Conseil d'État
N° 440051
ECLI:FR:CECHS:2022:440051.20220330
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
M. Mathieu Le Coq, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats
Lecture du mercredi 30 mars 2022
Vu la procédure suivante :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy sur sa demande du 26 décembre 2016 tendant à ce qu'il soit réintégré au sein des services de la collectivité sur la base d'un contrat à durée indéterminée, d'enjoindre à cette collectivité de procéder à sa réintégration et de la condamner à lui verser la somme de 234 682,11 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi. Par un jugement n° 1700008 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Saint Barthélemy a condamné cette collectivité à verser à M. A... une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de proposition d'un contrat à durée indéterminée et rejeté le surplus de sa demande.
Par un arrêt n°18BX01008 du 10 février 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande et, statuant sur l'appel incident de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy, a annulé ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi par M. A..., et a rejeté la demande d'indemnisation de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Saint-Barthélemy.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, enregistrés le 10 avril 2020 et le 10 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et de rejeter l'appel incident de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy ;
3°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. A... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 13 septembre 1995, M. A... a conclu avec la commune de Saint-Barthélemy, devenue depuis lors la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy, une convention de prestations de services, prenant effet au 1er août 1995, par laquelle il s'engageait à fournir à la commune des prestations de conseil et de rédaction juridiques ainsi que de gestion des contentieux. Cette convention a fait l'objet de renouvellements successifs jusqu'en 2006. Par un contrat conclu le 17 octobre 2006 sur le fondement de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, M. A... a été recruté par cette collectivité, pour une durée de trois ans à compter du 1er décembre 2006, afin d'exercer les fonctions de juriste non titulaire. Ce contrat a fait l'objet d'un renouvellement. Par un courrier du 10 juillet 2012, le président de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy a décidé de ne pas renouveler ce contrat arrivant à échéance le 30 novembre 2012, la collectivité lui reprochant des retards et absences injustifiées ainsi qu'un manque de rigueur dans le suivi des dossiers. M. A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy sur sa demande du 26 décembre 2016, reçue le 28 décembre suivant, tendant à sa réintégration sur la base d'un contrat à durée indéterminée, d'enjoindre au président de cette collectivité de lui proposer un contrat à durée indéterminée et de la condamner à l'indemniser du préjudice subi du fait de son éviction. Par un jugement du 19 décembre 2017, ce tribunal a condamné la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy à verser à M. A... une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de proposition d'un contrat à durée indéterminée et rejeté le surplus de sa demande. M. A... se pourvoit contre l'arrêt du 10 février 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande et, statuant sur l'appel incident de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy, a annulé ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi, et a rejeté la demande d'indemnisation de M. A....
2. Aux termes de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " À la date de publication de la présente loi, la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée est obligatoirement proposée à l'agent contractuel, employé par une collectivité territoriale ou un des établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée conformément à l'article 3 de la même loi, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi, qui se trouve en fonction ou bénéficie d'un congé prévu par le décret pris en application de l'article 136 de ladite loi. / Le droit défini au premier alinéa du présent article est subordonné à une durée de services publics effectifs, accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement public, au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la présente loi (...) ". Aux termes de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique : " I. - Lorsque l'agent, recruté sur un emploi permanent, est en fonction à la date de publication de la présente loi ou bénéficie, à cette date, d'un congé en application des dispositions du décret mentionné à l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, le renouvellement de son contrat est soumis aux conditions prévues aux septième et huitième alinéas de l'article 3 de la même loi. / Lorsque, à la date de publication de la présente loi, l'agent est en fonction depuis six ans au moins, de manière continue, son contrat ne peut, à son terme, être reconduit que par décision expresse pour une durée indéterminée ".
