Conseil d'État
N° 447872
ECLI:FR:CECHR:2021:447872.20210629
Inédit au recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Alexis Goin, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
Lecture du mardi 29 juin 2021
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 447872, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 décembre 2020, 11 janvier et 19 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Cimade, service oecuménique d'entraide, l'Association des avocats pour la défense du droit des étrangers, le Groupe d'information et de soutien aux immigré.e.s, l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture, l'association JRS - Service jésuite des réfugiés France, la Ligue des droits de l'homme, le Groupe accueil et solidarité, l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, Mme C..., Mme B... A..., M. E... et M. D... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction n° 6239/SG du 29 décembre 2020 et la décision du pouvoir réglementaire, révélée par le site France Visas, de demander aux consuls de ne pas enregistrer ou instruire les demandes de visas de long séjour de réunification familiale au titre de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de faire application des prescriptions de l'instruction du 15 août 2020 et de ses actes consécutifs ;
2°) d'enjoindre aux ministres de prendre les mesures réglementaires ou d'organisation nécessaires pour l'enregistrement et la délivrance de visas de ce type, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
3°) à titre subsidiaire, de demander un avis à la Cour européenne des droits de l'homme en application de l'article 1er du protocole n° 16 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sur l'interprétation de l'article 15 de la convention ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 447890, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 décembre 2020, 11 janvier et 19 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des avocats pour la défense du droit des étrangers, la Cimade, service oecuménique d'entraide, le Groupe d'information et de soutien aux immigré.e.s, la Ligue des droits de l'homme et le Syndicat des avocats de France demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction du Premier ministre n° 6239/SG du 29 décembre 2020 et la décision du pouvoir réglementaire, révélée par le site France Visas, de demander aux consuls de ne pas enregistrer ou instruire les demandes de visas de long séjour de regroupement familial au titre de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de faire application des prescriptions de l'instruction du 15 août 2020 et de ses actes consécutifs ;
2°) d'enjoindre aux ministres de prendre les mesures réglementaires ou d'organisation nécessaires pour l'enregistrement et la délivrance de visas de ce type, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
3°) à titre subsidiaire, de demander un avis à la Cour européenne des droits de l'homme en application de l'article 1er du protocole n° 16 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sur l'interprétation de l'article 15 de la convention ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2008-1176 du 13 novembre 2008 ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre les mêmes décisions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou Covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre chargé de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 a créé un régime d'état d'urgence sanitaire, défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, et a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ces dispositions a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020.
3. Une nouvelle progression de l'épidémie a conduit le Président de la République à prendre le 14 octobre dernier, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret déclarant l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre sur l'ensemble du territoire national. L'article 1er de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire a prorogé l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 16 février 2021 inclus.
4. Dès le 18 mars 2020, le Premier ministre a décidé de limiter l'accès au territoire national des personnes voulant y entrer depuis l'étranger. Par différentes instructions du 18 mars, 12 mai, 1er juillet, 15 août et 29 décembre 2020, il a demandé aux autorités compétentes d'opposer des refus d'entrée à toutes les personnes étrangères, sauf dérogations limitativement énumérées, et prescrit à toute personne susceptible d'être admise à entrer en France de produire, lors des opérations d'embarquement et de contrôle aux frontières, une attestation de déplacement international, disponible sur internet, en y indiquant la dérogation applicable.
5. Les associations requérantes ont d'abord demandé l'annulation de la décision des autorités réglementaires de ne pas enregistrer et instruire les demandes de visas des bénéficiaires du regroupement familial et de la réunification familiale en application de l'instruction du Premier ministre du 15 août 2020, dont elles soutenaient qu'elle avait été abrogée. Par leurs nouveaux mémoires du 11 janvier 2021, elles ont demandé l'annulation de l'instruction du Premier ministre du 29 décembre 2020, qui a repris l'essentiel des prescriptions de l'instruction du 15 août 2020. Par suite, elles doivent être regardées, dans le dernier état de leurs écritures, comme demandant l'annulation, d'une part, de l'instruction du 29 décembre 2020 en tant qu'elle ne prévoit pas de dérogations pour entrer sur le territoire français pour les familles des bénéficiaires du regroupement familial ou de la réunification familiale et, d'autre part, de l'instruction du ministre de l'intérieur donnée aux services consulaires de ne pas instruire les demandes de visas des personnes concernées.
