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Ariane Web: Conseil d'État 476028, lecture du 31 juillet 2023, ECLI:FR:CEORD:2023:476028.20230731

Décision n° 476028
31 juillet 2023
Conseil d'État

N° 476028
ECLI:FR:CEORD:2023:476028.20230731
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
M. Benoît Bohnert, président
M. B Bohnert, rapporteur
SARL LE PRADO - GILBERT, avocats


Lecture du lundi 31 juillet 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 17 juillet 2023 et le 19 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Défense des milieux aquatiques demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant à titre principal sur le fondement de l'article L. 122-11 du code de l'environnement et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite de refus du ministre de l'agriculture et de la souveraineté et du secrétaire d'Etat chargé de la mer de faire droit à sa demande tendant à la fermeture partielle de la pêche maritime du 1er au 15 août 2023 dans tous les sites Natura 2000 dédiées au grand dauphin et au marsouin commun du Golfe de Gascogne en ce qui concerne l'activité des chalutiers pélagiques en paire ciblant des espèces démersales, des chalutiers de fond ciblant des espèces pélagiques et démersales, des filets tramails ciblant des espèces pélagiques et démersales, des chalutiers pélagiques à panneaux ciblant des espèces démersales, des sennes ciblant les petites espèces pélagiques, des filets maillants ciblant les espèces pélagiques et démersales et des chalutiers pélagiques en paire ciblant les grandes espèces pélagiques ;

2°) d'ordonner sous huitaine la publication au Journal officiel de la République française du dispositif de cette suspension, au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :
- les décisions d'autorisation générale de la pêche et de délivrance de licences de pêche, y compris dans les zones Natura 2000, méconnaissent les articles L. 414-4, R. 414-19 et R. 414-23 du code de l'environnement en ce qu'elles ont été prises sans analyse des risques ni évaluation des incidences Natura 2000 et doivent dès lors être suspendues en application de l'article L. 122-11 du code de l'environnement ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, la diminution de la population de dauphin commun perdure depuis dix ans et que son état n'est pas satisfaisant, en deuxième lieu, l'avis du 29 juin 2023 du conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM) démontre que les données de mortalité de dauphin commun se sont aggravées par rapport à février 2023 dans le golfe de Gascogne et que plus aucun des scénarios de réduction proposés ne pourraient réduire suffisamment les captures et, en dernier lieu, aucune disposition n'a été annoncée par l'administration pour réduire le pic des captures estivales de dauphin ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- elle méconnaît l'article 6 de la directive 92/43/CEE du Conseil et l'article L. 414-1 du code de l'environnement dès lors qu'aucune analyse de risque ni d'évaluation des incidences n'a été réalisée avant d'autoriser la pêche dans les sites marins Natura 2000 du golfe de Gascogne ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les échouages de dauphins sont plus importants que les années précédentes, qu'ils excèdent les prévisions de capture établies par le conseil international pour l'exploration de la mer et que la fermeture de la pêche du 1er au 15 août 2023 serait la dernière opportunité pour ne pas aggraver le bilan des captures de 2023, sans impacter de manière significative le secteur de la pêche maritime ;
- elle méconnaît le principe de précaution ;
- la suspension de la décision devra faire l'objet d'une publication afin d'assurer l'information des tiers intéressés et maintenir la sécurité juridique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2023, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la Première ministre, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au secrétaire d'Etat chargé de la mer qui n'ont pas produit d'observations.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 ;
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 2019/1241 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 ;
- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 ;
- le code de l'environnement ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 juillet 2023, présentée par l'association Défense des milieux aquatiques.


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association Défense des milieux aquatiques, et d'autre part, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, la Première ministre, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le secrétaire d'Etat chargé de la mer ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 20 juillet 2023, à 14 heures :

- Me Gilbert, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association Défense des milieux aquatiques ;

- le représentant de l'association Défense des milieux aquatiques ;

- les représentants du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ;

- la représentante du secrétaire d'Etat chargé de la mer ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au lundi 24 juillet 2023 à 18 heures.
Par un mémoire après audience, enregistré le 23 juillet 2023, l'association Défense des milieux aquatiques maintient l'ensemble de ses conclusions. Elle soutient, en premier lieu, que la décision attaquée entre dans le champ des dispositions l'article L. 414-4 du code de l'environnement dès lors que l'activité de pêche maritime doit être assimilée à une occupation du domaine public maritime, en deuxième lieu, que la condition d'urgence est satisfaite et, en dernier lieu, qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Par deux mémoires après audience, enregistrés les 21 et 24 juillet 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête. Il soutient que la décision attaquée n'entre pas dans le champ des dispositions l'article L. 414-19 du code de l'environnement.


