Conseil d'État
N° 452210
ECLI:FR:CEORD:2021:452210.20210622
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL, avocats
Lecture du mardi 22 juin 2021
Vu les procédures suivantes :
I. Sous le n° 452210, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 mai et 7 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d'assurance chômage ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- le décret ne correspond pas au projet de décret soumis au Conseil d'Etat, dont la consultation était obligatoire en application de l'article L. 5422-20 du code du travail, ni au texte proposé par ce dernier ;
- le document de cadrage communiqué le 25 septembre 2018 est caduc ;
- les prescriptions de ce document de cadrage ne sont pas respectées en ce que le décret décorrèle l'entrée en vigueur des dispositions défavorables applicables aux demandeurs d'emploi ayant eu un parcours d'emploi fractionné et l'application effective de la modulation des contributions dues par les employeurs ;
- le décret méconnaît les principes d'égalité et de non-discrimination, dès lors que le mécanisme de plafonnement introduit dans la formule de calcul du salaire journalier de référence ne suffit pas à corriger les différences de traitement manifestement disproportionnées entre allocataires ;
- il méconnaît le principe d'égalité en ce que la neutralisation des périodes de rémunération réduite, dans la formule de calcul du salaire journalier de référence, conduit à pénaliser les demandeurs d'emploi concernés ;
- il méconnaît le principe d'égalité en ce que les règles relatives aux différés d'indemnisation introduisent une différence de traitement manifestement disproportionnée entre, d'une part, les allocataires ayant pu prendre leurs congés payés au cours de la période d'emploi et, d'autre part, ceux qui auront perçu une indemnité compensatrice de congés payés versée en fin de contrat ;
- la nouvelle formule de calcul du salaire journalier de référence conduit à discriminer de manière indirecte les femmes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens de la requête n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté.
Sous le n° 452210, par un mémoire, enregistré le 17 juin 2021, la CFE-CGC, conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
II. Sous le n° 452805, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 et 27 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d'assurance chômage ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- le décret a été adopté au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le document de cadrage du 25 septembre 2018 n'a pas été actualisé alors même que les hypothèses macroéconomiques en 2021 ne sont, à l'évidence, plus les mêmes qu'en 2018 ;
- il est entacheŽ d'erreur de droit en ce que les nouvelles règles de calcul du salaire journalier de référence qu'il édicte créent entre les allocataires une rupture d'égalité qui n'est pas en relation directe avec l'objectif d'intérêt général poursuivi de réduction du nombre de contrats courts, et qui est manifestement disproportionnée par rapport a` cet objectif ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce que les nouvelles règles de calcul du salaire journalier de référence, indépendamment même de la rupture d'égalité illicite qu'elles induisent, ne sont manifestement pas en adéquation avec l'objectif poursuivi ;
- il est entaché d'erreur de droit en ce que les allocataires qui bénéficient de la neutralisation de certaines périodes de suspension du contrat de travail ou d'activité partielle et qui ont eu une période d'inactivité dans leur période de référence sont discriminés par rapport aux autres et subissent une inégalité de traitement illicite ;
- il est entaché d'erreur de droit en ce que les règles de calcul du salaire journalier de référence conduisent a` pénaliser les allocataires qui ont bénéficié d'un congeŽ maternité ou d'un arrêt en raison de leur état de santeŽ, en violation des articles 1er et 2 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;
- il est entaché d'erreur de droit en ce que les nouvelles règles de la dégressivité de l'allocation d'assurance chômage créent entre les allocataires une rupture d'égalité qui n'est pas en relation directe avec l'objectif d'intérêt général poursuivi par le décret et qui est manifestement disproportionnée a` cet objectif ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce que la règle de la dégressivité apparaît manifestement inadéquate pour atteindre l'objectif poursuivi, compte tenu notamment du taux de remplacement des cadres visés par la mesure ;
- il est entaché d'erreur de droit en ce que les nouvelles règles sur la modulation de la contribution des employeurs a` l'assurance chômage créent entre les entreprises une rupture d'égalité qui n'est pas en relation directe avec l'objectif d'intérêt général poursuivi par le décret et qui est manifestement disproportionnée a` cet objectif ;
- il est entaché d'erreur de droit dès lors que les allocataires qui vont se voir imposer une réduction de leur salaire journalier de référence, verront leur différé d'indemnisation augmenter ;
- le pouvoir réglementaire a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que le dispositif de modulation des contributions des employeurs a` l'assurance chômage pouvait contribuer a` réduire le recours aux contrats courts dès lors que les entreprises qui vont subir le malus ne sont pas nécessairement celles qui recourent le plus aux contrats courts et que ce mécanisme dépend de paramètres que les entreprises ne maîtrisent pas.
Sous le n° 452805, par un mémoire, enregistré le 16 juin 2021, l'UNSA conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
III. Sous le n° 452839, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mai et 9 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail (CGT), l'Union syndicale Solidaires et la Fédération Syndicale Unitaire (FSU) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d'assurance chômage ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- le décret est entaché d'erreur de droit en ce que la nouvelle définition du salaire journalier de référence engendre des ruptures d'égalité manifestement disproportionnées entre les demandeurs d'emplois ayant eu des périodes d'emploi fractionnées selon la répartition des périodes d'emploi au sein de la période de référence et le calendrier de survenance du chômage, entre les demandeurs d'emploi ayant eu des périodes d'emploi continues selon la date de survenance de la période de chômage et enfin, entre, d'une part, les demandeurs d'emploi ayant connu des périodes d'emploi continues et, d'autre part, ceux ayant connu des périodes d'emploi fractionnées ;
- il est entaché d'erreur de droit dès lors que la refonte des modalités de détermination du salaire journalier de référence qu'il opère méconnaît tant l'objet du régime légal d'assurance chômage, lequel prévoit l'obligation d'assurer aux demandeurs d'emploi un revenu de remplacement, que sa nature assurantielle ;
- l'atteinte portée au droit à un revenu de remplacement est d'une ampleur telle qu'elle entame ce droit dans sa substance même, eu égard notamment aux difficultés auxquelles se trouveront confrontés les travailleurs précaires pour faire jouer leur droit d'option, caractérisant ainsi une violation des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il instaure un dispositif intelligible et inaccessible pour les demandeurs d'emploi ;
- la neutralisation, pour le calcul du salaire journalier de référence, des périodes de maladie, de maternité, de paternité, d'adoption et des périodes pendant lesquelles le salarié a été indemnisé au titre de l'allocation partielle caractérise, d'une part, une discrimination illégale en raison de l'état de santé, de la grossesse ou encore de la situation de famille et, d'autre part, méconnaît le principe d'égalité en ce qu'elle pénalise nécessairement davantage les allocataires ayant des périodes d'emploi fractionnées.
Sous le n° 452839, par deux mémoires, enregistrés les 15 et 16 juin 2021, la CGT et autres concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens.
IV. Sous le n° 452844, par une requête, enregistrée le 21 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération française démocratique du travail (CFDT) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d'assurance chômage ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- le décret a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que, d'une part, malgré la crise économique résultant de la situation sanitaire, le Gouvernement n'a pas transmis aux partenaires sociaux un nouveau document de cadrage contenant une actualisation des hypothèses macroéconomiques et des hypothèses d'évolution du nombre prévisionnel de demandeurs d'emploi indemnisés sur les trois prochains exercices à venir, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article L. 5422-20-1 du code du travail et, d'autre part, la commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle a été saisie du projet de décret sans aucun autre élément d'appréciation et n'a donc pas été mise en mesure de fournir préalablement à son adoption un avis éclairé, en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 2271-1 (10°) et L. 5422-20-1 du code du travail ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 5422-20 et L. 5422-20-1 du code du travail dès lors que les objectifs assignés par le décret ne sont pas compatibles avec ceux présentés dans le document de cadrage ;
- il est entaché d'erreur de droit en ce que les dispositions modifiant les modalités de calcul du salaire journalier de référence portent atteinte aux principes assurantiels posés aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3 du code du travail dès lors qu'elles instaurent un critère supplémentaire lié aux jours non travaillés, qui aboutit à ce que deux salariés travaillant le même nombre d'heures et ayant obtenu la même rémunération, mais avec un rythme de travail différent, bénéficient d'un salaire journalier de référence très différent et donc d'une allocation chômage dont le montant présente un écart important ;
- il est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il accorde un rôle central à la lutte contre les phénomènes de " permittence ", alors que l'administration n'établit pas qu'un tel objectif aurait un effet sur le nombre de demandeurs d'emploi ni qu'un tel objectif est pertinent dans une situation économique dégradée et présentant des perspectives de reprise incertaines du fait de la crise sanitaire, et en ce qu'il fixe au 1er juillet 2021 l'entrée en vigueur des nouvelles règles sur le salaire journalier de référence alors que le mécanisme de modulation des contributions patronales d'assurance chômage ne sera appliqué qu'au 1er septembre 2022 ;
- les dispositions instituant les nouvelles modalités de calcul du salaire journalier de référence portent atteinte au principe d'égalité et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'instauration d'un plancher ne remédie pas aux écarts de rémunération constatés dès lors que, d'une part, le nombre de personnes dont l'allocation chômage diminuera reste le même et que, d'autre part, les écarts d'indemnisation demeureront trop importants ;
- le décret est entaché d'erreur de droit dès lors que la nouvelle formule de calcul du salaire journalier de référence allonge le différé d'indemnisation des congés payés sans que cet allongement soit en lien avec l'objectif poursuivi par le pouvoir réglementaire.
Sous le n° 452844, par un mémoire, enregistré le 17 juin 2021, la CFDT conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
V. Sous le n° 452865, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mai et 9 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des guides interprètes et conférenciers (FNGIC), le Syndicat professionnel des guides interprètes conférenciers (SPGIC), l'Association nationale des guides-conférenciers des Villes et Pays d'art et d'histoire (ANCOVART) et le Syndicat national des guides conférenciers (SNGC) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d'assurance chômage ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt pour agir ;
- la condition d'urgence est remplie ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- ce décret méconnaît le principe d'égalité dès lors que la nouvelle formule de calcul du salaire journalier de référence crée des différences de traitement manifestement disproportionnées entre les demandeurs d'emploi ayant eu des périodes d'emploi discontinues selon la répartition des périodes d'emploi au sein de la période de référence et selon le calendrier de survenance du chômage, et entre les demandeurs d'emploi selon qu'ils ont eu un parcours d'emploi continu ou fractionné, alors qu'aucun motif d'intérêt général n'est de nature à justifier cette différence de traitement ;
- il engendre une discrimination indirecte et injustifiée à l'égard des femmes qui constituent la majorité des travailleurs ayant un parcours d'emploi fractionné.
VI. Sous le n° 452886, par une requête, enregistrée le 22 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail - Force Ouvrière (CGT-FO) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d'assurance chômage ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'urgence est caractérisée ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- le décret méconnaît le principe d'égalité en ce que le montant du salaire journalier de référence, dont dépend le montant de l'allocation de retour à l'emploi, diffère selon que le salarié a ou non, été placé en activité partielle au cours du parcours d'emploi, selon que le salarié a ou non été placé en congé maternité ou en congé maladie au cours du parcours d'emploi, selon que le salarié dont la rémunération mensuelle brute a évolué - que ce soit à la hausse ou à la baisse - au cours d'un parcours d'emploi continu, a ou non connu une période neutralisable, selon que le salarié dont le parcours d'emploi discontinu a ou non connu une période neutralisable et, enfin, selon que le salarié reprend une activité à cheval sur deux mois ou au cours d'un seul et même mois civil.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 26 mai 2021, l'association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC) conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des requêtes. Elle soutient que son intervention est recevable et s'associe aux moyens des requêtes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet des requêtes n°s 452805, 452839, 452844, 452865 et 452886. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens des requêtes n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté.