Sur l'exception de non-lieu opposée par le ministre de l'intérieur :
6. Si le ministre de l'intérieur soutient que l'abrogation de l'instruction du 29 décembre 2020 par une instruction du Premier ministre du 25 janvier 2021 aurait privé d'objet les conclusions des requérants tendant à l'annulation de la première de ces instructions, il ne ressort pas des pièces du dossier que celle-ci n'aurait reçu aucune exécution. Dès lors, l'exception de non-lieu soulevée par le ministre ne peut qu'être écartée.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sur la légalité externe :
7. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code dispose que : " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. (...) / (...) / La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 131-19 ". Aux termes du I de l'article L. 3131-15 du même code : " I.- Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : (...) 1° Réglementer ou interdire la circulation des personnes (...) / ... / 3° Ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l'article 1er du règlement sanitaire international de 2005, des personnes susceptibles d'être affectées ; / 4° Ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, au sens du même article 1er, à leur domicile ou tout autre lieu d'hébergement adapté, des personnes affectées ; / (... ) / II.- Les mesures prévues aux 3° et 4° du I du présent article ayant pour objet la mise en quarantaine, le placement et le maintien en isolement ne peuvent viser que les personnes qui, ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l'infection, entrent sur le territoire hexagonal, arrivent en Corse ou dans l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution. La liste des zones de circulation de l'infection est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. (...) ". Ce même article précise en son III que les mesures prises en application de ses dispositions " sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu " et " qu'il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires ".
8. En premier lieu, les dispositions précitées de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique ne font pas obstacle à ce que des mesures visant à prévenir ou contenir la catastrophe sanitaire qui a justifié la déclaration de l'état d'urgence sanitaire, et qui ne relèvent pas des domaines listés au I de cet article, soient également adoptées par les autorités dotées du pouvoir réglementaire sur d'autres fondements. Le Premier ministre pouvait ainsi, en vertu de ses pouvoirs propres, édicter des mesures de police applicables à l'ensemble du territoire afin de lutter contre la propagation du virus, et notamment prévoir des restrictions à l'accès au territoire français lors de déplacements internationaux.
9. En second lieu, il résulte du 1° de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique que les mesures réglementant la circulation des personnes dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré sont adoptées par décret réglementaire, sur le rapport du ministre chargé de la santé. Les mesures relatives à l'entrée sur le territoire et à la délivrance de visas, qui définissent les conditions dans lesquelles les personnes peuvent pénétrer sur le territoire national, n'ont ni pour l'objet ni pour effet de régir la circulation des personnes au sein des circonscriptions où l'état d'urgence sanitaire a été déclaré, et ne relèvent donc pas du champ du 1° de l'article L. 3131-15.
10. Il s'ensuit que les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'instruction du 19 décembre 2020, qui a été compétemment édictée par le Premier ministre, aurait dû être prise par décret, sur le rapport du ministre de la santé.
Sur la légalité interne :
11. Aux termes de l'article L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur : " L'accès au territoire français peut être refusé à tout étranger dont la présence constituerait une menace pour l'ordre public (...) ".
12. Aux termes de l'article L. 411-1 du même code : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-6 de ce code : " Peut être exclu du regroupement familial : / 1° Un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l'ordre public ". Aux termes de l'article R. 421-28 du même code : " Pour être admis sur le territoire français, les membres de la famille du ressortissant étranger doivent être munis du visa d'entrée délivré par l'autorité diplomatique et consulaire. L'autorisation du regroupement familial est réputée caduque si l'entrée de la famille sur le territoire français n'est pas intervenue dans un délai de trois mois à compter de la délivrance du visa ".
13. Aux termes de l'article L. 752-1 du même code : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale. 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / II. (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais./ (...) La réunification familiale ne peut être refusée que si le demandeur ou le bénéficiaire ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. / Est exclu de la réunification familiale un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l'ordre public ou lorsqu'il est établi qu'il est instigateur, auteur ou complice des persécutions et atteintes graves qui ont justifié l'octroi d'une protection au titre de l'asile ". Aux termes de l'article R. 752-1 du même code : " La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa mentionnée au troisième alinéa du II de l'article L. 752-1 ; elle est déposée auprès de l'autorité diplomatique ou consulaire dans la circonscription de laquelle résident les membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire ".
14. Il ressort des pièces du dossier que la situation sanitaire qui prévalait à la date des actes attaquées, marquée par le maintien d'une forte tension sur le système hospitalier et l'apparition de nouveaux variants plus contagieux du virus dans différentes zones géographiques, était de nature à justifier le maintien des restrictions d'entrée sur le territoire français.
