Conseil d'État
N° 456926
ECLI:FR:CECHS:2022:456926.20221229
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme Agnès Pic, rapporteur
Mme Marie Sirinelli, rapporteur public
SCP SPINOSI, avocats
Lecture du jeudi 29 décembre 2022
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " DIGNITAS - Vivre Dignement - Mourir Dignement " demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions par lesquelles le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ont implicitement rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances psychotropes, de l'arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants, des articles R. 5132-1 à R. 5132-96 du code de la santé publique et de l'annexe 51-1 du même code ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé d'abroger ces dispositions et d'en édicter de nouvelles uniquement aux fins de prévoir une exception " permettant à chacun de pouvoir mettre fin à ses jours consciemment, librement et dans la dignité " ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;
- le code de la santé publique ;
- les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme le 29 juillet 2002 dans l'affaire Pretty c. Royaume-Uni, n° 2346/02 et le 20 janvier 2011 dans l'affaire Haas c. Suisse, n° 31322/07 ;
- la décision n° 456926 du 15 décembre 2021 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association " DIGNITAS - Vivre Dignement - Mourir Dignement " ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de l'association " DIGNITAS Vivre Dignement - Mourir dignement " ;
Considérant ce qui suit :
Sur l'intervention :
1. M. B... et les autres intervenants justifient d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête de l'association " DIGNITAS - Vivre Dignement - Mourir Dignement ". Leur intervention est, par suite, recevable.
Sur le cadre du litige :
2. Le chapitre II du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique réglemente les substances et préparations vénéneuses. L'article L. 5132-1 de ce code définit les substances vénéneuses comme les substances stupéfiantes, les substances psychotropes et les substances inscrites sur la liste I et la liste II définies à l'article L. 5132-6 du même code et précise les notions de " substances " et de " préparations ". L'article L. 5132-7 confie au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé le pouvoir de classer les plantes, substances ou préparations vénéneuses comme stupéfiants ou comme psychotropes ou de les inscrire sur les listes I et II. Aux termes de l'article L. 5132-8 du code de la santé publique : " La production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition et l'emploi de plantes, de substances ou de préparations classées comme vénéneuses sont soumises à des conditions définies par décrets en Conseil d'État. / Ces décrets peuvent prohiber toute opération relative à ces plantes et substances ; ils peuvent notamment, après avis des Académies nationales de médecine et de pharmacie, interdire la prescription et l'incorporation dans des préparations de certaines de ces plantes et substances ou des spécialités qui en contiennent. / Les conditions de prescription et de délivrance de telles préparations sont fixées après avis des conseils nationaux de l'ordre des médecins et de l'ordre des pharmaciens ". Ces dispositions sont assorties de sanctions pénales fixées aux articles L. 5432-1 à L. 5432-5 du même code, les substances classées comme stupéfiant étant en outre soumises à des dispositions pénales supplémentaires qui leur sont propres.
3. Sur le fondement de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique, un premier arrêté du 22 février 1990 a fixé la liste des substances psychotropes et un second arrêté du même jour a fixé la liste des substances classées comme stupéfiants. Les articles R. 5132-1 à R. 5132-96 du code de la santé publique constituent l'ensemble de la partie réglementaire de ce chapitre du code de la santé publique prise en application de l'article L. 5132-8 de ce code, à l'exception des dispositions de ce chapitre relatives à l'addictovigilance. En application de l'article R. 5132-40 du même code, l'annexe 51-1 du code de la santé publique dresse la liste des substances vénéneuses, réparties en quatre groupes, dont la prescription sous forme d'une préparation magistrale et l'incorporation de plusieurs d'entre elles dans une même préparation est interdite lorsqu'elles appartiennent à des groupes différents
4. L'association requérante demande l'annulation pour excès de pouvoir du refus du Premier ministre et du ministre des solidarités et de la santé d'abroger les deux arrêtés du 22 février 1990, les articles R. 5132-1 à R. 5132-96 du code de la santé publique et l'annexe 51-1 de ce code.