Par un mémoire, enregistré le 15 juin 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion reprend les conclusions de ses précédents mémoires par les mêmes moyens.
Au soutien des requêtes, la SNC a présenté de nouvelles observations, enregistrées le 16 juin 2021.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel ;
- la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 ;
- le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 ;
- le décret n° 2020-425 du 14 avril 2020 ;
- le décret n° 2020-1716 du 28 décembre 2020 ;
- le décret n° 2021-730 du 8 juin 2021 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la CFE-CGC, l'UNSA, la CGT, l'Union syndicale Solidaires, la FSU, la CFDT, la FNGIC, le SPGIC, l'ANCOVART, le SNGC, la CGT-FO et, d'autre part, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ;
Ont été entendus à l'audience publique du 10 juin 2021, à 14 heures 30 :
- Me Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la CFE-CGC ;
-Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'UNSA ;
-Me Lyon-Caen, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la CGT, de l'Union syndicale Solidaires, de la FSU, de la FNGIC, du SPGIC, de l'ANCOVART et du SNGC ;
-Me Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la CFDT ;
-Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la CGT-FO ;
- les représentants de l'UNSA, de CGT spectacle, de la FNGIC et de CGT-FO ;
- les représentants de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 17 juin à 12 heures.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 juin, présentée par la FNGIC et autres ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 juin, présentée par la CGT-FO ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. En vertu de l'article L. 5422-20 du code du travail, les mesures d'application des dispositions de ce code relatives au régime d'assurance chômage font l'objet d'accords conclus entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés et agréés dans les conditions définies aux articles L. 5422-20-1 à L. 5422-24 du code. L'article L. 5422-20-1, inséré dans ce code par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dispose que, préalablement à la négociation de ces accords et après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, le Premier ministre transmet à ces organisations un document de cadrage qui précise les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage. En vertu du second alinéa de l'article L. 5422-22 du même code, l'agrément de l'accord est subordonné, d'une part, à sa conformité aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur et, d'autre part, à sa compatibilité avec la trajectoire financière et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage définis dans le document de cadrage. L'article L. 5422-25 du code, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 septembre 2018, prévoit, dans certaines hypothèses, que le Premier ministre peut demander aux partenaires sociaux de prendre les mesures nécessaires pour corriger un écart significatif entre la trajectoire financière du régime d'assurance chômage et la trajectoire prévue, ou celle que décide le législateur, en modifiant l'accord précédemment agréé et, aux termes de son dernier alinéa, que " lorsqu'aucun accord remplissant les conditions du second alinéa de l'article L. 5422-22 n'est conclu, le Premier ministre peut mettre fin à l'agrément de l'accord qu'il avait demandé aux organisations d'employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel de modifier". Les mesures d'application des dispositions législatives régissant l'assurance chômage sont alors déterminées par décret en Conseil d'Etat, en vertu du dernier alinéa de l'article L. 5422-20 du code du travail.
3. L'article 57 de la loi du 5 septembre 2018 dispose qu'à compter de la publication de celle-ci, le Gouvernement transmet aux organisations représentatives des salariés et des employeurs au niveau national et interprofessionnel, après concertation avec elles, un document de cadrage répondant aux conditions mentionnées à l'article L. 5422-20-1 du code du travail en vue de la conclusion des accords prévus par l'article L. 5422-20 de ce code. Il précise que ces accords sont négociés dans un délai de quatre mois et agréés dans les conditions fixées notamment par le dernier alinéa de l'article L. 5422-25 de ce code.
4. Le Premier ministre a communiqué le 25 septembre 2018 aux partenaires sociaux le document de cadrage prévu par l'article 57 de la loi du 5 septembre 2018. Au vu de l'échec des négociations qui ont suivi cette communication, le Premier ministre a pris le décret du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage, qui, d'une part, abroge les arrêtés portant agrément de la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage, de ses textes associés et de ses avenants et, d'autre part, fixe les mesures d'application des dispositions législatives régissant l'assurance chômage. Par une décision du 25 novembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé les dispositions du règlement d'assurance chômage annexé à ce décret relatives au salaire journalier de référence, au motif que ses modalités de calcul portaient atteinte au principe d'égalité, ainsi que celles relatives à la modulation de la contribution des employeurs à l'assurance chômage, au motif de l'illégalité de la subdélégation à un arrêté ministériel de la définition d'éléments déterminants du dispositif. Par décret du 28 décembre 2020, ont été abrogées les dispositions du règlement d'assurance chômage relatives aux différés d'indemnisation et aux règles de cohérence entre les régimes, liées aux dispositions annulées. Le décret du 30 mars 2021 a rétabli, en les amendant, les dispositions relatives au salaire journalier de référence, aux différés d'indemnisation, à la modulation de la contribution des employeurs ainsi qu'à la coordination entre les régimes. A l'exception de la modulation dont l'application effective sur les rémunérations dues par les employeurs est fixée au 1er septembre 2022, l'entrée en vigueur des dispositions ainsi rétablies a été fixée à la date du 1er juillet 2021, les règles correspondantes issues de la convention d'assurance chômage du 14 avril 2017 étant prorogées jusqu'au 30 juin 2021. Ce même décret a également modifié le décret du 14 avril 2020 portant mesures d'urgence en matière de revenus de remplacement pour subordonner l'application des dispositions relatives à la condition minimale d'affiliation et à la dégressivité de l'allocation prévues par le décret du 26 juillet 2019 à une clause de retour à meilleure fortune.
5. La CFE-CGC sous le n° 452210, l'UNSA sous le n° 452805, la CGT, l'Union syndicale Solidaires et la FSU sous le n° 452839, la CFDT sous le n° 452844, la FNGIC, le SPGIC, l'ANCOVART et le SNGC sous le n° 452865 et la CGT-FO sous le n° 452886 demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du décret du 30 mars 2021. Ces requêtes présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur l'intervention :
6. L'association Solidarités nouvelles face au chômage justifie, par son objet statutaire, d'un intérêt suffisant à la suspension de l'exécution du décret contesté. Ainsi, son intervention au soutien des requêtes est recevable.
Sur le respect des règles gouvernant l'examen par le Conseil d'Etat des projets de décret :
7. Il résulte de la copie de la minute de la section sociale du Conseil d'Etat, produite dans le cadre de l'instruction par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, que le décret publié ne contient pas de disposition qui différerait à la fois du projet initial du Gouvernement et du texte adopté par la section sociale du Conseil d'Etat. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat des projets de décret ne peut être regardé comme de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du décret contesté.
Sur la compétence du Premier ministre :
8. D'une part, le second alinéa de l'article L. 5422-22 du code du travail prévoit que les accords mentionnés à l'article L. 5422-20 du même code doivent être " compatibles avec la trajectoire financière et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance-chômage définis dans le document de cadrage mentionné à l'article L. 5422-20-1 ". L'article L. 5422-20-1 de ce code prévoit que le document de cadrage " précise les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière, le délai dans lequel cette négociation doit aboutir et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage./ Il détaille les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles se fonde la trajectoire financière, ainsi que le montant prévisionnel, pour les trois exercices à venir, du produit des impositions de toute nature mentionnées au 5° de l'article L. 5422-9, sans préjudice des dispositions des prochaines lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale ". L'article R. 5422-11 du même code précise que ce document " intègre un état des hypothèses macroéconomiques, cohérent avec les prévisions de la loi de finances, de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de programmation des finances publiques, ainsi que des hypothèses d'évolution du nombre prévisionnel de demandeurs d'emploi indemnisés, sur les trois prochains exercices à venir ". D'autre part, le dernier alinéa de l'article L. 5422-20 du même code prévoit : " En l'absence d'accord ou d'agrément de celui-ci, les mesures d'application sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ".
9. Si l'article L. 5422-20 du code du travail n'impose pas que le décret pris à défaut d'accord des partenaires sociaux ou d'agrément de cet accord soit compatible avec la trajectoire financière et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage définis dans le document de cadrage mentionné à l'article L. 5422-20-1 du même code, le Premier ministre ne peut toutefois se substituer aux partenaires sociaux qu'en cas d'échec de la négociation ou d'impossibilité, pour l'un des motifs prévus à l'article L. 5422-22 de ce code, d'agréer leur accord. Par suite, les mesures qu'il adopte, y compris par décret modificatif ultérieur, jusqu'au terme fixé par le décret initial, doivent rester compatibles avec les objectifs impartis aux partenaires sociaux pour cette négociation et avec la trajectoire initialement fixée.
10. Le document de cadrage communiqué le 25 septembre 2018 aux organisations représentatives de salariés et d'employeurs précisait que leur négociation avait pour objectif de favoriser l'emploi durable et d'engager le désendettement du régime d'assurance chômage. Au titre de l'incitation à la reprise d'un emploi durable, les partenaires sociaux étaient invités à revoir notamment la formule de calcul du salaire journalier de référence, considérée comme étant trop incitative au fractionnement des contrats, ainsi que les règles de cumul de l'allocation de retour à l'emploi et des revenus issus de la reprise d'une activité réduite pendant la durée d'indemnisation. Au titre du désendettement, l'objectif d'économies à réaliser en moyenne annuelle sur trois ans était fixé entre 1 et 1,3 milliard d'euros afin de ramener la dette du régime en 2021 en dessous de 30,4 milliards d'euros.
11. Si les prévisions de croissance, de nombre de demandeurs d'emploi et du niveau d'endettement figurant dans le document de cadrage ont été profondément remises en causes par les conséquences sur l'activité de la crise sanitaire, la dégradation de la situation économique et du marché de l'emploi ne saurait caractériser un bouleversement tel qu'il rendrait caducs les objectifs et la trajectoire financière fixés dans ce document. En tout état de cause, le décret contesté, qui se borne à amender les dispositions du décret du 26 juillet 2019 pour tenir compte, d'une part, des motifs d'annulation retenus par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, dans sa décision du 25 novembre 2020 et, d'autre part, des conséquences économiques de la crise sanitaire, s'inscrit dans le cadre tracé dans le document communiqué le 25 septembre 2018, tant en ce qui concerne les objectifs d'évolution des règles d'indemnisation que des économies à réaliser. A cet égard, il résulte de l'instruction que les mesures initiales amendées devraient permettre de dégager entre 1,19 et 1,93 milliard d'euros en 2022.
12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité du décret contesté faute pour le pouvoir réglementaire d'avoir constaté la caducité du document de cadrage communiqué le 25 septembre 2018 et, par suite, d'avoir relancé la négociation d'un nouvel accord sur la base d'un nouveau document, n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux. Il en est de même du moyen tiré de l'incompatibilité du décret attaqué avec les objectifs et la trajectoire financière fixés par ce document.