3. Lorsqu'un agent invoque le bénéfice de ces dispositions, il appartient au juge administratif de rechercher, en recourant au besoin à la méthode du faisceau d'indices, si en dépit de l'existence de contrats antérieurs conclus sous la forme de conventions de prestations de services, l'agent peut être regardé comme ayant accompli la durée nécessaire de services publics effectifs auprès de la même personne publique en qualité d'agent de celle-ci. Ces indices peuvent être notamment les conditions d'exécution du contrat, en particulier le lieu d'affectation de l'agent, la nature des missions qui lui sont confiées et l'existence ou non d'un lien de subordination vis-à-vis du chef du service concerné. L'agent concerné, s'il estime remplir, avant l'échéance de son contrat en cours, les conditions de transformation de ce dernier en contrat à durée indéterminée, peut, à défaut de proposition en ce sens adressée par l'autorité d'emploi, demander à cette dernière le bénéfice de cette transformation, et ce jusqu'à, au plus tard, deux mois après l'expiration de ce contrat.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... exerçait de fait, sous l'autorité directe de M. C..., maire de la commune puis président de la collectivité territoriale, les fonctions de responsable du service juridique de la collectivité. Il travaillait avec les moyens de cette collectivité et disposait d'un bureau personnel à l'hôtel de ville. Il a assuré la représentation de cette collectivité au sein de plusieurs commissions administratives et instances consultatives et recevait les convocations à des réunions, commissions et séances du conseil municipal, adressées par le maire. Il a au demeurant continué à exercer les mêmes fonctions dans les mêmes conditions lorsqu'il est devenu agent de la collectivité sous contrat à durée déterminée signé le 17 octobre 2006. Il percevait une rémunération mensuelle forfaitaire en qualité de prestataire et a perçu ensuite une rémunération équivalente lorsqu'il est devenu agent contractuel en 2006, ses frais professionnels ayant toujours été directement pris en charge par la commune. Il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, comme l'allègue la collectivité, M. A... aurait eu d'autres clients lorsqu'il travaillait pour le compte de celle-ci sous le statut de prestataire. Par ailleurs, la circonstance que M. A... aurait proposé ou a accepté le recours au statut de prestataire en 1995 est sans incidence, dès lors qu'il convient de qualifier le contrat au regard de la consistance réelle du lien qui a uni les parties tout au long de ces années. Par suite, la cour, qui, au surplus, n'avait pas à rechercher l'existence d'un détournement de procédure entachant la signature de la convention de prestations de services, a inexactement qualifié les faits de l'espèce lorsqu'elle a jugé que les éléments du dossier ne permettaient pas de regarder la collectivité de Saint-Barthélemy comme étant en réalité l'employeur de M. A... lorsqu'ils étaient liés par une convention de prestations de services. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 10 février 2020 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : La collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 février 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 30 mars 2022.
Le président :
Signé : M. Guillaume Goulard
Le rapporteur :
Signé : M. Mathieu Le Coq
La secrétaire :
Signé : Mme D... E...
N° 440051
ECLI:FR:CECHS:2022:440051.20220330
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
M. Mathieu Le Coq, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats
Lecture du mercredi 30 mars 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy sur sa demande du 26 décembre 2016 tendant à ce qu'il soit réintégré au sein des services de la collectivité sur la base d'un contrat à durée indéterminée, d'enjoindre à cette collectivité de procéder à sa réintégration et de la condamner à lui verser la somme de 234 682,11 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi. Par un jugement n° 1700008 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Saint Barthélemy a condamné cette collectivité à verser à M. A... une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de proposition d'un contrat à durée indéterminée et rejeté le surplus de sa demande.
Par un arrêt n°18BX01008 du 10 février 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande et, statuant sur l'appel incident de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy, a annulé ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi par M. A..., et a rejeté la demande d'indemnisation de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Saint-Barthélemy.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, enregistrés le 10 avril 2020 et le 10 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et de rejeter l'appel incident de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy ;
3°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. A... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 13 septembre 1995, M. A... a conclu avec la commune de Saint-Barthélemy, devenue depuis lors la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy, une convention de prestations de services, prenant effet au 1er août 1995, par laquelle il s'engageait à fournir à la commune des prestations de conseil et de rédaction juridiques ainsi que de gestion des contentieux. Cette convention a fait l'objet de renouvellements successifs jusqu'en 2006. Par un contrat conclu le 17 octobre 2006 sur le fondement de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, M. A... a été recruté par cette collectivité, pour une durée de trois ans à compter du 1er décembre 2006, afin d'exercer les fonctions de juriste non titulaire. Ce contrat a fait l'objet d'un renouvellement. Par un courrier du 10 juillet 2012, le président de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy a décidé de ne pas renouveler ce contrat arrivant à échéance le 30 novembre 2012, la collectivité lui reprochant des retards et absences injustifiées ainsi qu'un manque de rigueur dans le suivi des dossiers. M. A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy sur sa demande du 26 décembre 2016, reçue le 28 décembre suivant, tendant à sa réintégration sur la base d'un contrat à durée indéterminée, d'enjoindre au président de cette collectivité de lui proposer un contrat à durée indéterminée et de la condamner à l'indemniser du préjudice subi du fait de son éviction. Par un jugement du 19 décembre 2017, ce tribunal a condamné la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy à verser à M. A... une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de proposition d'un contrat à durée indéterminée et rejeté le surplus de sa demande. M. A... se pourvoit contre l'arrêt du 10 février 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande et, statuant sur l'appel incident de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy, a annulé ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi, et a rejeté la demande d'indemnisation de M. A....