Considérant ce qui suit :

1. L'association Défense des milieux aquatiques demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement, à titre principal, de l'article L. 122-11 du code de l'environnement ou, à titre subsidiaire, de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision implicite de refus du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et du secrétaire d'Etat chargé de la mer de faire droit à sa demande tendant à la fermeture partielle de la pêche maritime du 1er au 15 août 2023 dans tous les sites Natura 2000 dédiées au grand dauphin et au marsouin commun du Golfe de Gascogne et en périphérie immédiate de ces sites.

Sur le cadre juridique du litige :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du règlement (UE) n° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche (PCP), qui en fixe les objectifs, cette dernière, notamment, d'une part, " applique l'approche de précaution en matière de gestion des pêches et vise à faire en sorte que l'exploitation des ressources biologiques vivantes de la mer rétablisse et maintienne les populations des espèces exploitées au-dessus des niveaux qui permettent d'obtenir le rendement maximal durable ", et d'autre part " met en oeuvre l'approche écosystémique de la gestion des pêches afin de faire en sorte que les incidences négatives des activités de pêche sur l'écosystème marin soient réduites au minimum ". L'article 6 de ce règlement prévoit qu'aux fins de la réalisation des objectifs énoncés à l'article 2, l'Union européenne adopte des mesures de conservation dont la nature est précisée aux articles 7 et suivants. L'article 19 de ce règlement permet en outre à chaque Etat membre d'" adopter des mesures pour la conservation des stocks halieutiques dans les eaux de l'Union " à la triple condition que ces mesures " a) s'appliquent uniquement aux navires de pêche battant son pavillon ou, dans le cas d'activités de pêche qui ne sont pas menées par un navire de pêche, à des personnes établies sur cette partie de son territoire auquel le traité s'applique; / b) soient compatibles avec les objectifs énoncés à l'article 2; / c) soient au moins aussi strictes que les mesures existantes en vertu du droit de l'Union ".

3. Le règlement (UE) 2019/1241 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques prescrit des mesures techniques de protection, incluant la fixation pour certaines espèces d'une taille minimale de référence de conservation, et délègue dans certaines hypothèses à la Commission européenne le pouvoir de fixer cette même taille. L'article 3 de ce règlement dispose que ces mesures techniques " contribuent notamment à la réalisation des objectif généraux suivants : / a) optimiser les diagrammes d'exploitation afin de protéger les regroupements de juvéniles et de reproducteurs des ressources biologiques de la mer ; / b) veiller à ce que les captures accidentelles d'espèces marines sensibles, y compris celles énumérées dans les directives 92/43/CEE et 2009/147/CE, imputables à la pêche, soient réduites au minimum et si possible éliminées de telle sorte qu'elles ne représentent pas une menace pour l'état de conservation de ces espèces ". L'article 4 du même règlement dispose que " 1. Les mesures techniques visent à veiller à ce que : / a) les captures d'espèces marines inférieures à la taille minimale de référence de conservation soient réduites autant que possible conformément à l'article 2, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 1380/2013; / b) les captures accidentelles de mammifères marins, de reptiles marins, d'oiseaux de mer et d'autres espèces exploitées à des fins non commerciales ne dépassent pas les niveaux prévus dans la législation de l'Union et les accords internationaux qui lient l'Union (...) ".