15. Toutefois, à la date à laquelle l'instruction du Premier ministre a été édictée, la procédure de délivrance des visas et d'entrée sur le territoire français des familles des ressortissants étrangers bénéficiaires du regroupement familial et de la réunification familiale était interrompue depuis plus de neuf mois, cette situation portant atteinte au droit à la vie familiale normale des intéressés. Le nombre des personnes concernées, eu égard aux quelques 20 000 ressortissants étrangers étant entrés sur le territoire français au titre du regroupement familial et de la réunification familiale au cours de l'année 2019, représente une moyenne inférieure à 400 personnes par semaine ou encore 60 personnes par jour. Il était possible à l'administration d'étaler dans le temps la délivrance des visas, de prendre des mesures de réduction des risques par le dépistage, l'isolement et la quarantaine des personnes concernées ou de refuser l'entrée sur le territoire des personnes provenant de zones géographiques à risques. Dans ces conditions, l'instruction du Premier ministre, qui s'applique indifféremment aux entrées sur le territoire français pour la plupart des pays du monde, porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en tant qu'elle ne prévoit pas de dérogation pour les bénéficiaires des procédures de regroupement familial et de réunification familiale. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leurs requêtes, les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'instruction du Premier ministre dans cette mesure et, par voie de conséquence, de l'instruction donnée aux services consulaires de ne pas instruire les demandes de visas des ressortissants étrangers concernés.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
16. L'instruction n° 6239/SG du 29 décembre 2020 ayant été abrogée et remplacée par une instruction n° 6245/SG du 25 janvier 2021, laquelle prévoit que les ressortissants de pays tiers titulaires d'un visa de long séjour délivré au titre du regroupement familial ou de la réunification familiale sont autorisés à entrer sur le territoire français, ce motif permettant également l'instruction de leur demande de visa, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par les requérants sont devenues sans objet.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que demandent les requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'instruction n° 6239/SG du 29 décembre 2020 du Premier ministre est annulée en tant qu'elle ne prévoit pas de dérogations pour les bénéficiaires du regroupement familial ou de la réunification familiale ainsi que l'instruction donnée aux services consulaires de ne pas instruire les demandes de visas des ressortissants étrangers concernés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte des requêtes.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Cimade, service oecuménique d'entraide, première requérante dénommée sous le n° 447872, à l'Association des avocats pour la défense du droit des étrangers, première requérante dénommée sous le n° 447890, et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
N° 447872
ECLI:FR:CECHR:2021:447872.20210629
Inédit au recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Alexis Goin, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
Lecture du mardi 29 juin 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 447872, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 décembre 2020, 11 janvier et 19 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Cimade, service oecuménique d'entraide, l'Association des avocats pour la défense du droit des étrangers, le Groupe d'information et de soutien aux immigré.e.s, l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture, l'association JRS - Service jésuite des réfugiés France, la Ligue des droits de l'homme, le Groupe accueil et solidarité, l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, Mme C..., Mme B... A..., M. E... et M. D... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction n° 6239/SG du 29 décembre 2020 et la décision du pouvoir réglementaire, révélée par le site France Visas, de demander aux consuls de ne pas enregistrer ou instruire les demandes de visas de long séjour de réunification familiale au titre de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de faire application des prescriptions de l'instruction du 15 août 2020 et de ses actes consécutifs ;
2°) d'enjoindre aux ministres de prendre les mesures réglementaires ou d'organisation nécessaires pour l'enregistrement et la délivrance de visas de ce type, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
3°) à titre subsidiaire, de demander un avis à la Cour européenne des droits de l'homme en application de l'article 1er du protocole n° 16 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sur l'interprétation de l'article 15 de la convention ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 447890, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 décembre 2020, 11 janvier et 19 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des avocats pour la défense du droit des étrangers, la Cimade, service oecuménique d'entraide, le Groupe d'information et de soutien aux immigré.e.s, la Ligue des droits de l'homme et le Syndicat des avocats de France demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction du Premier ministre n° 6239/SG du 29 décembre 2020 et la décision du pouvoir réglementaire, révélée par le site France Visas, de demander aux consuls de ne pas enregistrer ou instruire les demandes de visas de long séjour de regroupement familial au titre de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de faire application des prescriptions de l'instruction du 15 août 2020 et de ses actes consécutifs ;
2°) d'enjoindre aux ministres de prendre les mesures réglementaires ou d'organisation nécessaires pour l'enregistrement et la délivrance de visas de ce type, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
3°) à titre subsidiaire, de demander un avis à la Cour européenne des droits de l'homme en application de l'article 1er du protocole n° 16 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sur l'interprétation de l'article 15 de la convention ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2008-1176 du 13 novembre 2008 ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre les mêmes décisions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou Covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre chargé de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 a créé un régime d'état d'urgence sanitaire, défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, et a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ces dispositions a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020.