Sur la régularité de la procédure :
13. Aux termes de l'article L. 2271-1 du code du travail : " La Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle est chargée : (...) 10° D'émettre un avis sur : (...) b) L'agrément des accords d'assurance chômage mentionnés à l'article L. 5422-20 ; (...) ".
14. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que l'avis rendu par la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle en application des dispositions précitées soit subordonné à la transmission, par le Gouvernement, d'une étude d'impact ou d'éléments relatifs à la trajectoire financière ou aux buts poursuivis. Au demeurant, ainsi qu'il a été dit au point 11, le projet sur lequel la Commission a rendu son avis se bornait à amender des dispositions figurant déjà dans le décret du 26 juillet 2019 pour tenir compte des motifs d'annulation retenus par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, dans sa décision du 25 novembre 2020, et de la situation économique. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret contesté aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière faute pour la Commission d'avoir pu rendre un avis éclairé sur le projet de décret, n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur sa légalité.
Sur la modulation de la contribution des employeurs à l'assurance chômage :
15. L'article 51 du règlement d'assurance chômage dans sa rédaction résultant du 15° de l'article 2 du décret contesté prévoit l'application de la modulation de la contribution des employeurs à l'assurance chômage aux rémunérations dues au titre des périodes d'emploi courant à compter du 1er septembre 2022. Par suite, la suspension de l'exécution des dispositions du décret contesté relative à cette modulation est dépourvue de tout caractère d'urgence.
Sur la dégressivité de l'allocation de retour à l'emploi :
16. L'article 17 bis du règlement d'assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019 prévoit que l'allocation journalière des allocataires âgés de moins de 57 ans à la date de leur fin de contrat de travail, est affectée d'un coefficient de dégressivité égal à 0,7 à partir du 183ème jour d'indemnisation. Il prévoit en outre que l'application du coefficient de dégressivité ne peut conduire à ce que le montant de l'allocation journalière soit inférieur à 84,33 euros. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er novembre 2019. Toutefois, compte tenu de la crise sanitaire, le décret du 14 avril 2020 a suspendu l'application de ces dispositions à compter du 1er mars jusqu'au 31 décembre 2020. Cette période de suspension a été prolongée jusqu'au 31 mars 2021 par le décret du 28 décembre 2020, puis jusqu'au 30 juin 2021 par l'article 4 du décret contesté. Ce même article modifie également, à titre temporaire, les modalités d'application de la dégressivité, en ce qui concerne les salariés privés d'emploi à compter du 1er novembre 2019. Il est ainsi prévu que le mécanisme de dégressivité ne s'appliquera à leur encontre qu'à partir du 244ème jour à compter de la perception de l'allocation de retour à l'emploi, ce délai ne commençant à courir qu'à compter du 1er juillet 2021. Ce dispositif temporaire cessera de s'appliquer sous réserve d'une amélioration durable du marché de l'emploi. Les salariés privés d'emploi à compter de la date à laquelle ce dispositif aura cessé de s'appliquer seront alors soumis aux dispositions de l'article 17 bis du règlement d'assurance chômage.
17. Il résulte des dispositions de l'article 17 bis du règlement d'assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019 que seules les personnes qui percevaient en moyenne une rémunération brute supérieure à 4 500 euros par mois antérieurement à la fin de leur contrat de travail verront leur allocation affectée par le mécanisme de dégressivité et que le coefficient de 0,7 ne s'appliquera pleinement qu'à celles qui percevaient une rémunération brute supérieure à 6 430 euros. Dès lors qu'il ressort de l'instruction que la situation de l'emploi est, dans l'ensemble, plus favorable pour ces allocataires et que la dégressivité ne s'applique pas lorsque l'allocataire est âgé d'au moins 57 ans à la date de la fin de son contrat de travail, la différence de traitement résultant de ces dispositions est en rapport direct avec l'objet de la loi, qui est d'assurer l'indemnisation des salariés involontairement privés d'emploi tout en encourageant la reprise d'une activité professionnelle. Eu égard au niveau du coefficient de dégressivité et aux modalités de prise en considération du montant de la rémunération antérieure, qui évite les effets de seuil par la fixation d'une valeur plancher de l'allocation journalière en-deçà de laquelle l'application du coefficient ne peut conduire, cette différence de traitement n'est pas manifestement disproportionnée au regard de la différence de situation qui la justifie. Par suite, le moyen soulevé à l'appui de la contestation des dispositions figurant à l'article 4 du décret contesté exposées au point 16, tiré de ce que le mécanisme de dégressivité de l'allocation de retour à l'emploi, d'une part, créerait entre les allocataires une rupture d'égalité qui ne serait pas en relation directe avec l'objectif d'intérêt général poursuivi et qui serait manifestement disproportionnée et, d'autre part, serait manifestement inadéquat, n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité des dispositions contestées.
Sur le différé d'indemnisation :
18. L'article 21 du règlement d'assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019 prévoit que le différé d'indemnisation dit " congés payés " correspond au nombre de jours résultant du quotient de la somme des indemnités compensatrices de congés payés non pris versées à l'occasion de toutes les fins de contrat de travail incluses dans les 182 jours précédant la dernière fin de contrat de travail, par le salaire journalier de référence. Ce différé est limité à trente jours.
19. Ces dispositions diffèrent, pour une durée limitée, le point de départ du versement de l'allocation de retour à l'emploi due au salarié privé d'emploi, en fonction des indemnités compensatrices de congés payés non pris dont il a bénéficié à l'occasion de la rupture des contrats inclus dans la période mentionnée au point 18, sans affecter la durée d'indemnisation. Eu égard à la différence de situation entre les salariés privés d'emploi qui ont pu prendre leurs congés payés au cours de la période d'emploi et ceux bénéficiant d'une indemnité compensatrice pour congés payés, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur leur légalité.
Sur le salaire journalier de référence :
20. En vertu de l'article L. 5422-3 du code du travail, l'allocation de retour à l'emploi versée aux travailleurs privés d'emploi est calculée en fonction de la rémunération antérieurement perçue par les intéressés, dans la limite d'un plafond. L'article 14 du règlement d'assurance chômage prévoit que cette allocation d'assurance prend la forme d'une allocation journalière correspondant au montant le plus élevé entre, d'une part, la somme d'une part fixe de 12 euros et d'une part proportionnelle égale à 40,4 % du salaire journalier de référence du bénéficiaire et d'autre part, 57 % du salaire journalier de référence, sous réserve d'un montant minimal. Le salaire journalier de référence est égal, en vertu des articles 11 à 13 de ce règlement dans leur rédaction issue du décret contesté, au montant des rémunérations perçues au cours de la période de référence d'affiliation, de 24 ou 36 mois selon l'âge du salarié, divisé par le nombre de jours calendaires décomptés entre le premier jour de la première période d'emploi incluse dans la période de référence d'affiliation et le terme de cette période de référence. Pour tenir compte de la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 25 novembre 2020, a été introduit un mécanisme de plafonnement dont il résulte que le nombre de jours non travaillés pris en compte dans la période d'emploi figurant au dénominateur du quotient servant à calculer le salaire journalier de référence, ne peut être supérieur à 75 % du nombre de jours travaillés.
21. En premier lieu, pour atteindre l'objectif d'intérêt général de stabilité de l'emploi, le pouvoir réglementaire dispose d'un large pouvoir d'appréciation des moyens qu'il entend mettre en oeuvre. En tenant compte des jours non travaillés au dénominateur du quotient servant à calculer le salaire journalier de référence, il a entendu éviter qu'un même nombre d'heures de travail aboutisse à un salaire journalier de référence plus élevé en cas de fractionnement des contrats de travail qu'en cas de travail à temps partiel et ainsi rendre moins favorable l'indemnisation au titre de l'assurance chômage des salariés connaissant une alternance de périodes d'activité et de périodes d'inactivité. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'en réduisant le salaire journalier de référence et, par suite, le montant de l'allocation journalière des seuls demandeurs d'emploi dont le parcours d'emploi a été fractionné, le décret serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation et aurait méconnu le principe d'égalité, n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.
22. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le plafonnement des jours non travaillés introduit par le décret contesté, qui a vocation à être mis en oeuvre lorsque le demandeur d'emploi a travaillé moins de 57 % de la période comprise entre le 1er et le dernier jour d'emploi, limite la baisse du montant du salaire journalier de référence à 43 % au maximum du montant obtenu par application de la formule de calcul prévue dans le cadre de la convention du 14 avril 2017. Si, en dépit de ce plafonnement, les nouvelles modalités de détermination du salaire journalier de référence laissent subsister des écarts importants entre allocataires, en fonction de la répartition des périodes d'inactivité ainsi que de la durée de celles-ci, cette différence de traitement qui, selon la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, vise à rendre moins avantageuse l'indemnisation d'assurance chômage en cas de parcours d'emploi fractionné afin d'inciter les salariés et demandeurs d'emploi à privilégier les emplois stables, n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, manifestement disproportionnée d'autant que la baisse de l'allocation journalière est compensée par l'allongement de la durée d'indemnisation à raison de la prise en compte, dans cette durée, des jours non travaillés, et devrait, selon l'Unédic, s'établir, en moyenne, à 17 % pour les allocataires concernés.
23. En troisième lieu, par décret du 8 juin 2021 intervenu postérieurement à l'enregistrement des requêtes, le Premier ministre a modifié la formule de calcul du salaire journalier de référence qui s'avérait défavorable en cas de suspension de l'activité salariée pour congés ou activité partielle pendant la période d'emploi, par la prise en compte, au titre de ces périodes de suspension, d'une rémunération fictive correspondant à la rémunération que le salarié aurait perçue s'il n'avait pas été contraint d'interrompre son activité salariée. Compte tenu de cette modification, les dispositions relatives à la neutralisation des périodes de suspension qui figuraient dans le décret contesté ne sont plus susceptibles d'être suspendues.
24. En quatrième lieu, les articles 30 et 31 du règlement d'assurance chômage dans sa rédaction issue du décret du 26 juillet 2019, qui reprennent en substance les dispositions figurant dans le règlement annexé à la convention du 14 avril 2017, prévoient la possibilité pour les allocataires qui reprennent une activité salariée en cours d'indemnisation, de cumuler partiellement et sous certaines conditions, l'allocation d'aide au retour à l'emploi avec la rémunération issue de cette activité. L'allocation mensuelle versée en cas de reprise d'une activité réduite, calculée chaque mois, correspond au produit de l'allocation journalière et du nombre de jours indemnisables, lequel est déterminé en tenant compte des rémunérations d'activité perçues au cours du mois et du montant de l'allocation journalière de l'intéressé. Le montant cumulé de l'allocation mensuelle et de la rémunération d'activité ne peut excéder le montant mensuel du salaire de référence, établi sur la base du salaire journalier de référence.
25. Il résulte des simulations réalisées par l'Unédic à la demande de la CGT et dont les résultats ont été explicités par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion dans son mémoire produit après l'audience de référé, que la nouvelle formule de calcul du salaire journalier de référence prévue par le décret contesté conduit, par l'effet combiné de la baisse de l'allocation journalière de retour à l'emploi et de celle du plafond de cumul, à l'attribution de montants d'allocation mensuelle significativement différents, à nombre de jours travaillés égal durant la période de référence d'affiliation, selon la répartition des périodes d'inactivités durant la période de référence et selon les dates de début et de fin, au cours du mois civil, de l'activité réduite.
