s, la Fédération Droit au logement, Greenpeace France, Les Amis de la Terre - France, Alternatiba et Action Non-Violente COP21, en deuxième lieu, M. J..., en troisième lieu, M. Q..., en quatrième lieu, les associations Europe Ecologie les Verts, La France Insoumise, Bloom, Longitude 181, ISF Agrista, Pollinis, One Voice et Bio Consom'acteurs et la société l'Atelier Paysan, d'autre part, la Première ministre et le ministre de l'intérieur et des outre-mer ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 8 août 2023, à 15 heures :

- Me Lyon-Caen, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du collectif Les Soulèvements de la Terre, de M. H..., de M. A..., de Mme I..., de M. P..., de Mme O..., de M. F... et de M. M... ;

- la représentante du collectif Les Soulèvements de la Terre, ainsi que M. H... et M. F... ;
- Me Loiseau, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de M. J... ;

- le représentant de M. J... ;

- les représentants des associations Europe Ecologie les Verts, La France insoumise, Bloom, Longitude 181, ISF Agrista, Pollinis, One Voice et Bio Consom'acteurs et de la société l'Atelier Paysan ;

- les représentants des associations Agir pour l'environnement, Collectif des associations citoyennes, Athenas, Intérêt à agir, Terre de liens, Vous n'êtes pas seuls, Métamorphoses, Zéro Waste France, Extinction Rébellion et Notre affaire à tous ;
- Me Sevaux, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de l'Union syndicale Solidaires, du Syndicat de la magistrature, du Syndicat des avocats de France, du Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s et de la Fédération Droit au logement ;

- le représentant de la Fédération Droit au logement ;

- les représentants des associations Greenpeace France, Les Amis de la Terre - France, Alternatiba et Action Non-Violente COP21 ;

- les représentants du ministre de l'intérieur et des outre-mer ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Le collectif Les Soulèvements de la Terre, constitué fin janvier 2021 pour " lutter contre la bétonisation, l'artificialisation et l'accaparement des sols, en vue de la protection des terres nourricières, de l'eau et des autres ressources naturelles ", a été dissous par un décret du 21 juin 2023, pris sur le fondement de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Par une requête présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, ce collectif, ainsi que M. H..., M. A..., Mme I..., M. P..., Mme O..., M. F... et M. M..., ont saisi le juge des référés du Conseil d'Etat d'une demande tendant à la suspension de l'exécution de ce décret. Par trois autres requêtes, M. J..., M. Q... et les associations Europe Ecologie les Verts, la France insoumise, Bloom, Longitude 181, ISF Agrista, Pollinis, One voice et Bio consom'acteurs, ainsi que la société l'Atelier Paysan, demandent la suspension de l'exécution de ce même décret. Il y a lieu de joindre ces quatre requêtes pour statuer par une seule ordonnance.

3. Les associations Agir pour l'environnement, Collectif des associations citoyennes, Centre Athenas, Intérêt à agir, Terre de liens, Vous n'êtes pas seuls, Métamorphoses, Zéro Waste France, Extinction Rébellion, Notre affaire à tous, la Ligue des droits de l'homme, le MRAP, l'Anafé, Utopia 56, l'Union syndicale Solidaires, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, le GISTI, la fédération Droit au logement, Greenpeace France, Les Amis de la Terre France, Alternatiba et Action non-violente COP21 justifient, dans les circonstances de l'espèce, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la demande tendant à la suspension de l'exécution du décret contesté. Leurs interventions sont, par suite, recevables.

4. Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République : " Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : 1° Qui provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens ; (...) ".

5. D'une part, l'atteinte qui est nécessairement portée à la liberté d'association par l'exécution d'un décret prononçant la dissolution d'une association ou d'un groupement de fait est, en principe, constitutive d'une situation d'urgence. Le décret contesté, qui prononce la dissolution des Soulèvements de la Terre, crée ainsi, pour les requérants, une situation d'urgence. Si le ministre de l'intérieur fait valoir que ceux-ci ont attendu plusieurs semaines avant d'introduire les présentes requêtes en référé et que la protection de l'ordre public justifierait de ne pas suspendre l'exécution de ce décret, il n'apporte pas, s'agissant de cette dernière assertion, d'éléments suffisants à l'appui de ces allégations. Par suite, la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme remplie.

6. D'autre part, si le décret contesté fait grief au collectif Les Soulèvements de la Terre de provoquer à des agissements violents à l'encontre des personnes et des biens, il ne résulte pas des pièces versées au dossier du juge des référés ni des éléments exposés à l'audience que ce collectif cautionne d'une quelconque façon les violences à l'encontre des personnes. S'agissant des violences alléguées à l'égard des biens, il ressort des pièces versées au dossier, ainsi que des éléments exposés à l'audience, que les actions promues par les Soulèvements de la Terre ayant conduit à des atteintes à des biens se sont inscrites dans les prises de position de ce collectif en faveur d'initiatives de désobéissance civile et de " désarmement " de dispositifs portant atteinte à l'environnement, dont il revendique le caractère symbolique, et ont été en nombre limité. Eu égard au caractère circonscrit, à la nature et à l'importance des dommages résultant de ces atteintes, le moyen tiré de ce que les actions reprochées au collectif ne peuvent pas être qualifiées de provocation à des agissements troublant gravement l'ordre public de nature à justifier l'application des dispositions précitées du 1° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, notamment au regard des exigences découlant des articles 10 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce décret.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés et dans l'attente du jugement au fond des recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation du décret contesté, qui devrait intervenir dans un délai rapproché, qu'il y a lieu de suspendre l'exécution de ce décret jusqu'à ce qu'il soit statué sur ces recours. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction présentées par M. J....

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 4 000 euros à verser au collectif Les Soulèvements de la Terre et autres, la somme de 1 500 euros à verser à M. J... et la somme globale de 4 000 euros à verser à l'association Europe Ecologie les Verts et autres, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



O R D O N N E :
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Article 1er : Les interventions des associations Agir pour l'environnement et autres, la Ligue des droits de l'homme et autres, l'Union syndicale Solidaires et autres et Greenpeace France et autres sont admises.
Article 2 : Jusqu'à ce qu'il soit statué sur les recours pour excès de pouvoir formés contre le décret du 21 juin 2023 portant dissolution d'un groupement de fait, l'exécution de ce décret est suspendue.
Article 3 : L'Etat versera au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme globale de 4 000 euros au collectif Les Soulèvements de la Terre et autres, la somme de 1 500 euros à M. J... et la somme globale de 4 000 euros à l'association Europe Ecologie les Verts et autres.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. J... est rejeté.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au collectif Les Soulèvements de la Terre, premier dénommé pour la requête enregistrée sous le n° 476385, à M. N... J..., à M. D... Q..., à l'association Europe Ecologie les Verts, première dénommée pour la requête enregistrée sous le n° 476948, à la Première ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée aux associations Agir pour l'environnement, la Ligue des droits de l'homme, l'Union syndicale Solidaires et Greenpeace France, premières dénommées dans chacune des interventions.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 août 2023 où siégeaient : M. Fabien Raynaud, conseiller d'Etat, présidant ; M. Alain Seban et Mme Suzanne von Coester, conseillers d'Etat, juges des référés.



Fait à Paris, le 11 août 2023

Signé : Fabien Raynaud