Conseil d'État
N° 458653
ECLI:FR:CECHR:2023:458653.20230404
Inédit au recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
Mme Catherine Brouard-Gallet, rapporteur
M. Raphaël Chambon, rapporteur public
Lecture du mardi 4 avril 2023
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 458653, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 novembre 2021 et le 5 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat de la juridiction administrative demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1216 du 22 septembre 2021 fixant la liste des corps et cadres d'emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes.
2° Sous le n° 462391, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 mars, 16 juin et 22 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des juridictions financières demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1216 du 22 septembre 2021 fixant la liste des corps et cadres d'emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes et la décision implicite de rejet opposée à son recours gracieux et d'enjoindre à la Première ministre d'établir par décret en Conseil d'Etat, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, une nouvelle liste des corps et cadres d'emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes mentionnant les magistrats des chambres régionales des comptes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code des juridictions financières ;
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;
- l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du syndicat des juridictions financières ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 mars 2023, présentée par le syndicat des juridictions financières ;
Considérant ce qui suit :
1. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre, le syndicat de la juridiction administrative et le syndicat des juridictions financières demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 22 septembre 2021 fixant la liste des corps et cadres d'emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes. Eu égard aux moyens qu'ils présentent, ils doivent être regardés comme ne demandant l'annulation de ce décret qu'en tant qu'il ne mentionne pas dans la liste édictée à son article 1er les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et les magistrats des chambres régionales des comptes.
Sur la légalité externe :
2. En premier lieu, lorsqu'un décret doit être pris en Conseil d'Etat, le texte retenu par le Gouvernement ne peut être différent à la fois du projet qu'il avait soumis au Conseil d'Etat et du texte adopté par ce dernier. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la copie de la minute de la section de l'administration du Conseil d'Etat, telle qu'elle a été versée au dossier n° 462391 par la ministre de la transformation et de la fonction publiques, que le décret attaqué ne contient pas de dispositions qui diffèreraient à la fois du projet initial du Gouvernement et du texte adopté par la section de l'administration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat des projets de décret doit être écarté.
3. En second lieu, les moyens tirés du défaut de consultation d'une part, du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat ou du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et du
Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, d'autre part, du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et du Conseil supérieur des chambres régionales et territoriales des comptes, ne peuvent, eu égard à leur portée et à l'objet des conclusions dont le Conseil d'Etat est saisi, être utilement invoqués à l'appui des conclusions des requérants qui ne tendent qu'à l'annulation du décret en tant qu'il ne fait pas figurer à la liste dressée par son article 1er les corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et des magistrats des chambres régionales des comptes au titre des corps de niveau comparable au corps des administrateurs de l'Etat dont les membres justifiant d'au moins de deux ans de services publics effectifs peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes.
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne le cadre juridique :
S'agissant des règles applicables à la nomination des auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes :
4. Aux termes de l'article 59 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à : /
1° Organiser le rapprochement et modifier le financement des établissements publics et services qui concourent à la formation des agents publics pour améliorer la qualité du service rendu aux agents et aux employeurs publics ; / 2° En garantissant le principe d'égal accès aux emplois publics, fondé notamment sur les capacités et le mérite, et dans le respect des spécificités des fonctions juridictionnelles, réformer les modalités de recrutement des corps et cadres d'emplois de catégorie A afin de diversifier leurs profils, harmoniser leur formation initiale, créer un tronc commun d'enseignements et développer leur formation continue afin d'accroître leur culture commune de l'action publique, aménager leur parcours de carrière en adaptant les modes de sélection et en favorisant les mobilités au sein de la fonction publique et vers le secteur privé ; / (...) / Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance ".