26. D'une part, si les requérants soutiennent que ces différences de traitement entre allocataires sont manifestement disproportionnées, il résulte de l'objet même du dispositif d'indemnisation en cas de reprise d'une activité réduite, qui vise à contribuer à la réinsertion professionnelle des demandeurs d'emploi et à ne pas pénaliser ceux d'entre eux qui exercent une activité faiblement rémunérée, qu'il convient de comparer les montants cumulés de rémunérations d'activité et d'allocation d'assurance perçus par les intéressés et non pas seulement les montants d'allocation. A cet égard, il résulte de l'instruction que les écarts entre allocataires, en termes de revenus cumulés, révélés dans les simulations n°s 1 et 3 et n°s 4 et 7 réalisées par l'Unedic, n'excèdent pas 51,6 %. D'autre part, en diminuant le montant de l'allocation versée en cas de reprise d'une activité réduite aux allocataires au parcours d'emploi fractionné, le pouvoir réglementaire a entendu rendre moins avantageuse la situation d'activité réduite afin d'inciter les salariés et les demandeurs d'emploi à privilégier les emplois stables. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les effets indirects de la baisse du montant du salaire journalier de référence sur le montant de l'allocation versée aux demandeurs d'emploi au parcours d'emploi fractionné en cas de reprise d'une activité réduite, par l'effet combiné de la baisse de l'allocation journalière et de celle du plafond de cumul, selon la répartition des périodes d'inactivités durant la période de référence et selon les dates de début et de fin, au cours du mois civil, de l'activité réduite, seraient manifestement disproportionnés et que les dispositions contestées méconnaîtraient le principe d'égalité, n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de celles-ci.
27. En cinquième lieu, si la baisse du salaire journalier de référence pour les allocataires ayant eu un parcours d'emploi fractionné a pour effet d'allonger le différé d'indemnisation des congés payés, dans la limite de trente jours, de réduire les droits à retraite et de rendre plus difficile l'exercice du droit d'option qui permet à un allocataire de demander l'ouverture d'un nouveau droit à l'allocation de retour à l'emploi, revu à la hausse, alors même que ses droits précédents ne sont pas épuisés, le pouvoir réglementaire fait valoir que ces effets indirects visent à rendre moins favorable l'indemnisation d'assurance chômage en cas de parcours d'emploi fractionné. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité à raison des effets indirects de la nouvelle formule de calcul du salaire journalier de référence n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité des dispositions contestées.
28. En sixième lieu, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, dans son mémoire produit après l'audience de référé, fait valoir, après avoir indiqué que les guides interprètes et conférenciers, qui relèvent du règlement général de l'assurance chômage depuis la convention du 14 mai 2014, travaillaient, pour près de 90 % d'entre eux, moins de 60 % du temps en 2019, qu'en leur appliquant les règles de droit commun relatives au salaire journalier de référence, le pouvoir réglementaire a entendu inciter ces salariés dont 52 % ont un diplôme niveau master ou doctorat et 45 % un diplôme de niveau licence ou équivalent, à développer des activités rémunérées durant les périodes entre deux contrats afin d'augmenter leur durée de travail annuelle et éviter ainsi leur prise en charge, pour une part trop significative, par le régime d'assurance chômage. En l'absence d'éléments suffisamment étayés permettant de considérer que ces salariés devraient, à raison des particularités de leur activité, bénéficier d'un statut dérogatoire, le moyen tiré de ce qu'en ne prévoyant pas de dispositions spécifiques à leur égard, le décret contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.
29. En septième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 5421-1, L. 5422-2 et L. 5422-3 du code du travail et de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que ceux tirés de l'atteinte à l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité et de l'existence d'une discrimination indirecte envers les femmes ne sont pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité des dispositions du décret contesté relatives à la détermination du salaire journalier de référence.
30. En huitième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, le contexte économique et la situation dégradée du marché de l'emploi a conduit le pouvoir réglementaire à introduire dans le décret du 30 mars 2021, une clause de retour à meilleure fortune à laquelle est subordonnée l'entrée en vigueur des dispositions issues du décret du 26 juillet 2019 relatives à la condition minimale d'affiliation ainsi que celles relatives à la dégressivité de l'allocation de retour à l'emploi. C'est également la situation économique qui a justifié le report, au 1er septembre 2022, de la modulation de la contribution des employeurs et l'exclusion transitoire du dispositif, des 78 secteurs d'activité les plus touchés par la crise. A cet égard, il résultait de l'évaluation réalisée en février 2021 sur la situation financière de l'assurance chômage pour 2021-2022, que l'Unédic prévoyait à la fin de l'année 2021, la destruction de 230 000 emplois salariés ainsi qu'une augmentation de 70 000 nouveaux chômeurs indemnisés.
31. La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion fait valoir que la nette reprise de l'activité économique depuis la mi-mai 2021 permet d'augurer un retour très rapide à la situation de l'emploi qui prévalait à la fin de l'année 2019, marquée par de fortes pénuries de main d'oeuvre en dépit d'un taux de chômage important. Cette amélioration est également constatée par l'Unedic, dans son évaluation financière du 17 juin 2021, qui prévoit désormais la création de 126 000 emplois et une diminution du nombre de chômeurs indemnisés de 154 000 à la fin de l'année 2021. Toutefois, l'Unédic relève que sur la seconde partie de cette année, devrait être constatée une hausse de la population active compte tenu du retour sur le marché du travail de personnes qui s'en étaient, du fait de la crise, retirées temporairement ou qui avaient retardé leur entrée dans la vie active. Le taux de chômage devrait ainsi s'établir, selon l'étude, à 9,1 % à la fin de l'année 2021. Par ailleurs, il résulte de l'avis relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour 2021 émis par le Haut Conseil des finances publiques le 31 mai 2021, que si la croissance pouvait, de manière réaliste, être estimée à + 5 % pour l'année 2021 et que l'acquis de croissance de l'emploi salarié du secteur privé à l'issue du 1er trimestre 2021 s'établissait à + 0,9 %, des incertitudes importantes subsistaient à raison de l'aléa principal tenant à l'évolution de la crise sanitaire, des risques de liquidité et de solvabilité notamment dans les secteurs les plus touchés par la crise et dans les entreprises déjà fragilisées avant celle-ci ainsi que du risque d'une accélération de la remontée des taux d'intérêt à long terme. En outre, il résulte de l'étude relative à l'usage des contrats courts réalisée en mai 2021 par la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, que les secteurs d'activité particulièrement affectés par les restrictions sanitaires, comme le commerce et la restauration-hôtellerie, dont la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion indique qu'ils connaissent un redémarrage vigoureux depuis quelques semaines s'accompagnant de besoins de recrutement importants, sont ceux qui recourent dans une large mesure aux contrats courts. Cette même étude souligne également que l'alternance de périodes d'activité et de périodes d'inactivité est le plus souvent une situation subie par les salariés, qui sont rarement en capacité de négocier leurs conditions de recrutement et que, s'agissant des employeurs, le recours aux contrats courts constitue le plus souvent un outil de flexibilité permettant de répondre à un besoin temporaire de main d'oeuvre que les salariés permanents ne peuvent pas satisfaire. Or, ainsi qu'il a été dit au point 30, la modulation de la contribution des employeurs qui vise à modérer le recours aux contrats courts ne deviendra effective qu'au 1er septembre 2022 et seulement jusqu'au 31 octobre 2022, soit le terme de l'application du règlement d'assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019, ce qui atténue dans une large mesure le caractère supposément incitatif de la période d'observation qui débute le 1er juillet 2021.
32. Dans ce contexte et dès lors que la modification du mode de calcul du salaire journalier de référence ainsi que ses conséquences, tant directes sur le montant de l'allocation journalière versée aux allocataires au parcours d'emploi fractionné, qu'indirectes sur le montant de l'allocation versée en cas de reprise d'une activité réduite notamment, sont justifiées par l'objectif consistant à inciter les salariés et les demandeurs d'emploi à privilégier les emplois durables en rendant moins favorable l'indemnisation d'assurance chômage, il ne résulte pas de l'instruction d'éléments suffisants permettant de considérer que les conditions du marché du travail sont à ce jour réunies pour atteindre l'objectif d'intérêt général poursuivi. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant dès le 1er juillet 2021 la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives à la détermination du salaire journalier de référence, qui affectent, ainsi qu'il a été dit, de manière significative les demandeurs d'emploi au parcours d'emploi fractionné, le décret serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur sa légalité.
33. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à demander la suspension de l'exécution du décret du 30 mars 2021 en tant seulement qu'il fixe dès le 1er juillet 2021 la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives à la détermination du salaire journalier de référence, l'urgence n'étant pas sérieusement contestée sur ce point.
Sur le champ de la suspension :
34. En premier lieu, les dispositions de l'article 13 du règlement d'assurance chômage, dans sa rédaction issue du décret du 30 mars 2021 modifié par le décret du 8 juin 2021, relatives au salaire journalier de référence ne sont pas divisibles de celles des onze premiers alinéas du paragraphe 1er et du paragraphe 2 de l'article 9, relatives à la durée d'indemnisation, de celles du paragraphe 1er de l'article 11 et des paragraphes 1er, 3 à 4 de l'article 12, relatives au salaire de référence, de celles des articles 21 et 23, relatives aux différés d'indemnisation, de celles du paragraphe 7 de l'article 65, relatives à la coordination entre régimes ainsi que des dispositions correspondantes figurant dans les annexes à ce même règlement, dont l'exécution doit également être suspendue.
35. En second lieu, l'exécution de l'article 1er du décret du 30 mars 2021 fixant dès le 1er juillet 2021 la date d'entrée en vigueur des dispositions citées au point 34 doit être suspendue.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
36. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement, pour chacune des requêtes, de la somme de 1 500 euros, à répartir le cas échéant entre les requérants, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de l'association Solidarités nouvelles face au chômage est admise.
Article 2 : L'exécution des dispositions des onze premiers alinéas du paragraphe 1er et du paragraphe 2 de l'article 9, du paragraphe 1er de l'article 11, des paragraphes 1er, 3 à 4 de l'article 12, de l'article 13, des articles 21 et 23, du paragraphe 7 de l'article 65 du règlement d'assurance chômage ainsi que les dispositions correspondantes figurant dans les annexes à ce même règlement dans sa rédaction résultant du décret du 30 mars 2021 modifié par le décret du 8 juin 2021, ainsi que celles de l'article 1er du décret du 30 mars 2021 en tant qu'il fixe dès le 1er juillet 2021 l'entrée en vigueur des dispositions mentionnées, est suspendue.
Article 3 : L'Etat versera, pour chacune des requêtes, la somme de 1 500 euros, à répartir le cas échéant entre les requérants, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des requêtes est rejeté.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, à l'Union nationale des syndicats autonomes, à la Confédération générale du travail, première requérante dénommée dans le n° 452839, à la Confédération française démocratique du travail, à la Fédération nationale des guides interprètes et conférenciers, premier requérant dénommé dans le n° 452865, à la Confédération générale du travail Force Ouvrière et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Copie en sera adressée à l'association Solidarités nouvelles face au chômage.