4. S'agissant de la protection des espèces protégées, et en particulier des mammifères marins, l'article 7 du règlement (UE) n° 1380/2013 mentionne, parmi les mesures techniques énumérées au 2. : " (...) b) les spécifications applicables à la construction des engins de pêche, y compris : (...) / ii) les modifications ou les dispositifs additionnels visant à réduire la capture accidentelle d'espèces en danger, menacées ou protégées (...) ; (...) e) les mesures spécifiques destinées à réduire au minimum les incidences négatives des activités de pêche sur la biodiversité marine et les écosystèmes marins, y compris les mesures visant à éviter et à réduire, dans la mesure du possible, les captures indésirées ". L'article 11 du règlement (UE) 2019/1241 dispose que : " 1. La capture, la détention à bord, le transbordement ou le débarquement des mammifères marins ou des reptiles marins visés aux annexes II et IV de la directive 92/43/CEE et des espèces d'oiseaux de mer couvertes par la directive 2009/147/CE sont interdits. (...) 4. Sur la base des meilleurs avis scientifiques disponibles, l'État membre peut, pour les navires battant son pavillon, mettre en place des mesures d'atténuation ou des restrictions relatives à l'utilisation de certains engins de pêche. Ces mesures réduisent au minimum et, si possible, éliminent les captures des espèces visées au paragraphe 1 du présent article et elles sont compatibles avec les objectifs énoncés à l'article 2 du règlement (UE) n° 1380/2013 et sont au moins aussi strictes que les mesures techniques applicables en vertu du droit de l'Union. / 5. Les mesures adoptées en application du paragraphe 4 du présent article visent à atteindre l'objectif spécifique établi à l'article 4, paragraphe 1, point b). Les États membres informent, à des fins de contrôle, les autres États membres concernés des dispositions adoptées conformément au paragraphe 4 du présent article. Ils rendent également publiques les informations appropriées concernant ces mesures ". En application de l'article 15 du règlement (UE) 2019/1241, l'annexe XIII définit les mesures techniques établies au niveau régional pour réduire les captures accidentelles de cétacés. Ces mesures incluent notamment, d'une part, l'interdiction aux navires d'une longueur hors tout supérieure ou égale à 12 mètres d'utiliser certains engins de pêche, notamment le filet maillant de fond ou le filet emmêlant, sans que soient utilisés simultanément des dispositifs de dissuasion acoustique dans certaines zones de pêche dites " zones CIEM ". Cette obligation ne s'applique toutefois pas dans la sous-zone CIEM 8, qui correspond au golfe de Gascogne. Ces mesures incluent aussi, d'autre part, la mise en place, y compris dans cette sous-zone CIEM 8, de " programmes de surveillance (...) menés chaque année pour les navires d'une longueur hors tout supérieure ou égale à 15 mètres battant leur pavillon, en vue de contrôler les captures accessoires de cétacés, dans les pêcheries " utilisant des chaluts pélagiques simples et doubles et des chaluts à grande ouverture verticale.

5. L'article L. 911-2 du code rural et de la pêche maritime dispose que " la politique des pêches maritimes, de l'aquaculture marine et des activités halio-alimentaires a pour objectifs, en conformité avec les principes et les règles de la politique commune des pêches et dans le respect des engagements internationaux : / 1° De permettre d'exploiter durablement et de valoriser le patrimoine collectif que constituent les ressources halieutiques auxquelles la France accède, (...) dans le cadre d'une approche écosystémique afin de réduire au minimum les incidences négatives sur l'environnement ". Pour la mise en oeuvre de cette politique et sur le fondement de l'article L. 922-1 du même code, le II de son article D. 922-1 prévoit que pour les espèces dont la pêche " est soumise à des totaux admissibles de captures (TAC) ou à un poids ou à une taille minimale de capture et de débarquement fixés par la réglementation européenne ", le ministre chargé des pêches maritimes " peut fixer par un arrêté applicable aux seuls navires battant pavillon français et aux pêcheurs à pied professionnels un poids ou une taille minimale de capture et de débarquement supérieur à celui prévu par la réglementation européenne, en tenant compte :/ 1° Des moyens à mettre en oeuvre pour garantir une gestion durable des stocks, notamment en vue d'obtenir le rendement maximum durable (RMD) ; / 2° Des orientations du marché ; /3° Des équilibres socio-économiques ". Pour les autres espèces, le III du même article prévoit que " lorsqu'une bonne gestion de l'espèce le rend nécessaire, le ministre peut fixer par un arrêté applicable aux seuls navires battant pavillon français un poids ou une taille minimale de capture et de débarquement ". D'autres mesures techniques de protection peuvent être prises sur le fondement des dispositions du chapitre II du titre II du livre IX du même code, selon le cas, par arrêté du ministre chargé des pêches maritimes ou des autres autorités de l'Etat compétentes en vertu de son article R. 911-3, ou par délibération du comité national ou des comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins rendue obligatoire dans les conditions définies à son article L. 921-2-1, telles notamment que des restrictions spatiales et temporelles ou une règlementation des engins et procédés de pêche.