2. Aux termes de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " À la date de publication de la présente loi, la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée est obligatoirement proposée à l'agent contractuel, employé par une collectivité territoriale ou un des établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée conformément à l'article 3 de la même loi, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi, qui se trouve en fonction ou bénéficie d'un congé prévu par le décret pris en application de l'article 136 de ladite loi. / Le droit défini au premier alinéa du présent article est subordonné à une durée de services publics effectifs, accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement public, au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la présente loi (...) ". Aux termes de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique : " I. - Lorsque l'agent, recruté sur un emploi permanent, est en fonction à la date de publication de la présente loi ou bénéficie, à cette date, d'un congé en application des dispositions du décret mentionné à l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, le renouvellement de son contrat est soumis aux conditions prévues aux septième et huitième alinéas de l'article 3 de la même loi. / Lorsque, à la date de publication de la présente loi, l'agent est en fonction depuis six ans au moins, de manière continue, son contrat ne peut, à son terme, être reconduit que par décision expresse pour une durée indéterminée ".
3. Lorsqu'un agent invoque le bénéfice de ces dispositions, il appartient au juge administratif de rechercher, en recourant au besoin à la méthode du faisceau d'indices, si en dépit de l'existence de contrats antérieurs conclus sous la forme de conventions de prestations de services, l'agent peut être regardé comme ayant accompli la durée nécessaire de services publics effectifs auprès de la même personne publique en qualité d'agent de celle-ci. Ces indices peuvent être notamment les conditions d'exécution du contrat, en particulier le lieu d'affectation de l'agent, la nature des missions qui lui sont confiées et l'existence ou non d'un lien de subordination vis-à-vis du chef du service concerné. L'agent concerné, s'il estime remplir, avant l'échéance de son contrat en cours, les conditions de transformation de ce dernier en contrat à durée indéterminée, peut, à défaut de proposition en ce sens adressée par l'autorité d'emploi, demander à cette dernière le bénéfice de cette transformation, et ce jusqu'à, au plus tard, deux mois après l'expiration de ce contrat.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... exerçait de fait, sous l'autorité directe de M. C..., maire de la commune puis président de la collectivité territoriale, les fonctions de responsable du service juridique de la collectivité. Il travaillait avec les moyens de cette collectivité et disposait d'un bureau personnel à l'hôtel de ville. Il a assuré la représentation de cette collectivité au sein de plusieurs commissions administratives et instances consultatives et recevait les convocations à des réunions, commissions et séances du conseil municipal, adressées par le maire. Il a au demeurant continué à exercer les mêmes fonctions dans les mêmes conditions lorsqu'il est devenu agent de la collectivité sous contrat à durée déterminée signé le 17 octobre 2006. Il percevait une rémunération mensuelle forfaitaire en qualité de prestataire et a perçu ensuite une rémunération équivalente lorsqu'il est devenu agent contractuel en 2006, ses frais professionnels ayant toujours été directement pris en charge par la commune. Il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, comme l'allègue la collectivité, M. A... aurait eu d'autres clients lorsqu'il travaillait pour le compte de celle-ci sous le statut de prestataire. Par ailleurs, la circonstance que M. A... aurait proposé ou a accepté le recours au statut de prestataire en 1995 est sans incidence, dès lors qu'il convient de qualifier le contrat au regard de la consistance réelle du lien qui a uni les parties tout au long de ces années. Par suite, la cour, qui, au surplus, n'avait pas à rechercher l'existence d'un détournement de procédure entachant la signature de la convention de prestations de services, a inexactement qualifié les faits de l'espèce lorsqu'elle a jugé que les éléments du dossier ne permettaient pas de regarder la collectivité de Saint-Barthélemy comme étant en réalité l'employeur de M. A... lorsqu'ils étaient liés par une convention de prestations de services. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 10 février 2020 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : La collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 février 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 30 mars 2022.
Le président :
Signé : M. Guillaume Goulard
Le rapporteur :
Signé : M. Mathieu Le Coq
La secrétaire :
Signé : Mme D... E...