N° 452210
ECLI:FR:CEORD:2021:452210.20210622
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL, avocats
Lecture du mardi 22 juin 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
I. Sous le n° 452210, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 mai et 7 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d'assurance chômage ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- le décret ne correspond pas au projet de décret soumis au Conseil d'Etat, dont la consultation était obligatoire en application de l'article L. 5422-20 du code du travail, ni au texte proposé par ce dernier ;
- le document de cadrage communiqué le 25 septembre 2018 est caduc ;
- les prescriptions de ce document de cadrage ne sont pas respectées en ce que le décret décorrèle l'entrée en vigueur des dispositions défavorables applicables aux demandeurs d'emploi ayant eu un parcours d'emploi fractionné et l'application effective de la modulation des contributions dues par les employeurs ;
- le décret méconnaît les principes d'égalité et de non-discrimination, dès lors que le mécanisme de plafonnement introduit dans la formule de calcul du salaire journalier de référence ne suffit pas à corriger les différences de traitement manifestement disproportionnées entre allocataires ;
- il méconnaît le principe d'égalité en ce que la neutralisation des périodes de rémunération réduite, dans la formule de calcul du salaire journalier de référence, conduit à pénaliser les demandeurs d'emploi concernés ;
- il méconnaît le principe d'égalité en ce que les règles relatives aux différés d'indemnisation introduisent une différence de traitement manifestement disproportionnée entre, d'une part, les allocataires ayant pu prendre leurs congés payés au cours de la période d'emploi et, d'autre part, ceux qui auront perçu une indemnité compensatrice de congés payés versée en fin de contrat ;
- la nouvelle formule de calcul du salaire journalier de référence conduit à discriminer de manière indirecte les femmes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens de la requête n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté.
Sous le n° 452210, par un mémoire, enregistré le 17 juin 2021, la CFE-CGC, conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
II. Sous le n° 452805, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 et 27 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d'assurance chômage ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- le décret a été adopté au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le document de cadrage du 25 septembre 2018 n'a pas été actualisé alors même que les hypothèses macroéconomiques en 2021 ne sont, à l'évidence, plus les mêmes qu'en 2018 ;
- il est entacheŽ d'erreur de droit en ce que les nouvelles règles de calcul du salaire journalier de référence qu'il édicte créent entre les allocataires une rupture d'égalité qui n'est pas en relation directe avec l'objectif d'intérêt général poursuivi de réduction du nombre de contrats courts, et qui est manifestement disproportionnée par rapport a` cet objectif ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce que les nouvelles règles de calcul du salaire journalier de référence, indépendamment même de la rupture d'égalité illicite qu'elles induisent, ne sont manifestement pas en adéquation avec l'objectif poursuivi ;
- il est entaché d'erreur de droit en ce que les allocataires qui bénéficient de la neutralisation de certaines périodes de suspension du contrat de travail ou d'activité partielle et qui ont eu une période d'inactivité dans leur période de référence sont discriminés par rapport aux autres et subissent une inégalité de traitement illicite ;
- il est entaché d'erreur de droit en ce que les règles de calcul du salaire journalier de référence conduisent a` pénaliser les allocataires qui ont bénéficié d'un congeŽ maternité ou d'un arrêt en raison de leur état de santeŽ, en violation des articles 1er et 2 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;
- il est entaché d'erreur de droit en ce que les nouvelles règles de la dégressivité de l'allocation d'assurance chômage créent entre les allocataires une rupture d'égalité qui n'est pas en relation directe avec l'objectif d'intérêt général poursuivi par le décret et qui est manifestement disproportionnée a` cet objectif ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce que la règle de la dégressivité apparaît manifestement inadéquate pour atteindre l'objectif poursuivi, compte tenu notamment du taux de remplacement des cadres visés par la mesure ;
- il est entaché d'erreur de droit en ce que les nouvelles règles sur la modulation de la contribution des employeurs a` l'assurance chômage créent entre les entreprises une rupture d'égalité qui n'est pas en relation directe avec l'objectif d'intérêt général poursuivi par le décret et qui est manifestement disproportionnée a` cet objectif ;
- il est entaché d'erreur de droit dès lors que les allocataires qui vont se voir imposer une réduction de leur salaire journalier de référence, verront leur différé d'indemnisation augmenter ;
- le pouvoir réglementaire a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que le dispositif de modulation des contributions des employeurs a` l'assurance chômage pouvait contribuer a` réduire le recours aux contrats courts dès lors que les entreprises qui vont subir le malus ne sont pas nécessairement celles qui recourent le plus aux contrats courts et que ce mécanisme dépend de paramètres que les entreprises ne maîtrisent pas.
Sous le n° 452805, par un mémoire, enregistré le 16 juin 2021, l'UNSA conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
III. Sous le n° 452839, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mai et 9 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail (CGT), l'Union syndicale Solidaires et la Fédération Syndicale Unitaire (FSU) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d'assurance chômage ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- le décret est entaché d'erreur de droit en ce que la nouvelle définition du salaire journalier de référence engendre des ruptures d'égalité manifestement disproportionnées entre les demandeurs d'emplois ayant eu des périodes d'emploi fractionnées selon la répartition des périodes d'emploi au sein de la période de référence et le calendrier de survenance du chômage, entre les demandeurs d'emploi ayant eu des périodes d'emploi continues selon la date de survenance de la période de chômage et enfin, entre, d'une part, les demandeurs d'emploi ayant connu des périodes d'emploi continues et, d'autre part, ceux ayant connu des périodes d'emploi fractionnées ;
- il est entaché d'erreur de droit dès lors que la refonte des modalités de détermination du salaire journalier de référence qu'il opère méconnaît tant l'objet du régime légal d'assurance chômage, lequel prévoit l'obligation d'assurer aux demandeurs d'emploi un revenu de remplacement, que sa nature assurantielle ;
- l'atteinte portée au droit à un revenu de remplacement est d'une ampleur telle qu'elle entame ce droit dans sa substance même, eu égard notamment aux difficultés auxquelles se trouveront confrontés les travailleurs précaires pour faire jouer leur droit d'option, caractérisant ainsi une violation des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il instaure un dispositif intelligible et inaccessible pour les demandeurs d'emploi ;
- la neutralisation, pour le calcul du salaire journalier de référence, des périodes de maladie, de maternité, de paternité, d'adoption et des périodes pendant lesquelles le salarié a été indemnisé au titre de l'allocation partielle caractérise, d'une part, une discrimination illégale en raison de l'état de santé, de la grossesse ou encore de la situation de famille et, d'autre part, méconnaît le principe d'égalité en ce qu'elle pénalise nécessairement davantage les allocataires ayant des périodes d'emploi fractionnées.
Sous le n° 452839, par deux mémoires, enregistrés les 15 et 16 juin 2021, la CGT et autres concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens.
IV. Sous le n° 452844, par une requête, enregistrée le 21 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération française démocratique du travail (CFDT) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d'assurance chômage ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- le décret a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que, d'une part, malgré la crise économique résultant de la situation sanitaire, le Gouvernement n'a pas transmis aux partenaires sociaux un nouveau document de cadrage contenant une actualisation des hypothèses macroéconomiques et des hypothèses d'évolution du nombre prévisionnel de demandeurs d'emploi indemnisés sur les trois prochains exercices à venir, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article L. 5422-20-1 du code du travail et, d'autre part, la commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle a été saisie du projet de décret sans aucun autre élément d'appréciation et n'a donc pas été mise en mesure de fournir préalablement à son adoption un avis éclairé, en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 2271-1 (10°) et L. 5422-20-1 du code du travail ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 5422-20 et L. 5422-20-1 du code du travail dès lors que les objectifs assignés par le décret ne sont pas compatibles avec ceux présentés dans le document de cadrage ;
- il est entaché d'erreur de droit en ce que les dispositions modifiant les modalités de calcul du salaire journalier de référence portent atteinte aux principes assurantiels posés aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3 du code du travail dès lors qu'elles instaurent un critère supplémentaire lié aux jours non travaillés, qui aboutit à ce que deux salariés travaillant le même nombre d'heures et ayant obtenu la même rémunération, mais avec un rythme de travail différent, bénéficient d'un salaire journalier de référence très différent et donc d'une allocation chômage dont le montant présente un écart important ;
- il est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il accorde un rôle central à la lutte contre les phénomènes de " permittence ", alors que l'administration n'établit pas qu'un tel objectif aurait un effet sur le nombre de demandeurs d'emploi ni qu'un tel objectif est pertinent dans une situation économique dégradée et présentant des perspectives de reprise incertaines du fait de la crise sanitaire, et en ce qu'il fixe au 1er juillet 2021 l'entrée en vigueur des nouvelles règles sur le salaire journalier de référence alors que le mécanisme de modulation des contributions patronales d'assurance chômage ne sera appliqué qu'au 1er septembre 2022 ;
- les dispositions instituant les nouvelles modalités de calcul du salaire journalier de référence portent atteinte au principe d'égalité et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'instauration d'un plancher ne remédie pas aux écarts de rémunération constatés dès lors que, d'une part, le nombre de personnes dont l'allocation chômage diminuera reste le même et que, d'autre part, les écarts d'indemnisation demeureront trop importants ;
- le décret est entaché d'erreur de droit dès lors que la nouvelle formule de calcul du salaire journalier de référence allonge le différé d'indemnisation des congés payés sans que cet allongement soit en lien avec l'objectif poursuivi par le pouvoir réglementaire.
Sous le n° 452844, par un mémoire, enregistré le 17 juin 2021, la CFDT conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
V. Sous le n° 452865, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mai et 9 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des guides interprètes et conférenciers (FNGIC), le Syndicat professionnel des guides interprètes conférenciers (SPGIC), l'Association nationale des guides-conférenciers des Villes et Pays d'art et d'histoire (ANCOVART) et le Syndicat national des guides conférenciers (SNGC) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d'assurance chômage ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt pour agir ;
- la condition d'urgence est remplie ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- ce décret méconnaît le principe d'égalité dès lors que la nouvelle formule de calcul du salaire journalier de référence crée des différences de traitement manifestement disproportionnées entre les demandeurs d'emploi ayant eu des périodes d'emploi discontinues selon la répartition des périodes d'emploi au sein de la période de référence et selon le calendrier de survenance du chômage, et entre les demandeurs d'emploi selon qu'ils ont eu un parcours d'emploi continu ou fractionné, alors qu'aucun motif d'intérêt général n'est de nature à justifier cette différence de traitement ;
- il engendre une discrimination indirecte et injustifiée à l'égard des femmes qui constituent la majorité des travailleurs ayant un parcours d'emploi fractionné.
VI. Sous le n° 452886, par une requête, enregistrée le 22 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail - Force Ouvrière (CGT-FO) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d'assurance chômage ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'urgence est caractérisée ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- le décret méconnaît le principe d'égalité en ce que le montant du salaire journalier de référence, dont dépend le montant de l'allocation de retour à l'emploi, diffère selon que le salarié a ou non, été placé en activité partielle au cours du parcours d'emploi, selon que le salarié a ou non été placé en congé maternité ou en congé maladie au cours du parcours d'emploi, selon que le salarié dont la rémunération mensuelle brute a évolué - que ce soit à la hausse ou à la baisse - au cours d'un parcours d'emploi continu, a ou non connu une période neutralisable, selon que le salarié dont le parcours d'emploi discontinu a ou non connu une période neutralisable et, enfin, selon que le salarié reprend une activité à cheval sur deux mois ou au cours d'un seul et même mois civil.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 26 mai 2021, l'association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC) conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des requêtes. Elle soutient que son intervention est recevable et s'associe aux moyens des requêtes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet des requêtes n°s 452805, 452839, 452844, 452865 et 452886. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens des requêtes n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté.