5. Sur le fondement de cette habilitation a été édictée l'ordonnance du
2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat, qui a notamment modifié plusieurs dispositions du code de justice administrative et du code des juridictions financières. Aux termes de l'article L. 133-5 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du 7° de l'article 7 de cette ordonnance : " Les auditeurs sont nommés par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat afin d'exercer des fonctions consultatives et juridictionnelles pour une durée de trois ans non renouvelable. / Ils sont nommés, après avis du comité consultatif mentionné à l'article L. 133-12-1 parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat et des corps ou cadres d'emploi de niveau comparable, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, justifiant d'au moins deux ans de services publics effectifs en cette qualité. (...)". Aux termes de l'article L. 112-3-1 du code des juridictions financières, dans sa rédaction issue du 2° de l'article 8 de la même ordonnance : " Les auditeurs sont nommés par arrêté du premier président pour une durée de trois ans non renouvelable. Ils peuvent exercer une activité juridictionnelle. / Ils sont nommés, après avis du comité consultatif mentionné à l'article L. 122-7 parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat et des corps ou cadres d'emploi de niveau comparable, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, justifiant d'au moins deux ans de services publics effectifs en cette qualité. / Il en est de même des personnes mentionnées à l'article L. 4139-2 du code de la défense. / (...) ".
6. Pris pour l'application des dispositions citées au point précédent, le décret du 22 septembre 2021 fixant la liste des corps et cadres d'emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes dispose, en son article 1er ,
que : " La liste des corps et cadres d'emploi mentionnés aux articles L. 133-5 du code de justice administrative et L. 112-3-1 du code des juridictions financières, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 2 juin 2021 susvisée, est ainsi fixée : / 1° Administrateurs civils ; /
2° Administrateurs de l'Assemblée nationale ; / 3° Administrateurs de la ville de Paris ; /
4° Administrateurs de l'Institut national de la statistique et des études économiques ; /
5° Administrateurs du Sénat ; / 6° Administrateurs territoriaux ; / 7° Conseillers des affaires étrangères ; / 8° Ingénieurs des mines ; / 9° Ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts ; /
10° Membres du corps de l'inspection générale de l'administration ; / 11° Membres du corps de l'inspection générale des affaires sociales ; / 12° Membres du corps de l'inspection générale des finances ; / 13° Personnels de direction des établissements mentionnés aux 1° et 2° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée et relevant du décret du 2 août 2005 susvisé ; / 14° Sous-préfets ".
S'agissant des règles applicables à la nomination des magistrats administratifs et des magistrats des chambres régionales des comptes puis, le cas échéant, à leur nomination soit comme maître des requêtes ou conseiller d'Etat, soit comme conseiller référendaire ou conseiller maître :
7. Aux termes de l'article L. 233-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du 17° de l'article 7 de l'ordonnance du 2 juin 2021 : " Les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont recrutés au grade de conseiller, sous réserve des dispositions des articles L. 233-3, L. 233-4 et L. 233-5 : / 1° Parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat ayant exercé ce choix à la sortie de l'Institut national du service public et justifiant d'au moins deux ans de service effectif en cette qualité, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) / 2° Et par voie de concours. (...) ". Aux termes de l'article L. 221-3 du code des juridictions financières, dans sa rédaction issue du 23° de l'article 8 de la même ordonnance : " Les conseillers de chambre régionale des comptes sont recrutés, au grade de conseiller : / 1° Parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat ayant exercé ce choix à la sortie de l'Institut national du service public et préalablement affectés pendant une durée de deux ans dans les administrations de l'Etat ainsi que dans les établissements publics administratifs de l'Etat, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) / 2° Et par voie de concours. (...) ".
