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Ariane Web: Conseil d'État 458237, lecture du 2 mars 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:458237.20220302

Décision n° 458237
2 mars 2022
Conseil d'État

N° 458237
ECLI:FR:CECHR:2022:458237.20220302
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
Mme Ségolène Cavaliere, rapporteur
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public
SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH ; SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE, avocats


Lecture du mercredi 2 mars 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :


Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne l'a suspendue de ses fonctions et d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de lui verser la rémunération qui ne lui a pas été versée en raison de cette suspension. Par une ordonnance n° 2108124 du 22 octobre 2021, le juge des référés a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 16 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le décret n° 2021-1059 du 7 aout 2021 ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de Mme A....




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Lyon que, par une décision en date du 15 septembre 2021, le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne a suspendu de ses fonctions Mme A..., ouvrière principale de deuxième classe, jusqu'à ce qu'elle satisfasse à l'obligation de vaccination contre la covid-19 prévue par l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Le CHU de Saint-Etienne se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 22 octobre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a suspendu l'exécution de cette décision, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

3. Aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) ".

4. En adoptant, pour l'ensemble des personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, à l'exception de celles y effectuant une tâche ponctuelle, le principe d'une obligation vaccinale à compter du 15 septembre 2021, le législateur a entendu, dans un contexte de progression rapide de l'épidémie de covid-19 accompagné de l'émergence de nouveaux variants et compte tenu d'un niveau encore incomplet de la couverture vaccinale de certains professionnels de santé, garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par les vaccins disponibles et protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des personnes qui y étaient hospitalisés. Il en résulte que l'obligation vaccinale prévue par les dispositions législatives citées au point précédent s'impose à toute personne travaillant régulièrement au sein de locaux relevant d'un établissement de santé mentionné à l'article L.6111-1 du code de la santé publique, quel que soit l'emplacement des locaux en question et que cette personne ait ou non des activités de soins et soit ou non en contact avec des personnes malades ou des professionnels de santé.

5. Il résulte de ce qui précède qu'en se fondant, pour juger qu'était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée le moyen tiré de ce que Mme A... était soustraite à l'obligation vaccinale, sur la circonstance qu'elle travaille dans la cantine du CHU de Saint-Etienne dont les locaux sont situés à distance des autres locaux de cet établissement de santé, le juge des référés a commis une erreur de droit.

6. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le CHU de Saint-Etienne est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé.

8. Pour demander la suspension de la décision contestée, Mme A... soutient qu'elle devait comporter le visa de ce que son signataire était habilité à avoir accès aux données de santé, que l'entretien de régularisation de sa situation vaccinale a eu lieu le jour même de la décision, que celle-ci méconnaît les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires qui limitent à quatre mois les décisions de suspension, qu'elle revêt le caractère d'une sanction déguisée, que la localisation de son lieu d'exercice professionnel la dispense de toute obligation vaccinale, que le décret du 7 août 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire est illégal en ce qu'il introduit une discrimination en raison de l'état de santé et, enfin, que la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

9. Aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une situation d'urgence, la demande de Mme A... tendant à la suspension de cette décision doit être rejetée.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CHU de Saint-Etienne qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que demande la CHU de Saint-Etienne au titre de ces mêmes dispositions.


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 22 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentée par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et à Mme B... A....
Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.


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