Par un mémoire, enregistré le 15 juin 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion reprend les conclusions de ses précédents mémoires par les mêmes moyens.
Au soutien des requêtes, la SNC a présenté de nouvelles observations, enregistrées le 16 juin 2021.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel ;
- la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 ;
- le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 ;
- le décret n° 2020-425 du 14 avril 2020 ;
- le décret n° 2020-1716 du 28 décembre 2020 ;
- le décret n° 2021-730 du 8 juin 2021 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la CFE-CGC, l'UNSA, la CGT, l'Union syndicale Solidaires, la FSU, la CFDT, la FNGIC, le SPGIC, l'ANCOVART, le SNGC, la CGT-FO et, d'autre part, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ;
Ont été entendus à l'audience publique du 10 juin 2021, à 14 heures 30 :
- Me Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la CFE-CGC ;
-Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'UNSA ;
-Me Lyon-Caen, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la CGT, de l'Union syndicale Solidaires, de la FSU, de la FNGIC, du SPGIC, de l'ANCOVART et du SNGC ;
-Me Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la CFDT ;
-Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la CGT-FO ;
- les représentants de l'UNSA, de CGT spectacle, de la FNGIC et de CGT-FO ;
- les représentants de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 17 juin à 12 heures.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 juin, présentée par la FNGIC et autres ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 juin, présentée par la CGT-FO ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. En vertu de l'article L. 5422-20 du code du travail, les mesures d'application des dispositions de ce code relatives au régime d'assurance chômage font l'objet d'accords conclus entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés et agréés dans les conditions définies aux articles L. 5422-20-1 à L. 5422-24 du code. L'article L. 5422-20-1, inséré dans ce code par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dispose que, préalablement à la négociation de ces accords et après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, le Premier ministre transmet à ces organisations un document de cadrage qui précise les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage. En vertu du second alinéa de l'article L. 5422-22 du même code, l'agrément de l'accord est subordonné, d'une part, à sa conformité aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur et, d'autre part, à sa compatibilité avec la trajectoire financière et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage définis dans le document de cadrage. L'article L. 5422-25 du code, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 septembre 2018, prévoit, dans certaines hypothèses, que le Premier ministre peut demander aux partenaires sociaux de prendre les mesures nécessaires pour corriger un écart significatif entre la trajectoire financière du régime d'assurance chômage et la trajectoire prévue, ou celle que décide le législateur, en modifiant l'accord précédemment agréé et, aux termes de son dernier alinéa, que " lorsqu'aucun accord remplissant les conditions du second alinéa de l'article L. 5422-22 n'est conclu, le Premier ministre peut mettre fin à l'agrément de l'accord qu'il avait demandé aux organisations d'employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel de modifier". Les mesures d'application des dispositions législatives régissant l'assurance chômage sont alors déterminées par décret en Conseil d'Etat, en vertu du dernier alinéa de l'article L. 5422-20 du code du travail.
3. L'article 57 de la loi du 5 septembre 2018 dispose qu'à compter de la publication de celle-ci, le Gouvernement transmet aux organisations représentatives des salariés et des employeurs au niveau national et interprofessionnel, après concertation avec elles, un document de cadrage répondant aux conditions mentionnées à l'article L. 5422-20-1 du code du travail en vue de la conclusion des accords prévus par l'article L. 5422-20 de ce code. Il précise que ces accords sont négociés dans un délai de quatre mois et agréés dans les conditions fixées notamment par le dernier alinéa de l'article L. 5422-25 de ce code.
4. Le Premier ministre a communiqué le 25 septembre 2018 aux partenaires sociaux le document de cadrage prévu par l'article 57 de la loi du 5 septembre 2018. Au vu de l'échec des négociations qui ont suivi cette communication, le Premier ministre a pris le décret du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage, qui, d'une part, abroge les arrêtés portant agrément de la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage, de ses textes associés et de ses avenants et, d'autre part, fixe les mesures d'application des dispositions législatives régissant l'assurance chômage. Par une décision du 25 novembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé les dispositions du règlement d'assurance chômage annexé à ce décret relatives au salaire journalier de référence, au motif que ses modalités de calcul portaient atteinte au principe d'égalité, ainsi que celles relatives à la modulation de la contribution des employeurs à l'assurance chômage, au motif de l'illégalité de la subdélégation à un arrêté ministériel de la définition d'éléments déterminants du dispositif. Par décret du 28 décembre 2020, ont été abrogées les dispositions du règlement d'assurance chômage relatives aux différés d'indemnisation et aux règles de cohérence entre les régimes, liées aux dispositions annulées. Le décret du 30 mars 2021 a rétabli, en les amendant, les dispositions relatives au salaire journalier de référence, aux différés d'indemnisation, à la modulation de la contribution des employeurs ainsi qu'à la coordination entre les régimes. A l'exception de la modulation dont l'application effective sur les rémunérations dues par les employeurs est fixée au 1er septembre 2022, l'entrée en vigueur des dispositions ainsi rétablies a été fixée à la date du 1er juillet 2021, les règles correspondantes issues de la convention d'assurance chômage du 14 avril 2017 étant prorogées jusqu'au 30 juin 2021. Ce même décret a également modifié le décret du 14 avril 2020 portant mesures d'urgence en matière de revenus de remplacement pour subordonner l'application des dispositions relatives à la condition minimale d'affiliation et à la dégressivité de l'allocation prévues par le décret du 26 juillet 2019 à une clause de retour à meilleure fortune.
5. La CFE-CGC sous le n° 452210, l'UNSA sous le n° 452805, la CGT, l'Union syndicale Solidaires et la FSU sous le n° 452839, la CFDT sous le n° 452844, la FNGIC, le SPGIC, l'ANCOVART et le SNGC sous le n° 452865 et la CGT-FO sous le n° 452886 demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du décret du 30 mars 2021. Ces requêtes présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur l'intervention :
6. L'association Solidarités nouvelles face au chômage justifie, par son objet statutaire, d'un intérêt suffisant à la suspension de l'exécution du décret contesté. Ainsi, son intervention au soutien des requêtes est recevable.
Sur le respect des règles gouvernant l'examen par le Conseil d'Etat des projets de décret :
7. Il résulte de la copie de la minute de la section sociale du Conseil d'Etat, produite dans le cadre de l'instruction par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, que le décret publié ne contient pas de disposition qui différerait à la fois du projet initial du Gouvernement et du texte adopté par la section sociale du Conseil d'Etat. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat des projets de décret ne peut être regardé comme de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du décret contesté.
Sur la compétence du Premier ministre :
8. D'une part, le second alinéa de l'article L. 5422-22 du code du travail prévoit que les accords mentionnés à l'article L. 5422-20 du même code doivent être " compatibles avec la trajectoire financière et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance-chômage définis dans le document de cadrage mentionné à l'article L. 5422-20-1 ". L'article L. 5422-20-1 de ce code prévoit que le document de cadrage " précise les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière, le délai dans lequel cette négociation doit aboutir et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage./ Il détaille les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles se fonde la trajectoire financière, ainsi que le montant prévisionnel, pour les trois exercices à venir, du produit des impositions de toute nature mentionnées au 5° de l'article L. 5422-9, sans préjudice des dispositions des prochaines lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale ". L'article R. 5422-11 du même code précise que ce document " intègre un état des hypothèses macroéconomiques, cohérent avec les prévisions de la loi de finances, de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de programmation des finances publiques, ainsi que des hypothèses d'évolution du nombre prévisionnel de demandeurs d'emploi indemnisés, sur les trois prochains exercices à venir ". D'autre part, le dernier alinéa de l'article L. 5422-20 du même code prévoit : " En l'absence d'accord ou d'agrément de celui-ci, les mesures d'application sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ".
9. Si l'article L. 5422-20 du code du travail n'impose pas que le décret pris à défaut d'accord des partenaires sociaux ou d'agrément de cet accord soit compatible avec la trajectoire financière et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage définis dans le document de cadrage mentionné à l'article L. 5422-20-1 du même code, le Premier ministre ne peut toutefois se substituer aux partenaires sociaux qu'en cas d'échec de la négociation ou d'impossibilité, pour l'un des motifs prévus à l'article L. 5422-22 de ce code, d'agréer leur accord. Par suite, les mesures qu'il adopte, y compris par décret modificatif ultérieur, jusqu'au terme fixé par le décret initial, doivent rester compatibles avec les objectifs impartis aux partenaires sociaux pour cette négociation et avec la trajectoire initialement fixée.
10. Le document de cadrage communiqué le 25 septembre 2018 aux organisations représentatives de salariés et d'employeurs précisait que leur négociation avait pour objectif de favoriser l'emploi durable et d'engager le désendettement du régime d'assurance chômage. Au titre de l'incitation à la reprise d'un emploi durable, les partenaires sociaux étaient invités à revoir notamment la formule de calcul du salaire journalier de référence, considérée comme étant trop incitative au fractionnement des contrats, ainsi que les règles de cumul de l'allocation de retour à l'emploi et des revenus issus de la reprise d'une activité réduite pendant la durée d'indemnisation. Au titre du désendettement, l'objectif d'économies à réaliser en moyenne annuelle sur trois ans était fixé entre 1 et 1,3 milliard d'euros afin de ramener la dette du régime en 2021 en dessous de 30,4 milliards d'euros.
11. Si les prévisions de croissance, de nombre de demandeurs d'emploi et du niveau d'endettement figurant dans le document de cadrage ont été profondément remises en causes par les conséquences sur l'activité de la crise sanitaire, la dégradation de la situation économique et du marché de l'emploi ne saurait caractériser un bouleversement tel qu'il rendrait caducs les objectifs et la trajectoire financière fixés dans ce document. En tout état de cause, le décret contesté, qui se borne à amender les dispositions du décret du 26 juillet 2019 pour tenir compte, d'une part, des motifs d'annulation retenus par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, dans sa décision du 25 novembre 2020 et, d'autre part, des conséquences économiques de la crise sanitaire, s'inscrit dans le cadre tracé dans le document communiqué le 25 septembre 2018, tant en ce qui concerne les objectifs d'évolution des règles d'indemnisation que des économies à réaliser. A cet égard, il résulte de l'instruction que les mesures initiales amendées devraient permettre de dégager entre 1,19 et 1,93 milliard d'euros en 2022.
12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité du décret contesté faute pour le pouvoir réglementaire d'avoir constaté la caducité du document de cadrage communiqué le 25 septembre 2018 et, par suite, d'avoir relancé la négociation d'un nouvel accord sur la base d'un nouveau document, n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux. Il en est de même du moyen tiré de l'incompatibilité du décret attaqué avec les objectifs et la trajectoire financière fixés par ce document.