6. En second lieu, l'article 2 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992, dite directive " Habitats ", prévoit que celle-ci " a pour objet de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages " et que les mesures prises dans ce cadre " visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire " et " tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales ". Le i) de l'article 1er de cette directive précise qu'un état de conservation est considéré comme favorable lorsque, notamment, " les données relatives à la dynamique de la population de l'espèce en question indiquent que cette espèce continue et est susceptible de continuer à long terme à constituer un élément viable des habitats naturels auxquels elle appartient ". Aux termes de l'article 6 de cette directive, qui définit le régime applicable aux zones spéciales de conservation appartenant au réseau dénommé " Natura 2000 " abritant les habitats d'espèces figurant à l'annexe II de cette directive : " 1. Pour les zones spéciales de conservation, les États membres établissent les mesures de conservation nécessaires impliquant, le cas échéant, des plans de gestion appropriés spécifiques aux sites ou intégrés dans d'autres plans d'aménagement et les mesures réglementaires, administratives ou contractuelles appropriées, qui répondent aux exigences écologiques (...) des espèces de l'annexe II présents sur les sites. / 2. Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d'espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d'avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive ". Aux termes de l'article 12 de cette même directive : " 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l'annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant : a) toute forme de capture ou de mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature ; b) la perturbation intentionnelle de ces espèces, notamment durant la période de reproduction et de dépendance (...) / 4. Les États membres instaurent un système de contrôle des captures et mises à mort accidentelles des espèces animales énumérées à l'annexe IV point a). Sur la base des informations recueillies, les États membres entreprennent les nouvelles recherches ou prennent les mesures de conservation nécessaires pour faire en sorte que les captures ou mises à mort involontaires n'aient pas une incidence négative importante sur les espèces en question ". Le grand dauphin et le marsouin commun figurent parmi les espèces d'intérêt communautaire mentionnées à l'annexe II de cette directive. L'annexe IV concerne toutes les espèces de cétacés, dont le dauphin commun.

7. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I.- Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ". Aux termes de l'article L. 414-1 du même code : " I.- Les zones spéciales de conservation sont des sites marins et terrestres à protéger comprenant : (...) / -soit des habitats abritant des espèces de faune ou de flore sauvages rares ou vulnérables ou menacées de disparition ; / -soit des espèces de faune ou de flore sauvages dignes d'une attention particulière en raison de la spécificité de leur habitat ou des effets de leur exploitation sur leur état de conservation ; (...) / IV.- Les sites désignés comme zones spéciales de conservation et zones de protection spéciale par décision de l'autorité administrative concourent, sous l'appellation commune de " sites Natura 2000 ", à la formation du réseau écologique européen Natura 2000. / V.- Les sites Natura 2000 font l'objet de mesures destinées à conserver ou à rétablir dans un état favorable à leur maintien à long terme les habitats naturels et les populations des espèces de faune et de flore sauvages qui ont justifié leur délimitation. Les sites Natura 2000 font également l'objet de mesures de prévention appropriées pour éviter la détérioration de ces mêmes habitats naturels et les perturbations de nature à affecter de façon significative ces mêmes espèces. / Ces mesures sont définies en concertation notamment avec les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements concernés ainsi qu'avec des représentants de propriétaires, exploitants et utilisateurs des terrains et espaces inclus dans le site. / Elles tiennent compte des exigences économiques, sociales, culturelles et de défense, ainsi que des particularités régionales et locales. Elles sont adaptées aux menaces spécifiques qui pèsent sur ces habitats naturels et sur ces espèces. Elles ne conduisent pas à interdire les activités humaines dès lors qu'elles n'ont pas d'effets significatifs sur le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable de ces habitats naturels et de ces espèces ". Aux termes de l'article L. 414-2 du même code : " I. Pour chaque site Natura 2000, un document d'objectifs définit les orientations de gestion, les mesures prévues à l'article L. 414-1, les modalités de leur mise en oeuvre et les dispositions financières d'accompagnement. / Le document d'objectifs est compatible ou rendu compatible, lors de son élaboration ou de sa révision, avec les objectifs environnementaux définis par le plan d'action pour le milieu marin prévu aux articles L. 219-9 à L. 219-18, lorsqu'ils concernent les espèces et les habitats justifiant la désignation du site (...) ". Aux termes du II bis de l'article L. 414-4 du même code : " Les activités de pêche maritime professionnelle s'exerçant dans le périmètre d'un ou de plusieurs sites Natura 2000 font l'objet d'analyses des risques d'atteinte aux objectifs de conservation des sites Natura 2000, réalisées à l'échelle de chaque site, lors de l'élaboration ou de la révision des documents d'objectifs mentionnés à l'article L. 414-2. Lorsqu'un tel risque est identifié, l'autorité administrative prend les mesures réglementaires pour assurer que ces activités ne portent pas atteinte aux objectifs de conservation du site, dans le respect des règles de la politique commune de la pêche maritime. Ces activités sont alors dispensées d'évaluation d'incidences sur les sites Natura 2000 ". Aux termes du IX de ce même article : " L'article L. 122-11 est applicable aux décisions visées aux I à V prises sans qu'une évaluation des incidences Natura 2000 ait été faite ". Aux termes de l'article L. 122-11 du même code : " Si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une décision d'approbation d'un plan, schéma, programme ou autre document de planification visé aux I et II de l'article L. 122-4 est fondée sur l'absence d'évaluation environnementale, le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée ". Aux termes de l'article L. 219-7 du même code : " Le milieu marin fait partie du patrimoine commun de la Nation. Sa protection, la conservation de sa biodiversité et son utilisation durable par les activités maritimes et littorales dans le respect des habitats et des écosystèmes marins sont d'intérêt général. / La protection et la préservation du milieu marin visent à : (...) / 3° Appliquer à la gestion des activités humaines une approche fondée sur les écosystèmes, permettant de garantir que la pression collective résultant de ces activités soit maintenue à des niveaux compatibles avec la réalisation du bon état écologique du milieu marin et d'éviter que la capacité des écosystèmes marins à réagir aux changements induits par la nature et par les hommes soit compromise, tout en permettant l'utilisation durable des biens et des services marins par les générations actuelles et à venir ".

8. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles 2 du règlement (UE) n° 1380/2013 " PCP " et des articles 3 et 4 du règlement (UE) 2019/1241, citées aux points 2 et 3, qu'il incombe à l'Etat de réduire au minimum et si possible éliminer les captures accidentelles d'espèces protégées imputables à la pêche, et des termes de l'article 12 de la directive 92/43/CEE " Habitats ", citées au point 6, qu'il lui appartient de prendre les mesures de conservation nécessaires pour faire en sorte que les captures ou mises à mort involontaires n'aient pas une incidence négative importante sur ces espèces, au regard de l'objectif consistant à assurer leur maintien ou leur rétablissement dans un état de conservation favorable. Il résulte des dispositions de l'article 11 du règlement (UE) 2019/1241, citées au point 4, que l'Etat peut, sur la base des meilleurs avis scientifiques disponibles et pour les navires battant son pavillon, mettre en place, à cette fin, des mesures d'atténuation ou des restrictions relatives à l'utilisation de certains engins de pêche.

9. En second lieu, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, l'article 12 de la directive " Habitats " doit être interprété à la lumière du principe de précaution mentionné au paragraphe 2 de l'article 191 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne pour apprécier la conformité aux objectifs qu'il définit des mesures adoptées. Celles-ci doivent, de même, s'inscrire dans l'approche de précaution en matière de gestion des pêches exigée par l'article 2 du règlement " PCP ". Il appartient également à l'Etat, lorsqu'il prend des mesures qui ne découlent pas des prescriptions inconditionnelles résultant du droit de l'Union européenne mais supposent l'exercice d'un pouvoir d'appréciation, de veiller au respect du principe de précaution garanti par l'article 5 de la Charte de l'environnement.