8. Aux termes de l'article L. 133-8 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du 10° de l'article 7 de l'ordonnance du 2 juin 2021 : " Pour chaque période de deux ans, un membre du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ayant atteint le grade de président est nommé au grade de conseiller d'Etat en service ordinaire, sans qu'il en soit tenu compte pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 133-3. / Chaque année, deux membres au moins du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ayant atteint le grade de premier conseiller sont nommés maîtres des requêtes sous réserve qu'ils soient âgés de trente-cinq ans et justifient de dix ans de services publics effectifs (...) ". Aux termes de l'article L. 122-3 du code des juridictions financières, dans sa rédaction issue du 13° de l'article 8 de la même ordonnance : " I. Dans la proportion de quatre nominations sur cinq, les conseillers maîtres sont nommés parmi les conseillers référendaires ayant accompli douze années au moins en cette qualité (...). II. - Dans la proportion d'une nomination sur dix-huit intervenant en application du premier alinéa du présent article, un magistrat de chambre régionale des comptes ayant le grade de président de section, âgé de plus de cinquante ans et justifiant au moins de quinze ans de services publics effectifs, est nommé conseiller maître. (...) ". Aux termes de l'article L. 122-5 du même code, dans sa rédaction issue du 14° de l'article 8 de la même ordonnance : " Chaque année, est nommé conseiller référendaire à la Cour des comptes au moins un magistrat de chambre régionale des comptes ayant au moins le grade de premier conseiller. (...) ".
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la loi du
6 août 2019 :
9. Le décret attaqué, en ne mentionnant pas le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et celui des magistrats des chambres régionales des comptes dans la liste des corps et cadres d'emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes qu'il édicte, n'a, en tout état de cause, été pris ni en violation de l'article 59 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, cité au point 4, sur le fondement duquel le Gouvernement a pris l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat, mentionnée au point 5, ni en méconnaissance de l'intention du législateur.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'ordonnance du
2 juin 2021 :
10. L'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de l'Etat, prise sur le fondement de l'article 59 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, pose le cadre de cette transformation en matière de formation et de déroulement des parcours de carrière de l'encadrement supérieur de l'Etat. Elle diversifie les profils de recrutement de ces agents publics, privilégie les " missions opérationnelles " pour les premiers emplois occupés par ces agents, intègre la mobilité dans les parcours de carrière et, en certaines de ses dispositions, décline cette réforme pour l'accès aux fonctions ou aux corps des membres du Conseil d'Etat, des magistrats de la Cour des comptes, des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et des magistrats des chambres régionales des comptes et pour la mobilité des membres de ces corps dans le respect des spécificités juridictionnelles. A cet égard, cette réforme a notamment pour objet d'ouvrir à des administrateurs l'accès aux emplois d'auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des Comptes ainsi que le précise le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de l'Etat, publié au Journal officiel de la République française, selon lequel les recrutements au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes doivent contribuer à la construction de parcours de carrière des cadres supérieurs. A ce titre, les articles L. 133-5 du code de justice administrative et L. 112-3-5 du code des juridictions financières, dans leur rédaction issue de cette ordonnance citée au point 5, prévoient que les auditeurs sont recrutés parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat et des corps ou cadres d'emploi de niveau comparable et renvoient à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer ceux des corps et cadres d'emploi éligibles à un tel recrutement. Par suite, les dispositions de ces articles ayant laissé au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les corps - autres que le corps des administrateurs de l'Etat - et les cadres d'emplois, pour autant qu'ils soient d'un niveau comparable au corps des administrateurs de l'Etat, dont les membres peuvent présenter leur candidature en vue d'exercer les fonctions d'auditeur au Conseil d'Etat ou à la Cour des comptes, le moyen tiré de ce que l'article 1er du décret attaqué, faute de mentionner le corps des magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel et celui des magistrats des chambres régionales des comptes, dans la liste qu'il édicte, méconnait les dispositions des articles L. 133-5 du code de justice administrative et L. 112-3-5 du code des juridictions financières, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 2 juin 2021, doit, dès lors, être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens :
11. En premier lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
12. Il ressort des pièces des dossiers que si, à la différence d'autres corps et cadres d'emplois comparables, les corps des magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel et des magistrats des chambres régionales des comptes ne figurent pas parmi ceux mentionnés par le décret attaqué dont les membres peuvent être recrutés pour exercer les fonctions d'auditeur au Conseil d'Etat ou à la Cour des comptes, ils se trouvent dans une situation différente de ces autres corps et cadres d'emploi, dès lors que leurs membres sont déjà chargés de fonctions juridictionnelles ou ont vocation à en être chargés et qu'ils disposent de voies d'accès spécifiques, mentionnées au point 8 et d'ailleurs élargies par l'ordonnance du
2 juin 2021, en vue de leur nomination comme membres du Conseil d'Etat ou de la Cour des comptes. Par ailleurs, ceux de ces magistrats qui sont recrutés à la sortie de l'Institut national du service public doivent formuler le choix de ces corps dès la sortie de cette école, alors même qu'ils sont appelés, en principe, à exercer au préalable en qualité d'administrateur de l'Etat pendant deux ans, en application des dispositions citées au point 7. La différence de traitement résultant des dispositions du décret attaqué trouve ainsi sa justification dans une différence de situation en rapport avec l'objet de la norme et qui n'est pas disproportionnée. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions qu'ils attaquent sont contraires au principe d'égalité et, en tout état de cause, au principe d'égal accès aux emplois publics.
