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Ariane Web: Conseil d'État 461935, lecture du 7 février 2023, ECLI:FR:CECHS:2023:461935.20230207

Décision n° 461935
7 février 2023
Conseil d'État

N° 461935
ECLI:FR:CECHS:2023:461935.20230207
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
Mme Elise Adevah-Poeuf, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
SCP SPINOSI ; CABINET MUNIER-APAIRE, avocats


Lecture du mardi 7 février 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Prismaflex International a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative, d'une part, d'annuler la décision par laquelle la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée a rejeté son offre et attribué à la société NT-Urbaneo le marché de fourniture et de pose d'abribus publicitaires dédiés aux transports urbains sur le territoire de la métropole et, d'autre part, d'enjoindre à la métropole de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres.

Par une ordonnance n° 2200140 du 10 février 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a annulé la procédure d'appel d'offres au stade de l'analyse des offres et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février et 15 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Prismaflex International ;

3°) de mettre à la charge de la société Prismaflex International la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée et au cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Prismaflex International ;


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / (...) Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Toulon que, par un avis d'appel public à la concurrence du 29 septembre 2021, la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un accord-cadre à bons de commande ayant pour objet la fourniture et la pose d'abribus publicitaires dédiés aux transports urbains sur le territoire métropolitain. Par un courrier du 13 janvier 2022, la société Prismaflex International a été informée du rejet de l'offre présentée par le groupement dont elle est mandataire. Saisi par cette société, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a, par l'ordonnance attaquée du 10 février 2022, annulé cette procédure de passation au stade de l'analyse des offres et rejeté les conclusions tendant à ce que l'offre de la société NT-Urbaneo, attributaire du marché, soit écartée comme irrégulière.

Sur " l'intervention " de la société NT-Urbaneo :

3. Il ressort des pièces de la procédure que le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a mis en cause la société NT-Urbaneo, qui était partie au litige. Celle-ci avait ainsi qualité pour se pourvoir en cassation contre l'ordonnance attaquée. Dès lors, son intervention doit être regardée comme un pourvoi en cassation contre cette ordonnance. Ce pourvoi n'a été enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat que le 28 mars 2022, après l'expiration du délai de recours contentieux. Dès lors, la société Prismaflex International est fondée à soutenir qu'il est tardif et, par suite, irrecevable.

Sur le pourvoi principal de la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée :

4. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". Le premier alinéa de l'article R. 522-8 du même code précise : " L'instruction est close à l'issue de l'audience, à moins que le juge des référés ne décide de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure dont il avise les parties par tous moyens. Dans ce dernier cas, les productions complémentaires déposées après l'audience et avant la clôture de l'instruction peuvent être adressées directement aux autres parties, sous réserve, pour la partie qui y procède, d'apporter au juge la preuve de ses diligences ".

5. Les décisions prises par le juge des référés sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative sont rendues à la suite d'une procédure particulière qui, tout en étant adaptée à la nature des demandes et à la nécessité d'assurer une décision rapide, doit garantir le caractère contradictoire de l'instruction. Il résulte des dispositions citées au point 4 que, lorsqu'il décide de communiquer, après la clôture de l'instruction, un mémoire qui a été produit par les parties avant ou après celle-ci, le juge des référés doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Il lui appartient, en pareil cas, sauf à fixer une nouvelle audience, d'informer les parties de la date et, le cas échéant, de l'heure à laquelle l'instruction sera close. Il ne saurait, en toute hypothèse, rendre son ordonnance tant que l'instruction est en cours sans entacher la procédure d'irrégularité.

6. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que la clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience tenue le 7 février 2022. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'en communiquant le 10 février 2022, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, les deux mémoires produits les 8 et 9 février 2022 par la société Prismaflex International, le juge des référés doit être regardé comme ayant rouvert cette instruction. En rendant son ordonnance le 10 février 2022 sans avoir préalablement clos l'instruction ainsi rouverte, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon l'a entachée d'irrégularité.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

Sur le pourvoi incident de la société Prismaflex International :

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions du pourvoi incident formé par la société Prismaflex International, dirigées contre l'ordonnance du 10 février 2022, sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la demande de la société Prismaflex International devant le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Toulon :

10. Eu égard à la teneur de ses écritures devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, la société Prismaflex International doit être regardée comme demandant, d'une part, l'annulation de la procédure de passation au stade de l'examen des offres et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à la métropole de reprendre la procédure de passation à ce stade après avoir écarté comme irrégulière l'offre de la société NT-Urbaneo.

11. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ". L'article L. 2152-2 du même code précise qu'une offre irrégulière est " une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ".

12. Un pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement de la consultation.

13. Il résulte de l'instruction que l'article 1.2 du cahier des clauses techniques particulières de la consultation en litige prévoit que les scellements des mobiliers doivent être neufs et que le point 5.5 du règlement de consultation précise que " la platine de fixation, comprise dans les fournitures, sera scellée dans un massif en béton de construction neuve, dont les caractéristiques seront déterminées et fournies dans le mémoire justificatif technique, sans toutefois dépasser 500 mm de profondeur, afin de ne pas occasionner de gêne en cas de présence de réseaux enterrés. / Les visseries des scellements seront protégées par un tissu gras ou équivalent, afin que la Métropole T.P.M. puisse, lors de la dépose du mobilier, désolidariser sans contrainte les éléments du dit scellement ".

14. Il résulte de l'instruction que la société attributaire du marché a prévu une réutilisation de certains scellements des mobiliers déposés. C'est, dès lors, en méconnaissance de la prescription imposée par le règlement de consultation de construire des scellements neufs que son offre a été jugée régulière par le pouvoir adjudicateur. Une telle méconnaissance a nécessairement lésé la société Prismaflex International, qui était la seule autre candidate.

15. Il résulte de ce qui précède que la société Prismaflex International est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres manquements qu'elle invoque, à demander l'annulation de la procédure à compter de l'examen des offres.

16. Eu égard au stade auquel est prononcée l'annulation, il appartiendra à la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée, si elle entend conclure le marché, de reprendre la procédure au stade de l'examen des offres dans le respect du règlement de la consultation, en écartant l'offre irrégulière de la société NT-Urbaneo.


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Prismaflex International qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, de mettre respectivement à la charge de la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée et de la société NT-Urbaneo les sommes de 3 000 et 2 000 euros à verser à la société Prismaflex International au titre des mêmes dispositions, pour l'ensemble de la procédure.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société NT-Urbaneo est rejeté.
Article 2 : L'ordonnance du 10 février 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon est annulée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi incident de la société Prismaflex International dirigées contre l'ordonnance du 10 février 2022.
Article 4 : La procédure d'appel d'offres engagée par la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée en vue d'assurer la fourniture et la pose d'abribus publicitaires dédiés aux transports urbains sur le territoire de la métropole est annulée au stade de l'examen des offres.
Article 5 : Il est enjoint à la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée, si elle entend conclure le marché, de reprendre la procédure au stade de l'examen des offres en écartant comme irrégulière celle de la société NT-Urbaneo.
Article 6 : La Métropole Toulon-Provence-Méditerranée et la société NT Urbaneo verseront respectivement à la société Prismaflex International les sommes de 3 000 et 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de la métropole présentées sur le même fondement sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée, à la société Prismaflex International et à la société NT-Urbaneo.


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