Conseil d'État
N° 430364
ECLI:FR:CECHR:2021:430364.20210402
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Lionel Ferreira, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL, avocats
Lecture du vendredi 2 avril 2021
Vu la procédure suivante :
La société Claas France a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, d'une part, des suppléments de cotisation minimale de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009, et d'autre part, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011. Par un jugement nos 1501445, 1501447 du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 16VE02117 du 5 mars 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 3 mai et 29 juillet 2019 ainsi que le 15 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Claas France demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la société Claas France ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Claas France commercialise du matériel agricole grâce à un réseau de concessionnaires et peut décider, à titre commercial, de prendre en charge une partie des intérêts des prêts souscrits par ses clients auprès d'une autre société du groupe, la société Claas Financial Services. Les intérêts facturés par cette société à la société Claas France sont comptabilisés comme des charges financières. Estimant que cette prise en charge partielle des intérêts s'analysait comme une remise commerciale, la société Claas France a déduit la dépense correspondante de son chiffre d'affaires pour la détermination de la valeur ajoutée soumise à la cotisation minimale de taxe professionnelle pour 2009 et à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour 2010 et 2011. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur ces trois années, l'administration fiscale a réintégré cette dépense dans la valeur ajoutée précitée et notifié les rehaussements correspondants. Par un jugement du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Claas France tendant à la décharge de ces suppléments d'impôts. La société demande l'annulation de l'arrêt du 5 mars 2019 de la cour administrative de Versailles qui a rejeté l'appel formé contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article 1647 E du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2009 : " I.- La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies (...) ". Aux termes du II de l'article 1647 B sexies du même code dans sa rédaction applicable à cette même année : " 1. La valeur ajoutée (...) est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I. / 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / D'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes (...) / Et, d'autre part, les achats de matières et marchandises (...) ; les réductions sur ventes'; (...) ". Aux termes du II de l'article 1586 ter du même code, dans sa rédaction applicable aux années 2010 et 2011 : " 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies (...) ". Aux termes de l'article 1586 sexies de ce code dans sa rédaction applicable à ces mêmes années : " I. - Pour la généralité des entreprises (...) : / 1. Le chiffre d'affaires est égal à la somme : /- des ventes de produits fabriqués, prestations de services et marchandises ; / (...) 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires (...) / b) Et, d'autre part : /- les achats (...) ; /- diminués des rabais, remises et ristournes obtenus sur achats (...) ". Les dispositions des articles 1647 B sexies et 1586 sexies du code général des impôts fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base respectivement à la cotisation minimale de taxe professionnelle et à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause.
3. Pour l'application des dispositions des articles 1647 B sexies et 1586 sexies du code général des impôts cités au point 2 ci-dessus, les réductions sur ventes et les rabais, remises et ristournes, interprétés à la lumière des comptes 609 et 709 " rabais, remises, ristournes " du plan comptable général, s'entendent des avantages tarifaires consentis par les entreprises en vue de faciliter les ventes.
4. La prise en charge, par une entreprise, des intérêts liés à un crédit contracté par ses clients pour l'achat de ses produits, qui a pour effet de diminuer le coût effectif pour les clients de leurs achats, constitue un avantage tarifaire consenti à leur profit en vue de faciliter les ventes. Par suite, en l'absence de norme comptable obligatoire, alors même qu'une telle dépense serait comptabilisée comme une charge financière et non comme une réduction sur vente, les sommes correspondantes doivent être déduites de la valeur ajoutée pour l'application des articles 1647 B sexies et 1586 sexies du code général des impôts. En jugeant le contraire aux motifs, d'une part, que la prise en charge des intérêts était sans effet sur le prix de vente et ne constituait pas une remise commerciale, et que, d'autre part, la société Claas France avait comptabilisé la dépense correspondante comme une charge financière, la cour a commis une erreur de droit. Dès lors, la société Claas France est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que la dépense correspondant à la prise en charge, par la société Claas France, des intérêts des prêts consentis aux acheteurs des matériels agricoles qu'elle commercialise, doit être déduite de la valeur ajoutée pour l'application des articles 1647 B sexies et 1586 sexies du code général des impôts. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, la société Claas France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à la décharge des suppléments de cotisation minimale de taxe professionnelle, de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009 à 2011.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'ensemble de la procédure, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 5 mars 2019 de la cour administrative de Versailles et le jugement du 4 mai 2016 du tribunal administratif de Montreuil sont annulés.
Article 2 : La société Claas France est déchargée du supplément de cotisation minimale de taxe professionnelle auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2009 et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.