3. Une nouvelle progression de l'épidémie a conduit le Président de la République à prendre le 14 octobre dernier, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret déclarant l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre sur l'ensemble du territoire national. L'article 1er de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire a prorogé l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 16 février 2021 inclus.
4. Dès le 18 mars 2020, le Premier ministre a décidé de limiter l'accès au territoire national des personnes voulant y entrer depuis l'étranger. Par différentes instructions du 18 mars, 12 mai, 1er juillet, 15 août et 29 décembre 2020, il a demandé aux autorités compétentes d'opposer des refus d'entrée à toutes les personnes étrangères, sauf dérogations limitativement énumérées, et prescrit à toute personne susceptible d'être admise à entrer en France de produire, lors des opérations d'embarquement et de contrôle aux frontières, une attestation de déplacement international, disponible sur internet, en y indiquant la dérogation applicable.
5. Les associations requérantes ont d'abord demandé l'annulation de la décision des autorités réglementaires de ne pas enregistrer et instruire les demandes de visas des bénéficiaires du regroupement familial et de la réunification familiale en application de l'instruction du Premier ministre du 15 août 2020, dont elles soutenaient qu'elle avait été abrogée. Par leurs nouveaux mémoires du 11 janvier 2021, elles ont demandé l'annulation de l'instruction du Premier ministre du 29 décembre 2020, qui a repris l'essentiel des prescriptions de l'instruction du 15 août 2020. Par suite, elles doivent être regardées, dans le dernier état de leurs écritures, comme demandant l'annulation, d'une part, de l'instruction du 29 décembre 2020 en tant qu'elle ne prévoit pas de dérogations pour entrer sur le territoire français pour les familles des bénéficiaires du regroupement familial ou de la réunification familiale et, d'autre part, de l'instruction du ministre de l'intérieur donnée aux services consulaires de ne pas instruire les demandes de visas des personnes concernées.
Sur l'exception de non-lieu opposée par le ministre de l'intérieur :
6. Si le ministre de l'intérieur soutient que l'abrogation de l'instruction du 29 décembre 2020 par une instruction du Premier ministre du 25 janvier 2021 aurait privé d'objet les conclusions des requérants tendant à l'annulation de la première de ces instructions, il ne ressort pas des pièces du dossier que celle-ci n'aurait reçu aucune exécution. Dès lors, l'exception de non-lieu soulevée par le ministre ne peut qu'être écartée.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sur la légalité externe :
7. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code dispose que : " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. (...) / (...) / La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 131-19 ". Aux termes du I de l'article L. 3131-15 du même code : " I.- Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : (...) 1° Réglementer ou interdire la circulation des personnes (...) / ... / 3° Ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l'article 1er du règlement sanitaire international de 2005, des personnes susceptibles d'être affectées ; / 4° Ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, au sens du même article 1er, à leur domicile ou tout autre lieu d'hébergement adapté, des personnes affectées ; / (... ) / II.- Les mesures prévues aux 3° et 4° du I du présent article ayant pour objet la mise en quarantaine, le placement et le maintien en isolement ne peuvent viser que les personnes qui, ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l'infection, entrent sur le territoire hexagonal, arrivent en Corse ou dans l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution. La liste des zones de circulation de l'infection est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. (...) ". Ce même article précise en son III que les mesures prises en application de ses dispositions " sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu " et " qu'il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires ".
8. En premier lieu, les dispositions précitées de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique ne font pas obstacle à ce que des mesures visant à prévenir ou contenir la catastrophe sanitaire qui a justifié la déclaration de l'état d'urgence sanitaire, et qui ne relèvent pas des domaines listés au I de cet article, soient également adoptées par les autorités dotées du pouvoir réglementaire sur d'autres fondements. Le Premier ministre pouvait ainsi, en vertu de ses pouvoirs propres, édicter des mesures de police applicables à l'ensemble du territoire afin de lutter contre la propagation du virus, et notamment prévoir des restrictions à l'accès au territoire français lors de déplacements internationaux.
9. En second lieu, il résulte du 1° de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique que les mesures réglementant la circulation des personnes dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré sont adoptées par décret réglementaire, sur le rapport du ministre chargé de la santé. Les mesures relatives à l'entrée sur le territoire et à la délivrance de visas, qui définissent les conditions dans lesquelles les personnes peuvent pénétrer sur le territoire national, n'ont ni pour l'objet ni pour effet de régir la circulation des personnes au sein des circonscriptions où l'état d'urgence sanitaire a été déclaré, et ne relèvent donc pas du champ du 1° de l'article L. 3131-15.