13. En deuxième lieu, compte tenu des spécificités des dispositions statutaires applicables aux membres des juridictions administratives et des juridictions financières, notamment celles qui ont été mentionnées au point précédent, les dispositions attaquées par les requérants ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
14. En troisième et dernier lieu, l'article 1er du décret attaqué, en tant qu'il ne mentionne pas le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appels et celui des magistrats des chambres régionales des comptes, ne méconnaît aucunement les principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat de la juridiction administrative et le syndicat des juridictions financières ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 22 septembre 2021 fixant la liste des corps et cadres d'emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes en tant que le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et celui des magistrats des chambres régionales des comptes n'y figurent pas. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le syndicat des juridictions financières tendant à l'annulation de la décision implicite prise sur son recours gracieux, de même que ses conclusions à fins d'injonction, ne peuvent qu'être également rejetées.
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les requêtes du syndicat de la juridiction administrative et du syndicat des juridictions financières sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat de la juridiction administrative, au syndicat des juridictions financières, au ministre de la transformation et de la fonction publiques, au garde des sceaux, ministre de la justice et à la Première ministre.
N° 458653
ECLI:FR:CECHR:2023:458653.20230404
Inédit au recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
Mme Catherine Brouard-Gallet, rapporteur
M. Raphaël Chambon, rapporteur public
Lecture du mardi 4 avril 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 458653, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 novembre 2021 et le 5 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat de la juridiction administrative demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1216 du 22 septembre 2021 fixant la liste des corps et cadres d'emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes.
2° Sous le n° 462391, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 mars, 16 juin et 22 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des juridictions financières demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1216 du 22 septembre 2021 fixant la liste des corps et cadres d'emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes et la décision implicite de rejet opposée à son recours gracieux et d'enjoindre à la Première ministre d'établir par décret en Conseil d'Etat, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, une nouvelle liste des corps et cadres d'emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes mentionnant les magistrats des chambres régionales des comptes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code des juridictions financières ;
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;
- l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du syndicat des juridictions financières ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 mars 2023, présentée par le syndicat des juridictions financières ;
Considérant ce qui suit :
1. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre, le syndicat de la juridiction administrative et le syndicat des juridictions financières demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 22 septembre 2021 fixant la liste des corps et cadres d'emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes. Eu égard aux moyens qu'ils présentent, ils doivent être regardés comme ne demandant l'annulation de ce décret qu'en tant qu'il ne mentionne pas dans la liste édictée à son article 1er les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et les magistrats des chambres régionales des comptes.
Sur la légalité externe :
2. En premier lieu, lorsqu'un décret doit être pris en Conseil d'Etat, le texte retenu par le Gouvernement ne peut être différent à la fois du projet qu'il avait soumis au Conseil d'Etat et du texte adopté par ce dernier. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la copie de la minute de la section de l'administration du Conseil d'Etat, telle qu'elle a été versée au dossier n° 462391 par la ministre de la transformation et de la fonction publiques, que le décret attaqué ne contient pas de dispositions qui diffèreraient à la fois du projet initial du Gouvernement et du texte adopté par la section de l'administration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat des projets de décret doit être écarté.
