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Ariane Web: Conseil d'État 467057, lecture du 19 juillet 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:467057.20230719

Décision n° 467057
19 juillet 2023
Conseil d'État

N° 467057
ECLI:FR:CECHR:2023:467057.20230719
Inédit au recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
Mme Christine Maugüé , président
M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
M. Florian Roussel, rapporteur public
SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON, avocats


Lecture du mercredi 19 juillet 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 octobre 2020 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud a refusé de faire droit à sa demande de versement de la nouvelle bonification indiciaire (NBI), d'autre part, de condamner l'établissement à lui verser à ce titre la somme de 3 523,26 euros pour la période du 1er janvier 2016 au 30 septembre 2020 et, enfin, d'enjoindre à l'établissement de lui verser la NBI à compter du 1er octobre 2020. Par un jugement n° 2009710 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif a annulé la décision du 13 octobre 2020 du directeur du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, condamné l'établissement à payer à Mme B..., dans la limite de la prescription quadriennale et jusqu'au jour du jugement, une NBI fixée à 13 points en la renvoyant devant son administration pour le calcul de cette indemnité et enjoint à l'établissement de lui verser une NBI fixée à 13 points à compter du jugement.

Par un arrêt n° 21MA03804 du 30 juin 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, annulé ce jugement et rejeté les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août et 30 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 ;
- le décret n° 92-112 du 3 février 1992 ;
- le décret n° 2010-1139 du 29 septembre 2010 ;
- le décret n° 2022-313 du 3 mars 2022 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de Mme B... et à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud.



Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., infirmière de bloc opératoire diplômée d'Etat exerçant ses fonctions au sein du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 13 octobre 2020 par laquelle le directeur de cet établissement hospitalier a refusé de faire droit à sa demande de versement de la nouvelle bonification indiciaire, de condamner cet établissement à lui verser la somme de 3 523,26 euros au titre de la NBI pour la période du 1er janvier 2016 au 30 septembre 2020 et d'enjoindre à l'établissement de lui verser la NBI à compter du 1er octobre 2020. Elle a notamment excipé de l'illégalité, au regard du principe d'égalité, du décret du 3 février 1992 relatif à la nouvelle bonification indiciaire attachée à des emplois occupés par certains personnels de la fonction publique hospitalière, en tant que, dans sa rédaction antérieure au 1er avril 2022, ce décret ne prévoyait pas le versement d'une NBI aux infirmiers de bloc opératoire. Par un jugement du 12 juillet 2021, le tribunal administratif, faisant droit à cette exception d'illégalité, a annulé la décision du 13 octobre 2020 du directeur du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, condamné l'établissement à verser à Mme B..., dans la limite de la prescription quadriennale et jusqu'au jour du jugement, une NBI fixée à 13 points, en la renvoyant devant l'administration pour le calcul du montant de cette indemnité, et enjoint à l'établissement de verser à Mme B... une NBI de 13 points à compter du jugement, sauf changement dans les circonstances de droit ou de fait. Mme B... demande l'annulation de l'arrêt du 30 juin 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, annulé ce jugement et rejeté ses conclusions présentées devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur le pourvoi :

2. D'une part, aux termes de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales : " I. - La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par décret (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 29 septembre 2010 portant statut particulier du corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés de la fonction publique hospitalière : " Le corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés comprend des infirmiers en soins généraux, des infirmiers de bloc opératoire (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Le corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés comprend quatre grades. (...) Les infirmiers en soins généraux font carrière dans les premier et deuxième grades. / Les infirmiers de bloc opératoire et les puéricultrices font carrière dans les deuxième et troisième grades (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 3 février 1992 relatif à la nouvelle bonification indiciaire attachée à des emplois occupés par certains personnels de la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable au litige, antérieure au décret du 3 mars 2022 le modifiant : " Une nouvelle bonification indiciaire (...) est attribuée mensuellement, à raison de leurs fonctions, aux fonctionnaires hospitaliers ci-dessous mentionnés : 1° Infirmiers ou infirmiers en soins généraux dans les deux premiers grades du corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés de la fonction publique hospitalière régi par le décret n° 2010-1139 du 29 septembre 2010, exerçant leurs fonctions, à titre exclusif, dans les blocs opératoires : 13 points majorés. ". Ces dernières dispositions ne prévoient pas, en revanche, l'attribution d'une NBI aux infirmiers de bloc opératoire, lesquels, ainsi qu'il résulte de l'article 1er du décret du 29 septembre 2010, font carrière dans les deuxième et troisième grades du corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 4311-1 du code de la santé publique : " L'exercice de la profession d'infirmier ou d'infirmière comporte l'analyse, l'organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d'éducation à la santé. / (...) ". Les fonctions de l'infirmier comprennent notamment les actes et soins énumérés à l'article R. 4311-5, les gestes techniques énumérés aux articles R. 4311-7 et R. 4311-9 et la participation à la mise en oeuvre par les médecins des techniques énumérées à l'article R. 4311-10. Aux termes de l'article R. 4311-11 : " L'infirmier ou l'infirmière titulaire du diplôme d'Etat de bloc opératoire ou en cours de formation préparant à ce diplôme, exerce en priorité les activités suivantes : / 1° Gestion des risques liés à l'activité et à l'environnement opératoire ; / 2° Elaboration et mise en oeuvre d'une démarche de soins individualisée en bloc opératoire et secteurs associés ; / 3° Organisation et coordination des soins infirmiers en salle d'intervention ; / 4° Traçabilité des activités au bloc opératoire et en secteurs associés ; / 5° Participation à l'élaboration, à l'application et au contrôle des procédures de désinfection et de stérilisation des dispositifs médicaux réutilisables visant à la prévention des infections nosocomiales au bloc opératoire et en secteurs associés. / En per-opératoire, l'infirmier ou l'infirmière titulaire du diplôme d'Etat de bloc opératoire ou l'infirmier ou l'infirmière en cours de formation préparant à ce diplôme exerce les activités de circulant, d'instrumentiste et d'aide opératoire en présence de l'opérateur (...) ". Aux termes de l'article R. 4311-11-1, dans sa version applicable au litige : " L'infirmier ou l'infirmière de bloc opératoire, titulaire du diplôme d'Etat de bloc opératoire, est seul habilité à accomplir les actes et activités figurant aux 1° et 2° : / 1° Dans les conditions fixées par un protocole préétabli, écrit, daté et signé par le ou les chirurgiens : / a) Sous réserve que le chirurgien puisse intervenir à tout moment : / - l'installation chirurgicale du patient ; / - la mise en place et la fixation des drains susaponévrotiques ; / la fermeture sous-cutanée et cutanée ; / b) A cours d'une intervention chirurgicale, en présence du chirurgien, apporter une aide à l'exposition, à l'hémostase et à l'aspiration ; / 2° Au cours d'une intervention chirurgicale, en présence et sur demande expresse du chirurgien, une fonction d'assistance pour des actes d'une particulière technicité déterminés par arrêté du ministre chargé de la santé ". Il résulte de ces dispositions que, si les infirmiers et infirmiers en soins généraux sont susceptibles, comme les infirmiers de bloc opératoire, d'exercer en bloc opératoire, ces derniers bénéficient cependant d'une priorité d'exécution pour les actes mentionnés à l'article R. 4311-11 et détiennent une compétence exclusive pour la réalisation des actes mentionnés à l'article R. 4311-11-1.

4. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 citées au point 2 que le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire est lié aux seules caractéristiques des emplois occupés, au regard des responsabilités qu'ils impliquent ou de la technicité qu'ils requièrent. Le bénéfice de cette bonification, exclusivement attaché à l'exercice effectif des fonctions, ne peut ainsi être limité par la prise en considération du corps, du cadre d'emploi ou du grade du fonctionnaire qui occupe un emploi dont les fonctions ouvrent droit à ce bénéfice. En outre, le principe d'égalité exige que l'ensemble des agents exerçant effectivement leurs fonctions dans les mêmes conditions, avec la même responsabilité ou la même technicité, bénéficient de la même bonification.

5. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du code de la santé publique citées au point 3 que les différences de technicité ou de responsabilité existant entre les fonctions exercées, dans le cas d'un exercice exclusif en bloc opératoire, par les infirmiers et les infirmiers en soins généraux, d'une part, et par les infirmiers de bloc opératoire, d'autre part, pour réelles qu'elles soient, ne sont pas de nature à justifier, au regard de l'objet de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991, la différence de traitement en fonction du grade résultant de l'article 1er du décret du 3 février 1992, la circonstance que certains actes seraient réservés ou destinés en priorité aux seconds ne caractérisant pas, au regard de cet objet, qui est de valoriser la technicité et la responsabilité des fonctions en cause, une différence de situation justifiant une différence de traitement à leur détriment.

6. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que pour faire droit à l'appel du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que, eu égard aux conditions d'exercice des infirmiers de bloc opératoire au sein d'un bloc opératoire, l'article 1er du décret du 3 février 1992 avait légalement pu exclure cette catégorie d'infirmiers de son bénéfice. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 qu'en statuant ainsi, elle a commis une erreur de droit qui justifie l'annulation de son arrêt.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-1 du code de justice administrative.

Sur le règlement au fond :

8. Ainsi qu'il été dit au point 5, si les fonctions exercées, dans le cas d'un exercice exclusif en bloc opératoire, par les infirmiers et les infirmiers en soins généraux, d'une part, et par les infirmiers de bloc opératoire, d'autre part, présentent une technicité et comportent une responsabilité différentes, ces différences ne sont pas de nature à justifier, au regard de l'objet de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991, la différence de traitement en fonction du grade résultant de l'article 1er du décret du 3 février 1992, dans sa rédaction antérieure au 1er avril 2022. Est sans incidence sur cette analyse la circonstance, invoquée par le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, que les infirmiers de bloc opératoire auraient bénéficié durant la période en cause d'un traitement indiciaire plus favorable que les infirmiers en soins généraux.

9. Le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement dont il relève appel, le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur l'illégalité de l'article 1er du décret du 3 février 1992, en tant que cet article ne prévoyait pas le versement d'une NBI aux infirmiers de bloc opératoire, pour faire droit aux conclusions de Mme B....

Sur les frais de l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud une somme de 4 000 euros à verser à Mme B... au de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour l'instance de cassation et pour l'instance d'appel. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 30 juin 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : La requête présentée par le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejetée.
Article 3 : Le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud versera la somme de 4 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud au titre du même article sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud.
Copie en sera adressée au ministre de la santé et de la prévention.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 juin 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat et M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 19 juillet 2023.

La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Dominique Langlais
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras



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