10. Dans ce cadre, il appartient aux autorités compétentes, saisies d'une demande de renforcement des mesures de protection existantes, de rechercher s'il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l'hypothèse d'un risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l'état des connaissances scientifiques, l'application du principe de précaution. Si cette condition est remplie, il leur incombe de veiller à ce que des procédures d'évaluation du risque identifié soient mises en oeuvre par les autorités publiques ou sous leur contrôle et de vérifier que des mesures de précaution soient prises. Il appartient au juge, saisi de conclusions dirigées contre la décision par laquelle les autorités compétentes ont refusé de prendre des mesures de précaution supplémentaires et au vu de l'argumentation dont il est saisi, de déterminer si l'application du principe de précaution est justifiée à la date à laquelle il se prononce, et dans l'affirmative, en cas d'erreur manifeste d'appréciation dans le choix des mesures de précaution déjà prises, caractérisant l'insuffisance globale de la protection assurée au regard des exigences rappelées aux points 8 et 9, quelles sont les mesures qui doivent être ordonnées au titre de ses pouvoirs d'injonction.

Sur le litige :

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 122-11 du code de l'environnement :

11. Le juge des référés, saisi de conclusions sur le fondement des dispositions de l'article L. 122-11 du code de l'environnement citées au point 6, doit en principe faire droit aux demandes de suspension des actes devant faire l'objet d'une évaluation environnementale, dès lors qu'il constate l'absence de l'évaluation environnementale alors que celle-ci était requise. Il en va ainsi non seulement lorsque l'étude d'impact est systématiquement exigée par la réglementation en vigueur, mais également lorsqu'il a été décidé, à la suite d'un examen au cas par cas, de ne pas procéder à cette évaluation. Il appartient au juge des référés, afin de déterminer si la demande qui lui est présentée sur ce fondement entre dans les prévisions de l'article L. 122-11 du code de l'environnement, d'apprécier si, en l'état de l'instruction, une évaluation environnementale était requise.

12. En premier lieu, il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 414-2 et du II bis de l'article L. 414-4 du code de l'environnement que les documents d'objectifs définissant, pour chaque site Natura 2000 les orientations de gestion et les mesures de prévention appropriées pour éviter la détérioration des habitats naturels de la faune ou de la flore prévues à l'article L. 414-1 du même code sont au nombre de ceux qui doivent être précédés d'une évaluation environnementale, après un examen au cas par cas.

13. Toutefois, d'une part, il résulte des termes mêmes du II bis de l'article L. 414-4 du code de l'environnement cité au point 7 que, s'agissant des activités de pêche maritime professionnelle s'exerçant dans le périmètre d'un ou de plusieurs sites Natura 2000, l'analyse des risques d'atteinte aux objectifs de conservation de ces sites et des espèces qui y sont présentes n'est prescrite qu'à l'occasion de l'élaboration ou de la révision des documents d'objectifs mentionnés à l'article L. 414-2. D'autre part, contrairement à ce qui est soutenu par l'association requérante, les activités relatives à la pêche maritime ne figurent pas au nombre de celles devant être évaluées au titre du 17° de l'article R. 414-19 du code de l'environnement, dès lors qu'elles ne sont pas constitutives d'une occupation du domaine public soumise à autorisation sur le fondement de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

14. Il résulte de ce qui a été dit au point 13 que la décision implicite par laquelle le pouvoir réglementaire refuse de faire droit à une demande tendant à l'édiction de restrictions supplémentaires aux autorisations de pêche générales et individuelles applicables dans le périmètre des aires Natura 2000 ne peut être regardée comme entrant dans les prévisions de l'article L. 122-11 du code de l'environnement. Il s'ensuit que les conclusions de l'association Défense des milieux aquatiques présentées sur le fondement de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

15. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

16. Il ressort de l'avis du conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM) du 26 mai 2020, dont la méthodologie fondée sur le prélèvement biologique potentiel ou " Potential Biological Removal " (" PBR "), internationalement reconnue, n'est pas contestée par l'administration, que s'agissant du dauphin commun, le nombre maximal de décès par capture accidentelle compatible avec un état de conservation favorable est de l'ordre de 4 900 individus par an pour l'ensemble de la zone Atlantique Nord-Est, dans l'hypothèse la moins conservatoire, et de l'ordre de 3 700, 2 500 voire 1 000 individus par an dans des hypothèses correspondant à une approche de précaution, la commission chargée du suivi de la convention pour la protection de l'environnement marin de l'Atlantique Nord-Est (OSPAR) retenant pour sa part un objectif de moins de 985 captures accidentelles par an. Or, le nombre de décès par capture accidentelle imputable aux activités de pêche dans le seul golfe de Gascogne, tel qu'il peut être estimé à partir des données issues de l'observation des échouages sur les côtes françaises, d'une part, et des observations aériennes, d'autre part, se maintient depuis 2018 à des niveaux très supérieurs. Il ressort des estimations figurant dans les rapports de l'Observatoire Pelagis qu'il était, pour les dauphins communs, de l'ordre de 7 200 décès pour le seul hiver 2020 et de l'ordre de 6 800 décès pour le seul hiver 2021. Ces rapports soulignent que ces données ne portent que sur les mois de janvier à mars de chaque année, correspondant au pic des captures accidentelles et que les échouages observés le reste de l'année, notamment pendant les périodes estivales, sont en progression. La dernière note de l'Observatoire Pelagis, en janvier 2023, indique qu'aucun élément ne permet de conclure à une diminution des mortalités en mer durant l'hiver 2022. Dans un nouvel avis publié le 24 janvier 2023, le CIEM a estimé, au vu des données disponibles pour 2019-2021, et d'une amélioration des modèles statistiques qui en permettent l'analyse, que le niveau des décès par capture accidentelle, qu'il avait évalués à 6 600 par an dans son rapport de 2020, doit être réévalué à environ 9 000 par an sur la période concernée. L'inventaire national du patrimoine naturel (INPN) indique ainsi que l'état de conservation des espèces concernées dans la région marine atlantique est " défavorable mauvais " pour le marsouin commun et le dauphin commun, ce qui correspond à un danger sérieux d'extinction au moins régionalement, et " défavorable inadéquat ", c'est-à-dire qu'un changement dans la gestion ou les politiques en place est nécessaire pour que l'espèce retrouve un statut favorable, pour le grand dauphin.

17. En se fondant sur les éléments mentionnés au point 16, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, par sa décision n° 449738, 449849, 453700, 459153 du 20 mars 2023 association France Nature Environnement et autres, annulé l'arrêté du 24 décembre 2020 de la ministre de la mer modifiant l'arrêté du 17 janvier 2019 relatif au régime national de gestion pour la pêche professionnelle de bar européen (Dicentrarchus labrax) dans le golfe de Gascogne en tant qu'il ne prévoit pas de mesures suffisantes de nature à réduire les incidences de la pêche au bar dans le golfe de Gascogne sur les petits cétacés, ensemble les décisions par lesquelles la ministre de la mer a refusé de prendre, d'une part, des mesures de protection complémentaires de nature à réduire les captures accidentelles de petits cétacés relevant d'espèces protégées dans le golfe de Gascogne et, d'autre part, des mesures complémentaires de nature à garantir l'efficacité du système de contrôle des captures et mises à mort accidentelles des mêmes espèces, et enjoint à l'Etat d'adopter, dans un délai de six mois à compter de la notification de sa décision, des mesures complémentaires de nature à réduire l'incidence des activités de pêche dans le golfe de Gascogne sur la mortalité accidentelle des petits cétacés à un niveau ne représentant pas une menace pour l'état de conservation de ces espèces, en assortissant les mesures engagées ou envisagées en matière d'équipement des navires en dispositifs de dissuasion acoustique, tant que n'est pas établie leur suffisance pour atteindre cet objectif, sans porter atteinte dans des conditions contraires à celui-ci à l'accès des petits cétacés aux zones de nutrition essentielles à leur survie, de mesures de fermeture spatiales et temporelles de la pêche appropriées. Cette même décision a également enjoint à l'Etat de mettre en oeuvre, dans un délai de six mois à compter de la notification de sa décision, des mesures complémentaires permettant d'estimer de manière fiable le nombre de captures annuelles de petits cétacés, notamment en poursuivant le renforcement du dispositif d'observation en mer, et de disposer d'éléments suffisamment précis pour définir et évaluer les mesures de conservation nécessaires pour assurer que ces captures ou mises à mort involontaires n'aient pas une incidence négative importante sur ces espèces.