Sur la régularité de la procédure :
13. Aux termes de l'article L. 2271-1 du code du travail : " La Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle est chargée : (...) 10° D'émettre un avis sur : (...) b) L'agrément des accords d'assurance chômage mentionnés à l'article L. 5422-20 ; (...) ".
14. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que l'avis rendu par la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle en application des dispositions précitées soit subordonné à la transmission, par le Gouvernement, d'une étude d'impact ou d'éléments relatifs à la trajectoire financière ou aux buts poursuivis. Au demeurant, ainsi qu'il a été dit au point 11, le projet sur lequel la Commission a rendu son avis se bornait à amender des dispositions figurant déjà dans le décret du 26 juillet 2019 pour tenir compte des motifs d'annulation retenus par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, dans sa décision du 25 novembre 2020, et de la situation économique. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret contesté aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière faute pour la Commission d'avoir pu rendre un avis éclairé sur le projet de décret, n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur sa légalité.
Sur la modulation de la contribution des employeurs à l'assurance chômage :
15. L'article 51 du règlement d'assurance chômage dans sa rédaction résultant du 15° de l'article 2 du décret contesté prévoit l'application de la modulation de la contribution des employeurs à l'assurance chômage aux rémunérations dues au titre des périodes d'emploi courant à compter du 1er septembre 2022. Par suite, la suspension de l'exécution des dispositions du décret contesté relative à cette modulation est dépourvue de tout caractère d'urgence.
Sur la dégressivité de l'allocation de retour à l'emploi :
16. L'article 17 bis du règlement d'assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019 prévoit que l'allocation journalière des allocataires âgés de moins de 57 ans à la date de leur fin de contrat de travail, est affectée d'un coefficient de dégressivité égal à 0,7 à partir du 183ème jour d'indemnisation. Il prévoit en outre que l'application du coefficient de dégressivité ne peut conduire à ce que le montant de l'allocation journalière soit inférieur à 84,33 euros. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er novembre 2019. Toutefois, compte tenu de la crise sanitaire, le décret du 14 avril 2020 a suspendu l'application de ces dispositions à compter du 1er mars jusqu'au 31 décembre 2020. Cette période de suspension a été prolongée jusqu'au 31 mars 2021 par le décret du 28 décembre 2020, puis jusqu'au 30 juin 2021 par l'article 4 du décret contesté. Ce même article modifie également, à titre temporaire, les modalités d'application de la dégressivité, en ce qui concerne les salariés privés d'emploi à compter du 1er novembre 2019. Il est ainsi prévu que le mécanisme de dégressivité ne s'appliquera à leur encontre qu'à partir du 244ème jour à compter de la perception de l'allocation de retour à l'emploi, ce délai ne commençant à courir qu'à compter du 1er juillet 2021. Ce dispositif temporaire cessera de s'appliquer sous réserve d'une amélioration durable du marché de l'emploi. Les salariés privés d'emploi à compter de la date à laquelle ce dispositif aura cessé de s'appliquer seront alors soumis aux dispositions de l'article 17 bis du règlement d'assurance chômage.
17. Il résulte des dispositions de l'article 17 bis du règlement d'assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019 que seules les personnes qui percevaient en moyenne une rémunération brute supérieure à 4 500 euros par mois antérieurement à la fin de leur contrat de travail verront leur allocation affectée par le mécanisme de dégressivité et que le coefficient de 0,7 ne s'appliquera pleinement qu'à celles qui percevaient une rémunération brute supérieure à 6 430 euros. Dès lors qu'il ressort de l'instruction que la situation de l'emploi est, dans l'ensemble, plus favorable pour ces allocataires et que la dégressivité ne s'applique pas lorsque l'allocataire est âgé d'au moins 57 ans à la date de la fin de son contrat de travail, la différence de traitement résultant de ces dispositions est en rapport direct avec l'objet de la loi, qui est d'assurer l'indemnisation des salariés involontairement privés d'emploi tout en encourageant la reprise d'une activité professionnelle. Eu égard au niveau du coefficient de dégressivité et aux modalités de prise en considération du montant de la rémunération antérieure, qui évite les effets de seuil par la fixation d'une valeur plancher de l'allocation journalière en-deçà de laquelle l'application du coefficient ne peut conduire, cette différence de traitement n'est pas manifestement disproportionnée au regard de la différence de situation qui la justifie. Par suite, le moyen soulevé à l'appui de la contestation des dispositions figurant à l'article 4 du décret contesté exposées au point 16, tiré de ce que le mécanisme de dégressivité de l'allocation de retour à l'emploi, d'une part, créerait entre les allocataires une rupture d'égalité qui ne serait pas en relation directe avec l'objectif d'intérêt général poursuivi et qui serait manifestement disproportionnée et, d'autre part, serait manifestement inadéquat, n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité des dispositions contestées.
Sur le différé d'indemnisation :
18. L'article 21 du règlement d'assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019 prévoit que le différé d'indemnisation dit " congés payés " correspond au nombre de jours résultant du quotient de la somme des indemnités compensatrices de congés payés non pris versées à l'occasion de toutes les fins de contrat de travail incluses dans les 182 jours précédant la dernière fin de contrat de travail, par le salaire journalier de référence. Ce différé est limité à trente jours.
19. Ces dispositions diffèrent, pour une durée limitée, le point de départ du versement de l'allocation de retour à l'emploi due au salarié privé d'emploi, en fonction des indemnités compensatrices de congés payés non pris dont il a bénéficié à l'occasion de la rupture des contrats inclus dans la période mentionnée au point 18, sans affecter la durée d'indemnisation. Eu égard à la différence de situation entre les salariés privés d'emploi qui ont pu prendre leurs congés payés au cours de la période d'emploi et ceux bénéficiant d'une indemnité compensatrice pour congés payés, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur leur légalité.
Sur le salaire journalier de référence :
20. En vertu de l'article L. 5422-3 du code du travail, l'allocation de retour à l'emploi versée aux travailleurs privés d'emploi est calculée en fonction de la rémunération antérieurement perçue par les intéressés, dans la limite d'un plafond. L'article 14 du règlement d'assurance chômage prévoit que cette allocation d'assurance prend la forme d'une allocation journalière correspondant au montant le plus élevé entre, d'une part, la somme d'une part fixe de 12 euros et d'une part proportionnelle égale à 40,4 % du salaire journalier de référence du bénéficiaire et d'autre part, 57 % du salaire journalier de référence, sous réserve d'un montant minimal. Le salaire journalier de référence est égal, en vertu des articles 11 à 13 de ce règlement dans leur rédaction issue du décret contesté, au montant des rémunérations perçues au cours de la période de référence d'affiliation, de 24 ou 36 mois selon l'âge du salarié, divisé par le nombre de jours calendaires décomptés entre le premier jour de la première période d'emploi incluse dans la période de référence d'affiliation et le terme de cette période de référence. Pour tenir compte de la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 25 novembre 2020, a été introduit un mécanisme de plafonnement dont il résulte que le nombre de jours non travaillés pris en compte dans la période d'emploi figurant au dénominateur du quotient servant à calculer le salaire journalier de référence, ne peut être supérieur à 75 % du nombre de jours travaillés.
21. En premier lieu, pour atteindre l'objectif d'intérêt général de stabilité de l'emploi, le pouvoir réglementaire dispose d'un large pouvoir d'appréciation des moyens qu'il entend mettre en oeuvre. En tenant compte des jours non travaillés au dénominateur du quotient servant à calculer le salaire journalier de référence, il a entendu éviter qu'un même nombre d'heures de travail aboutisse à un salaire journalier de référence plus élevé en cas de fractionnement des contrats de travail qu'en cas de travail à temps partiel et ainsi rendre moins favorable l'indemnisation au titre de l'assurance chômage des salariés connaissant une alternance de périodes d'activité et de périodes d'inactivité. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'en réduisant le salaire journalier de référence et, par suite, le montant de l'allocation journalière des seuls demandeurs d'emploi dont le parcours d'emploi a été fractionné, le décret serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation et aurait méconnu le principe d'égalité, n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.
22. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le plafonnement des jours non travaillés introduit par le décret contesté, qui a vocation à être mis en oeuvre lorsque le demandeur d'emploi a travaillé moins de 57 % de la période comprise entre le 1er et le dernier jour d'emploi, limite la baisse du montant du salaire journalier de référence à 43 % au maximum du montant obtenu par application de la formule de calcul prévue dans le cadre de la convention du 14 avril 2017. Si, en dépit de ce plafonnement, les nouvelles modalités de détermination du salaire journalier de référence laissent subsister des écarts importants entre allocataires, en fonction de la répartition des périodes d'inactivité ainsi que de la durée de celles-ci, cette différence de traitement qui, selon la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, vise à rendre moins avantageuse l'indemnisation d'assurance chômage en cas de parcours d'emploi fractionné afin d'inciter les salariés et demandeurs d'emploi à privilégier les emplois stables, n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, manifestement disproportionnée d'autant que la baisse de l'allocation journalière est compensée par l'allongement de la durée d'indemnisation à raison de la prise en compte, dans cette durée, des jours non travaillés, et devrait, selon l'Unédic, s'établir, en moyenne, à 17 % pour les allocataires concernés.
23. En troisième lieu, par décret du 8 juin 2021 intervenu postérieurement à l'enregistrement des requêtes, le Premier ministre a modifié la formule de calcul du salaire journalier de référence qui s'avérait défavorable en cas de suspension de l'activité salariée pour congés ou activité partielle pendant la période d'emploi, par la prise en compte, au titre de ces périodes de suspension, d'une rémunération fictive correspondant à la rémunération que le salarié aurait perçue s'il n'avait pas été contraint d'interrompre son activité salariée. Compte tenu de cette modification, les dispositions relatives à la neutralisation des périodes de suspension qui figuraient dans le décret contesté ne sont plus susceptibles d'être suspendues.
24. En quatrième lieu, les articles 30 et 31 du règlement d'assurance chômage dans sa rédaction issue du décret du 26 juillet 2019, qui reprennent en substance les dispositions figurant dans le règlement annexé à la convention du 14 avril 2017, prévoient la possibilité pour les allocataires qui reprennent une activité salariée en cours d'indemnisation, de cumuler partiellement et sous certaines conditions, l'allocation d'aide au retour à l'emploi avec la rémunération issue de cette activité. L'allocation mensuelle versée en cas de reprise d'une activité réduite, calculée chaque mois, correspond au produit de l'allocation journalière et du nombre de jours indemnisables, lequel est déterminé en tenant compte des rémunérations d'activité perçues au cours du mois et du montant de l'allocation journalière de l'intéressé. Le montant cumulé de l'allocation mensuelle et de la rémunération d'activité ne peut excéder le montant mensuel du salaire de référence, établi sur la base du salaire journalier de référence.
25. Il résulte des simulations réalisées par l'Unédic à la demande de la CGT et dont les résultats ont été explicités par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion dans son mémoire produit après l'audience de référé, que la nouvelle formule de calcul du salaire journalier de référence prévue par le décret contesté conduit, par l'effet combiné de la baisse de l'allocation journalière de retour à l'emploi et de celle du plafond de cumul, à l'attribution de montants d'allocation mensuelle significativement différents, à nombre de jours travaillés égal durant la période de référence d'affiliation, selon la répartition des périodes d'inactivités durant la période de référence et selon les dates de début et de fin, au cours du mois civil, de l'activité réduite.