Sur les moyens :
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que les dispositions des articles des articles L. 5132-1 à L. 5132-9 et L. 5432-1 à L. 5432-5 du code de la santé publique participent du régime de police spéciale instauré par le législateur en vue de réglementer les opérations relatives aux substances présentant des risques directs ou indirects pour la santé publique. Elles ont, ainsi, de même que les dispositions réglementaires prises pour leur application dont l'association requérante conteste le refus d'abrogation, un tout autre objet que la reconnaissance ou l'exercice d'un " droit à mourir dans la dignité " tel que revendiqué par cette association. Les articles 2, 8 et 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatifs respectivement au droit à la vie, au droit au respect de la vie privée et familiale et à la liberté de pensée, de conscience et de religion, tels qu'interprétés par la Cour européenne des droits de l'homme, notamment par les arrêts qu'elle a rendus le 29 juillet 2002 dans l'affaire Pretty c. Royaume-Uni, et le 20 janvier 2011 dans l'affaire Haas c. Suisse, visés ci-dessus, n'impliquent pas par eux-mêmes de prévoir l'aménagement au régime des substances relevant du régime de police spéciale en litige réclamé par l'association pour l'exercice du droit qu'elle revendique. Par suite, le moyen par lequel l'association requérante soutient que, faute de comporter une exception permettant l'exercice d'un tel droit, ces dispositions législatives et règlementaires méconnaîtraient ces stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " DIGNITAS - Vivre dignement - Mourir dignement " n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre des solidarités et de la santé. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent par suite qu'être également rejetées, de même que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de M. B... et autres est admise.
Article 2 : La requête de l'association " DIGNITAS - Vivre dignement - Mourir dignement " est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association " DIGNITAS - Vivre dignement - Mourir dignement ", à M. A... B..., premier dénommé, pour l'ensemble des intervenants, et au ministre de la santé et de la prévention.
Copie en sera adressée à la Première ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 24 novembre 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 29 décembre 2022.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
La rapporteure :
Signé : Mme Agnès Pic
Le secrétaire :
Signé : M. Mickaël Lemasson
N° 456926
ECLI:FR:CECHS:2022:456926.20221229
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme Agnès Pic, rapporteur
Mme Marie Sirinelli, rapporteur public
SCP SPINOSI, avocats
Lecture du jeudi 29 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " DIGNITAS - Vivre Dignement - Mourir Dignement " demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions par lesquelles le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ont implicitement rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances psychotropes, de l'arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants, des articles R. 5132-1 à R. 5132-96 du code de la santé publique et de l'annexe 51-1 du même code ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé d'abroger ces dispositions et d'en édicter de nouvelles uniquement aux fins de prévoir une exception " permettant à chacun de pouvoir mettre fin à ses jours consciemment, librement et dans la dignité " ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;
- le code de la santé publique ;
- les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme le 29 juillet 2002 dans l'affaire Pretty c. Royaume-Uni, n° 2346/02 et le 20 janvier 2011 dans l'affaire Haas c. Suisse, n° 31322/07 ;
- la décision n° 456926 du 15 décembre 2021 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association " DIGNITAS - Vivre Dignement - Mourir Dignement " ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de l'association " DIGNITAS Vivre Dignement - Mourir dignement " ;
Considérant ce qui suit :
Sur l'intervention :
1. M. B... et les autres intervenants justifient d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête de l'association " DIGNITAS - Vivre Dignement - Mourir Dignement ". Leur intervention est, par suite, recevable.
