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Décision n° 444266
1 avril 2022
Conseil d'État

N° 444266
ECLI:FR:CECHR:2022:444266.20220401
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Lionel Ferreira, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE, avocats


Lecture du vendredi 1 avril 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société PF02 a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017 à raison de locaux dont elle est propriétaire sur le territoire de la commune de Grenoble (Isère), assortie des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1803700 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 septembre et 2 décembre 2020 ainsi que le 10 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société PF02 demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de la société PF02 ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis au juge du fond que la société PF02, qui possède un immeuble situé à Grenoble (Isère), a sollicité la décharge de ses cotisations primitives de taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre de 2016 et 2017, en invoquant, par la voie de l'exception, l'illégalité des délibérations de la métropole Grenoble Alpes Métropole des 4 mars 2016 et 17 mars 2017. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

2. Aux termes du I de l'article 1520 du code général des impôts dans sa rédaction issue du V de l'article 57 de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, applicable à compter du 1er janvier 2016 : " Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal (...) ". Les déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales s'entendent des déchets non ménagers que ces collectivités peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières. Aux termes de l'article L. 2333-78 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 19 décembre 2015 précitée : " Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes peuvent instituer une redevance spéciale afin de financer la collecte et le traitement des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14. / Ils sont tenus de l'instituer lorsqu'ils n'ont institué ni la redevance prévue à l'article L. 2333-76 du présent code ni la taxe d'enlèvement des ordures ménagères prévue à l'article 1520 du code général des impôts. / Ils ne peuvent l'instituer s'ils ont institué la redevance prévue à l'article L. 2333-76 (...) / Elle est calculée en fonction de l'importance du service rendu, notamment de la quantité des déchets gérés. Elle peut toutefois être fixée de manière forfaitaire pour la gestion de petites quantités de déchets ". Aux termes du 2 bis du III de l'article 1521 du code général des impôts, issu de la loi du 29 décembre 2015 : " Les conseils municipaux peuvent exonérer de la taxe les locaux dont disposent les personnes assujetties à la redevance spéciale prévue à l'article L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales (...) ". Aux termes de l'article L. 2331-2 du code général des collectivités territoriales, applicable aux métropoles en vertu de l'article L. 5217-10 de ce code : " Les recettes non fiscales de la section de fonctionnement comprennent : / (...) 12° Toutes les autres recettes annuelles et permanentes ".

3. D'une part, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales cité au point 2 et non couvertes par des recettes non fiscales affectées à ces opérations. Il s'ensuit que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant des dépenses exposées pour la collecte et le traitement des déchets ménagers comme des déchets non ménagers, déduction faite, le cas échéant, du montant des recettes non fiscales de la section de fonctionnement, telles qu'elles sont définies par les articles L. 2331-2 et L. 2331-4 du même code, relatives à ces opérations. Les subventions d'équilibres versées depuis le budget général de la collectivité compétente vers le budget annexe retraçant les dépenses et recettes du service de traitement des déchets pour éviter que la section de fonctionnement de ce budget annexe ne soit en déficit ne sont pas au nombre, eu égard à leur nature et alors même qu'elles seraient versées au cours de plusieurs années consécutives, de ces recettes non fiscales.

4. D'autre part, il résulte, des dispositions rappelées au point 2 que le législateur a entendu permettre aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale compétents, à compter du 1er janvier 2016, de couvrir les dépenses exposées pour la collecte et le traitement des déchets non ménagers mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales au moyen, concurremment, du produit de la redevance spéciale de l'article L. 2333-78 du même code et, en tant que de besoin, du produit de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que c'est sans dénaturer les pièces du dossier ni commettre d'erreur de droit que le tribunal administratif de Grenoble a jugé que les subventions versées du budget général de la métropole Grenoble-Alpes-Métropole vers son budget annexe retraçant les recettes et dépenses liées au traitement des déchets afin d'en assurer l'équilibre n'avaient pas à être déduites du montant des dépenses retenu pour apprécier la proportionnalité du produit de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, alors même qu'elles ont été versées pendant six années consécutives. En revanche, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que s'il appartenait au tribunal administratif de tenir compte des dépenses relatives non seulement aux déchets ménagers mais aussi aux déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, il a commis une erreur de droit en n'incluant pas le produit attendu de la redevance spéciale dans les recettes non fiscales devant être déduites du montant de ces dépenses.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société PF02 est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société PF02 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Grenoble.
Article 3 : L'Etat versera à la société PF02 une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société PF02 et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré à l'issue de la séance du 11 mars 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Frédéric Aladjidi, président de chambre ; Mme A... I..., M. D... E..., Mme F... B..., M. H... C..., M. François Weil, conseillers d'Etat ; Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 1er avril 2022.



Le président :
Signé : M. Bertrand Dacosta
Le rapporteur :
Signé : M. Lionel Ferreira
La secrétaire :
Signé : Mme G... J...