26. D'une part, si les requérants soutiennent que ces différences de traitement entre allocataires sont manifestement disproportionnées, il résulte de l'objet même du dispositif d'indemnisation en cas de reprise d'une activité réduite, qui vise à contribuer à la réinsertion professionnelle des demandeurs d'emploi et à ne pas pénaliser ceux d'entre eux qui exercent une activité faiblement rémunérée, qu'il convient de comparer les montants cumulés de rémunérations d'activité et d'allocation d'assurance perçus par les intéressés et non pas seulement les montants d'allocation. A cet égard, il résulte de l'instruction que les écarts entre allocataires, en termes de revenus cumulés, révélés dans les simulations n°s 1 et 3 et n°s 4 et 7 réalisées par l'Unedic, n'excèdent pas 51,6 %. D'autre part, en diminuant le montant de l'allocation versée en cas de reprise d'une activité réduite aux allocataires au parcours d'emploi fractionné, le pouvoir réglementaire a entendu rendre moins avantageuse la situation d'activité réduite afin d'inciter les salariés et les demandeurs d'emploi à privilégier les emplois stables. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les effets indirects de la baisse du montant du salaire journalier de référence sur le montant de l'allocation versée aux demandeurs d'emploi au parcours d'emploi fractionné en cas de reprise d'une activité réduite, par l'effet combiné de la baisse de l'allocation journalière et de celle du plafond de cumul, selon la répartition des périodes d'inactivités durant la période de référence et selon les dates de début et de fin, au cours du mois civil, de l'activité réduite, seraient manifestement disproportionnés et que les dispositions contestées méconnaîtraient le principe d'égalité, n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de celles-ci.
27. En cinquième lieu, si la baisse du salaire journalier de référence pour les allocataires ayant eu un parcours d'emploi fractionné a pour effet d'allonger le différé d'indemnisation des congés payés, dans la limite de trente jours, de réduire les droits à retraite et de rendre plus difficile l'exercice du droit d'option qui permet à un allocataire de demander l'ouverture d'un nouveau droit à l'allocation de retour à l'emploi, revu à la hausse, alors même que ses droits précédents ne sont pas épuisés, le pouvoir réglementaire fait valoir que ces effets indirects visent à rendre moins favorable l'indemnisation d'assurance chômage en cas de parcours d'emploi fractionné. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité à raison des effets indirects de la nouvelle formule de calcul du salaire journalier de référence n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité des dispositions contestées.
28. En sixième lieu, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, dans son mémoire produit après l'audience de référé, fait valoir, après avoir indiqué que les guides interprètes et conférenciers, qui relèvent du règlement général de l'assurance chômage depuis la convention du 14 mai 2014, travaillaient, pour près de 90 % d'entre eux, moins de 60 % du temps en 2019, qu'en leur appliquant les règles de droit commun relatives au salaire journalier de référence, le pouvoir réglementaire a entendu inciter ces salariés dont 52 % ont un diplôme niveau master ou doctorat et 45 % un diplôme de niveau licence ou équivalent, à développer des activités rémunérées durant les périodes entre deux contrats afin d'augmenter leur durée de travail annuelle et éviter ainsi leur prise en charge, pour une part trop significative, par le régime d'assurance chômage. En l'absence d'éléments suffisamment étayés permettant de considérer que ces salariés devraient, à raison des particularités de leur activité, bénéficier d'un statut dérogatoire, le moyen tiré de ce qu'en ne prévoyant pas de dispositions spécifiques à leur égard, le décret contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.
29. En septième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 5421-1, L. 5422-2 et L. 5422-3 du code du travail et de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que ceux tirés de l'atteinte à l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité et de l'existence d'une discrimination indirecte envers les femmes ne sont pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité des dispositions du décret contesté relatives à la détermination du salaire journalier de référence.
30. En huitième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, le contexte économique et la situation dégradée du marché de l'emploi a conduit le pouvoir réglementaire à introduire dans le décret du 30 mars 2021, une clause de retour à meilleure fortune à laquelle est subordonnée l'entrée en vigueur des dispositions issues du décret du 26 juillet 2019 relatives à la condition minimale d'affiliation ainsi que celles relatives à la dégressivité de l'allocation de retour à l'emploi. C'est également la situation économique qui a justifié le report, au 1er septembre 2022, de la modulation de la contribution des employeurs et l'exclusion transitoire du dispositif, des 78 secteurs d'activité les plus touchés par la crise. A cet égard, il résultait de l'évaluation réalisée en février 2021 sur la situation financière de l'assurance chômage pour 2021-2022, que l'Unédic prévoyait à la fin de l'année 2021, la destruction de 230 000 emplois salariés ainsi qu'une augmentation de 70 000 nouveaux chômeurs indemnisés.
31. La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion fait valoir que la nette reprise de l'activité économique depuis la mi-mai 2021 permet d'augurer un retour très rapide à la situation de l'emploi qui prévalait à la fin de l'année 2019, marquée par de fortes pénuries de main d'oeuvre en dépit d'un taux de chômage important. Cette amélioration est également constatée par l'Unedic, dans son évaluation financière du 17 juin 2021, qui prévoit désormais la création de 126 000 emplois et une diminution du nombre de chômeurs indemnisés de 154 000 à la fin de l'année 2021. Toutefois, l'Unédic relève que sur la seconde partie de cette année, devrait être constatée une hausse de la population active compte tenu du retour sur le marché du travail de personnes qui s'en étaient, du fait de la crise, retirées temporairement ou qui avaient retardé leur entrée dans la vie active. Le taux de chômage devrait ainsi s'établir, selon l'étude, à 9,1 % à la fin de l'année 2021. Par ailleurs, il résulte de l'avis relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour 2021 émis par le Haut Conseil des finances publiques le 31 mai 2021, que si la croissance pouvait, de manière réaliste, être estimée à + 5 % pour l'année 2021 et que l'acquis de croissance de l'emploi salarié du secteur privé à l'issue du 1er trimestre 2021 s'établissait à + 0,9 %, des incertitudes importantes subsistaient à raison de l'aléa principal tenant à l'évolution de la crise sanitaire, des risques de liquidité et de solvabilité notamment dans les secteurs les plus touchés par la crise et dans les entreprises déjà fragilisées avant celle-ci ainsi que du risque d'une accélération de la remontée des taux d'intérêt à long terme. En outre, il résulte de l'étude relative à l'usage des contrats courts réalisée en mai 2021 par la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, que les secteurs d'activité particulièrement affectés par les restrictions sanitaires, comme le commerce et la restauration-hôtellerie, dont la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion indique qu'ils connaissent un redémarrage vigoureux depuis quelques semaines s'accompagnant de besoins de recrutement importants, sont ceux qui recourent dans une large mesure aux contrats courts. Cette même étude souligne également que l'alternance de périodes d'activité et de périodes d'inactivité est le plus souvent une situation subie par les salariés, qui sont rarement en capacité de négocier leurs conditions de recrutement et que, s'agissant des employeurs, le recours aux contrats courts constitue le plus souvent un outil de flexibilité permettant de répondre à un besoin temporaire de main d'oeuvre que les salariés permanents ne peuvent pas satisfaire. Or, ainsi qu'il a été dit au point 30, la modulation de la contribution des employeurs qui vise à modérer le recours aux contrats courts ne deviendra effective qu'au 1er septembre 2022 et seulement jusqu'au 31 octobre 2022, soit le terme de l'application du règlement d'assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019, ce qui atténue dans une large mesure le caractère supposément incitatif de la période d'observation qui débute le 1er juillet 2021.
32. Dans ce contexte et dès lors que la modification du mode de calcul du salaire journalier de référence ainsi que ses conséquences, tant directes sur le montant de l'allocation journalière versée aux allocataires au parcours d'emploi fractionné, qu'indirectes sur le montant de l'allocation versée en cas de reprise d'une activité réduite notamment, sont justifiées par l'objectif consistant à inciter les salariés et les demandeurs d'emploi à privilégier les emplois durables en rendant moins favorable l'indemnisation d'assurance chômage, il ne résulte pas de l'instruction d'éléments suffisants permettant de considérer que les conditions du marché du travail sont à ce jour réunies pour atteindre l'objectif d'intérêt général poursuivi. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en fixant dès le 1er juillet 2021 la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives à la détermination du salaire journalier de référence, qui affectent, ainsi qu'il a été dit, de manière significative les demandeurs d'emploi au parcours d'emploi fractionné, le décret serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur sa légalité.
33. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à demander la suspension de l'exécution du décret du 30 mars 2021 en tant seulement qu'il fixe dès le 1er juillet 2021 la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives à la détermination du salaire journalier de référence, l'urgence n'étant pas sérieusement contestée sur ce point.
Sur le champ de la suspension :
34. En premier lieu, les dispositions de l'article 13 du règlement d'assurance chômage, dans sa rédaction issue du décret du 30 mars 2021 modifié par le décret du 8 juin 2021, relatives au salaire journalier de référence ne sont pas divisibles de celles des onze premiers alinéas du paragraphe 1er et du paragraphe 2 de l'article 9, relatives à la durée d'indemnisation, de celles du paragraphe 1er de l'article 11 et des paragraphes 1er, 3 à 4 de l'article 12, relatives au salaire de référence, de celles des articles 21 et 23, relatives aux différés d'indemnisation, de celles du paragraphe 7 de l'article 65, relatives à la coordination entre régimes ainsi que des dispositions correspondantes figurant dans les annexes à ce même règlement, dont l'exécution doit également être suspendue.
35. En second lieu, l'exécution de l'article 1er du décret du 30 mars 2021 fixant dès le 1er juillet 2021 la date d'entrée en vigueur des dispositions citées au point 34 doit être suspendue.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
36. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement, pour chacune des requêtes, de la somme de 1 500 euros, à répartir le cas échéant entre les requérants, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de l'association Solidarités nouvelles face au chômage est admise.
Article 2 : L'exécution des dispositions des onze premiers alinéas du paragraphe 1er et du paragraphe 2 de l'article 9, du paragraphe 1er de l'article 11, des paragraphes 1er, 3 à 4 de l'article 12, de l'article 13, des articles 21 et 23, du paragraphe 7 de l'article 65 du règlement d'assurance chômage ainsi que les dispositions correspondantes figurant dans les annexes à ce même règlement dans sa rédaction résultant du décret du 30 mars 2021 modifié par le décret du 8 juin 2021, ainsi que celles de l'article 1er du décret du 30 mars 2021 en tant qu'il fixe dès le 1er juillet 2021 l'entrée en vigueur des dispositions mentionnées, est suspendue.
Article 3 : L'Etat versera, pour chacune des requêtes, la somme de 1 500 euros, à répartir le cas échéant entre les requérants, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des requêtes est rejeté.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, à l'Union nationale des syndicats autonomes, à la Confédération générale du travail, première requérante dénommée dans le n° 452839, à la Confédération française démocratique du travail, à la Fédération nationale des guides interprètes et conférenciers, premier requérant dénommé dans le n° 452865, à la Confédération générale du travail Force Ouvrière et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Copie en sera adressée à l'association Solidarités nouvelles face au chômage.