3. En second lieu, les moyens tirés du défaut de consultation d'une part, du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat ou du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et du
Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, d'autre part, du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et du Conseil supérieur des chambres régionales et territoriales des comptes, ne peuvent, eu égard à leur portée et à l'objet des conclusions dont le Conseil d'Etat est saisi, être utilement invoqués à l'appui des conclusions des requérants qui ne tendent qu'à l'annulation du décret en tant qu'il ne fait pas figurer à la liste dressée par son article 1er les corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et des magistrats des chambres régionales des comptes au titre des corps de niveau comparable au corps des administrateurs de l'Etat dont les membres justifiant d'au moins de deux ans de services publics effectifs peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes.
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne le cadre juridique :
S'agissant des règles applicables à la nomination des auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes :
4. Aux termes de l'article 59 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à : /
1° Organiser le rapprochement et modifier le financement des établissements publics et services qui concourent à la formation des agents publics pour améliorer la qualité du service rendu aux agents et aux employeurs publics ; / 2° En garantissant le principe d'égal accès aux emplois publics, fondé notamment sur les capacités et le mérite, et dans le respect des spécificités des fonctions juridictionnelles, réformer les modalités de recrutement des corps et cadres d'emplois de catégorie A afin de diversifier leurs profils, harmoniser leur formation initiale, créer un tronc commun d'enseignements et développer leur formation continue afin d'accroître leur culture commune de l'action publique, aménager leur parcours de carrière en adaptant les modes de sélection et en favorisant les mobilités au sein de la fonction publique et vers le secteur privé ; / (...) / Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance ".
5. Sur le fondement de cette habilitation a été édictée l'ordonnance du
2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat, qui a notamment modifié plusieurs dispositions du code de justice administrative et du code des juridictions financières. Aux termes de l'article L. 133-5 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du 7° de l'article 7 de cette ordonnance : " Les auditeurs sont nommés par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat afin d'exercer des fonctions consultatives et juridictionnelles pour une durée de trois ans non renouvelable. / Ils sont nommés, après avis du comité consultatif mentionné à l'article L. 133-12-1 parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat et des corps ou cadres d'emploi de niveau comparable, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, justifiant d'au moins deux ans de services publics effectifs en cette qualité. (...)". Aux termes de l'article L. 112-3-1 du code des juridictions financières, dans sa rédaction issue du 2° de l'article 8 de la même ordonnance : " Les auditeurs sont nommés par arrêté du premier président pour une durée de trois ans non renouvelable. Ils peuvent exercer une activité juridictionnelle. / Ils sont nommés, après avis du comité consultatif mentionné à l'article L. 122-7 parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat et des corps ou cadres d'emploi de niveau comparable, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, justifiant d'au moins deux ans de services publics effectifs en cette qualité. / Il en est de même des personnes mentionnées à l'article L. 4139-2 du code de la défense. / (...) ".
6. Pris pour l'application des dispositions citées au point précédent, le décret du 22 septembre 2021 fixant la liste des corps et cadres d'emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes dispose, en son article 1er ,
que : " La liste des corps et cadres d'emploi mentionnés aux articles L. 133-5 du code de justice administrative et L. 112-3-1 du code des juridictions financières, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 2 juin 2021 susvisée, est ainsi fixée : / 1° Administrateurs civils ; /
2° Administrateurs de l'Assemblée nationale ; / 3° Administrateurs de la ville de Paris ; /
4° Administrateurs de l'Institut national de la statistique et des études économiques ; /
5° Administrateurs du Sénat ; / 6° Administrateurs territoriaux ; / 7° Conseillers des affaires étrangères ; / 8° Ingénieurs des mines ; / 9° Ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts ; /
10° Membres du corps de l'inspection générale de l'administration ; / 11° Membres du corps de l'inspection générale des affaires sociales ; / 12° Membres du corps de l'inspection générale des finances ; / 13° Personnels de direction des établissements mentionnés aux 1° et 2° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée et relevant du décret du 2 août 2005 susvisé ; / 14° Sous-préfets ".