Sur le cadre du litige :
2. Le chapitre II du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique réglemente les substances et préparations vénéneuses. L'article L. 5132-1 de ce code définit les substances vénéneuses comme les substances stupéfiantes, les substances psychotropes et les substances inscrites sur la liste I et la liste II définies à l'article L. 5132-6 du même code et précise les notions de " substances " et de " préparations ". L'article L. 5132-7 confie au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé le pouvoir de classer les plantes, substances ou préparations vénéneuses comme stupéfiants ou comme psychotropes ou de les inscrire sur les listes I et II. Aux termes de l'article L. 5132-8 du code de la santé publique : " La production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition et l'emploi de plantes, de substances ou de préparations classées comme vénéneuses sont soumises à des conditions définies par décrets en Conseil d'État. / Ces décrets peuvent prohiber toute opération relative à ces plantes et substances ; ils peuvent notamment, après avis des Académies nationales de médecine et de pharmacie, interdire la prescription et l'incorporation dans des préparations de certaines de ces plantes et substances ou des spécialités qui en contiennent. / Les conditions de prescription et de délivrance de telles préparations sont fixées après avis des conseils nationaux de l'ordre des médecins et de l'ordre des pharmaciens ". Ces dispositions sont assorties de sanctions pénales fixées aux articles L. 5432-1 à L. 5432-5 du même code, les substances classées comme stupéfiant étant en outre soumises à des dispositions pénales supplémentaires qui leur sont propres.
3. Sur le fondement de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique, un premier arrêté du 22 février 1990 a fixé la liste des substances psychotropes et un second arrêté du même jour a fixé la liste des substances classées comme stupéfiants. Les articles R. 5132-1 à R. 5132-96 du code de la santé publique constituent l'ensemble de la partie réglementaire de ce chapitre du code de la santé publique prise en application de l'article L. 5132-8 de ce code, à l'exception des dispositions de ce chapitre relatives à l'addictovigilance. En application de l'article R. 5132-40 du même code, l'annexe 51-1 du code de la santé publique dresse la liste des substances vénéneuses, réparties en quatre groupes, dont la prescription sous forme d'une préparation magistrale et l'incorporation de plusieurs d'entre elles dans une même préparation est interdite lorsqu'elles appartiennent à des groupes différents
4. L'association requérante demande l'annulation pour excès de pouvoir du refus du Premier ministre et du ministre des solidarités et de la santé d'abroger les deux arrêtés du 22 février 1990, les articles R. 5132-1 à R. 5132-96 du code de la santé publique et l'annexe 51-1 de ce code.
Sur les moyens :
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que les dispositions des articles des articles L. 5132-1 à L. 5132-9 et L. 5432-1 à L. 5432-5 du code de la santé publique participent du régime de police spéciale instauré par le législateur en vue de réglementer les opérations relatives aux substances présentant des risques directs ou indirects pour la santé publique. Elles ont, ainsi, de même que les dispositions réglementaires prises pour leur application dont l'association requérante conteste le refus d'abrogation, un tout autre objet que la reconnaissance ou l'exercice d'un " droit à mourir dans la dignité " tel que revendiqué par cette association. Les articles 2, 8 et 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatifs respectivement au droit à la vie, au droit au respect de la vie privée et familiale et à la liberté de pensée, de conscience et de religion, tels qu'interprétés par la Cour européenne des droits de l'homme, notamment par les arrêts qu'elle a rendus le 29 juillet 2002 dans l'affaire Pretty c. Royaume-Uni, et le 20 janvier 2011 dans l'affaire Haas c. Suisse, visés ci-dessus, n'impliquent pas par eux-mêmes de prévoir l'aménagement au régime des substances relevant du régime de police spéciale en litige réclamé par l'association pour l'exercice du droit qu'elle revendique. Par suite, le moyen par lequel l'association requérante soutient que, faute de comporter une exception permettant l'exercice d'un tel droit, ces dispositions législatives et règlementaires méconnaîtraient ces stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " DIGNITAS - Vivre dignement - Mourir dignement " n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre des solidarités et de la santé. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent par suite qu'être également rejetées, de même que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de M. B... et autres est admise.
Article 2 : La requête de l'association " DIGNITAS - Vivre dignement - Mourir dignement " est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association " DIGNITAS - Vivre dignement - Mourir dignement ", à M. A... B..., premier dénommé, pour l'ensemble des intervenants, et au ministre de la santé et de la prévention.
Copie en sera adressée à la Première ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 24 novembre 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 29 décembre 2022.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
La rapporteure :
Signé : Mme Agnès Pic
Le secrétaire :
Signé : M. Mickaël Lemasson