10. Il s'ensuit que les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'instruction du 19 décembre 2020, qui a été compétemment édictée par le Premier ministre, aurait dû être prise par décret, sur le rapport du ministre de la santé.
Sur la légalité interne :
11. Aux termes de l'article L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur : " L'accès au territoire français peut être refusé à tout étranger dont la présence constituerait une menace pour l'ordre public (...) ".
12. Aux termes de l'article L. 411-1 du même code : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-6 de ce code : " Peut être exclu du regroupement familial : / 1° Un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l'ordre public ". Aux termes de l'article R. 421-28 du même code : " Pour être admis sur le territoire français, les membres de la famille du ressortissant étranger doivent être munis du visa d'entrée délivré par l'autorité diplomatique et consulaire. L'autorisation du regroupement familial est réputée caduque si l'entrée de la famille sur le territoire français n'est pas intervenue dans un délai de trois mois à compter de la délivrance du visa ".
13. Aux termes de l'article L. 752-1 du même code : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale. 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / II. (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais./ (...) La réunification familiale ne peut être refusée que si le demandeur ou le bénéficiaire ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. / Est exclu de la réunification familiale un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l'ordre public ou lorsqu'il est établi qu'il est instigateur, auteur ou complice des persécutions et atteintes graves qui ont justifié l'octroi d'une protection au titre de l'asile ". Aux termes de l'article R. 752-1 du même code : " La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa mentionnée au troisième alinéa du II de l'article L. 752-1 ; elle est déposée auprès de l'autorité diplomatique ou consulaire dans la circonscription de laquelle résident les membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire ".
14. Il ressort des pièces du dossier que la situation sanitaire qui prévalait à la date des actes attaquées, marquée par le maintien d'une forte tension sur le système hospitalier et l'apparition de nouveaux variants plus contagieux du virus dans différentes zones géographiques, était de nature à justifier le maintien des restrictions d'entrée sur le territoire français.
15. Toutefois, à la date à laquelle l'instruction du Premier ministre a été édictée, la procédure de délivrance des visas et d'entrée sur le territoire français des familles des ressortissants étrangers bénéficiaires du regroupement familial et de la réunification familiale était interrompue depuis plus de neuf mois, cette situation portant atteinte au droit à la vie familiale normale des intéressés. Le nombre des personnes concernées, eu égard aux quelques 20 000 ressortissants étrangers étant entrés sur le territoire français au titre du regroupement familial et de la réunification familiale au cours de l'année 2019, représente une moyenne inférieure à 400 personnes par semaine ou encore 60 personnes par jour. Il était possible à l'administration d'étaler dans le temps la délivrance des visas, de prendre des mesures de réduction des risques par le dépistage, l'isolement et la quarantaine des personnes concernées ou de refuser l'entrée sur le territoire des personnes provenant de zones géographiques à risques. Dans ces conditions, l'instruction du Premier ministre, qui s'applique indifféremment aux entrées sur le territoire français pour la plupart des pays du monde, porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en tant qu'elle ne prévoit pas de dérogation pour les bénéficiaires des procédures de regroupement familial et de réunification familiale. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leurs requêtes, les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'instruction du Premier ministre dans cette mesure et, par voie de conséquence, de l'instruction donnée aux services consulaires de ne pas instruire les demandes de visas des ressortissants étrangers concernés.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
16. L'instruction n° 6239/SG du 29 décembre 2020 ayant été abrogée et remplacée par une instruction n° 6245/SG du 25 janvier 2021, laquelle prévoit que les ressortissants de pays tiers titulaires d'un visa de long séjour délivré au titre du regroupement familial ou de la réunification familiale sont autorisés à entrer sur le territoire français, ce motif permettant également l'instruction de leur demande de visa, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par les requérants sont devenues sans objet.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que demandent les requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'instruction n° 6239/SG du 29 décembre 2020 du Premier ministre est annulée en tant qu'elle ne prévoit pas de dérogations pour les bénéficiaires du regroupement familial ou de la réunification familiale ainsi que l'instruction donnée aux services consulaires de ne pas instruire les demandes de visas des ressortissants étrangers concernés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte des requêtes.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Cimade, service oecuménique d'entraide, première requérante dénommée sous le n° 447872, à l'Association des avocats pour la défense du droit des étrangers, première requérante dénommée sous le n° 447890, et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.