S'agissant des règles applicables à la nomination des magistrats administratifs et des magistrats des chambres régionales des comptes puis, le cas échéant, à leur nomination soit comme maître des requêtes ou conseiller d'Etat, soit comme conseiller référendaire ou conseiller maître :
7. Aux termes de l'article L. 233-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du 17° de l'article 7 de l'ordonnance du 2 juin 2021 : " Les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont recrutés au grade de conseiller, sous réserve des dispositions des articles L. 233-3, L. 233-4 et L. 233-5 : / 1° Parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat ayant exercé ce choix à la sortie de l'Institut national du service public et justifiant d'au moins deux ans de service effectif en cette qualité, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) / 2° Et par voie de concours. (...) ". Aux termes de l'article L. 221-3 du code des juridictions financières, dans sa rédaction issue du 23° de l'article 8 de la même ordonnance : " Les conseillers de chambre régionale des comptes sont recrutés, au grade de conseiller : / 1° Parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat ayant exercé ce choix à la sortie de l'Institut national du service public et préalablement affectés pendant une durée de deux ans dans les administrations de l'Etat ainsi que dans les établissements publics administratifs de l'Etat, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) / 2° Et par voie de concours. (...) ".
8. Aux termes de l'article L. 133-8 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du 10° de l'article 7 de l'ordonnance du 2 juin 2021 : " Pour chaque période de deux ans, un membre du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ayant atteint le grade de président est nommé au grade de conseiller d'Etat en service ordinaire, sans qu'il en soit tenu compte pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 133-3. / Chaque année, deux membres au moins du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ayant atteint le grade de premier conseiller sont nommés maîtres des requêtes sous réserve qu'ils soient âgés de trente-cinq ans et justifient de dix ans de services publics effectifs (...) ". Aux termes de l'article L. 122-3 du code des juridictions financières, dans sa rédaction issue du 13° de l'article 8 de la même ordonnance : " I. Dans la proportion de quatre nominations sur cinq, les conseillers maîtres sont nommés parmi les conseillers référendaires ayant accompli douze années au moins en cette qualité (...). II. - Dans la proportion d'une nomination sur dix-huit intervenant en application du premier alinéa du présent article, un magistrat de chambre régionale des comptes ayant le grade de président de section, âgé de plus de cinquante ans et justifiant au moins de quinze ans de services publics effectifs, est nommé conseiller maître. (...) ". Aux termes de l'article L. 122-5 du même code, dans sa rédaction issue du 14° de l'article 8 de la même ordonnance : " Chaque année, est nommé conseiller référendaire à la Cour des comptes au moins un magistrat de chambre régionale des comptes ayant au moins le grade de premier conseiller. (...) ".
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la loi du
6 août 2019 :
9. Le décret attaqué, en ne mentionnant pas le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et celui des magistrats des chambres régionales des comptes dans la liste des corps et cadres d'emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes qu'il édicte, n'a, en tout état de cause, été pris ni en violation de l'article 59 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, cité au point 4, sur le fondement duquel le Gouvernement a pris l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat, mentionnée au point 5, ni en méconnaissance de l'intention du législateur.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'ordonnance du
2 juin 2021 :
10. L'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de l'Etat, prise sur le fondement de l'article 59 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, pose le cadre de cette transformation en matière de formation et de déroulement des parcours de carrière de l'encadrement supérieur de l'Etat. Elle diversifie les profils de recrutement de ces agents publics, privilégie les " missions opérationnelles " pour les premiers emplois occupés par ces agents, intègre la mobilité dans les parcours de carrière et, en certaines de ses dispositions, décline cette réforme pour l'accès aux fonctions ou aux corps des membres du Conseil d'Etat, des magistrats de la Cour des comptes, des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et des magistrats des chambres régionales des comptes et pour la mobilité des membres de ces corps dans le respect des spécificités juridictionnelles. A cet égard, cette réforme a notamment pour objet d'ouvrir à des administrateurs l'accès aux emplois d'auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des Comptes ainsi que le précise