Sur l'urgence :

18. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence s'apprécie objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

19. Il résulte de l'instruction que le CIEM a indiqué dans un rapport du 26 mai 2020, sur la base des données issues d'observations des échouages, qu'au vu de l'évolution défavorable de la situation, parmi les 15 scénarios initialement élaborés pour apprécier les possibilités de réduction de la mortalité en dessous du " prélèvement biologique potentiel " (PBR), seuls 13 d'entre eux permettaient de parvenir à une réduction des captures accidentelles en dessous de ce seuil, et 10 des 15 scénarios seraient susceptibles de permettre une réduction en-dessous de 75 % du PBR. Dans un rapport publié le 29 juin 2023, le groupe technique national a relevé une nette progression des échouages de dauphins communs, avec 1 300 individus recensés entre le 1er décembre 2022 et le 31 mars 2023, et 1 800 au 30 juin 2023, la progression des échouages concernant désormais également la saison estivale, cette évolution étant confirmée par les données de l'observatoire Pelagis. Il résulte par ailleurs de l'instruction que dans un nouveau rapport, également publié le 29 juin 2023, le CIEM a, au vu des derniers chiffres disponibles portant sur la période 2019-2021, révisé ses évaluations antérieures, et constaté que le nombre de captures accidentelles s'accroît au fur et à mesure que les données d'observation s'étendent dans le temps.

20. En premier lieu, si l'association Défense des milieux aquatiques soutient, que la fermeture de la pêche au cours de la première quinzaine du mois d'août constituerait, au vu des dernières données disponibles, une mesure à la fois appropriée et proportionnée pour réagir à l'aggravation de la situation depuis l'intervention de la décision du Conseil d'Etat du 20 mars 2023 mentionnée au point 15, dès lors que plus aucun des 15 scénarios élaborés par le CIEM ne permettrait d'assurer la sauvegarde des espèces concernées, il résulte de l'instruction et, en particulier du tableau n° 4 annexé au rapport publié le 29 juin 2023 par le CIEM que cette instance en recense six permettant de limiter le nombre de captures accidentelles à un niveau correspondant au PBR, dont seuls trois d'entre eux prévoient des limitations de la pêche pendant l'été : le scénario " B " prévoit une diminution de 40 % de l'effort de pêche sur l'ensemble de l'année, tandis que les scénarios " O " et " N " reposent sur une fermeture hivernale de trois mois et une fermeture estivale d'un mois, le scénario " N " prévoyant en outre le recours à des dispositifs de dissuasion acoustique dits " pinger ".

21. En deuxième lieu, il résulte également de l'instruction qu'en dépit de la progression des échouages estivaux observée au cours des dernières années, ces derniers ne représentent qu'une faible proportion du nombre de captures accidentelles recensées annuellement, de l'ordre de 6 à 10 % de ce total, de sorte que l'interdiction sollicitée, qui ne porte que sur 1/6ème de la période estivale, n'aurait en toute hypothèse qu'un impact limité et difficilement quantifiable sur l'évolution structurelle de l'état de conservation des dauphins.

22. En troisième lieu, la sauvegarde des espèces concernées doit reposer sur une action structurelle pérenne, intégrant les dernières données disponibles. A cet égard, les représentants du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et du secrétariat d'Etat chargé de la mer ont indiqué au cours de l'audience, d'une part, que des concertations sont actuellement menées avec les professionnels du secteur de la pêche en vue d'arrêter les décisions qui seront prises pour se conformer à l'injonction résultant de la décision du Conseil d'Etat du 20 mars 2023 et, d'autre part, que les mesures concernées, qui seront annoncées d'ici l'expiration du délai de 6 mois imparti à l'Etat, tiendront compte des données les plus récentes disponibles relatives à l'évolution des captures accidentelles observées, particulièrement celles issues du rapport du CIEM du 23 juin 2023.

23. Il résulte de ce qui a été dit aux points 20 à 22 que la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie en l'espèce. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, les conclusions de la requête de l'association Défense des milieux aquatiques présentées sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.

24. Il résulte de toute ce qui précède que la requête de l'association Défense des milieux aquatiques doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'association Défense des milieux aquatiques est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Défense des milieux aquatiques, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au secrétaire d'Etat chargé de la mer.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Fait à Paris, le 31 juillet 2023
Signé : Benoît Bohnert