Article 4 : L'Etat versera à la société Claas France la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Claas France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
N° 430364
ECLI:FR:CECHR:2021:430364.20210402
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Lionel Ferreira, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL, avocats
Lecture du vendredi 2 avril 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Claas France a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, d'une part, des suppléments de cotisation minimale de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009, et d'autre part, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011. Par un jugement nos 1501445, 1501447 du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 16VE02117 du 5 mars 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 3 mai et 29 juillet 2019 ainsi que le 15 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Claas France demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la société Claas France ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Claas France commercialise du matériel agricole grâce à un réseau de concessionnaires et peut décider, à titre commercial, de prendre en charge une partie des intérêts des prêts souscrits par ses clients auprès d'une autre société du groupe, la société Claas Financial Services. Les intérêts facturés par cette société à la société Claas France sont comptabilisés comme des charges financières. Estimant que cette prise en charge partielle des intérêts s'analysait comme une remise commerciale, la société Claas France a déduit la dépense correspondante de son chiffre d'affaires pour la détermination de la valeur ajoutée soumise à la cotisation minimale de taxe professionnelle pour 2009 et à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour 2010 et 2011. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur ces trois années, l'administration fiscale a réintégré cette dépense dans la valeur ajoutée précitée et notifié les rehaussements correspondants. Par un jugement du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Claas France tendant à la décharge de ces suppléments d'impôts. La société demande l'annulation de l'arrêt du 5 mars 2019 de la cour administrative de Versailles qui a rejeté l'appel formé contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article 1647 E du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2009 : " I.- La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies (...) ". Aux termes du II de l'article 1647 B sexies du même code dans sa rédaction applicable à cette même année : " 1. La valeur ajoutée (...) est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I. / 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / D'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes (...) / Et, d'autre part, les achats de matières et marchandises (...) ; les réductions sur ventes'; (...) ". Aux termes du II de l'article 1586 ter du même code, dans sa rédaction applicable aux années 2010 et 2011 : " 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies (...) ". Aux termes de l'article 1586 sexies de ce code dans sa rédaction applicable à ces mêmes années : " I. - Pour la généralité des entreprises (...) : / 1. Le chiffre d'affaires est égal à la somme : /- des ventes de produits fabriqués, prestations de services et marchandises ; / (...) 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires (...) / b) Et, d'autre part : /- les achats (...) ; /- diminués des rabais, remises et ristournes obtenus sur achats (...) ". Les dispositions des articles 1647 B sexies et 1586 sexies du code général des impôts fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base respectivement à la cotisation minimale de taxe professionnelle et à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause.
3. Pour l'application des dispositions des articles 1647 B sexies et 1586 sexies du code général des impôts cités au point 2 ci-dessus, les réductions sur ventes et les rabais, remises et ristournes, interprétés à la lumière des comptes 609 et 709 " rabais, remises, ristournes " du plan comptable général, s'entendent des avantages tarifaires consentis par les entreprises en vue de faciliter les ventes.
4. La prise en charge, par une entreprise, des intérêts liés à un crédit contracté par ses clients pour l'achat de ses produits, qui a pour effet de diminuer le coût effectif pour les clients de leurs achats, constitue un avantage tarifaire consenti à leur profit en vue de faciliter les ventes. Par suite, en l'absence de norme comptable obligatoire, alors même qu'une telle dépense serait comptabilisée comme une charge financière et non comme une réduction sur vente, les sommes correspondantes doivent être déduites de la valeur ajoutée pour l'application des articles 1647 B sexies et 1586 sexies du code général des impôts. En jugeant le contraire aux motifs, d'une part, que la prise en charge des intérêts était sans effet sur le prix de vente et ne constituait pas une remise commerciale, et que, d'autre part, la société Claas France avait comptabilisé la dépense correspondante comme une charge financière, la cour a commis une erreur de droit. Dès lors, la société Claas France est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que la dépense correspondant à la prise en charge, par la société Claas France, des intérêts des prêts consentis aux acheteurs des matériels agricoles qu'elle commercialise, doit être déduite de la valeur ajoutée pour l'application des articles 1647 B sexies et 1586 sexies du code général des impôts. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, la société Claas France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à la décharge des suppléments de cotisation minimale de taxe professionnelle, de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009 à 2011.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'ensemble de la procédure, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 5 mars 2019 de la cour administrative de Versailles et le jugement du 4 mai 2016 du tribunal administratif de Montreuil sont annulés.
Article 2 : La société Claas France est déchargée du supplément de cotisation minimale de taxe professionnelle auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2009 et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.
Article 4 : L'Etat versera à la société Claas France la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Claas France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.