le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de l'Etat, publié au Journal officiel de la République française, selon lequel les recrutements au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes doivent contribuer à la construction de parcours de carrière des cadres supérieurs. A ce titre, les articles L. 133-5 du code de justice administrative et L. 112-3-5 du code des juridictions financières, dans leur rédaction issue de cette ordonnance citée au point 5, prévoient que les auditeurs sont recrutés parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat et des corps ou cadres d'emploi de niveau comparable et renvoient à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer ceux des corps et cadres d'emploi éligibles à un tel recrutement. Par suite, les dispositions de ces articles ayant laissé au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les corps - autres que le corps des administrateurs de l'Etat - et les cadres d'emplois, pour autant qu'ils soient d'un niveau comparable au corps des administrateurs de l'Etat, dont les membres peuvent présenter leur candidature en vue d'exercer les fonctions d'auditeur au Conseil d'Etat ou à la Cour des comptes, le moyen tiré de ce que l'article 1er du décret attaqué, faute de mentionner le corps des magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel et celui des magistrats des chambres régionales des comptes, dans la liste qu'il édicte, méconnait les dispositions des articles L. 133-5 du code de justice administrative et L. 112-3-5 du code des juridictions financières, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 2 juin 2021, doit, dès lors, être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens :
11. En premier lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
12. Il ressort des pièces des dossiers que si, à la différence d'autres corps et cadres d'emplois comparables, les corps des magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel et des magistrats des chambres régionales des comptes ne figurent pas parmi ceux mentionnés par le décret attaqué dont les membres peuvent être recrutés pour exercer les fonctions d'auditeur au Conseil d'Etat ou à la Cour des comptes, ils se trouvent dans une situation différente de ces autres corps et cadres d'emploi, dès lors que leurs membres sont déjà chargés de fonctions juridictionnelles ou ont vocation à en être chargés et qu'ils disposent de voies d'accès spécifiques, mentionnées au point 8 et d'ailleurs élargies par l'ordonnance du
2 juin 2021, en vue de leur nomination comme membres du Conseil d'Etat ou de la Cour des comptes. Par ailleurs, ceux de ces magistrats qui sont recrutés à la sortie de l'Institut national du service public doivent formuler le choix de ces corps dès la sortie de cette école, alors même qu'ils sont appelés, en principe, à exercer au préalable en qualité d'administrateur de l'Etat pendant deux ans, en application des dispositions citées au point 7. La différence de traitement résultant des dispositions du décret attaqué trouve ainsi sa justification dans une différence de situation en rapport avec l'objet de la norme et qui n'est pas disproportionnée. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions qu'ils attaquent sont contraires au principe d'égalité et, en tout état de cause, au principe d'égal accès aux emplois publics.
13. En deuxième lieu, compte tenu des spécificités des dispositions statutaires applicables aux membres des juridictions administratives et des juridictions financières, notamment celles qui ont été mentionnées au point précédent, les dispositions attaquées par les requérants ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
14. En troisième et dernier lieu, l'article 1er du décret attaqué, en tant qu'il ne mentionne pas le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appels et celui des magistrats des chambres régionales des comptes, ne méconnaît aucunement les principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat de la juridiction administrative et le syndicat des juridictions financières ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 22 septembre 2021 fixant la liste des corps et cadres d'emplois dont les membres peuvent être nommés auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes en tant que le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et celui des magistrats des chambres régionales des comptes n'y figurent pas. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le syndicat des juridictions financières tendant à l'annulation de la décision implicite prise sur son recours gracieux, de même que ses conclusions à fins d'injonction, ne peuvent qu'être également rejetées.
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes du syndicat de la juridiction administrative et du syndicat des juridictions financières sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat de la juridiction administrative, au syndicat des juridictions financières, au ministre de la transformation et de la fonction publiques, au garde des sceaux, ministre de la justice et à la Première ministre.